C'est entendu.
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mercredi 20 avril 2011

[Nuit Blanche] Kupa - Chango Island

"Bienvenue sur l'île aux singes !" C'est ce que me dit mon ordinateur à chaque fois qu'il me prend l'envie de rejouer à un épisode de la série "Monkey Island". Vous savez, ce jeu plein d'humour, de poésie et de piraterie ? Ce soir, je veux sortir, avoir des acouphènes et ce, avec les images burlesques de Guybrush Threepwood en tête. Je veux du "combat d'insulte" sonique. Je veux des singes sous amphét' et des pirates enivrés au grog ! Je veux danser langoureusement avec Elaine et l'embrasser avec violence. Heureusement pour moi, il y a Kupa !

Kupa, c'est un mexicain méconnu, nostalgique de son game boy et auteur d'un seul album, dont est issue la chanson de ce matin, à savoir "Pairat" (2010), un disque qui se veut être une ode à la musique 8 bit et aux vieilles consoles. Chango Island est, vous l'avez compris, un remix du thème du jeu-vidéo "Monkey Island", thème qui évoque les caraïbes, les grands espaces bleus, le tout, porté par une mélodie amusante.



(Le thème original de "Monkey Island 3 - The Curse of Monkey Island")

Le remix qu'en a fait l'anapside (le nom "Kupa" est bien évidement une référence à la tortue Koopa Troopa dans la série des Mario) se veut dub, soutenu par une basse chiptune englobante mais n'est, en fin de compte, que plutôt banale et ne brille d'aucune audace, ni d'aucun génie. Sa qualité réside dans la nostalgie et la drôlerie avec laquelle l'artiste reprend le thème, le portant jusqu'aux dancefloors crades de nos mémoire juvéniles. Ca me ferait presque regretter Le Chuck tout ça ...


Julien Masure

mercredi 6 avril 2011

[Nuit Blanche] Zombie Zombie redonne l'Assaut de Carpenter

En marge de sa réputation de "Maître de l'Horreur", John Carpenter a aussi inscrit à son palmarès bon nombre de bandes originales, celles de ses propres films. L'histoire est connue : avant de se lancer corps et bien dans le cinoche, Carpie jouait dans le groupe The Coupe de Villes avec des amis et histoire d'économiser sur le budget de ses métrages avait eu la bonne idée de composer lui-même (ou en compagnie de son ami Alan Howarth) des thèmes au synthétiseur, plutôt minimalistes, lents, souvent angoissants et accompagnés de boites à rythmes simplistes pour un résultat du tonnerre (je vous rappelle qu'il s'agit là du meilleur cinéaste américain de sa génération et son talent de compositeur n'y est pas étranger). En 1976 sortait son deuxième long métrage, Assault on Precinct 13.



(La version originale du thème composé par John Carpenter)


Et depuis 2010, le duo français Zombie Zombie (dont le sobriquet révèle d'emblée l'amour qu'ils portent au cinéma de genre des années 70 et particulièrement à Romero) ont décidé de matérialiser leur passion pour la musique cinéma(synthé)tique de la fin des années 70 (Goblin, Carpenter, mais aussi Moroder, et tous les rétro-futuristes que l'on entendait derrière le premier album du groupe, "A land of renegades", sorti en 2008) en publiant un EP-hommage :


Dans une veine dont raffoleront les amateurs de ce genre de revival (duquel sont coutumiers un certain nombre d'autres musiciens depuis quelques années, dont Majeure, Zombi ou encore Etienne Jaumet, sur son album solo), Zombie Zombie reprend donc cinq thèmes mythiques, à savoir ceux d'Escape from New York et de sa suite, Escape from L.A., celui de The Thing, l'archi-connu piano inquiétant de Halloween et, vous vous en doutez, le thème d'Assault on Precinct 13 :


(Zombie Zombie à Brighton en Juillet 2010)


Insufflant une vigueur nouvelle au rythme martial de l'assaut du commissariat, la batterie maigrichonne de Neman (par ailleurs batteur de Herman Düne) et la large panoplie de synthés d’Étienne Jaumet ne seraient qu'un chouette témoignage de respect sans la dimension live qui est finalement le principal intérêt du concept.

Mise en situation

Et ça tombe bien puisque Zombie Zombie jouera de nouveau ces morceaux-là sur scène, et pas n'importe où puisque ce sera dans le très joli cadre de la Fondation Cartier, à Paris, le 12 Mai prochain, à 21h. A cette occasion, le groupe a invité Alan Howarth à se joindre à eux et des extraits des films seront projetés pendant le concert. En attendant de vous y retrouver, je vous conseille de voir ou revoir The Thing ou Dans l'antre de la folie un de ces soirs, avec des copains pour éviter de trop flipper et du popcorn pour déstresser, parce que l'on n'a pas fait beaucoup mieux depuis et qu'il n'y a pas qu'à Halloween qu'on a le droit de se filer la frousse.


