C'est entendu.
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mardi 30 août 2011

[Fallait que ça sorte] Les Pourvoyeurs de Powerpoptimisme #3

Les contours de la scène powerpop aux Etats Unis à la fin des années 70 étaient plutôt bien définis et le mouvement était somme toute organisé, avec des groupes servant de locomotive aux autres. A la même époque, les choses n'étaient pas si simples en Angleterre. En dehors de quelques groupes stylistiquement incontestables (comme les excellents Records) beaucoup de formations avaient alors un son à la lisière de multiples genres musicaux comme la new wave ou le revival mod... Difficile alors de faire le tri et de déterminer avec certitude ce qui est powerpop et ce qui ne l'est pas . Doit-on considérer The Jam, les Buzzcocks, Squeeze, XTC, Elvis Costello ou Joe Jackson comme de la powerpop ? M'est avis que non (*1) mais j'en conviens, c'est une question d'appréciation... Ces groupes n'ont en tout cas pas subi l'influence de Big Star ou des Raspberries comme certains de leurs camarades des anciennes colonies (The Pop, The Scruffs) et il n'y pas non plus ces guitares claires et jangly dont les Byrds avaient fait une marque de fabrique. Il faut donc pour retracer l'histoire du genre de ce côté de l'Atlantique essayer de ne pas perdre de vue ce qui fait l'essence de la powerpop : l'énergie du rock associée aux mélodies pop.



Powerpoptimisme #3: "Pure pop pour les gens d'aujourd'hui", de 1975-1980 au Royaume Uni




(The Records - Starry Eyes)

En ce qui concerne les Records, aucun doute n'est possible : ils portent fièrement l'étendard de la powerpop et il y a une bonne raison à cela. Will Birch et John Wicks, les deux fondateurs du groupe, étaient des fans de Big Star et ne s'en cachaient pas (*2). Ces deux-là étaient membres d'un groupe de pub rock assez significatif quoique relativement oublié : les Kursaal Flyers. A l'époque Will repère les velléités mélodiques de John et songe à monter un groupe avec lui par la suite. Quand les Kursaal Flyers tirent leur révérence, Birch et Wicks passent de longues après-midi à écrire des chansons (*3) et désirant remonter une formation, ils passent une annonce dans le NME et complètent le line up. Dave Edmunds (*4) enregistre une compo à partir des textes de Birch et par la force des choses voilà les Records embarqués dans le Be Stiff tour en tant que backing band de Rachel Sweet. Malins, ils négocient de pouvoir faire également partie de l'aventure sous leur propre nom en plus de leur rôle auprès de la chanteuse. C'est à ce moment-là, à la fin de l'année 78, que sort leur premier single, le génial Starry Eyes (*5) qui allait s'imposer comme un classique. Il se passe un truc et Virgin décide de les signer pour trois albums, qui sortiront entre 1979 et 1982. En dépit d'une perte de vitesse sur "Music on Both sides", le dernier, "Shades in Bed" et surtout "Crashes" sont deux réussites et enveloppent l'amateur de pop dans un foisonnement de mélodies sucrées avec des merveilles telles que Girl in golden disc, I don't remember your name ou Held up the night... Les Records furent néanmoins accueillis plutôt tièdement chez eux, les anglais préférant alors s'exploser la tête avec The Jam. En revanche, aux USA, Starry Eyes fut un petit succès underground et les ventes du premier LP se révélèrent encourageantes. Malgré cela, le groupe prendra une douche froide avec leur second disque (*6), dommage...



(The Yachts - Yachting Type)

En parallèle aux Records, Birch et Wicks prêtèrent main forte à d'autres formations, et notamment The Yachts et The Searchers, deux groupes de Liverpool. La collaboration avec les premiers fut de courte durée : Birch a produit leur premier (et unique) single pour Stiff en 1977 : le délicieux Suffice to say. Cependant le reste de la discographie du groupe vaut aussi le détour et en particulier leur premier album ("The Yachts", 1979) contenant tous leurs meilleurs singles : Look back in love, Love you love you love you ou le génial Yachting type qui sonnent un peu comme du XTC des deux premiers albums (ceux avec l'orgue cheesy de Barry Andrews) ou comme un Elvis Costello qui se prendrait moins au sérieux et passerait son temps avec ses potes à faire des blagues qui tombent à l'eau. The Yachts ont un pied dans la modernité new wave et leur orgue apporte une petite touche rétro 60's tout à fait bienvenue et finalement assez originale.



