J'ai peut-être été un peu dur avec les Indignés, l'autre jour, je l'avoue. Il est vrai que par leur action, ils stimulent l'esprit démocratique. Il est vrai qu'il leur faut du courage, de l'abnégation (et une dose pas croyable de retenue) pour ne pas broncher sous les jets de gaz au poivre de la vilaine police. Il est vrai que leur entêtement va sans doute faire grimper ce genre d'incidents inacceptables et cristalliser petit à petit l'opinion publique autour de l'idée qu'il faut se révolter. Il est vrai aussi qu'avec des slogans marrants et un gimmick aussi facilement détournable qu'Occupy ce que l'on voudra, ils nous apportent leur lot de vannes faciles et de rigolades à peu de frais, comme par exemple celle consistant à offrir une bonne conscience à nos chers artistes adorés, de Sonic Youth à Jello Biafra en passant par John Zorn, qui ont apposé leurs patronymes (et leurs armes : guitare, composition, que sais-je) sur un mur digital immaculé, qu'ils ont nommé bien évidemment Occupy Musicians.
"Mon bro Russell Simmons approuve mes Z-shirts alors ferme ta conscience, dog !"
Bien entendu ces deux mots n'ont aucune raison sémantique de se voir ainsi accolés mais l'occasion était trop belle d'Occupy Bon Sens. Certains de ces musiciens ont certes bougé leurs fions sur les barricades (Jeff Tweedy de Wilco, pour y prononcer de grandes phrases d'encouragement, Jeff Mangum de Neutral Milk Hotel pour y jouer des chansons sur sa guitare acoustique et attirer l'attention des hipsters, JAY-Z pour y vendre des t-shirts - pour son propre compte, pas question de reverser les revenus à une quelconque association ou aux indignés eux-mêmes !) mais la plupart (la liste est longue !) se sont contentés d'ajouter leur nom à la newsletter du bienfait, sans apporter davantage de pierres à l'édifice des Indignés. Ça vous parait culotté, opportuniste, révoltant (dans ce dernier cas, c'est que l'objectif est atteint !), n'en faites pas une montagne, c'est bien naturel, et attendu. Je trouve ça amusant, pour ma part. Ils ont osé. Bravo. Aujourd'hui lorsqu'un musicien ose, voilà ce que ça donne. Il y a des millions d'années (= 30 ans), un groupe anglais appelé The Human League a publié un album (incontournable) de synth-pop intitulé "Dare!" ("Pas chiche !") et on y trouvait une chanson qui vous paraitra sans doute osée, mais qui résumait plutôt bien le bruit qui entoure l'idée directrice des Indignés, celle, louable, d'un nécessité de signifier son mécontentement (je vous l'accorde, c'est déjà un début).
Get around town
No need to stand proud
Add your voice to the sound of the crowd
No need to stand proud
Add your voice to the sound of the crowd
Note aux curieux : fuyez comme la peste le disque publié en 2011 par le trio survivant de la League et penchez-vous plutôt sur leurs trois premiers albums publiés entre 1979 et 1981, et plus particulièrement "Dare!" qui est l'une des professions de foi de ce que l'on a appelé synth-pop à une époque où il ne s'agissait pas simplement de jouer sur des synthés, mais de le faire en réaction aux guitares, avec un style vestimentaire... différent, de l'humour, de la critique sociale et un paquet de glamour suranné.
Joe Gonzalez
(Et dans la rubrique potins indie, je remarque que sur le site "Occupy Musicians" figurent les noms de Thurston Moore, Lee Ranaldo... Mais pas de Kim Gordon)
RépondreSupprimerTu as l'oeil du Lynx et le coeur d'une ménagère de 50 balais devant son Paris Match !
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