Joe Gonzalez


P.S. : Et envoyez-vous aussi ce très bon live d'Escape from L.A. joué chez Agnès B et filmé par l'équipe de Grandcrew.

lundi 21 mars 2011

[Nuit Blanche] Kraftwerk - Radioaktivitat

Tout ça me donne envie de réécouter Kraftwerk. Après tout, sans famille ou amis exilés aux antipodes, je n'ai pas d'autre inquiétude que (*) celle, vaguement lointaine et forcément évanescente, de la sauvegarde de l'écosystème. Bon d'accord, ça n'est pas tout à fait vrai : je ne me fous pas du sort des Japonais, c'est un fait, mais c'est avant tout l'avenir de leur terre qui me touche : comme si cette île tant fantasmée, surtout par nous autres petits bourgeois occidentaux, était vouée à devenir un no man's land irradié, obligeant un peuple à se re-localiser, à abandonner sa patrie, ses villes, ses maisons. Alors j'écoute Kraftwerk qui en 1976 avaient froidement annoncé les risques, comme l'aurait fait un roman d'anticipation de Philip K. Dick. Le luxe, lors d'une telle situation, c'est de trouver un écho musical si facilement, et d'autant plus lorsqu'il s'agit de l'un des premiers grands tubes de la musique électronique.




Est-ce qu'une telle chanson verrait le jour en 2011 après Tchernobyl et Fukushima ? Je ne sais pas si même Kraftwerk aurait les roubignoles nécessaires pour écrire "Radioactivity is in the air for you and me" et encore moins pour le chanter sur un ton pince-sans-rire telle une Cassandre robotique.


Joe Gonzalez


(*) : ça n'est pas tout à fait vrai puisqu'il y a aussi en moi un fond de cynisme noir ébène lorsque je pense "Et dire qu'il y a des types comme Jim O'Rourke qui ont décidé de ne plus jamais quitter le Japon..."

samedi 5 mars 2011

[Nuit blanche] DJ Shadow — Midnight In a Perfect World

D'accord, la nuit blanche d'aujourd'hui ne sera pas vraiment une découverte pour vous — DJ Shadow, "Endtroducing…", vous connaissez sans aucun doute déjà. Peut-être le connaissez-vous même par cœur. Hommage au vinyle, à une myriade d'artistes et à la découverte musicale, monument fait de moments trouvés (par hasard ? peut-être, mais cherchés avec passion), "Endtroducing…" a su prouver à tout le monde que même un album constitué quasi-intégralement de samples pouvait ne pas être une réappropriation éhontée ni un patchwork à la Frankenstein mais bien une création à part entière ; le disque fait non seulement preuve d'un vrai sens de la composition mais donne également à entendre les éléments qu'il reprend sous une nouvelle lumière. Nombreux sont les critiques qui ont élevé l'album au rang de chef-d'œuvre, et franchement, j'aurais tendance à les rejoindre…

(Midnight In a Perfect World : la version album…







…et la version longue de neuf minutes.)

Midnight in a Perfect World est peut-être la plus belle réussite d'"Endtroducing…", et le fait que cette composition soit réalisée intégralement à partir de fragments d'autres musiques (la voix de Gift of Gab exceptée (*)) ne la rend finalement que plus impressionnante. Je vous invite à comparer la recomposition de Shadow aux pistes originales, tant il est intéressant de voir à quel point les mêmes éléments peuvent produire des effets différents selon le contexte : la voix féminine est tirée de Sower of Seeds de Baraka, la basse provient de Sekoilu Seestyy (The Madness Subsides) du Finlandais Pekka Pohjola, d'autres éléments encore viennent de pistes d'Akinyele (juste un mot), Meredith Monk (deux samples utilisés), David Axelrod (quelques notes de piano), Organized Konfusion (l'intro rappée), Marlena Shaw (un rythme)… Il ne faut que quelques minutes voire quelques secondes aujourd'hui pour retrouver les traces de ces pistes originales, la piste de Shadow n'est plus un jeu de piste impossible mais une carte à partir de laquelle on peut explorer et faire des découvertes pendant des heures. La piste d'Akinyele entre autres est de très bonne facture, et j'ai un faible pour la reprise de California Soul par Marlena Shaw…


Mais j'avoue que je préfère encore Midnight In a Perfect World aux originales : aussi nocturne et belle que son titre le laisse espérer, avec sa voix et son piano oniriques et feutrés au cœur d'un beat et d'une voix hip-hop chargées à bloc, le contraste est saisissant et le résultat étonnamment apaisant. C'est là une des grandes forces de la musique que faisait Shadow à cette époque : trouver la paix au milieu de toute cette effervescence, et aussi faire ressentir ou du moins faire comprendre la nostalgie d'époques même si on ne les a jamais vécues.




