C'est entendu.
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mardi 7 août 2018

Page blanche tachée # 1


auteurs : Elie "le grand" Bloop
art par (partie artistique du truc) : Joann Sfurs (Handsome Sfar)



"Variet'ouch, culture française dans le zouk, quid des beattlles ?" ou Pourquoi :-S



Causons variet'ouch, la frenche varietouch'



Gosse de star, mythe ou réalité ? Thomas Dutronc, Henri Laurent Voulzy, Jean Thomas Alain Souchon, ils sont tous des stars actuelles de la microsphère de la musique française, et ils portent le même nom que leur papa, Jacques Dutronc (curieux nom !!!), Laurent Voulzy et Alain Souchon, appelés les Soulgy, eux-mêmes parents de Thomas James Dutronc, sosie officiel de Michel Boujéna. Cet article a des chances de ne pas paraître. Il ne s'inscrit pas dans la "ligne éditoriale" de l'été. Or ce blog n'est pas un blog empirique bicéphale. Adamo Chouchon s'est tiré Laurent Tirard Voulgy. C'est le coeur de ce papier, le scoop du blog. Mes chansons préférées de Chouchon, on en a tous, au moins trois, c'est "Maman la chetron que tu m'as fait", "Parole, parole" et "9 Fabregras". Je suis sûr que Souch' a Barique Obama dans ses potes blackbook. En tout cas si Jack Black vous a enseigné l'histoire du rock dans un film de Klapisch (Chacun cherche son chat academy), je vais ici vous enseigner la variet. La variet c'est quoi ? C'est une QUESTION qu'on s'est tous putain de posé. Plutôt péjoratif d'emblée, ce terme apparu en l'an mil avant Jésus-Christ pour mieux désigner les saloperies que les troubadours et les oiseaux de mauvais augure déblatéraient sur le forum public. La Respublic : la chose publique, chose forcément variée puisque toute la population était amener à dégueuler ses tripes sur le forum dans un gloubi-boulga infâme. De nos jours, la variété désigne ce type de musique qui nous accompagnent pendant les courses. A ce propos : si vous pouviez choisir UNE denrée que vous pourriez avoir gratos et en quantité illimitée jusqu'à la fin de votre vie, ça serait quoi ? Moi le yop, l'autre PQ, l'autre les trous de balles des meufs.


Le gars a pas bougé de tronche depuis 50 ans. Pas une ride. A sa naissance par contre : 30 000 000 000 de rides au compteur.

En 1986, Alain Clébard explosait la baraque avec "Jenny boit du gin dans son chrysler / Oups là oups, oups holala oups là houps / Jenny s'envoie sa bouteille de gin dans sa bagnole / Oups choubadou da oups chouda boudi ! / Jenny s'envoie de la gnole derrière la cravate dans... sa bagnole / Oups ouhla oups là ou-lalala-la ! / Jenny se torche la tronche dans sa bagnole / advitam" : avec ces paroles en or, Alain Clébard réinventait un genre : la variétoche de merde, celle qui passe par une oreille, te grille la tronche à jamais, et ressort par l'autre. "C'est des paroles de malades que tu tiens là ! Un tube en or massif ! T'as un disque de platine dans ta besace de merde sans que tu le saches !" se serait écrié Lolo Voulzard à l'écoute de la petite chansonette poussée par son pote lezbdo. "Ok j'enchaîne !" aurait répondu Clébard. Puis Clébard a enchaîné avec "Bobo mal au bobo", qui a également fait un gros carton...


Denis Barthez-Bellivien dit "Denis Souchon". La main toujours dans le froc, control freak de sa queue. Bob Sinclar en est le père caché mais biologique.

Comme Voulzon, je suis un enfant du rock, sauf qu'aujourd'hui le genre a pris un essor nouveau. Je ne m'habille plus qu'en tweed, en jeff tweedy. C'est l'étape après la variété. La variété française on la brocarde souvent comme quoi c'est de la merde et que quand on écoutait Cloclo de l'autre côté du rhin ils avaient les Beatles. Mais les Beatles c'est ni plus ni moins qu'un clone des Zombies, eux même fans-reconnu, du môme, a.k.a Charlie Aznavore, parole de spécialiste de la musique, qui a lu toutes les critiques de Gangsta Bangs. (Ici je dis entre parenthèses que je fais partie de ceux qui n'iront pas voir Super 8 au cinéma, et j'en suis fier, tout comme je suis fier de n'avoir pas vu Titanic même si ça me fout dans la merde à certains repas).



Or, qui de plus représentatif de la France que Charlot, inventeur du cinéma, et aussi grand chanteur, auteur de tubes tels que la balade des gens heureux, Paris je t'aime, et "Nul doute que mon chat est un loup", resté dans l'oubli-la faute à la grande guerre. Oui, cette page blanche, maintenant bien depucelée, est ici pour vous dire que, la France est plus qu'une enfant du rock : La France est le parent (pauvre, certes) de LA musique actuelle.


Auriez-vous aimé les Beatles s'ils s'étaient appelés les Waikashul Chakouli's et s'ils avaient eu les mêmes tronches de cake ? De gauche à droite et de haut en bas : Shangri-las, Barbak, Jet Lee, Mack Gillen-Hall.

On a tous aimé les Beatles, sauf moi. Les Beatles c'est des couples au bol, des guitares blanches, des paroles de sous-sol, des mélodies qui sentent le trottoir, trois accords et des têtes de noeuds. Les mêmes Beatles avec, les mêmes ! J'y tiens, les mêmes trait pour trait, costume pour costard, chanson pour lyrics, mais juste avec un détail en plus, la courte moustache d'Hitler, celle qui s'arrête au niveau des arrêtes nasales, la stachmou d'Hitler sur les quatre beatles, et ma parole que ça marche moins bien leur affaire. Je doute que ça aurait aussi bien pris. A talent égal je suis pas sûr sûr qu'on en aurait parlé de la même façon. Méditons=là dessus. Alors qu'à contrario Jean Ferrat ou Georges Brasseurs sans leurs moustaches, c'est pas pareil, on n'écoute plus, parce que c'est dans la moustache que tient toute leur fraîcheur de ces vieillards morts en tant que tels.


(laisse pisser Lolo ----->)


Quand on me demande qui a marqué le zouk du dernier siècle (1901-2000), mon sang ne fait qu'un tour, je l'avoue, et je réponds, un peu honteux de moi, mais avec la certitude de dire la vérité : Das Beatles. Les Beattles. Ils sont influencé du monde...




La Dream Team des Hackers

dimanche 20 décembre 2015

la pornographie infantile

Vous savez la pornographie infantile moi ça me gène pas tant. Un enfant qui montre sa teuch ou sa teub c'est lui qui décide. Il est grand il sait ce qu'il fait. Après si des mecs comme moi se touchent dessus ... ça c'est indépendant de la volonté de chacun. C'est la société qui nous parle aux travers de ces faits à priori scabreux, malsains et pourtant, tellement révélateur!