(The Searchers - Hearts in her eyes)

Birch et Wicks offrirent aux Searchers, un groupe merseybeat actif depuis le début des années 60, le titre Hearts in her eyes, et ces derniers en firent une superbe interprétation qui marqua leur grand retour, avec deux albums (*7) ("The Searchers" (1979) et "Love's Melody" (1981)) d'excellente facture qui parvinrent à capter l'esprit powerpop, un genre que les Searchers avaient (un peu) contribué à créer, 15 ans plus tôt. Récemment j'ai acquis un single de Homeblitz, un groupe US lo-fi, parce que j'avais particulièrement flashé sur la face B (*8) et je me suis rendu compte en regardant les crédits qu'il s'agissait des Searchers. Non pas ceux des débuts mais bel et bien le groupe tel qu'il était en 1981, un hasard amusant. En tout cas, qu'elle soit interprétée par les Records ou par les Searchers, la chanson défonce.



(Any Trouble - Growing up)

Les mancuniens Any Trouble ont eux aussi ponctuellement bossé avec Birch mais pas nécessairement à un moment clef de leur carrière. Après un premier single auto-édité en 1979 (avec en face A le remarquable Yesterday's love), Stiff (*9) les récupère et sort leur premier album l'année suivante, le très bon "Where are all the nice girls" qui, s'il n'est pas forcément de la pure powerpop, s'en rapproche vraiment : les mélodies sont limpides et sont ouvertement accrocheuses, sans aucune peur du ridicule (*10). Le disque mérite que l'on s'y penche notamment pour les amateurs des premiers Joe Jackson, bien qu'Any Trouble soit unique. Growing up, Hononulu ou Second choice sont des rushes exaltants de pop pur sucre quand le magnifique Nice girls se révèle juste et sensible. A l'époque, le label avait proposé au chanteur Clive Gregson d'entamer une carrière solo à la Costello (auquel on le comparait fréquemment). Gregson refusa et quelque part on le comprend : avait-on besoin d'un clone de plus ?




(The Jags - Back of my hand)

On a souvent aussi comparé le timbre de voix de Nick Watkinson des Jags au petit prodige débusqué par Stiff, pourtant ce groupe méritait mieux que de se retrouver coincé dans la petite case wannabe-Costello. L'histoire du groupe démarre quelque part dans les collines galloises en 1978. Les quatre lascars répètent plus que de raison et affutent leurs chansons, puis ils montent sur Londres, trouvent un manager et écument les pubs et autres concerts organisés par des étudiants. Island et son boss Chris Blackwell (*11), aux aguets en vue de dégoter de nouvelles signatures tombent sur eux, l'affaire est lancée, c'était presque aussi simple que ça. En 1978 sort le premier EP du groupe sur lequel figure la première version de Back of my hand. Ce titre au potentiel évident est vite remixé par l'un des Buggles (le groupe qui avait fait Video killed the radio stars) qui ajoute une bonne dose de synthés et de lourdeur. Le résultat perd en spontanéité et fraicheur ce qu'il gagne en puissance de frappe, et ça marche pas trop mal : dix semaines dans les charts, jusqu'à la 17ème place, un petit tube en somme. Les Jags ne feront jamais mieux par la suite. "Evening Standards", leur premier album débarque en 1980. La pochette est typique : les quatre garçons posent en costumes colorés (pour la modernité) et cintrés (une petite touche 60's) devant un batiment d'obédience Bauhaus. Musicalement aussi, le groupe a le cul entre deux chaises avec ce son de guitare très sec et ces petites mélodies presque 60's mais jouées de façon moderne. On pense parfois à Costello (la voix) mais aussi à The Jam ou à un Joe Jackson plus porté sur les Beatles que le reggae. "Evening Standards" ne constitue pas un classique perdu mais c'est un bien bel album à redécouvrir, contrairement à son successeur, pas vraiment réussi.



(Eddie & The Hot Rods - Teenage Depression)

Eddie and the Hot Rods était une formation pub rock avec une énergie punk rock. En 1976 ils sortent leur premier LP, le classique "Teenage Depression", puis, avec l'intégration d'un ex-Kursaal Flyers, le groupe prend une direction beaucoup plus pop sur le très bon "Life on the Line", où l'on trouve notamment le classique Do anything you wanna do, grand frère du Starry Eyes des Records. Tout est lié (*12). En 1977 ce morceau devient un top 10 en Angleterre. Par la suite ils joueront par exemple avec Rob Tyner des MC5. Le groupe existe encore de nos jours, plus de 35 ans de carrière au compteur et toujours cette envie d'en découdre.



(Bram Tchaikovsky - Girl of my dreams)

Bram Tchaikovsky est un autre rejeton de l'école pub rock (*13). Guitariste chez les Motors lorsque ces derniers abandonnent les guitares au profit des synthés, il se met à bricoler des chansons de son coté. Sarah Smiles attire l'attention et permet à Bram de signer chez Radar. Deux anciens Heavy Metal Kids, Mike Broadbent et Keith Boyce (*14) forment l'ossature du groupe à ses cotés tandis qu'un autre membre du-dit groupe, Ronnie Thomas lui amène Girl of my dreams... Ce titre deviendra un tube mineur des deux cotés de l'Atlantique mais c'est surtout l'un des plus beaux morceaux de powerpop britannique, un instantané effervescent du genre, construit assez bizarrement mais avec un riff grandiose rappelant les plus belles heures des Who. Le premier album du groupe, "Strange Man Changed Man", est tout aussi recommandé.