— lamuya-zimina



(*) : Gift of Gab, avec Chief Xcel, font partie de Blackalicious, un groupe de hip-hop du collectif Quannum — dont DJ Shadow fait également partie. Si vous ne connaissez pas, "Quannum Spectrum" regroupe une bonne partie des artistes du label et comporte bon nombre de perles ; quant à Blackalicious, "Nia" est un très bon album et "Blazing Arrow" est pour moi une référence.

jeudi 10 février 2011

[Nuit Blanche] No Age - Fever dreaming

Il aura fallu un très bon clip pour que je m'intéresse à No Age. Ne me demandez pas pourquoi leur musique me passait au-dessus du ciboulot - peut-être à cause de leur statut de chouchous noisy de Pitchfork (et on sait ce que ça peut signifier, souvenez-vous de Japandroids, meilleur nom, pire groupe). Toujours est-il qu'après enquête, leur dernier album (les autres, on verra plus tard, je ne peux pas non plus TOUT écouter, ou en tout cas pas tout de suite) est plutôt pas mal dans le genre noise pop.



Je dis "pas mal" parce que ça n'est ni un chef d'œuvre ni même un truc vraiment homogène niveau qualité. Entre des morceaux plutôt réussis et rentre-dedans (Skinner, Life prowler...) il y'a aussi de gros gros ratés, style avec des guitares acoustiques (hors sujet) ou bien une tentative d'ambient (je ne donne pas de +2 quand il y a une blague sur la copie, je sais que ça se fait mais pas là)... Bon vous voulez quoi ? Que je vous dise que l'album n'est pas terrible ? Certes, mais il y a trois ou quatre morceaux qui valent le coup, c'est déjà ça. Le single (celui dont le clip m'a tant plu), par exemple, je l'aime vraiment beaucoup. La guitare a beau ne rien inventer, elle avance sans hésitation en passant les vitesses régulièrement, jusqu'à ces espèces de larsens/cris parfaitement jouissifs, tandis que la voix est tout sauf prévisible et même vraiment sexy. C'est du punk rock et c'en est du bon, baby !



Montez le son, remettez la chanson, dansez un peu, et puis faites quelque chose d'inventif, servez-vous de votre imagination, créez quelque chose, bougez-vous les neurones, faites de votre soirée le climax d'une journée molle, soyez productifs, les esprits en ébullition, No Age sera votre fuel.


Joe Gonzalez (gourou d'un soir)

jeudi 13 janvier 2011

[Nuit blanche] Nurse With Wound — Soliloquy for Lilith

Il y a des musiques qui glacent le sang, d'autres qui donnent envie de se flinguer. Il est des musiques encore qui semblent accueillir la personne qui les écoute dans un cocon de pénombre… Mais il y a peu de musiques qui ressemblent à "Soliloquy for Lilith" de Nurse With Wound, une œuvre abyssale, atemporelle, apparemment impénétrable et qui pourtant attire irrémédiablement par son étrangeté et sa noirceur. Six pièces sans titre (*1) qui semblent pouvoir durer éternellement et sont étrangères à toute évolution ou toute distinction entre harmonie et dissonance.

(Soliloquy for Lilith, part V)

Pas que le disque soit particulièrement bien (ou mal) composé, ou joué par un malade mental, ou quoi que ce soit. En fait, il s'agit simplement d'un synthétiseur défectueux qui s'est mis à agir comme un theremin et avec lequel Steven Stapleton a expérimenté… encore une preuve que parfois, des concepts extrêmement simples peuvent donner des résultats puissants. Et finalement, le fait que cette musique provienne d'une erreur, d'une anomalie, paraît presque approprié — comme si ce disque était une aberration, avec ses drones d'une inquiétante étrangeté (*2) qu'on croirait entendus à travers un rêve malade. ("Soliloquy for Lilith" est d'ailleurs un disque à part dans la discographie de Nurse with Wound, dont je vous reparlerai sans doute.)


Quant au titre, il se réfère au mythe de Lilith, démone associée à la nuit, au vent et à certains animaux (son nom peut apparemment se traduire par "chouette" ou "oiseau de nuit" dans certains cas). Lilith aurait été à l'origine la toute première femme, créée en même temps qu'Adam voire avant lui, et elle se serait rebellée contre ce premier homme (on peut donc voir en elle un symbole du féminisme, mais c'est là une autre histoire… enfin, je crois). La fille de Steven Stapleton s'appelle aussi Lilith. (Si Steven lui a joué cette musique comme berceuse quand elle était petite, euh… j'aimerais bien savoir ce qu'elle écoute aujourd'hui.)

