C'est entendu.

lundi 30 janvier 2012

[Vise un peu] Nisennenmondai - Nisennenmondai Live!!!

Vous allez me dire que j'ai encore rien compris, mais je n'ai jamais dansé sur une musique quasi-exclusivement électronique avec autant d'enthousiasme que sur une musique produite par des instruments, lorsqu'il existe un véritable contact physique entre le musicien et ce qui émet du son. C'est peut-être que les sons électroniques parlent moins à mon corps, mais si c'est ça, alors, j'ai toute une vie pour mieux les appréhender. Je crois plutôt que de savoir le travail humain - au sens physique - à la source de pulsations et de rythmes me conduit à animer mon propre corps, comme par empathie, comme si ressentir la même sensation physique que le musicien était la clé de l'appréciation par la communion. C'est pour cette raison que Nisennenmondai fonctionne aussi bien sur moi.

Nisennenmondai ("bug de l'an 2000" en japonais), c'est un trio de japonaises qui font de la techno avec les instruments du rock : de longues pistes lentement évolutives qui suivent des plans d'une rigueur martiale. Enchaînées à leurs instruments, dès qu'un morceau commence, elles sont destinées à le jouer jusqu'à sa fin, faisant abstraction de la douleur et du temps pour s'abandonner à la transe, pour mieux séparer corps et esprit. Nisennenmondai sont celles que l'on jette au Moloch et sur les cendres desquelles le monde continue à danser, les yeux fermés, en union charnelle, les tambours battant à 150bpm.



Depuis que j'ai entendu Tirésias dire à Zeus ce qu'il pensait du plaisir sexuel féminin, j'ai tendance à être frustré d'avoir des roustons quand je suis au lit - mieux vaut être neuf fois comblé plutôt qu'une, non ? En revanche, je suis ravi que lorsqu'il s'agit de musique, ma féminité se dévoile quand, pris en embuscade entre un beat aliénant et la poigne d'une bonne de ligne de basse, mes jouissances se succèdent : souffles de joie à chaque lever de charleston dans Destination Tokyo, d'autres pendant Mirrorball, lorsque mon cerveau se balance à gauche avec la basse, à droite avec la guitare, expurgeant enfin mon ardeur bouillonnante en un cri lorsque la basse s'accorde une montée brève mais ravageuse, comme un joli sourire qu'on se remémore avec un frisson le soir avant de s'endormir. Nisennenmondai a un sens du détail impressionnant, et le recours à la transe place ces détails sous le projecteur, où ils brillent de mille feux.


On pourrait représenter la musique de ce groupe avec des lignes : verticales pour les sons structurants (souvent, la batterie statique, la basse et les boucles), horizontales pour ce qui s'étale plutôt dans la durée (nappes, mélodies, et les sons de la rue environnante, qui s'accordent magiquement en brossant les cordes verticales tendues par les rythmes). Les morceaux les plus réussis sont les plus perpendiculaires : la structure y est souvent marquée, immuable, et quelques sons y évoluent élégamment (Appointment, Mirrorball, Destination Tokyo, Ijen Urusuozuos). C'est lorsque les sons se diagonalisent que l'on perd en puissance : Ikkyokume et 44, plus bruyantes et libres que techno et krautrock, frappent moins fort, même si les mélodies sont clairement là.


(Un aperçu de Mirrorball en live)

Appliquons cette théorie pour aborder Mirrorball, le véritable chef-d’œuvre de la galette : les premières minutes ne sont qu'une ascension vers le ciel, avant que la guitare n'explose dans les nuages, puis aille et vienne dans un cycle vaporisation/condensation étourdissant, tandis que la machine s'emballe et que notre batteuse se dote d'ubiquité et frappant partout, nous rattrapant de justesse par la main à chaque beat de grosse caisse. Et pendant quelques minutes de grâce, nous sommes dans ce chaos organique, ce flipper géant où les boucles continuent à tisser des nœuds dans notre cerveau. Peut-être que le rythme ne s'arrête jamais et continue dans une autre dimension, où il idéalise le déroulement des choses en le réduisant à une succession linéaire d'événements qui se juxtaposent, sans que rien ne s'efface jamais...


Maxime C.

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