(Nick Lowe - Cruel to be kind)

Nick Lowe et Dave Edmunds sont eux aussi passés par une phase pub rock. A la fin des 70's, les deux zigotos sont déjà dans le métier depuis une bonne dizaine d'années. Edmunds a fait ses armes dans Love Sculpture (*16) tandis que Lowe a tenté sa chance dans Kippington Lodge, qui deviendront Brinsley Schwarz, une figure sur le circuit, qui, à l'occasion, a aussi enregistré des titres foncièrement powerpop comme What's so funny about love peace and understanding (*15) ou le beatlesien Ugly things. Lorsqu'Edmunds fonde les studios Rockfield au Pays de Galles, Nick Lowe et son groupe s'y rendent pour enregistrer la musique de Brinsley Schwarz, permettant les prémisces d'une collaboration musicale fructueuse puisque les deux hommes se retrouveront associés au sein du groupe Rockpile, backing band de luxe pour les carrières solos respectives des intéressés. En tant que groupe, la formation a également sorti un très bon album aux accents country (“When i write the book” étant mon titre favori). La carrière d' Edmunds en dehors de ces aptitudes de producteurs est intéressante mais souvent un peu trop scolaire bien que ne manquant pas de sincérité. En revanche Nick Lowe a de quoi vous rendre dingue. Ce mec est un petit génie de la pop et son talent n'est à ce jour toujours pas reconnu à sa juste valeur. Déjà dans Brinsley Schwarz, ses morceaux étaient excellents mais ses deux premiers disques solos sont encore meilleurs. On y trouve So it goes et Cruel to be kind, deux chansons incroyables. Lowe est d'ailleurs aussi à l'aise derrières les manettes, et même s'il n'a pas la finesse de son pote Edmunds, il produit des classiques des Damned ou de Costello (*17). Enfin, Nick a un certain humour et un sens certain de la dérision, et c'est ainsi qu'à la sortie du "Low" de Bowie, il décida de sortir un "Bowi" EP. Il décida aussi d'utiliser les images de son mariage comme clip pour Cruel to be kind. Tout cela le rend encore plus attachant et je ne suis pas tellement étonné que Greg Shaw (cf numéro 1, NDLR) en personne ait été parmi ses fans, mais à l'époque du punk, y avait-il assez de place pour les traits d'esprit d'un mec qui avait déjà des cheveux gris ?



(Rich Kids - Ghosts of Princes in Towers)

Aux USA la powerpop a buzzé pendant environ deux minutes. En Angleterre aussi le genre a eu sa (courte) période next big thing sauf que les britanniques, même s'ils ont eu les Beatles, les Who et compagnie, n'ont pas cette culture-là, trop focalisés sur le punk rock peut-être, ou ne trouvant pas leur pays assez mélodieux sous l'égide de Thatcher pour apprécier les harmonies de ces groupes-là. Big Star était déjà peu connu aux USA mais en Angleterre c'était pire, les Raspberries pas mieux, et même Badfinger, des locaux, furent mieux accueuillis par les ricains... Bref, quand les britanniques ont découvert le concept de powerpop ils se sont mis à utiliser le mot n'importe comment pour qualifier le tout venant et par là même porter un coup fatal au genre en le vidant de son sens. Trente ans plus tard, on a vu la même chose arriver à des tas d'autres branches (par exemple qui se souvient de cet éphèmère genre “nu rave”?), c'est le cirque de la vie. Malgré tout, parmi les groupes considérés comme powerpop par la presse d'alors on en trouvait deux pour lesquels le terme était plutôt justifié. The Pleasers avaient décidé de nommer leur musique Thamesbeat, un petit clin d'oeil aux Beatles (*18). Ils n'ont jamais sorti d'album du vivant du groupe, probablement victimes du retour de flammes qu'a subi la powerpop. En tout cas on peut se délecter avec grand plaisir de leurs quelques singles sous forte influence fab four des débuts, c'est vraiment très bien foutu et des plus agréables. L'histoire des Rich Kids est un peu plus compliquée. Le groupe est créé par Glen Matlock, le premier bassiste des Sex Pistols après son éjection et son remplacement par Sid Vicious. Il faut dire qu'il a toujours préféré les Beatles et les Small Faces aux goûts intellos de Rotten qui ne devait pas trop apprécier les vélléités pop d'un simple bassiste. Glen remonte dans la foulée un groupe avec un jeune guitariste surdoué mais un peu bavard et un certain Midge Ure, qui assure le chant entre deux petits boulots (*19). L'association pète le feux sur scène mais sur disque le groupe est atteint d'une certaine schizophrénie, d'un coté il y a Matlock le partisan du guitare-basse-batterie et de l'autre un Ure de plus en plus fasciné par les synthés. Les chansons se séparent entre les deux camps avec quelques morceaux ballourds et grassouillets en prime. Le disque est produit par le vétéran Mick Ronson (*20) mais ce dernier ne signe pas là son meilleur ouvrage. Ça sonne un peu boueux par moments, ça manque en tout cas de précision. Malgré ces défauts "Ghosts of Princes in Towers" est un album plutôt bon bien que bancal, porté par le superbe morceau titre, une tuerie pop-punk digne des Buzzcocks en grande forme, un morceau fantastique qui montre ce que le groupe avait dans le ventre les bons jours. D'autres titres comme Burning sounds ou Rich kids tirent leur épingle du jeu mais ne parviennent pas pour autant à totalement faire oublier l'arrière goût d'échec qui émane de ce disque. Après un album au succès mitigé et ce malgré des débuts prometteurs, exit les Rich Kids. Ure rebondira très bien tandis que Matlock devra se contenter d'attendre que ses ex-camarades fassent appel à lui pour une reformation, super cool comme programme.