"Soliloquy for Lilith" n'est pas un disque à écouter tous les jours, mais si jamais vous avez une longue nuit de solitude devant vous et que vous aimez l'étrange et/ou l'occulte, c'est une musique à nulle autre pareille ! Préparez-vous simplement à avoir des rêves inhabituels…


— lamuya-zimina



(*1) À noter que les éditions récentes de l'album (depuis 2003) rajoutent aux deux CDs de l'édition précédente un troisième disque de deux pistes, plus complexes et plus évolutives, très belles également.

(*2) À lire si ce n'est pas déjà fait : Das Unheimliche de Freud. Ça n'est pas très long et c'est intéressant !

jeudi 23 décembre 2010

[Nuit Blanche] Sufjan Stevens - You Are The Blood

You Are The Blood est salutaire à plus d'un titre. Parue en 2009 au sein de la compilation "Dark Was The Night" (raillée avec force mauvaise foi par le camarade Joe Gonzalez voilà quelques mois), la chanson de Sufjan Stevens était d'assez loin le highlight de cette accumulation de faces B plus ou moins réussies, et annonçait sa mutation à venir : un hybride entre ses débuts expérimentaux et le chamber folk des "Michigan/Illinois", mutation confirmée à la sortie de "The Age of Adz".

Et à la lumière (fluorescente) de ce dernier album, You Are The Blood nous rappelle que Sufjan Stevens sait (savait ?) faire des morceaux de plus de dix minutes sans forcément plonger l'auditeur dans la consternation, comme ce fut mon cas en écoutant le bien nommé Impossible Soul, expérimentation pas expérimentale qui ponctue de fort laide manière "The Age Of Adz".


Si la chanson sonne comme du Sufjan 100% pur jus, il s'agit pourtant bien d'une reprise d'un groupe qui s'appelle Castanets, groupe qui est sur le même label que Sufjan Stevens (Asmathic Kitty). Les deux versions sont très proches (bien que l'originale fasse 6mn de moins !), mais Stevens s'approprie complètement le morceau et y développe tout ce qu'il sait faire de mieux. On y trouve pèle-mêle des cuivres agressifs, de l'electronica digressive, des choeurs progressifs, le tout ponctué de tout un tas de petites bizarreries de composition, entre génie et dilettantisme, qui font qu'on aime ou qu'on hait Sufjan.


Joseph Karloff

lundi 22 novembre 2010

[Nuit Noire] Textures - Regenesis

En plein semaine du métal, je me suis dit "autant parler DU groupe de métal que j'ai le plus écouté jusqu'à ce jour", celui qui m'a passionné, celui qui déchaine parfois les passions, Textures. J'ai découvert ce sextet néerlandais de (presque death) métal technique à la sortie de leur deuxième album, "Drawing Circles", en 2006. C'est certainement l'un des dix disques que j'ai le plus écoutés, et je peux vous assurer qu'aucun des neuf autres n'est un album de métal.



Une introduction d'album puissante, un son de guitares énorme, qui ne ressemble à aucun autre, un riff accrocheur, massif. Textures c'est un chanteur au coffre surprenant et un batteur ingénieux, fluide et précis. Le groupe sait jouer sur les ambiances, aménager des respirations nécessaires à leur dynamique : synthétiseurs de plutôt bon goût, guitares qui ne servent pas qu'à construire un mur du son mais qui s'attachent également à enrichir la palette sonore, et parfois même des cuivres (sur le premier album). Disons que le groupe porte vraiment bien son nom…

Le plus surprenant, je dirais même que c'est le point fatidique, celui où certains vont tout de suite couper leur platine : le chant clair du chanteur. Un sacrilège pour les puristes, pas pour moi. Ses lignes de chant clair couplées à la richesse de certains accords introduisent de l'amour au milieu de toute cette virilité. L'accumulation de tous ces éléments rend le groupe particulièrement "bordeline" et j'ai toujours eu un faible pour ce genre de formations, qui maîtrisent tellement bien les codes et les clichés d'un genre qu'elles peuvent s'en jouer au point de tromper le monde, d'agacer, de faire douter. Textures ne ressemble à aucun autre groupe de métal et c'est certainement cela qui les rend si peu visibles et qui a parfois même amené à les voir rejetés dans ce milieu. Personne d’autre ne dégage cette puissance positive, onirique, ne met sa technique au service de morceaux aussi forts. Des mélodies riches, des structures complexes, des atmosphères maîtrisées, des polyrythmies jouissives et des riffs conquérants, c’est cela Textures. Ils offrent un travail sérieux, acharné, perfectionniste sans pour autant se prendre au sérieux, bien qu'il faudrait sérieusement se pencher sur leur cas ! Pour cela je recommande donc "Drawing Circles" (2006) et "Silhouettes" (2008) son successeur plus frontal. Le premier album n'est pas mauvais, mais à cette époque, le groupe n'avait pas le même chanteur, et n'était surtout pas encore arrivé à maturité.