OH ! C'est quoi ce corps caverneux ?


La pornographie infantile, c'est comme Muse. C'est facile, pas délicat, vulgaire et pourtant tout le monde l'aime. Bien sûr c'est déroutant, comme laissez un enfant jouer avec un sexe plus gros que sa tête ? Et bien je vous le demande : "comment laisse-t-on Matthew Bellamy jouer avec sa guitare?" Ca fait autant de tord à nos enfants.

C'est décousu, mais c'est entendu !


Murray.

dimanche 5 février 2012

Vidéodimanche #66



par Joe Gonzalez
art par Jarvis Glasses





Drake - Practice

Le clip de la semaine, c'est ce plan fixe hypnotique d'une fille que le bon Dieu et Macdo ont doté d'un cul monumental et qui l'agite devant un miroir en regardant la caméra que tient Drake. Aaaaaaawkward et pourtant, difficile de décrocher.







Madonna (ft. M.I.A. et Nicki Minaj) - Give Me All Your Luvin'



M.I.A. - Bad Girls

Madonna revient avec un nouvel album, une nouvelle gueule, de nouveaux cheveux et, croit-elle sans doute, une nouvelle jeunesse puisqu'on dirait presque qu'elle est plus jeune que ses deux acolytes (qui sont là avant tout pour l'adoubement offert par la Reine en échange de la hype qu'elles trimballent). La chanson n'est pas si mal, m'enfin... Oh puis, allez, si elle a aussi peur que ça de vieillir, qu'elle fasse sa vie. J'imagine l'ambiance à la maison avec Lourdes (qui doit faire quinze ans de plus que sa mère) et je pense "alerte au dysfonctionnel!"

De son côté M.I.A. continue de bosser avec Romain Gavras mais cette fois, rien de très choquant, à moins bien sûr de s'offusquer de voir des "musulmanes" (ce sont des actrices) jouer avec des fusils mitrailleurs et proclamer leur "mauvaise" féminité. En cherchant moins à choquer qu'à vendre M.I.A. en popstar impliquée (les femmes, la religion, le Moyen-Orient, trois thèmes forts !), Gavras fait son job mieux que lorsqu'il zigouillait des rouquins.







Die Antwoord - I Fink U Freeky

Vous avez loupé l'expo Diane Arbus et vous l'avez mauvaise ? Pas de soucis, voici le remède. Comme je vous l'annonçais la semaine dernière, Die Antwoord a le chic pour faire du medium vidéo leur terrain de jeu favori. Cette fois-ci on a droit à un pénisserpent, un casque "BEATS" écrabouillé et des freaks, des tonnes de freaks. Un régal. Et le morceau est bien. Si si.







Shabazz Palaces - Are You... Can You... Were You ? (Felt)

Comme leur hip hop, les vidéos de Shabazz Palaces ont pour elle d'être très travaillées et d'exclure l'impression d'entendre ou de voir quelque chose pour la soixante millième fois. En plus, on a l'occasion de voir Butterfly sortir d'une voiture et tout hétéro que je sois, j'ai succombé à une bromance secrète avec ce mec-là. Le temps de vous parler de "Black Up" viendra. Bientôt.







M. Ward - The First Time I Ran Away

Avec un nouvel album prévu pour avril, Ward va peut-être enfin stopper son idylle artistique gnan-gnan avec Zooey Deschanel et se remettre à écrire de vraies bonnes chansons. Voici un extrait un peu mou du genou animé comme qui va bien.







The Darkness - Nothing's Gonna Stop Us

Si comme moi vous pensiez que ses enfants de Queen étaient morts après leur éphémère succès de phénomène en 2003, détrompez-vous. Un album semble-t-il raté en 2005 et un retour en 2012 et voilà-t-y-pas qu'on va encaisser à nouveau les vocalises premier degré et les soli même pas chiqués. Sauf que le clip est marrant et la chanson pas trop horripilante, ouais, OK.







Coldplay - Charlie Brown

Pourquoi ici ? Parce que c'est drôle ! Ces couleurs fluo un peu partout et les musiciens qui s'extasient de leur pop de stade non pas dans un stade justement mais dans une boite, avec en plus l'apparition de la fille qui jouait Alisha dans la série TV anglaise Misfits, et voilà comment on racole le jeune public, merci, bonsoir.







Liturgy - True Will

Bienvenue en Amérique !







Eleanor Friedbeger - Heaven

Une très chouette petite scénette indé pour nous rappeler que non, l'innocence pour trentenaires bobos telle qu'elle a pu prospérer pendant les années 00 n'est pas morte ! Je dis ça mais vous savez que je l'aime bien, Eleanor.








Björk était de passage chez Stephen Colbert où elle a interprété Cosmogony habillée en Tina Turner et munie de son gilet de sauvetage (on ne sait jamais !). Colbert l'a ensuite interviewée avec des questions idiotes, histoire de démystifier tout le bazar.







Bonnie "Prince" Billy continue son bonhomme de chemin sur les sentiers de la folk américaine, et si l'on s'est désintéressé de ses aventures depuis oh au moins quatre ans, l'écouter pousser la chansonnette de temps à autres ne fait pas de mal. Le voici dans un taxi noir avec son Black Captain.







Si vous n'avez pas pris une dose suffisante de japonaises faiseuses de bruit avec Nisennenmondai, voici OOIOO, que nos confrères de The Drone ont interviewées bien comme il faut !







Et puisqu'on parle de The Drone, remercions-les de nous avoir mis sur la piste de "Press Pause Play", un documentaire faisant intervenir acteurs de l'industrie musicale, musiciens (Moby...), théoriciens (Bill Drummond, de the KLF !) et journalistes musicaux autour d'un thème fort intéressant de l'ambigüité des peurs et des espoirs suscités au sein du milieu musical par Internet et la prolifération de l'offre, la rapidité et la facilité d'accès au contenu.
Vous pouvez regarder le documentaire ci-dessus dans son intégralité ou le télécharger sur le site officiel.







Et pour les vrais passionnés, les durs à cuire, anglophones et patients, voici une vidéo tirée du festival Off the Page, qui réunit chaque année, sous la bienveillance du magazine anglais The Wire, des théoriciens musicaux et des journalistes pour des conférences. Ici, on voit Kodwo Eshun, qui écrit pour The Wire, disserter autour d'articles consacrés à la musique.