(The Vapors - Turning Japanese)

The Vapors furent eux aussi parfois associés à la powerpop. Leur musique s'apparente à une variante plus poppy des Jam avec une touche de new wave et une voix évoquant Bowie pour emballer le tout. Plus poppy ne veut pas forcément dire plus fade, leur premier album a en effet beaucoup de charme. Au delà de leur grand one-hit-wonder (*21) Turning japanese (*22) c'est une collection de chansons pop nerveuses d'excellente facture et on se délecte avec beaucoup de plaisir 31 ans plus tard de titres comme Spring collection, News at ten ou Waiting for the weekend. Le groupe se forme en 1979 à Guildford dans le Surrey et cette même année ils sortent leur premier single, l'excellent Prisoners. Ils sont managés par John Weller et Bruce Foxton, le nom de Weller vous dit quelque chose ? Normal c'est le papa de Paul, le meneur des Jam, et avec Foxton, bassiste du trio, on peut dire que la connexion avec The Jam n'était pas uniquement une question d'influences ! Le groupe splitte après un second album moins réussi artistiquement et commercialement, le lot de pas mal de formations évoquées ici en somme.



(Un coup d’œil à l'esthétique visuelle des disques phares de l'époque, répertoriés en fin d'article)

Vous avez là un bel aperçu des principales formations anglaises de l'époque. Citons aussi la powerpop/new-wave des Sinceros et son leader moustachu, les Tourists groupe des futurs Eurythmics, le single Drummer man de Tonight et enfin les déflagration pop-punk/powerpop de super groupes comme les Donkeys ou les Boys, et puis aussi pourquoi pas les Moondogs, The Out, les Freshies, et autres Protex. L'âge d'Or a engendré d'innombrables groupes plus ou moins indispensables et avec le début d'une nouvelle décennie, les guitares mélodieuses allaient avoir de nouveaux concurrents.


Alex Twist



(*1) : Voilà comment je les classerais spontanément : The Jam = revival mod / The Buzzcocks : pop-punk / Elvis Costello, Joe Jackson, XTC, Squeeze : new wave.

(*2) : Will Birch: "It was plain we had been listening to "Revolver", plus lots of stuff by the Raspberries, Big Star and Badfinger."

(*3) : Dont des classiques du groupe comme Teenarama ou Up all night.
Lien
(*4) : Dave Edmunds a produit le classique "Shake Some Action" des Flamin' Groovies, cf numéro 2.

(*5) : Une réecriture maline du classique Do anything you wanna do d' Eddie and the Hot Rods.

(*6) : Plus d'infos sur l'histoire du groupe sur le site des Records.

(*7) : Les Searchers étaient des contemporains des Beatles, cf numéro 1.

(*8) : En écoute sur hypemachine.

(*9) : Stiff est un label essentiel de la culture indie anglaise de la fin des 70's, ayant sorti le premier 45T anglais de punk (New rose des Damned). Le label a été fondé par Jake Riviera (manager de Dr Feelgood) et Dave Robinson (manager de Brinsley Schwarz), deux figures du pub rock. Très vite le label a élargi ses horizons et sera l'une des forces vives de l'Angleterre pendant la déferlante punk et new wave signant des groupes ou artistes comme les Damned, Nick Lowe, Elvis Costello, Ian Dury, Wreckless Eric, Adverts, Madness ou encore les Feelies ! En 1978 Riviera part fonder Radar, amenant dans ses bagages Nick Lowe ou Costello mais ça n'entravera pas le succès de Stiff. Ce label a marqué l'histoire de la musique autant pour les disques sortis que les techniques de marketing ingénieuses qu'il a déployées, et notamment un paquet de slogans géniaux.

(*10) : N'oublions pas qu'à l'époque on crache plus ses glaires que ses sentiments.