Mx

jeudi 18 novembre 2010

[Nuit Noire] Cloudkicker - Push It Way Up !

Le métal à tendance technique a connu un revival ces derniers temps notamment à travers des projets de one-man band autistes. Ces mecs sont tous plus terrifiants les uns que les autres. La première question que l'on se pose est : comment font-ils pour composer une musique si complexe techniquement et en assumer l'entière exécution ? Mais en y réfléchissant bien, c'est plutôt évident, comment pourrait-il en être autrement ? Leur musique est le résultat d'une expérience intime, une maîtrise parfaite de leurs désirs et de leurs pensées, un respect scrupuleux de la chaîne de production, du corps et du cerveau jusqu'à l'enregistrement final.



Cloudkicker alias Ben Sharp, jeune artiste américain qui fait parler de lui sur la toile depuis quelques mois, fait partie de ceux-ci. Cloudkicker est une machine de guerre qui fait l'amour. Comparé à la plupart des ses acolytes, Ben Sharp offre une musique plus retenue (autant qu'elle puisse l'être dans un tel contexte) et à travers son dernier album ("Beacons", 2010), construit sur tout un tas de riffs qui sont comme des dizaines de faux-amis, il semble vraiment prendre le temps de travailler sa matière. Il prend un riff et ne le lâche pas tant qu'il ne l'a pas épuisé, tant qu'il ne lui a pas fait dire tout ce qu'il avait à dire, tant que la matière n'a pas été développée, étirée, usée. Sa musique réussit à captiver, ou même à hypnotiser à travers une certaine brutalité. Il bâtit patiemment des murs de sons autour de bases rythmiques qui seraient, de manière un peu simpliste, à la croisée de deux cousins suédois : Meshuggah (pour la rigueur mathématique et les patterns en trompe-l'œil de Haake) et Cult of Luna (pour l'assise et la finesse de composition rythmique). Sauf que Cloudkicker est américain, plus émotif, plus accueillant et moins euro-cérébral. Il travaille toujours sur un fil pour garder l'équilibre entre sa musique et la technique qu'il met au service de celle-ci. Et afin de graisser les rouages de cette lourde machine, Ben Sharp accorde une attention particulière aux arrières plans : drones lentement introduits dans le mix, nappes de larsens ou plages de synthétiseurs discrètes, le tout offrant une ampleur non négligeable à ses compositions. Push It Way Up ! n’est qu’un rouage de cette entreprise mais il vous donnera un très bon aperçu des qualités de cet artiste.


Mx


P.S. : Ben Sharp est autoproduit de A à Z, vous pouvez acquérir sa musique ici.

P.P.S. : Pour ceux qui ont aimé mais recherchent quelque chose qui serait plus érotique, plus porté sur le manche, il existe Animals as Leaders. Mais alors là, je ne réponds plus de rien.

mardi 16 novembre 2010

[Nuit noire] Khanate — Pieces of Quiet



Accablante, étouffante, malsaine, dissonante, monstrueuse, abominable, la musique de Khanate est la bande son parfaite pour une séance de torture. Si vous hésitez à appuyer sur le bouton lecture ci-dessus, vous voilà prévenu(e)s.

Khanate est un groupe de doom metal, ce genre particulièrement lent, aux guitares sales, aux infrabasses d'outretombe et aux thèmes complètement désespérés. Si vous avez déjà entendu parler de doom, le nom de Sunn O))) vous vient peut-être à l'esprit ; ce groupe, qui tire son nom d'une marque d'amplificateurs (et fait aussi référence à Earth, les pionniers du genre), s'est vite imposé comme la référence en matière de… hum, de drones très graves au son crade qui s'étirent pendant des lustres, éventuellement accompagnés de voix caverneuses. Il paraît que c'est une expérience très puissante en live, où le groupe joue à un volume extrêmement élevé, mais d'habitude Sunn O))) me frustre et m'ennuie passablement (pourtant j'aime le drone et le dark ambient)…

Il me faut quelque chose de plus pour apprécier le doom, que ce soit le son paradoxalement onirique et lumineux (qui ferait presque — presque — penser au shoegaze par certains aspects) de Nadja ("Touched" est un excellent album), ou au contraire, cette descente aux enfers qu'est Khanate, poussant à son paroxysme tout ce qu'il peut y avoir de noir, de malsain et de torturé dans le genre.