vendredi 3 février 2012

[Réveille-Matin] Elliott Smith - King's Crossing

Certains pleurent devant la beauté, d'autres devant la laideur, pour certains ce sont les chansons d'amour ou de cœurs brisés, pour d'autres des histoires de grandeur ou simplement le son et rien que le son mais, in fine, peu importe, du moment que la musique nous émeut encore suffisamment pour nous titiller les glandes lacrymales. Je ne me considère pas du tout audiophile (vous savez ces gens qui peuvent entendre la différence entre un amplificateur Phillips à 300€ et un Yamaha à 679€), je ne suis pas un amateur de qualité sonore, je suis un ami du Son. Pourtant, je remarque chaque jour à quel point notre façon d'écouter la musique change et de quelle façon nous privilégions la quantité de sons reçus à la qualité de l'écoute. J'écoute moi-même beaucoup de musique dans les transports en commun, dans la rue, pendant que je surfe sur le net ou que je rencontre des amis, sur un matériel souvent techniquement limité, entouré par du bruit parasite et déconcentré par l'activité. Je me suis posé la question : est-ce un mal ? En écoutant énormément de musique, toujours plus, je satisfais mes propres pulsions maniaques, certes, je défriche l'univers en perpétuelle expansion des sons et chansons enregistrés par l'être humain et c'est là l'un des propos de mon existence, certes, alors tant mieux d'une certaine façon. Mais ne suis-je pas perdant au bout du compte ? Ne reçois-je que de l'information propre à être stockée, critiquée et théorisée ? Où est le sentiment, le réel plaisir de l'écoute, l'amour véritable de l'art musical dans cette frénésie ? La réponse est simple : tant qu'il existera des chansons ou des compositions qui parviendront à me faire pleurer, la question ne se posera pas. Voici une preuve de mes dires.




Cette chanson d'Elliott Smith (sur l'album paru en 2003 après sa mort, "From a Basement on a Hill") est la synthèse de ce qui me fait défaillir dans son écriture. A coups de phrases choc ("I can't prepare for Death any more than I already have", "Dominoes falling in a chain reaction"...), il raconte une histoire proche de la sienne car sans doute proche de la caricature du californien entre deux âges dont la midlife crisis le confine à la folie. Entre allusions étrangement prémonitoires ("Because I took my own insides out", "Ain't life great? / Give me one good reason not to do it") - pour rappel, Smith a été retrouvé mort chez lui, un couteau dans le ventre - et appels à l'aide à peine déguisés d'un garçon profondément mélancolique ("Frustrated fireworks inside your head / Are going to stand and deliver talk instead"), on a l'impression de suivre le torrent de pensées acerbes d'un homme sur le point de sombrer dans la dépression nerveuse. Smith habille ses mots avec une sorte de pop poignante, très rentre-dedans, sans en faire des caisses, avec surtout cette batterie très simple qui accompagne les mots tandis que des chœurs lointains font grimper les enjeux. Sa guitare et son piano, d'habitude si présents, ne sont ici que des fantômes mélodiques et lorsque surviennent les derniers mots, il y a de quoi rester dubitatif quant à leur sens :
"This is the place where time reverses
Dead men talk to all the pretty nurses
Instruments shine on a silver tray
Don't let me get carried away
Don't let me get carried away
Don't let me be carried away"

Si je m'identifie profondément à ce personnage, sans pour autant je vous rassure ressentir la même détresse que lui, ça n'est pas seulement parce que la chanson est bien écrite ou parce qu'elle m'évoque des sentiments très personnels, mais surtout parce que l'interprétation de Smith est remarquable par son authenticité. Après tout, si Brel provoquait autant d'émotions chez son public (et chez nous), c'est parce qu'il vivait ses textes. Les larmes me viennent régulièrement à l'écoute de cette chanson, et je n'ai pas besoin pour ça de l'écouter avec attention, mais bien sûr, ça peut aider.


Joe Gonzalez

jeudi 2 février 2012

[Vise un peu] Lou Reed & Metallica - Lulu

Allons droit au but : "Lulu" n'est pas une belle collection de chansons, ça n'est pas un bon album, ce n'est pas de la musique respectable. Pour autant, "Lulu" n'est pas non plus le pire album de l'année 2011, de la décennie, ou de tous les Temps, comme certains se sont plu à le clamer à qui voulait l'entendre (et adhérer, parce que c'est toujours amusant de taper sur la même jument malade). "Lulu" est un projet ambitieux et excitant qui a abouti à un album raté. Ni plus, ni moins.

L'idée consistant à rassembler un papy du rock dépourvu d'organe et des papys du metal dépourvus d'inspiration pour adapter sur disque un opéra d'Alban Berg lui-même inspiré par une pièce de Frank Wedekind, cette idée-là était intéressante sur le papier, parce que l'on ne pouvait s'empêcher d'anticiper le résultat, mais une grande part de l'excitation qui avait emballé le web à l'annonce du projet résultait justement dans l'expectative d'un échec annoncé. Or donc, comment ne pas se sentir gêné pour l'ensemble des participants de ce massacre lorsque résonnent les rugissements sans aucune originalité de Tallica et que la voix de Lou (ou ce qu'il en reste) s'évertue à... lire des textes, sans intensité ni interprétation...


(Iced Honey, jouée à la télévision américaine)

Qui plus est, l'échec ne tient pas à l'idée de départ, plutôt couillue, de faire cohabiter cette histoire de déchéance (très proche d'ailleurs de celle qui sous-tendait le "Berlin" de Lou, en 1973) avec du spoken word et une double pédale frénétique. Même en 2011, le spoken word est un exercice non dénué d'attrait, pas forcément si casse-gueule que ça (à moins que l'on ne tende vers le slam bien sûr) et auquel de nombreux musiciens se sont essayés avec succès, de Steve Dalachinsky à Laurie Anderson (la femme de Lou, qui intervient sur le dernier album de Colin Stetson) en passant par Matana Roberts. La difficulté du spoken word arrive lorsqu'il est rendu obligatoire par la mort des cordes vocales et du mojo de son praticien. Lou s'est mis à parler plutôt que de chanter très tôt dans sa carrière, mais à l'époque c'était une posture, ça collait à son personnage, c'était cool et de rigueur et surtout il pouvait se remettre à chanter si l'envie le prenait. Aujourd'hui, le vieil homme qu'il est ne semble pas avoir le choix et lorsqu'il force le chant (Iced Honey), nos gorges souffrent au diapason de la sienne tandis qu'il demande à sa voix l'impossible et se perd dans une fausse énergie et de fausses notes. Sans conviction et sans une interprétation séduisante, le spoken word est le chemin le plus facile vers la voie de garage.

De la même façon, on sait fort bien que le metal est loin d'être mort à l'heure qu'il est. C'est sans doute l'un des arbres musicaux qui produit encore le plus de fruits et dont la récolte n'est pas sans rapporter de beaux petits pécules à ses acteurs. Le style de Tallica, le groupe tel qu'il était dans les années 80 sur disque et durant les années 90 sur scène, en tout cas, a été reproduit et fermenté par d'innombrables descendants. Rien qu'en 2011, Vektor (pour ne citer qu'un groupe) a prouvé que le thrash metal était encore viable avec son album "Outer Isolation". Ça n'est pas une question de style, ni même de son (on avait reproché à Metallica le son de "St Anger") mais d'inspiration : les musiciens tournent en rond sur les trois quarts de la longueur de "Lulu". Certains morceaux, en plus d'être dépourvus de toute surprise, tournent désespérément en rond (The View, Branderburg Gate, Frustration). Les guitares peinent à dénicher le moindre riff (Kirk Hammett aurait-il oublié qu'il est là pour jouer autre chose que des power chords ?) et on a l'impression d'entendre jammer des métalleux de seconde zone qui n'auraient pour toute idée que celle de jouer de faire du bruit avec leurs amplis et l'idiote double pédale de leur batteur.