(*11) : Il a fondé le label en 1959 à l'âge de 22 ans. Island est connu pour son rôle pivot dans la reconnaissance de la musique jamaïquaine dans le monde occidental, en distribuant des disques de ska et plus tard en faisant connaître Bob Marley. Il a aussi découvert le Spencer Davis Group, signé Roxy Music et bien d'autres formations mythiques (King Crimson, Nick Drake, Free).

(*12) : Les Records, deux ex-Kursaal s'inspirent d'une chanson co-écrite par un autre ex-Kursaal !

(*13) : Le Pub Rock a vraiment eu un rôle fondateur dans la musique anglaise de la fin des 70's : Costello, Ian Dury, Graham Parker, Nick Lowe, Joe Strummer et bien d'autres sont passés par cette école. On ne compte plus les formations pub devenues punk suite à la vague de folie engendrée par les Pistols. Usuellement décriés, ces groupes ont parfois proposé de très bonnes choses (The Stranglers, qui ont eux viré vers le post punk à tendance gothique).

(*14) : Il a aussi joué avec Nino Ferrer ! Plus d'infos ici.

(*15) : La reprise par Costello est malgré tout plus connue que l'excellente version originale de Brinsley Schwarz.

(*16) : Un groupe qui a obtenu un petit succès avec une relecture blues rock de Sabre dance.

(*17) : Les cinq premiers albums d'après wikipedia.

(*18) : Les Beatles jouaient à leur début du Merseybeat, le Mersey étant le fleuve qui traverse Liverpool. Devinez d'où viennent les Pleasers...

(*19) : Plus connu pour être le chanteur d'Ultravox, l'écossais Midge Ure a refusé l'offre de McLaren de devenir chanteur des Pistols. Il a aussi fait partie d'une sorte de boys band appelé Silk.

(*20) : Le Papa de... mais aussi un producteur et guitariste accompli ayant bossé avec Bowie pendant la période Ziggy Stardust.

(*21) : les one-hit-wonders sont des groupes qui n'ont connu les charts qu'une seule fois. Il y en a eu énormément dans les 60's et dans la vague new wave. Petite ironie de l'histoire : les Vapors étaient conscients du potentiel de cette chanson et l'avaient donc sortie en second pour ne pas passer pour des one-hit-wonders, on peut dire que c'est raté !

(*22) : #3 au Royaume Uni et #36 aux USA, Turning Japanese serait une référence à la grimace faite pendant la masturbation même si le groupe dément...


P.S. : Pour aller plus loin, voici deux setlists à mettre à profit selon vos envies. Créez vous-mêmes votre mixtape anglaise et farfouillez chez vos disquaires favoris et tentez de retrouver à des prix dérisoires ces LPs qui ont jalonné les seventies de pépites mélodiques !


Royaume Uni, 1975-1980 : la mixtape :

01 The Records – Starry eyes (1978)
02 Yachts – Suffice to say (1977)

03 Searchers – Murder in my heart (1981)
04 Any Trouble – Yesterday's love (1979)
05 Jags – Back of my hand (1979)

06 Eddie and the Hot Rods – Do anything you wanna do (1977)

07 Bram Tchaikovsky – Girl of my dreams (1979)

08 Nick Lowe – Cruel to be kind (1979)

09 Rich Kids – Rich Kids (1978)

10 The Pleasers – Don't break my heart (1978)


Royaume Uni, 1975-1980 : les albums classiques :

01 The Records – Crash (1980)
02 The Yachts – The Yachts (1980)

03 The Searchers –
The Searchers (1979)
04 Any Trouble – Where are all nice girls? (1980)
05 Jags – Evening standards (1980)

06 Eddie and the Hot Rods – Life on the line (1977)

07 Bram Tchaikovsky – Strange man changed man (1979)
08 Nick Lowe – Pure pop for now people (1978)

09 Rich Kids – Ghosts of princes in towers (1978)

10 The Vapors – New Clear Days (1980)

jeudi 18 août 2011

[Fallait que ça sorte] Les Pourvoyeurs de Powerpoptimisme #2

1975. Big Star et les Raspberries ne sont plus, Badfinger est en perte de vitesse, cette première génération powerpop n'existe plus ou presque mais une nouvelle garde est prête à prendre les armes... Du coté de San Francisco Paul Collins, Jack Lee et Peter Case forment les Nerves et au même instant Greg Shaw propose à un autre groupe californien, les Flamin' Groovies de sortir un 45 tours sur son nouveau label Bomp. L'épicentre de cette vague a comme quartier général la Californie et en particulier Los Angeles, mais de Boston à New York la powerpop ne laisse pas grande monde indifférent.