Les chansons de Khanate s'étirent sur une dizaine de minutes en général, avec les cris dérangés et agressifs d'Alan Dubin, la guitare du fameux Stephen O'Malley (qui joue dans de nombreux groupes de doom et s'occupe aussi de l'artwork), la basse de James Plotkin (dont le projet Phantomsmasher est un OMNI quasi-inclassable), et la batterie aux tempi lents et implacables de Tim Wyskida.

Sur le premier album, "Khanate" (dont provient Pieces of Quiet), les compositions maintiennent encore un certain équilibre entre l'inexorable (les battements et hurlements quasi-inhumains que l'on prend plaisir à endurer pendant de longues minutes) et l'inattendu (ces ouvertures, ou plutôt déchirures, qui infligent de nouvelles dissonances à l'auditeur (-trice), qui en redemande). Sur le deuxième album, "Things Viral", tout se disloque, les structures classiques s'écroulent, la voix devient encore plus torturée et l'auditeur (-trice) doit réellement s'accrocher pour suivre la logique de ces décombres labyrinthiques, pistes à la géométrie lovecraftienne qui ne semblent plus aller nulle part et ramènent parfois l'auditeur (-trice) à son point de départ sans qu'on comprenne pourquoi (ce qui peut être frustrant). J'avoue ne pas avoir encore écouté "Capture & Release", mais le dernier album (post-séparation) du groupe, "Clean Hands Go Foul", incorpore plus de manipulations et modulations électroniques et sonne presque moins noir que les deux autres albums (les deux premières pistes semblent partager des caractéristiques avec le rock, la troisième avec l'ambient, même si les différences sont subtiles et que tout reste du Khanate),… jusqu'au final complètement nihiliste, une demi-heure éparpillée, quasiment vidée — et à mon avis moins convaincante que d'habitude.

Certes, il faut soit être d'une humeur très particulière (suicidaire ? meurtrière ?), soit se forcer un peu pour s'envoyer du Khanate… mais en insistant, l'horreur de Khanate se révèle être particulièrement prenante, étonnamment jouissive et, par certains aspects, admirable.


— lamuya-zimina

lundi 8 novembre 2010

[Nuit Blanche] Aphex Twin - 4

Hop hop, le chat Joe Gonzalez n'est pas là, occupé qu'il est à s'incruster au festival des Inrocks en se faisant passer pour un journaliste, tout ça pour voir LCD Soundsystem à l'oeil, le vil gredin. Du coup, à la rédac', certains se tournent les pouces, jouent à la Game Boy ou écoutent le dernier Muse en cachette ; et d'autres piratent sauvagement le site en y parlant d'ELECTRONICA, en pleine nuit pour que personne ne remarque rien car tout le monde est sur Youporn à cette heure-ci.

Tout le monde a frémi devant cette photo de Richard D. James, aka Aphex Twin, où l'intéressé essayait déjà de nous foutre les boules, peu avant son clip de malade Come To Daddy et l'imagerie dérangeante qui s'en dégageait. Pourtant, le "Richard D. James Album" s'ouvre par un titre au beat agressif certes, mais tout en rondeurs, avec des gentils pads grenouillant dans tous les sens et soutenus par des cordes paisibles.




4 est l'une des plus belles réussites d'Aphex Twin en termes d'electro pure (si tant est que cela veuille dire quelque chose) : elle ouvre son meilleur disque avec beaucoup d'audace tout en paraissant très facile, presque naïve. Le grand public ne retiendra sûrement d'Aphex Twin que ses courtes pièces au piano qui émaillent "Drukqs", et qui ont fait la joie des publicitaires du monde entier ; sans rien retirer à la beauté pure de morceaux comme April 14th, je leur préfère 4, condensé à la fois expérimental et accessible de toute l'oeuvre d'Aphex Twin, et somnifère idéal pour vivre ses plus beaux cauchemars.


Joseph Karloff

mardi 2 novembre 2010

[Nuit blanche] Download — Flight of Luminous Insects


Download est l'un des nombreux side-projects des membres de Skinny Puppy, et à mon avis l'un des plus intéressants (au point de surpasser le groupe original par bien des aspects). Mené par cEvin Key et Phil Western, ainsi que feu Dwayne Goettel et Mark Spybey (*) sur les premiers albums, Download s'éloigne du fameux rock/indus de son groupe-parent pour explorer de nouveaux territoires ; là où Skinny Puppy a souvent utilisé, au meilleur de sa carrière, un son agressif dirigé par la voix de Nivek Ogre sur des pistes-choc souvent très accrocheuses une fois apprivoisées, Download propose une musique électronique instrumentale, contemplative et exploratoire, chaque album un flux sonore en métamorphose.

