Je vous ai parlé déjà du label Thrill Jockey, bien connu des amateurs de musique indépendante et qui a déjà produit un paquet d'artistes intéressants durant les premiers mois de 2011. Cet été, on a aussi eu droit à l'épisode de la Famille Friedberger (dont je vous conterai la seconde partie, celle qui concerne Thrill Jockey, au début de l'année prochaine, lorsque le grand frère aura achevé - ou pas - son aventure discographique). Tout comme Sacred Bones, 4AD (Zomby, St Vincent, Gang Gang Dance, tUnE yArDs), Sub Pop (Low, Handsome Furs, Obits, Shabazz Palaces, J Mascis) ou Constellation (Colin Stetson, Matana Roberts, Evangelista), le label s'est encore taillé une part non négligeable dans le panel des artistes les plus passionnants de l'année, et vous n'avez encore rien vu. Trois matins durant, nous allons vous proposer de découvrir deux disques à mettre en parallèle, dont un au moins sera paru chez Thrill Jockey en 2011 et qui valent le déplacement, à commencer dès aujourd'hui par deux des albums qui auront le plus fait de bruit (c'est le cas de le dire) dans le petit monde du black-metal indépendant, chacun à leur façon.
(Wolves in the Throne Room - Thuja Magnus Imperium)
"Celestial Lineage" (paru sur le label Southern Lord) est le sixième album des américains de Wolves in the Throne Room, deux frères (et leur entourage) vivant en autarcie dans une ferme de l'état de Washington et entourés pour le coup par la chanteuse Jessika Kenney (qui a collaboré avec Sunn o))) ou Sun City Girls par le passé). Le groupe a acquis une notoriété remarquable auprès des médias indépendants et de l'indémonde en général avec cet album pour la bonne raison qu'au grand dam des puristes du black-metal, "Celestial Lineage" est novateur et potentiellement plus à même de tenter des indie-kids que les disques des artistes qui l'ont inspiré (à commencer par Ulver). Ne me demandez pas en quoi il est novateur ni en quoi il se différencie des précédents albums du groupe, je n'en sais rien. La raison est simple : je n'y connais rien en black-metal. Je ne suis pas là pour vous parler de ce genre musical (mes confrères s'en chargeront en temps voulu et vous diront ce que signifie "kvlt") mais bien pour porter témoignage vis à vis de la théorie selon laquelle il serait "la profession de foi définitive de la scène (black-metal) américaine contemporaine" (cf la chronique de Brandon Stosuy, chez Pitchfork). M'est avis que la déclaration est un brin imprécise : je n'ai pas l'impression que le groupe redéfinisse le genre tout entier. C'est plutôt son pan le plus atmosphérique (on a même déniché le terme blackgaze pour décrire les murs de sons étouffants qui enveloppent les envolées épiques et les chœurs surnaturels propres à cette musique) qui semble trouver là sa redéfinition, laquelle par certains aspects (les accalmies, les structures brisant les thèmes répétitifs pour amener une scénarisation...) peut en effet attirer l'oreille du profane (vous aussi peut-être !), à condition qu'elle ne soit pas hostile aux hurlements de chiens égorgés (mais des hurlements enfouis dans un vacarme ambiant, ce qui les rend moins horribles) et aux cavalcades vrombissantes. Apparemment, cet album pas-si-black-que-ça (rien de sataniste dans les paroles, c'est limite du metal hippie) sera d'ailleurs le chant du cygne de Wolves in the Throne Room.
(Liturgy - Returner)
Si Wolves in the Throne Room a connu la critique des metalleux et les éloges des indie-kids, ça n'est rien à côté de Liturgy. Le groupe de Hunter Hunt-Hendrix a défrayé la chronique en étant le premier groupe de black-metal à partager la scène avec des favoris des hipsters et en se voyant traiter de tous les noms par le reste des acteurs du genre, lesquels leur reprochaient à peu près tout, et surtout de dévier des codes du black-metal (un genre fondamentalement conservateur et underground) afin de séduire un public plus large. Je vous laisse juger. Pour ma part, peu convaincu par leurs structures et leurs attaques rappelant le math-rock et par le chant idiot de Hunt-Hendrix, je ne peux que comprendre d'une part les critiques et d'autre part les louanges : le black-metal de Liturgy ne me semble pas très bon mais ses poses ne pouvaient que convaincre les indé-curieux qu'ils avaient trouvé là une porte d'entrée valide... Mais vers quoi ? Si quelques groupes (dont Krallice) partagent cette esthétique un brin plus user-friendly et pourront séduire le même public d'aventureux hipsters, je doute que le reste du black-metal les convainque. Toujours est-il que si d'habitude le black est une musique religieuse par essence (même si elle tend vers le satanisme la plupart du temps), et donc assez profonde (pour ne pas dire sacrée), avec Liturgy cette dimension fond comme neige au soleil, pour le meilleur puisqu'il en résulte qu'une fois dénudé de ses robes longues et de ses regards ténébreux, le black-metal se révèle... foutrement comique ! Je vous défie, vous qui n'êtes pas metalleux dans l'âme, de ne pas éclater de rire lorsque le "chant" de Hunt-Hendrix arrive. C'est à se tordre, vraiment.
Joe Gonzalez
Ah, Jessika Kenney comme réveil matin, j'avoue que c'est du miel dans les oreilles. Oui, j'ai bien orthograpgié JessiKa, avec un K. Si les lecteurs font une recherche sur Jessica Kenney ils seront un peu surpris de tomber sur un site par tout à fait raccord.... Mais Jessika, elle avait ausis prêtée sa voix d'ange (ou de démone) au supergroupe Asva, et chez Eyvind Kang, bref que des gens très recommandable et passionnants.