(The View)

Relativisons cependant car tout n'est pas à jeter. Parfois Lou Reed se révèle touchant et parvient à faire son boulot, surtout lorsque les décharges soniques se calment (Junior Dad). Parfois c'est Metallica qui se réveille et offre quelque chose de viable, hors de tout pilotage automatique (Cheat on Me, avec son synthé étrange), malgré les vains babillages de Lou. A deux occasions, on a même l'impression de ressentir une véritable dynamique de groupe. Avec Mistress Dead, Metallica oublie son nouveau chanteur et se lance dans une cavalcade thrash sans foi ni loi, à fond la caisse, et ça fait du bien... à Lou qui du coup, parle à côté de la plaque, semble ne même pas essayer de raccrocher au wagon métallique et survole la scène avec le coucou flingué qui lui sert de gorge. Little Dog est l'occasion pour LouTallica de délivrer quelque chose valable : guitares acoustiques et feedback en papier peint et un vieillard qui marmonne des insanités : on colle au concept.

L'album est cependant trop long, trop répétitif et trop inégal pour vraiment fonctionner. Surtout, James Hetfield n'aurait jamais dû chanter sur ce disque tant ses interventions confinent au ridicule. Estimons-nous heureux, en tout cas, puisque nous avons eu exactement ce que nous espérions, ce que nous demandions, par la grâce de ces cinq musiciens : un pathétique échec éclatant.










ATTENDEZ
Allons un peu plus loin avant d'en finir.




Je me demande sérieusement à quel point Lou et Metallica étaient sérieux en jetant leur projet aux lions. Les uns comme les autres souffrent depuis toujours d'égos surdimensionnés et de ce point de vue, il est probable qu'ils aient vraiment pensé que leur musique était bonne, que leur association avait une chance de produire un chef d’œuvre et que le public allait adorer. Mais comment ne pas s'attendre à l'échec ? Comment ne pas faire preuve d'un minimum (un gros minimum) d'auto-dérision en publiant un tel enregistrement ? Ce qui est finalement le plus intéressant avec "Lulu", ça n'est pas la musique mais l'attitude des musiciens qui l'ont enregistrée : comment en effet survivre à un projet surmédiatisé, à un supergroupe raté d'avance, à une cagade publique ? Les méthodes divergent mais pas tant que ça.


Lou Reed a connu tellement d'échecs retentissants tout au long de sa carrière, la plupart lui étant entièrement imputables, qu'il doit avoir l'habitude et lorsque "Lulu" a vu le jour, n'a convaincu (presque) personne et s'est même vu affublé du titre de "pire disque de tous les temps" par des internautes zélés, Lou a réagi comme il a l'habitude de réagir : en sur-dramatisant. On l'a ainsi entendu dire à qui voulait l'entendre (USA Today, notamment) que les fans de Metallica en avaient après lui et que lui, de toute façon, n'avait plus aucun fan depuis "Metal Machine Music" en 1975. Ça n'était peut-être pas vrai alors, mais après les claques successives de "Berlin" (considéré par Lou comme son premier véritable chef d’œuvre, largement snobbé par le public et la presse), "MMM" (du bruit), "Take Shelter" (un double album live où on l'entendait provoquer le public) et une majorité de ses albums pendant les années 80, Lou a appris à relativiser : même s'il lui reste des fans, il a prévu de faire tout ce qui est en son pouvoir pour les faire fuir. Depuis la sortie de "Lulu" le 27 septembre 2011, et après les quelques déclarations de Lou, de l'eau a coulé sous les ponts et qui peut croire que son prochain projet ne sera pas largement attendu par la sphère des amateurs de musique pour lesquels il est toujours "l'homme du Velvet" ? "Lulu" est le genre d'échec dont beaucoup ne se seraient pas relevé, mais Lou Reed n'est pas n'importe qui et à côté de "Metal Machine Music", finalement, son dernier méfait n'est pas siiii grave, n'est-ce pas ?



Pour Metallica, les choses sont sensiblement différentes et pourtant elles sont sensiblement les mêmes. Le groupe n'a peut-être pas le statut de véritable Dieu vivant du rock dont profite le vieux Lou, mais malgré leurs propres échecs successifs (dans le même numéro de USA Today, Lars Ulrich disait "In 1984, when hard-core Metallica fans heard acoustic guitars on "Fade to Black", there was a nuclear meltdown in the heavy-metal community. There have been many more since then. This is something they’ve never heard." Metallica n'a pas cessé de surprendre ses fans, d'en paumer au passage et d'en récupérer d'autres. Le procès contre Napster, la parution de "St Anger" et "Some Kind of Monster" il y a dix ans, les albums "Load" et "Reload", autant d'apparitions médiatiques qui n'avaient pas fait l'unanimité, et c'est justement là la force de Metallica, sa survie. Pour un vieux groupe de metal, c'en est un qui a appris à se conserver en sachant faire parler de lui, ne se contentant pas de sortir de bons ou mauvais albums passables suivant la formule, comme d'autres vieux de la vieille continuent de le faire (et on s'en fiche pas mal que Guns'n Roses, Megadeth ou Van Halen sortent de nouveaux disques). Metallica continue d'essayer de nouveaux trucs, de se lancer dans des projets insensés, d'exister en somme, hors de l'image figée qui pourrait être la sienne s'il n'était que "ce groupe de thrash qui a fait Nothing Else Matters". Pour eux, l'échec de "Lulu" n'en est pas un, c'est encore un peu de d'existence grapillée, et tant pis (pour lui) si James Hetfield n'a pas su s'empêcher de pousser la gueulante aux côtés de Reed, il en ressort seule victime effective de la bataille, catégorisé ringard par sa propre faute (en hurlant "I am the taaaaable" sur The View, à quoi s'attendait-il ? cf. le meme ci-contre et les nombreux autres).

Comme Kanye et Jay Z ont eux aussi pu le démontrer, lorsque deux monstres en mal d'existence se rencontrent, le choc est rarement salutaire pour l'Art, mais il a le mérite de permettre à ceux qui se sont rencontrés d'exister encore le temps d'une belle tentative foireuse.