Flight of Luminous Insects est issu de l'album “III”, un disque riche et hybride, dont l'univers se situe entre les sons encore industriels, rêches et abrasifs de “The Eyes of Stanley Pain” et l'électronique plus classique, rythmée et dansante d’“Effector” ; la piste débute avec des boucles quasi-ambient qui rappelleraient presque les paysages électro-organiques de The Future Sound of London, de quoi faire rêver les un(e)s et endormir les autres...



— puis un rythme industriel s'introduit et change le son radicalement — on dirait qu'un parasite vient de pénétrer brusquement la musique. La piste se met à muter, semble presque lutter entre les deux sons, avant de finir par rejeter la symbiose pour se fondre dans la piste suivante (qui, elle, arrive à une synthèse entre les deux éléments). Flight of Luminous Insects est un morceau tour à tour beau et violent, électronique et organique.

La pochette de l'album, signée Dave McKean.

La musique de Download est souvent comme ça : des univers sonores étonnants, beaux, étranges et très détaillés, plutôt que des mélodies accrocheuses et des structures évidentes.

cEvin, Dwayne, Phil et Mark, rejoints parfois par Anthony Valcic (sur “III”, justement), Ken Marshall ou encore Genesis P-Orridge, forment un groupe de créateurs et de manipulateurs du son particulièrement doués. L'évolution du groupe autour de “III” est assez importante, “The Eyes of Stanley Pain” étant fascinant de bout en bout sans pourtant fournir de mélodie accrocheuse alors qu'“Effector”, bien plus accessible, peut très agréablement s'écouter en musique de fond. La seule chose que l'on peut reprocher à Download avant “Effector”, je crois, est justement un manque de structures immédiatement accrocheuses, ce qui peut rebuter l'auditeur (-trice) qui attendrait une piste-tube à écouter en boucle. À l'inverse, pour être tout à fait honnête, on pourra reprocher à “Effector” de perdre un peu de l'originalité des albums précédents. Ce qui n'enlève rien aux autres qualités de ces trois excellents albums, qui méritent amplement qu'on leur accorde un peu de temps !

Bonne nuit et bonne écoute !


— lamuya-zimina


(*) : Une liste non exhaustive de leurs autres projets et groupes respectifs : cEvin Key : The Tear Garden (avec notamment Edward Ka-Spel des Legendary Pink Dots), Hilt, Pigface, etc ; Dwayne Goettel : aDuck (solo) ; Mark Spybey : :zoviet*france:, Reformed Faction, Dead Voices on Air (solo), Spasm, etc ; Phil Western : Philth (solo) ; cEvin Key + Dwayne Goettel : Doubting Thomas, Cyberaktif, etc ; Mark Spybey + Phil Western : Beehatch ; cEvin Key + Phil Western : platEAU, etc. Tous ces artistes n'ont pas arrêté de collaborer entre eux, souvent avec de très bons résultats d'ailleurs.

mercredi 27 octobre 2010

[Nuit Blanche] Julian Cope - Pulsar

Il y a déjà un mois de cela pendant que mes potes respectaient la tradition en s’envoyant leur dose de Jupiler à la braderie de Lille (100 kilomètres d’étals de Wazemmes à Tourcoing) je passais mon dimanche à la plus modeste brocante St-Henri du Creusot (600 mètres de présentoirs de l’église à la rue Félix Martin). Entre les machines à coudre éparses et les miroirs brisés, un unique stand de vinyles. Dont un exemplaire promotionnel d’Eve’s Volcano (covered in sin) de Julian Cope.

Jusqu’alors et comme beaucoup je ne connaissais de lui que sa réputation de taré sympathique et amateur éclairé de krautrock (Julian est l’auteur du seul ouvrage paru à ma connaissance sur ce courant musical fort prisé par chez nous), des références solides pour justifier un achat aveugle. Et puis le 33 tours était pratiquement offert sous condition de l’achat simultané d’un album des Smiths. Face A : Eve’s Volcano* & Most beautiful child, pop obsolète et entêtante. Face B : Pulsar live.



J’ai toujours été porté à conchier les 80’s mais ça ! Impossible à définir en dehors du dénominateur "pop", celle de l’époque mais malsaine, dégénérée. Une capacité terrifiante à pervertir la plus innocente mélodie. Julian démarre seul de sa voix abrupte et barrée, on voudrait dire proto punk – sorte d’Iggy sous mescaline – si tout ça n’était pas sorti en 1987. Suit un riff primaire et une cathédrale de sons mielleux en entracte, mais du sucre en ébullition. Le morceau serait presque enjoué si ce n’était pas Cope. Break à 1:20 on pense avoir pigé le truc mais non, bien sûr que non. La guitare se fait soudain claire, la rythmique s’estompe et Julian désormais susurre au milieu d’un océan d’arrangements mièvres : "yeah i stand, i'm waiting a (our ?) love in command". Quatre fois. Silence et ça reprend, Julian crache ses dernières paroles.
Au delà de ce seul morceau "Saint Julian" représente les eighties dans ce qu’elles ont de meilleur : la décadence.