Powerpoptisme #2 : "S'éclater sur 3 accords", de 1975-1980 aux États Unis




(The Beat - Don't wait up for me)

The Nerves sortent leur EP 4 titres en 1976. Un chef d’œuvre de powerpop racée sans une once de fioriture. Le power trio fonctionne à merveille et se partage aussi l'écriture : Jack Lee signe Hanging on the telephone (*1) et Give me some time, Paul Collins écrit Working too hard et Peter Case le génial When you find out. Un 4 titres pour l'histoire, peut-être l'une des plus belles pièces du genre (*2) et puis basta car même si les Nerves ont l'honneur de tourner avec les Ramones en Californie, le groupe finit par se séparer malgré un single prévu chez Bomp (*3). Par la suite, Jack Lee ne publiera que quelques disques (assez dispensables) en solo, mais les deux autres larrons se lancent d'emblée dans des carrières au moins aussi passionnantes que celle des Nerves. Paul Collins passe de la batterie à la guitare, il monte The Beat qui sort coup sur coup deux excellents disques. Le premier, "The Beat", se révèle être l'un des disques les plus significatifs du genre. La powerpop aura rarement été aussi excitante et enthousiasmante que sur Rock n roll girl, Don't wait up for me ou le génial Walking out on love. En 2010 Paul Collins a de la calvitie, une voix un peu plus marquée, un peu de bide mais il fait une retour surprenant avec "King of powerpop", un album presque aussi bon que le premier, 30 ans plus tard. Peter Case de son coté fonde les Plimsouls (d'après le nom d'une chaussure...), un groupe honorable pendant les 80's et qui obtiendra un petit tube avec le classique A million miles away, grâce à la BO du film Valley Girl (un teen movie californien mettant en scène nul autre que Nicholas Cage). Les enregistrements live des Plimsouls (*4) donnent à entendre une formation fantastique sur scène.



(The Flamin' Groovies - Shake some action)

Greg Shaw, après ses activités de journaliste (*5) se lance à son tour dans la création d'un label : Bomp. Le déclic vient d'un autre groupe de San Francisco, les Flamin' Groovies. Cette formation existe depuis la fin des années 60 (ils ont sorti leur premier LP, "Supersnazz" en 1969) mais en 1975 c'est un groupe très différent de sa première incarnation : Roy Looney s'est barré tandis que Chris Wilson et Cyril Jordan ont pris les commandes. On parle souvent de la guerre (quelque peu artificielle) entre les Beatles et les Stones et avec les Flamin' Groovies, on a trouvé le transfuge idéal. Dans leur première incarnation, ils taquinent du coté des Stones, notamment sur le classique "Teenage Head", pas loin d'être meilleur que les disques des Glimmer Twins de la même époque mais ensuite le groupe splitte. Jordan et Wilson décident de continuer ensemble et conservent le nom Flamin' Groovies. Cette seconde version s'inspirera d'avantage des Beatles et des Byrds (*6). Ils partent enregistrer à Rockfield au Pays de Galles, chez Dave Edmunds, reviennent avec plein de morceaux sous le bras mais aucun label pour les publier. Greg Shaw entend alors les titres et n'en revient pas. C'est la musique qu'il veut défendre depuis toujours. Il se jette alors à l'eau et crée Bomp. You tore me Down est donc le premier 45 tours édité par Shaw avant de nombreux autres tout aussi définitifs pour le genre. C'est un petit tube en puissance, de la pop pur jus et sans arrière-pensée, une merveille presque anachronique pour 1975. Le disque attire l'attention de SIRE (*7) qui les signe tandis que Shaw devient leur manager. "Shake Some Action" sort l'année suivante, un classique instantané de la powerpop, Yes it's true ou Shake some action sont des merveilles qui ne rencontrent malheureusement pas une large audience. Les Flamin' Groovies viennent grossir les rangs de ces groupes cultes qui mettent en émoi les amateurs mais que le grand public boude ou ignore.



(The Knack - My Sharona)

The Knack, de Los Angeles, ont eux la chance de produire un énorme tube avec My Sharona. Avant la publication du single, le groupe fait déjà l'objet d'une bataille d'enchères entre plusieurs maisons de disques souhaitant les signer et les Knack optent finalement pour Capitol. Parmi les exigences du contrat, le label doit utiliser la charte graphique des années soixante sur le macaron du vinyle car les Knack, en bons fanatiques des Beatles, se sont souvenu avec émoi des disques des Fab Four publiés aux USA par Capitol. Poussant le vice de la comparaison avec le groupe liverpuldien jusque dans la pochette du 33 tours (une photographie en noir et blanc soignée et sobre), les Knack empruntent aussi quelques trucs musicaux aux Beatles sans donner l'impression d'être un groupe-hommage. Ce clin d'oeil de Doug Fieger et des siens se retourne cependant contre eux et devient l'un des griefs dans la campagne de dénigrement "knuke the knack" selon laquelle le groupe ne serait pas authentique, venu de nulle part, monté de toutes pièces (*8), copiant sans vergogne les Beatles... Ce discours est à peu près aussi ridicule que les autodaffés de 33 tours de disco organisés dans les stades de baseball à la même époque... Malgré ce rejet agressif d'une partie du public, My Sharona devient un énorme tube, l'un des rares disques de rock à avoir un tel impact en 1979. Sharona, une jeune fille de 17 ans dont était amoureux le chanteur, pose sur la couv' du disque (pour la petite histoire, ils sortiront un temps ensemble et resteront amis). L'album est également un énorme succès, ce qui va amener un grand nombre de labels à chercher des groupes powerpop à signer pour profiter de la manne. Les Knack, eux, ne se hisseront jamais plus au même niveau.