Joe Gonzalez

mercredi 1 février 2012

[Réveille-Matin] The Cure - The Lovecats

Un ami me disait encore l'autre jour ne rien connaitre d'autre que la première trilogie des Cure, c'est à dire "Seventeen Seconds", "Faith" et "Pornography", trois albums parus entre 1980 et 1982, aussi profondément mélancoliques que durablement réussis. En général, tous ceux qui viennent aux Cure par voie gothique (Siouxsie and the Banshees, Bauhaus, que sais-je) ou post-punk s'arrêtent là et c'est naturel. Avant ça, Robert Smith écrivait de la pop pour gens cultivés et légèrement dépressifs et tout le monde connait les tubes des débuts, mais c'est l'après qui bloque, pour mon ami comme pour beaucoup d'autres. Dès la boucle pornographique bouclée, les Cure ne furent plus jamais les mêmes, assurément et ils entrèrent alors de-plain-pied dans les années 80, la new-wave et tout le tintouin. Certes ils avaient déjà flirté avec des esthétiques caricaturales ou un peu just' avec le single Charlotte Sometimes mais le milieu des années 80, l'éclatement du groupe (resserré autour de Robert Smith et Laurence 'Lol" Tolhurst") les obligerait à faire de la musique différemment, et différemment, c'est par exemple ça :


(Je prie le petit Jésus tous les dimanche soirs de bien vouloir m'offrir dans la semaine qui s'annonce des clips aussi sensationnels que celui-là pour remplir mes vidéodimanche si désespérément tristes ces dernières semaines)

Je ne peux évidemment m'empêcher de plaindre quiconque s'arrête au spleen de Smith et ne se laisse pas tenter par ses (quelques) réussites ultérieures sur des terrains pop entièrement décomplexés (*). Il n'y a certes pas eu que du bon mais si l'on sait apprécier les réinventions artistiques, alors la publication successive (mais en la seule année 1982) de One Hundred Years et Let's Go to Bed ne peut que laisser perplexe et admiratif tout à la fois.


Joe Gonzalez


(*) : Le secret des charts eighties est tout simple : les tubes avaient vocation à la décomplexion la plus entière, qu'il s'agisse de hair-metal, de synth-pop ou d'incongruïtés, de la même façon que celles des sixties visaient le psychédélisme.

mardi 31 janvier 2012

[Alors quoi ?] "Pop Culture en bandoulière", un entretien avec Chairlift


Trois ans et demi séparent le premier album de Chairlift de "Something" et ce temps-là n'a pas été perdu. Collaborations extérieures, projets externes et réalisation de clips ont été au menu, tout comme tournées et écriture, bien entendu, mais quelque chose a changé. Aaron Pfenning a quitté le groupe et les deux musiciens restants, Caroline Polachek et Patrick Wimberly, se sont mis à écrire ensemble et plus séparément.


(Sidewalk Safari, sur "Something")

Ces longs mois les ont vus favoriser l'expérimentation et un travail acharné en direction d'une dynamique de groupe plus uni que jamais. D'une certaine façon, leurs fans le savaient et ceux qui les avaient découverts à travers le single Bruises et la pub pour Apple avaient compris qu'il ne s'agissait pas que d'un énième buzz band. Évoquer le "succès" de Bruises ne ravit d'ailleurs pas le groupe, qui nous corrige tout de suite : "Les gens ne se rendent pas compte à quel point on gagne mal sa vie avec la musique. Si nous avons mis aussi longtemps pour enregistrer le second LP, ça n'est pas parce que nous avions gagné avec le contrat Apple suffisamment d'argent pour en vivre quelques temps, c'est parce que nous avons voulu faire ça bien." Rien de plus louable quand tant de groupes se dépêchent d'enchainer les disques presqu'autant que Woody Allen se dépêche d'enchainer les films (*). Le processus a été long, beaucoup de chansons ont vu le jour, ont été retravaillées, écartées, ajoutées mais les voilà enfin qui sont disponibles et l'impression attendue est celle ressentie : une somme de travail vaut souvent mieux qu'une impulsion fortuite. "C'est un peu comme si on publiait notre troisième album".




(Isabelle Antena - Naughty Naughty, sur "Hoping for Love", 1987)


(Strawberry Switchblade - Since Yesterday, 1984)

Les années 80 jouent un rôle considérable dans le son de maintes musiques populaires actuelles et Chairlift ne déroge pas à la règle en faisant le choix de s'orienter encore plus franchement vers une synth pop non pas revivaliste mais qui instrumentalise les codes et les sons passés. Caroline évolue à Brooklyn et, à Hipsterville, la référence obscure est de rigueur. Pourtant, toute musicienne branchée qu'elle puisse être, la musique dont elle prétend se nourrir n'est pas de la poudre aux yeux. On entend bel et bien Isabelle Antenna, Mylène Farmer, Bryan Ferry et Strawberry Switchblade en écoutant "Something". On n'entend aucun de leurs gimmicks, bien sûr, et ils ne pèsent pas lourdement sur l'identité sonore de Chairlift, mais leurs fantômes sont autant de mécanismes semi-tangibles utilisés par le groupe pour bâtir sa maison.


(Mylene Farmer - Maman a tort, 1984)

Caroline dit aussi écouter Current 93 et Death in June, mais ces musiques-là, bien plus ténébreuses (au moins dans leur contenu), n'ont pas vraiment fait le trajet jusqu'à "Something" et on s'en félicite. Non pas qu'une synth pop influencée par David Tibet soit inconcevable ou irrecevable mais un tel concept serait pour le moins trop dangereux pour que l'on s'y risque si tôt dans une carrière. Pour la suite, par contre, on ne peut qu'espérer qu'à l'aube de l'enregistrement de son troisième ou quatrième album, Polachek se souvienne de ce qu'elle a perçu dans la neofolk industrielle et qu'elle réinvente les singles synthétiques des années 2010 à l'aune des observations pessimistes de ces musiciens-là. Pour l'heure, c'est d'Anika et de Violens (le groupe de son petit ami) que Caroline se sent proche. Plus directement que des différents revivals synthétiques qui ont parsemé les derniers mois.


(Anika - Yang Yang, sur "Anika", 2010)


Selon elle, la chillwave n'est pas un revival synthétique, d'ailleurs. C'est davantage une dérive indie du hip hop. Le revival synth pop le plus défini(tif) à ses oreilles est celui, très sérieux, de groupes pour qui la coldwave semble être le saint Graal : Automelodi, Autre ne Veut, Cold Cave, Xeno & Oaklander... Ceux-là ne sont pas seulement sous influence, ils jouent le jeu synthétique comme si 1986 n'était jamais survenue et comme si Visage et Yazoo venaient de faire paraitre leurs nouveaux singles.



(Automelodi - Schema corporel, sur "Automelodi", 2010)

Chairlift ne s'inscrit pas dans cette lignée-là et ne pense pas comme ces musiciens qui, toute respectable que puisse être leur musique, pensent comme on pensait en 1980, en deux dimensions : la musique et l'instrument. Pour Caroline Polachek, les choses ont changé et la musique est l'instrument."La musique enregistrée est l'instrument de notre génération. Ça n'est pas la guitare et ça n'est pas le synthétiseur. Le synthé est l'instrument de la vieille génération tandis que la musique enregistrée et le DJing sont le format de la notre. Je pense que même les gamins qui sont dans des petits groupes incorporent de fait des éléments de DJing dans leurs chansons. Nous en sortirons à terme, bien sûr, et quelqu'un débarquera sans doute avec cet équivalent super progressif et futuriste de ce qui est arrivé dans les 90's à Londres avec Prodigy et tous ces autres musiciens. Ça arrivera. Mais je n'ai aucune idée de ce à quoi ça pourra ressembler." Patrick Wimberly a son avis sur la question : "ça viendra probablement d'un gamin avec un laptop en Chine, ça ne viendra pas de NYC". Souhaitons qu'il ait raison, la musique populaire occidentale se porterait sans doute bien mieux si elle virait mondiale.