Pulsar n’est pas forcement la piste la plus représentative de l’album ni même la meilleure mais sa force et sa folie en font dans un premier temps oublier le reste. Qui plus est cette rubrique s’intitule Nuit Blanche et la sentence initiale - "i’ve been awake too long and i’m wondering why" – doit sans doute trouver un écho parmi ceux d’entre vous qui reprennent le travail au matin après leur ivresse nocturne. On se trouve les justifications qu’on peut.


Arthur Graffard


(*) : Cette version étoffée de Eve’s Volcano n’est pas présente sur l’album et je suis incapable de vous dire où Youtube a bien pu trouver "The Followers of Saint Julian" dont elle est issue. Gloire à la vidéo à la demande.

mardi 19 octobre 2010

[Nuit Blanche] James Blake - I Only Know (What I Know Now)

Bonsoir à tous. La journée a été dure ? Fatigante ? Vous n'avez qu'une envie : vous asseoir, écouter de la bonne musique, un verre de whisky à la main ? J'ai ce qu'il vous faut sous le manteau. Posez un casque sur vos oreilles et laissez vous bercer par la rythmique dub ascendant downtempo de James Blake (le nouveau monsieur hype).


James Blake, peut-être ne connaissez-vous pas encore ce nom, est le dernier né de la scène "dubstep dépressif" (Burial, Kode9...). Il est l'auteur de trois EP's très remarqués qui l'ont directement propulsé à la place d'homme à écouter. Si toute hype n'est pas bonne à prendre, celle-ci ne se méprend pas. L'homme a du talent, du gout et de l'audace. Ses disques expérimentent sur différents terrains, tantôt plus ambiants, tantôt plus acerbes. "Klavierwerke EP", dont est issue la Nuit Blanche de ce mardi est le plus aérien de tous.

Depuis sa sortie fort remarquée en Septembre dernier, I Only Know (What I Know Now) est déjà un classique en soi : un clavier, un léger effet crado, un sample de voix réverbéré à l'infini, porté par une variation de pitch jamais grossière. Sur cela se dévoile une rythmique down qui ne dépassera jamais les 70 bpm et qui enrobe le morceau ; plane alors cette ambiance légèrement mélancolique. Reposez-vous, reprenez-en un peu. Bonne nuit.


Julien Masure

vendredi 15 octobre 2010

[Nuit Blanche] Bohren & Der Club of Gore — Midnight Black Earth

“Nuit blanche” ? C'est le nouveau programme de nuit de C'est Entendu, qui vous proposera des musiques sombres, étranges ou inhabituelles pour vous tenir compagnie lors de vos insomnies. Une piste de "nuit blanche" pourra vous endormir ou vous donner des cauchemars, vous séduire ou vous décontenancer ; attendez-vous à entendre ici des compositions de plus de dix minutes, de l'ambient, de l'expérimental, du jazz, du post-industriel, tout genre qui s'éloigne (un tant soit peu) des formes traditionnelles ou toute musique adaptée à l'écoute nocturne et solitaire...

On commence en douceur avec un classique : Midnight Black Earth, l'ouverture de "Black Earth" de Bohren & Der Club of Gore, groupe allemand connu pour son association de dark ambient et de jazz. Aussi sensuelle que macabre, cette piste de huit minutes est à l'image de l'album : lente, sombre, feutrée, et nocturne jusqu'au bout des ongles...

(Midnight Black Earth)

Certes, le "doom jazz", "jazz noir", "funeral jazz" ou peu importe le nom que l'on donnera à la musique de Bohren & co. n'est pas le mélange le plus osé ni le plus surprenant du monde de la musique. En fait, à l'écoute, cette musique paraît complètement évidente — et, oui, "Black Earth" pourrait très bien faire office de bande originale de film. Mais justement, dans ce genre-là, cette musique est idéale, elle transporte dès les premières secondes et est on ne peut plus évocatrice. Si jamais une musique m'a donné envie de veiller tard chez moi, à lire un bon roman dans une atmosphère enfumée, à me croire dans une métropole tentaculaire la nuit et à imaginer des histoires lascives et sordides, c'est bien celle-ci.

Bonne nuit et bonne écoute.


— lamuya-zimina