(La véritable Sharona tenant l'album des Knack)

Le succès des Knack est à la fois une bénédiction et une malédiction pour la powerpop. Tout à coup, tout le monde s'intéresse à ce truc jusqu'ici plutôt reservé aux initiés. De nombreux musiciens s'engouffrent alors dans la brèche et si de bons groupes en profitent, on assiste surtout à une perte de sens et de sincérité lorsque les maisons de disques et les médias entrent dans la danse. On a souvent parlé de la powerpop, tout comme ce qu'on a pu appeler "new wave" (There is no such thing as new wave, NDLR) comme une version "fréquentable" (*9) du punk rock. C'est à dire quelque chose que l'on peut vendre, quelque chose de présentable, qui ne choquera pas le quidam lambda que le look des punks et leur attitude (notamment lors des concerts) pourrait rebuter. Bomp devient une référence dans le domaine et une bonne partie des groupes encore en activité sont signés à tour de bras par de plus grosses maisons de disques. Ceci concerne notamment les Romantics, les 20/20 et les Shoes. Voici en quelques mots ce que pouvaient valoir les meilleurs groupes issus du succès de My Sharona à la fin des années 70 :


(The Romantics - What I like about you)

Formés en 1977, le jour de la Saint Valentin, les bien-nommés Romantics de Détroit avaient publié deux singles en indépendants avant de signer chez Nemporor. C'est là qu'ils obtiennent leur petit succès avec un premier LP en 1979 et le titre What i like about you. Se sentant héritiers du son imaginé par les artistes de leur ville à la fin des années 60 (*10), ils avaient pour devise de "toujours s'éclater sur trois accords" (*11). Malgré une pochette affreuse (les Romantics posent dans un "magnifique" costume en cuir rouge), l'album est un authentique plaisir de pop musclée sans prétention mais sacrément efficace et bien menée. Le groupe ne retrouvera pas cette magie par la suite mais conservera un certain succès, en particulier en 1984 avec Talking in your sleep, un top 10 aux USA. Le chanteur Wally Palmar a d'ailleurs récemment participé au disque de Paul Collins : tout est lié !



(20/20 - Remember the lightning)

Tous deux originaires de Tulsa, Ron Flynt et Steve Allen (*12) montent à Hollywood, et forment 20/20 avec Mike Gallo. Très vite ils sortent un 45 tours sur le label de Greg Shaw et sont repérés par Portrait, avec qui ils signent deux albums. Le premier, en 1979, est un très bon exemple de cette powerpop étiquetée new wave typique de la fin des années 70. Ils ont un pied dans le passé (les guitares très jangly) et un autre dans les années 80 (l'introduction de l'album à la Blade Runner au synthé analogique), la production se voulant moderne quitte à parfois manquer d'un peu de simplicité. On y trouve le titre mythique Yellow pills (*13) mais aussi et surtout le génial Remember the lightning ou encore le cucu mais tellement chouette Cheri. "Look Out !", paru deux ans plus tard, laisse une part encore plus importante aux synthés, mais survit plutôt bien à l'épreuve des ans.


(Shoes - Tomorrow night)

Les Shoes se forment dans la ville de Zion dans l'Illinois en 1974 autour des frères John et Jeff Murphy, accompagnés de Gary Klebe. Ils enregistrent des chansons sur leur 4 pistes dans le salon de Jeff, pour le plaisir, sans trop chercher à en faire commerce. En 1977, l'un de ces enregistrements maison, "Black Vinyl Shoes", atterrit dans les mains de PVC qui réédite le disque, attirant au passage l'attention du pape Greg Shaw qui sortira à son tour un single du groupe. Elektra signe alors les Shoes et c'est parti pour trois albums. "Present Tense" (1979) est une réussite qui si elle ne fait pas montre d'autant d'énergie que la plupart des groupes powerpop d'alors, compense par une remarquable écriture pop : des mélodies travaillées, un son excellent et des harmonies très réussies. La suite est forcément un brin décevante, mais de toute façon avec "Present Tense" et des titres comme Tomorrow night les Shoes avaient gagné leur place au panthéon de la pop ouvragée.