En attendant, malgré leur goût pour les aventures extérieures, les désirs des deux musiciens restent intimement liés à la musique. Patrick a produit l'album de Das Racist et Caroline a pour projet de réaliser d'autres clips. Ceux de ses propres singles bien entendu mais aussi ceux des autres. Elle a travaillé pour Violens mais ne s'arrêtera pas là : "Il y a un clip que j'ai très envie de faire, pour un groupe de Philadelphie. En fait, je ne leur ai même pas parlé de mon idée mais dans ma tête elle est aboutie." Mais alors pourquoi ne pas sauter le pas ? Y'a-t-il des envies extra-musicales là-derrière ? Est-ce un prétexte pour aller vers le cinéma ? "Non, le medium me plait vraiment. Il m'arrive d'avoir une idée de clip et ensuite seulement d'avoir envie de composer une musique qui irait avec. Je suis toujours influencée par de nouvelles chose. J'adore David Lynch, comme tout le monde mais depuis un an je suis un peu obsédée par un film d'horreur japonais, "House". j'aime bien les choses qui sont en même temps bizarres, affreuses et sexy."


(Trailer du film "House", 1977)


Pour eux, la musique n'est pas davantage un prétexte ou une voie d'accès pour aller vers d'autres médias (comme la danse) : "Quand j'étais gosse, j'ai été immédiatement attirée par la pop music parce que quand tu es gamin et que tu regardes MTV ça n'est pas parce que la musique t'obsède, c'est un tout. Kurt Cobain qui écrase sa guitare sur scène, avec sa super coupe de cheveux et son attitude, sa manière de s'exprimer quand on l'interviewe, c'est un tout. La musique n'est pas un prétexte vers la popularité. Ce qui m'attire chez des artistes comme Bowie ou Prince c'est que la musique n'est qu'un élément de l'ensemble, d'un monde. Même Lady Gaga. Sa musique est certes un prétexte pour toucher le public mais elle fait partie de ces artistes qui me paraissent les plus convaincants et qui présentent un univers complet. Nous avons toujours voulu faire ce genre de chose."

Justement, on se demandait si la moutarde ne leur était pas montée au nez après avoir signé chez Columbia et avec la proto-hype qui les entourait déjà depuis quelques mois : deux concerts au Silencio en un mois, était-ce un choix ? L'endroit (très select, très étroit, très mal fréquenté) ne se prêtant pas vraiment à un véritable concert de musique avec une véritable public de fanatiques, on était en droit de ronger notre frein devant de faux rendez-vous, de toute façon manqués. "Ils nous ont invité, on voulait jouer. C'est un lieu très beau et un peu triste qui effectivement n'est pas une salle de concert mais encore une fois, on n'était pas en tournée, on ne faisait que se rôder, on apprenait à jouer les morceaux ensemble, en quintet. Lorsqu'on va lancer notre tournée et qu'on passera à Paris (le 29 février, NDLR), les fans seront évidemment tous les bienvenus, pas de sélection au programme." Nous irons confirmer ça pour vous et vérifier que le Chairlift scénique 2012 vaut mieux que son avatar 2009, un brin décevant si vous vous en souvenez comme nous.



Depuis le début, Chairlift est un groupe "de Brooklyn", la ville où depuis cinq ans au moins, on a vu fleurir une part non négligeable des plus passionnants acteurs indépendants, où une scène artistique hétérogène s'est formée autour de musiciens qui pour la plupart se connaissaient d'une façon ou d'une autre. TV on the Radio, Dirty Projectors, Grizzly Bear, Liars et compagnie, ils ont été nombreux à sortir du giron de l'Est new yorkais mais tandis que les temps changeaient, Chairlift a pris son temps. Que se passera-t-il lorsque le centre de création arty le plus actif se sera déplacé ailleurs ? Suivront-ils le mouvement ? Iraient-ils à Munich, à Austin ou à Sheffield si l'effervescence venait à y naitre ? "Non, nous ne sommes pas allés à NYC pour ça. Caroline y est allée pour suivre ses études. C'est génial de vivre ça, tous ces groupes, ces nouveaux groupes, il y en a tant et tant sont bons, et surtout beaucoup de ces musiciens sont nos amis. C'est génial de voir nos amis qui pendant des années ont galéré, qui n'arrivaient pas à faire tourner leurs groupes et là cinq ans plus tard ils cartonnent enfin. Mais nous ne déménagerions pas pour nous rapprocher de la hype. D'ailleurs, ça ne sera pas là où vous pensez. Ce sera sans doute une ville totalement inattendue, comme Abou Dabi (aux Émirats Arabes Unis, NDLR) ou quelque chose comme ça." Qui vivra verra.


Propos recueillis par MLE et Joe Gonzalez en Novembre 2011 dans le 9ème arrondissement parisien. Texte de Joe Gonzalez. Article mis en forme par MLE et Joe Gonzalez.



(*) : Quand bien même je suis nostalgique du rythme de parution des albums tel qu'il existait dans les années 70, par exemple, lorsqu'un artiste majeur (Lou Reed, Van Morrison, Elton John comme des dizaines d'autres) pouvait publier un disque de (grande) qualité par an, voire deux, il est indispensable que des groupes de pop music comme Chairlift prennent ce temps et ne se pressent pas pour se presser, ne cherchent pas à remplir leur CV et à vendre des disques à tout prix, qu'ils travaillent leur art (qui, il est vrai, nécessite de toute façon beaucoup plus de temps pour atteindre le raffinement souhaité qu'un album de songwriter paru en 1971, nous n'en sommes pas au même point sur l'échiquier des pratiques de composition et des modes).

[Réveille-Matin] John Lee Hooker - Burning Hell

Il est prévu des températures très très basses cette semaine, des qui font peur, qui intiment à la "VIGILANCE" alors soyez prudents ! Surtout toi, chère minorité (vous êtes deux) qui lis C'est Entendu sur ta tablette adroitement fixée à portée du tableau de bord de ton véhicule motorisé : attention au verglas, prévois les chaines ! Quant aux autres, surtout vous, mes concitoyens panaméens, mettez une doudoune et qu'on n'en parle plus. On ne va pas en faire un fromage non plus : qu'il neige ! Certains d'entre nous n'ont pas eu les moyens cette année de louer des skis, pas même des luges, et ceux-là seront bien heureux de voir Tonton Flocon cogner à leur porte. Ne nous faisons pas martyrs d'une semaine d'Hiver (la seule de la saison) qui est, quelque part, un signe que tout n'est pas encore définitivement détraqué et qu'il nous reste une chance d'emmener nos gamins faire de la luge un jour, ou de ne pas lutter au corps à corps avec des immigrés espagnols dans dix ans quand leur pays à eux sera trop brûlant pour qu'ils n'y restent.



