C'est entendu.

mardi 16 novembre 2010

[Nuit noire] Khanate — Pieces of Quiet



Accablante, étouffante, malsaine, dissonante, monstrueuse, abominable, la musique de Khanate est la bande son parfaite pour une séance de torture. Si vous hésitez à appuyer sur le bouton lecture ci-dessus, vous voilà prévenu(e)s.

Khanate est un groupe de doom metal, ce genre particulièrement lent, aux guitares sales, aux infrabasses d'outretombe et aux thèmes complètement désespérés. Si vous avez déjà entendu parler de doom, le nom de Sunn O))) vous vient peut-être à l'esprit ; ce groupe, qui tire son nom d'une marque d'amplificateurs (et fait aussi référence à Earth, les pionniers du genre), s'est vite imposé comme la référence en matière de… hum, de drones très graves au son crade qui s'étirent pendant des lustres, éventuellement accompagnés de voix caverneuses. Il paraît que c'est une expérience très puissante en live, où le groupe joue à un volume extrêmement élevé, mais d'habitude Sunn O))) me frustre et m'ennuie passablement (pourtant j'aime le drone et le dark ambient)…

Il me faut quelque chose de plus pour apprécier le doom, que ce soit le son paradoxalement onirique et lumineux (qui ferait presque — presque — penser au shoegaze par certains aspects) de Nadja ("Touched" est un excellent album), ou au contraire, cette descente aux enfers qu'est Khanate, poussant à son paroxysme tout ce qu'il peut y avoir de noir, de malsain et de torturé dans le genre.


Les chansons de Khanate s'étirent sur une dizaine de minutes en général, avec les cris dérangés et agressifs d'Alan Dubin, la guitare du fameux Stephen O'Malley (qui joue dans de nombreux groupes de doom et s'occupe aussi de l'artwork), la basse de James Plotkin (dont le projet Phantomsmasher est un OMNI quasi-inclassable), et la batterie aux tempi lents et implacables de Tim Wyskida.

Sur le premier album, "Khanate" (dont provient Pieces of Quiet), les compositions maintiennent encore un certain équilibre entre l'inexorable (les battements et hurlements quasi-inhumains que l'on prend plaisir à endurer pendant de longues minutes) et l'inattendu (ces ouvertures, ou plutôt déchirures, qui infligent de nouvelles dissonances à l'auditeur (-trice), qui en redemande). Sur le deuxième album, "Things Viral", tout se disloque, les structures classiques s'écroulent, la voix devient encore plus torturée et l'auditeur (-trice) doit réellement s'accrocher pour suivre la logique de ces décombres labyrinthiques, pistes à la géométrie lovecraftienne qui ne semblent plus aller nulle part et ramènent parfois l'auditeur (-trice) à son point de départ sans qu'on comprenne pourquoi (ce qui peut être frustrant). J'avoue ne pas avoir encore écouté "Capture & Release", mais le dernier album (post-séparation) du groupe, "Clean Hands Go Foul", incorpore plus de manipulations et modulations électroniques et sonne presque moins noir que les deux autres albums (les deux premières pistes semblent partager des caractéristiques avec le rock, la troisième avec l'ambient, même si les différences sont subtiles et que tout reste du Khanate),… jusqu'au final complètement nihiliste, une demi-heure éparpillée, quasiment vidée — et à mon avis moins convaincante que d'habitude.

Certes, il faut soit être d'une humeur très particulière (suicidaire ? meurtrière ?), soit se forcer un peu pour s'envoyer du Khanate… mais en insistant, l'horreur de Khanate se révèle être particulièrement prenante, étonnamment jouissive et, par certains aspects, admirable.


— lamuya-zimina

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