RépondreSupprimerAh, ça y est, en effet, c'est bien du black. Je n'y connais pas grand chose (à part un album du parrain, au sens propre, Mr. Varg himself), mais ce morceau me plait bien bien. Savait pas que Thrill Jockey donnait dans le genre.
Et Liturgy, pas convaincu... D'autant qu'après le premier morceau, celui-là a du mal à passer derrière...
RépondreSupprimerOups, désolé pour la coquille, je corrigerai ça !
RépondreSupprimerThrill Jockey n'est pas coutumier de signer des groupes de black mais cette année, j'ai l'impression qu'ils ont surtout eu beaucoup de flair !
Je n'aime pas non plus Liturgy mais ils ont eu un gros buzz pour eux et je suppose que leurs ventes n'ont pas été trop dégueues.
J'aime bien Liturgy :D
RépondreSupprimer(Non, je n'écoute pas de black habituellement. Du tout. =p)
Juste pour info, le Wolves in the Throne Room n'est pas sorti chez Thrill Jockey mais chez Southern Lord...
RépondreSupprimer(Et Liturgy c'est vraiment pas terrible quand même)
Merci pour la correction, Anonyme, GROS caffouillage de ma part (le deuxième en un article, ça m'apprendra à écrire après minuit). Ca vaut toujours le coup d'écouter WITTR et de comparer leur black plutôt cool à celui de Liturgy, qui sont eux vraiment signés chez Thrill Jockey :D
RépondreSupprimerJe viens de me faire le tout premier Wolves in the Throne Room (2004) et c'est légérement génial ! (Oui, jusqu'à maintenant, je n'avais pas pris le temps d'y poser une oreille)
RépondreSupprimerQuant à Liturgy, je n'ai écouté que la piste que tu as posté, mais ça me déplait pas. Je vais surement écouter l'album sous peu.
Je me disais aussi. Rien que le titre ça faisait Southern Lord.;)
RépondreSupprimerEn tout cas, belle découverte.
Le WITTR est très bon, oui !
RépondreSupprimerc'est une vision légèrement éculée et un peu cliché que d''associer le black à une musique religieuse qui tend vers le satanisme la plupart du temps. D'abord, c'est plutôt un genre musical qui évoque la spiritualité. Ensuite - et surtout - la thématique païenne est au moins aussi importante, si ce n'est plus que les références au satanisme.
RépondreSupprimerCeci dit, Liturgy, c'est quand même salement crispant à l'écoute.
Je veux bien le croire ! Comme je l'ai dit, je n'y connais rien en black-metal, sinon ce que j'en ai entendu dire ici et là.
RépondreSupprimerFaut quand même avouer que la première vague norvégienne était constitué de débiles profonds qui cramaient des églises centenaires en bois et qui se poignardaient les uns les autres. Sans parler de l'idéologie plus que douteuse d'un certain nombre d'entre eux. Donc voilà, on peut apprécier la musique de Burzum mais ne pas oublier que Varg Vikerness est un sombre connard.
RépondreSupprimerAprès, tout ce qui a suivi, et notemment ce dont on parle là, j'imagine qu'ils sont loin de tout ça (enfin j'espère quoi...).
À priori oui, y'as moins d'églises cramées actuellement. Quoique, en 2007, y'en a eu une douzaine dans le finistère... (http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2009/02/26/01011-20090226FILWWW00734-eglise-4-jeunes-accuses-de-destruction.php)
RépondreSupprimerMais bon, il n'est pas dit si ce sont des musiciens ou juste des amateurs de ce genre. Si ca peux te rassurer, je doute que ces dégradations atteignent un jour l'ampleur de celles mises en places par l'Inner Circle dans les années 90...
Ensuite, résumer toute la première vague de Black Metal à Varg Vikernes, c'est un peu réducteur. Car c'est lui qui a poignardé Euronymous et surement cramé un paquet d'églises. (Il n'était pas le seul, évidemment, mais sans doute un des plus importants) Je pense pas que les mecs de Darkthrone étaient impliqués la dedans, par exemple. (Corrige moi si je me trompe, je ne suis pas non plus incollable sur le sujet)
Pour plus d'info la-dessus : http://www.wikimetal.info/wiki/Inner_Circle .
RépondreSupprimerBien qu'ils incluent les membres de Darkthrone et Immortal dedans, ce qui ne fut à aucun moment prouvé. Par contre, Mayhem (Euronymous), Burzum (Vikernes) et Emperor (Fasut, Samoth) baignent en plein dedans.
Quelle bande de crétins, c'est pas possible d'être con à ce point là...
RépondreSupprimerPour la première vague, je ne suis pas non plus spécialiste, loin de là, mais le cas Burzum m'a intrigué, d'autant que Hvis lyset tar oss est vraiment un album impressionnant. La question est, peut-être apprécier strictement le travail d'un type aussi douteux (c'est le moindre qu'on puisse dire) ?
Merc pour le lien. Je sais qu'il y a eu un film réalisé récemment sur ce mouvement, il était projeté il y a qq mois à la Gaité Lyrique à Paris, mais je ne l'ai pas vu.
De rien.
RépondreSupprimerPersonellement, je ne m'occupe pas de l'idéologie, qu'elle soit véhiculée par la musique, ou par le musicien dans sa vie personelle. Je pense que les deux ne sont absolument pas à mettre en relation.
Ouais, j'aimerais mettre la main sur ce film un jour aussi. C'est marrant que pour les non-puristes, ce soit toujours Burzum qui soit adulé à ce point.
C'est drôle, la piste 7 (Helix Skull) du dernier Liturgy, c'est du nintendocore. C'est également très affligeant, surtout au vu du reste de l'album.
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