Être opposé au froid de l'Hiver, voilà le meilleur moyen de brûler en Enfer. Tout slam mis à part, le meilleur moyen d'oublier nos angoisses écologiques et nos glaglas thermométriques, ça reste de s'envoyer un bon vieux blues à dimension humaine et empreint de peurs mystiques. Dans les années 60, la Fin du Monde, on n'y pensait pas souvent, me dirait-on, et John Lee Hooker ne déroge pas à la règle.


Joe Gonzalez

lundi 30 janvier 2012

[Vise un peu] Nisennenmondai - Nisennenmondai Live!!!

Vous allez me dire que j'ai encore rien compris, mais je n'ai jamais dansé sur une musique quasi-exclusivement électronique avec autant d'enthousiasme que sur une musique produite par des instruments, lorsqu'il existe un véritable contact physique entre le musicien et ce qui émet du son. C'est peut-être que les sons électroniques parlent moins à mon corps, mais si c'est ça, alors, j'ai toute une vie pour mieux les appréhender. Je crois plutôt que de savoir le travail humain - au sens physique - à la source de pulsations et de rythmes me conduit à animer mon propre corps, comme par empathie, comme si ressentir la même sensation physique que le musicien était la clé de l'appréciation par la communion. C'est pour cette raison que Nisennenmondai fonctionne aussi bien sur moi.

Nisennenmondai ("bug de l'an 2000" en japonais), c'est un trio de japonaises qui font de la techno avec les instruments du rock : de longues pistes lentement évolutives qui suivent des plans d'une rigueur martiale. Enchaînées à leurs instruments, dès qu'un morceau commence, elles sont destinées à le jouer jusqu'à sa fin, faisant abstraction de la douleur et du temps pour s'abandonner à la transe, pour mieux séparer corps et esprit. Nisennenmondai sont celles que l'on jette au Moloch et sur les cendres desquelles le monde continue à danser, les yeux fermés, en union charnelle, les tambours battant à 150bpm.



Depuis que j'ai entendu Tirésias dire à Zeus ce qu'il pensait du plaisir sexuel féminin, j'ai tendance à être frustré d'avoir des roustons quand je suis au lit - mieux vaut être neuf fois comblé plutôt qu'une, non ? En revanche, je suis ravi que lorsqu'il s'agit de musique, ma féminité se dévoile quand, pris en embuscade entre un beat aliénant et la poigne d'une bonne de ligne de basse, mes jouissances se succèdent : souffles de joie à chaque lever de charleston dans Destination Tokyo, d'autres pendant Mirrorball, lorsque mon cerveau se balance à gauche avec la basse, à droite avec la guitare, expurgeant enfin mon ardeur bouillonnante en un cri lorsque la basse s'accorde une montée brève mais ravageuse, comme un joli sourire qu'on se remémore avec un frisson le soir avant de s'endormir. Nisennenmondai a un sens du détail impressionnant, et le recours à la transe place ces détails sous le projecteur, où ils brillent de mille feux.


On pourrait représenter la musique de ce groupe avec des lignes : verticales pour les sons structurants (souvent, la batterie statique, la basse et les boucles), horizontales pour ce qui s'étale plutôt dans la durée (nappes, mélodies, et les sons de la rue environnante, qui s'accordent magiquement en brossant les cordes verticales tendues par les rythmes). Les morceaux les plus réussis sont les plus perpendiculaires : la structure y est souvent marquée, immuable, et quelques sons y évoluent élégamment (Appointment, Mirrorball, Destination Tokyo, Ijen Urusuozuos). C'est lorsque les sons se diagonalisent que l'on perd en puissance : Ikkyokume et 44, plus bruyantes et libres que techno et krautrock, frappent moins fort, même si les mélodies sont clairement là.


(Un aperçu de Mirrorball en live)

Appliquons cette théorie pour aborder Mirrorball, le véritable chef-d’œuvre de la galette : les premières minutes ne sont qu'une ascension vers le ciel, avant que la guitare n'explose dans les nuages, puis aille et vienne dans un cycle vaporisation/condensation étourdissant, tandis que la machine s'emballe et que notre batteuse se dote d'ubiquité et frappant partout, nous rattrapant de justesse par la main à chaque beat de grosse caisse. Et pendant quelques minutes de grâce, nous sommes dans ce chaos organique, ce flipper géant où les boucles continuent à tisser des nœuds dans notre cerveau. Peut-être que le rythme ne s'arrête jamais et continue dans une autre dimension, où il idéalise le déroulement des choses en le réduisant à une succession linéaire d'événements qui se juxtaposent, sans que rien ne s'efface jamais...


Maxime C.

dimanche 29 janvier 2012

Vidéodimanche #65



par Joe Gonzalez
art par Jarvis Glasses


Cette semaine, la cliposphère nous offre de bien piètres images et m'oblige à adopter un ton cynique au possible et une mauvaise foi gratuite à l'encontre des idiots qui réalisant la majeure partie des clips musicaux depuis quelques années.





The War on Drugs - Brothers

Je me demande vraiment, et ce toutes les semaines bien entendu, s'il y a des types qui prennent leur pied devant les courts-métrages au ralenti de ce genre-là. Vous le savez comme moi : les clips dans ce genre, qui nous racontent une histoire très hollywoodienne, mais au ralenti, pullulent sur la toile depuis des mois et des mois. La plupart du temps, il n'y a derrière le "film" qu'une seule idée. Un ressort scénaristique, un trucage, un maquillage ou un plan choquant. Parfois on peut se marrer (c'est rare) mais en général je m'ennuie autant que si je regardais Derrick chez ma mémé. J'espère que vous ressentez pareil parce que ces mini-films sont vraiment la chienlit et de la cliposphère et du cinéma. Tous ces micro-réalisateurs en herbe, là, ils ne se prennent pas pour des moins que rien, sachez-le ! A une époque, les clips (indés) étaient peut-être réalisés par des fanatiques de la musique mais aujourd'hui c'est presque comme si la musique se mettait au service des "metteurs en scène" (laissez moi rigoler) dont les noms ne sont plus inconnus. Les webzines américains citent le nom de tel ou tel réalisateur lorsqu'un clip parait. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Il y a de bons réalisateurs de clips et on a par le passé attendu leurs prochaines œuvres (Cunningham, Gondry et compagnie), mais d'une part, ces gars-là n'ont pas une once du talent de la vieille garde et d'autre part, dans la mesure où les clips qu'ils réalisent sont souvent des sortes de galops d'essai avant de pouvoir se lancer dans le cinéma, il faudrait leur rappeler que même les grands réalisateurs de clips n'ont jamais fait de grands cinéastes (vous direz ce que vous voudrez, Gondry et Jonze ne sont pas de grands cinéastes). Où est-ce que je voulais en venir déjà ? Ah oui ! Qu'on arrête de nous GONFLER avec ces ébauches d'idées sans aucune maitrise ou sensibilité et qu'on se remette à filmer les musiciens en train de faire les cons. C'est tout ce qu'on demande à voir, bon Dieu !







Wilco - Dawned on me

Cette fois-ci, le réalisateur espère sans doute être repéré pour ses talents d'animation. Cela dit, Popeye, ça n'a pas fait gagner de l'argent à quelqu'un depuis plus de soixante ans, non ?







Xiu Xiu - Hi

Jamie Stewart n'a pas un rond alors il passe le clip à bouffer des fruits à même l'arbre. Le réalisateur, qui qu'il soit, ne fera sans doute jamais carrière à Hollywood.







Jonathan Fitoussi - Pluralis

Au moins, avec des images dignes des visualisations du Lecteur Windows Media Player, on ne peut pas dire que la vidéo nous empêche de nous concentrer sur la musique (on reparlera de Fitoussi et de son album, prochainement). Ça n'est pas intéressant mais ça n'a rien d'agaçant.







On vous a dit le plus grand bien de Chairlift, les voici dans un taxi noir qui nous jouent Ghost Tonight.







PBS vous propose de revivre les concerts intégraux de Joanna Newsom et Fleet Foxes lors du festival Austin City Limits.









On vous avait déjà montré Tyler en plein délire avec BADBADNOTGOOD sur son morceau Seven, voici Fish et Orange Juice, tirés de la même session.







Die Antwoord, voilà des gens qui ont compris que l'image comptait et que c'était LEUR image qui comptait, pas celles que quelque réalisateur de pacotille voudrait mettre en musique. Le nouvel album du groupe parait début février, et ceci en est un avant-goût.







Comme d'habitude, l'interview vidéo de la semaine est assurée par nos confrères de The Drone et c'est à Demdike Stare qu'ils ont cette fois-ci posé leurs questions.







Et enfin pour les anglophones parmi vous, voici une interview de Vangelis réalisée par un journaliste un peu à côté de la plaque de la chaine Al Jazeera.

samedi 28 janvier 2012

Swing Spleen #1


par Bertrand Bruche
art par Jarvis Glasses


Et que ça swingue !


Ce que monde de la nuit propose en 2012 me laisse quelque peu dubitatif. Je vomis les mauvaises boites de nuit qui accueillent des centaines de clubbeurs trop bien coiffés chaque vendredi soir. En quoi un bain de foule moite aux arômes de Red Bull et de vodka offre-t-il la possibilité de se changer les idées ? Quel plaisir retire-t-on d'une nuit passée à se trémousser, malgré les chaussures qui collent au sol plaquant, évitant de justesse la transpiration du voisin, tandis que le dernier tube de Rihanna déchire les oreilles?

Ah, nous sommes bien loin des années fastes du swing, lorsque les new-yorkais sortaient se défouler sur les pistes de danse des différents clubs de la grosse pomme, un verre de whisky -sans glace- à la main et le cigare aux lèvres. Ils pouvaient y danser frénétiquement, swinguant sur la musique des grands big bands de l'époque, ceux de Benny Goodman, Count Basie et de Duke Ellington, par exemple.


(Le mythique Cotton Club, NYC)

C'est dans le courant des années 30 que ces big bands ont pris le contrôle des pistes de danse américaines. Composés d'une quinzaine de musiciens, ils jouaient, sous la conduite du chef d'orchestre, les tubes généralement arrangés par ce dernier. De manière générale, ils étaient composés d'une section rythmique (basse, batterie, piano, guitare) et de trois sections mélodiques (trompettes, sax, trombones) sagement alignées en gradins. Cette musique est bien différente du jazz né à la Nouvelle-Orléans. Le swing, ça transpire le chic, les musiciens sont magnifiquement sapés, gominés et les décors sont somptueux. Au milieu des strass, la musique est codée, écrite et préparée. Rien n'est laissé au hasard, hormis les libertés accordées aux musiciens lors de leurs improvisations. La raison d'être de cette musique se trouve dans les tourbillons des danseurs, en majorité blancs, qui s'amusent en l'écoutant.

(Le Benny Goodman Orchestra)

Benny Goodman, surnommé "le roi du swing", est celui qui donnera au style ses premiers titres de noblesse. Il crée son big band en 1934 et répand cette musique partout aux USA en se faisant enregistrer pour l'émission de radio, "Let's Dance". Le clarinettiste s'entoure de musiciens de qualité, notamment le déménageur Gene Krupa, auteur du mythique solo de batterie du célèbre Sing, sing, sing.



(Benny Goodman & his orchestra - Sing, sing, sing)

C'est à Kansas City que l'orchestre du comte, "Count" Basie, fit ses premières armes. Après un passage remarqué à la radio, un manager propose à Count de se produire dans d'autres grandes villes des USA : Chicago, New-York,… L'orchestre accueillera en son sein bon nombre de musiciens et chanteurs talentueux, notamment Lester Young et Billie Holiday. Aucune équivoque possible, ça balance ferme ! Ça swingue et ça déménage, au sens propre comme au figuré, car quand les habitués du Roseland Ballroom de New-York se plaignent de la puissance de jeu de son orchestre, Basie décide simplement de déplacer ses pupitres dans un autre établissement. Notons encore le jeu de wha-wha que les trompettistes de l'orchestre effectuent à l'aide de leur chapeaux dans cet enregistrement de Swingin' the Blues.

(Count Basie - Swingin' the Blues)

Le Duc, c'est le summum de la classe ! Ce sont les costumes blancs, la gomina dans toute sa splendeur, le Cotton Club, Caravan, It don't mean a thing (if you ain't got that swing) et bien d'autres ! It don't mean a thing, comme la majorité des tubes de Duke Ellington, est né de la collaboration entre le Duc et son ami Billy Strayhorn. Take the A Train est sans aucun doute le morceau le plus connu de l’œuvre ellingtionienne. Il sera en effet la chanson phare de l'orchestre, le morceau inévitable, qui débutera chaque concert. Il s'agit d'ailleurs d'une composition de Billy Strayhorn dont le titre, anecdotique et amusant, provient directement du quotidien de la vie new-yorkaise. Strayhorn avait en effet pris l'habitude de rappeler, aux amis qui venaient le voir, de "prendre le train A", plutôt que la ligne B, qui changeait de direction juste avant son arrêt. Ainsi, né le long des rails new-yorkais, le titre a fait le tour du monde, repris par bon nombre de formations dans des styles divers et variés.

(Duke Ellington & his orchestra - Take the A train)

J'échangerais cent fois ma place sur les guestlists des plus prestigieuses boites de nuit du monde pour sortir m'encanailler dans un de ces clubs sautillants, à grands coups de scotch, au bras d'une minette emplumée à moitié nue. Peut-être là, aurais-je alors pu apprendre à danser, armé d'un costume trois pièces et d'un chapeau. Peut-être aurais-je dû naître 70 ans plus tôt, car, in fine, au vu de la situation actuelle, crise financière pour crise financière, les années 30, ça avait quand même du bon !