(Cheap Trick - Oh Candy)

Venus eux aussi de l'Illinois (Rockford), Cheap Trick sont les héritiers d'une tradition plus musclée de la powerpop proche du hard rock (*14), ce qui leur vaut les faveurs du public, notamment japonais comme en témoigne un live enregistré au Budokan. Leur look unique et un son capable d'appater un public pas forcément sensible aux groupes trop marquées par la British Invasion en font l'un des groupes essentiels du genre (avec par exemple un single comme Oh candy, tiré de leur premier album). Contrairement à beaucoup de formations ils parviendront à survivre à l'inévitable retour de flammes. En enregistrant une reprise de In the streets pour le générique de la série That 70's show, on peut dire qu'ils ont bouclé la boucle.


(The Rubinoos - I want to be your boyfriend)

The Rubinoos venaient de Berkeley près de Frisco, et ils étaient excellents. Auteurs de deux très bons albums dans une veine bubblegum parfois proche des Beach Boys ou des Archies (soit la pop californienne dans toute sa splendeur, légère et fraiche comme un coca cola sur la plage), on se souvient surtout d'eux par le biais d'un procès avorté à l'encontre d'Avril Lavigne, dont la chanson Girlfriend ressemblait quelque peu à leur (très bon) I wanna be your boyfriend, un petit classique de powerpop qui ne doit pas faire oublier le reste de leur discographie. S'ils ont raté le coche de peu, leur single I think we're alone now, une très belle reprise de Tommy James and the Shondells, avait somme toute bien démarré dans les classements mais fut freiné dans son ascencion par le label des Rubinoos, qui n'arrivait pas à suivre et ne put approvisionner assez rapidement les revendeurs.



(The Real Kids - All kindsa girls)

Avant de boucler ce petit tour des Etats Unis, on se doit de faire un petit détour par Boston. Cet avant-poste punk en Nouvelle Angleterre fut aussi un bastion powerpop. John Felice, un ancien Modern Lovers y fonde en 1972 le futur grand groupe de la région, les Real Kids. Leur premier album, un classique intemporel bardé de tubes imparables comme All kindsa girls (un titre péchu, stylistiquement proche du punk rock), ne parait pourtant qu'en 1978. Le groupe jouit d'une belle popularité en France et les reformations successives feront souvent un détour par chez nous, à tel point que le label francilien New Rose sort certains albums du groupe dont "Outta place", le second. A Boston également, les Paley Brothers signent sur SIRE un excellent et unique album, le plus pertinent représentant du versant bubblegum de la powerpop. Avec leurs gueules d'anges, ils sont du pain béni pour les journaux de minettes mais malheureusement ça ne leur permet pas vraiment de cartonner et ils connaitront plus de succès en se reconvertissant, notamment Andy Paley, qui devient producteur et finit par travailler avec Brian Wilson (un rêve de gosse).

(Un coup d’œil à l'esthétique visuelle des disques phares de l'époque, répertoriés en fin d'article)

Avant de refermer ce numéro consacré aux groupes américains de la fin des 70's, je me dois encore d'en citer quelques uns qui méritent votre attention. A Los Angeles il y a les Last (premier album génial, powerpop punky aux accents 60's, pas loin du Paisley Underground) (*15), les Quick (un unique album, excellent dans le genre powerglam, produit par Earle Mankey ex-Sparks), les Pop (également produits par Earle Mankey, leur premier album reste super, notamment le morceau Down on the boulevard), Code Blue ou encore les Zippers (un peu moins indispensables mais leur mini-LP produit par Ray Manzarek n'est pas mal)... A New York il y a les Milk'n Cookies produits par Muff Winwood et auteurs d'un seul album en 1975, très correct, dans une veine glam proche des Quick et auquel il manquerait un ou deux tubes pour réellement sortir du lot. Big Star a trouvé un successeur dans les Scruffs, une belle formation de Memphis (dont je vous recommande l'excellent "Wanna meet the scruffs?"). Et puis il y a aussi Nikki & the Corvettes à Détroit (*16) , les Dirty Looks de Staten Island, les Moberlys de Jim Basnight à Boston et ainsi de suite, la liste est longue... Et ça n'est que pour vous donner une idée de ce qu'il pouvait bien subsister de pop mélodique dans la seconde moitié des 70's... aux États Unis. Outre Atlantique, les britanniques, garants du drapeau, ne chômaient pas. Je vous invite à découvrir l'autre versant d'une même période la semaine prochaine dans un nouveau numéro de Powerpoptimisme.


Alex Twist



(*1) : Le titre a été repris par Blondie et est devenu un tube planétaire.

(*2) : Le 45T part autour de 90$ sur eBay.

(*3) : Avec les titres Paper doll et One way ticket, une sortie avortée parmi de nombreuses autres chez Bomp.

(*4) : "One Night In America" est sorti en 1988 et le récent "Live Beg Borrow & Steal" a été publié chez Alive Records.

(*5) : CF Powerpoptimisme #1.

(*6) : Ils ont d'ailleurs repris les deux: I'll feel a whole lot better des Byrds, et Misery des Fab Four.

(*7) : SIRE a réédité les Nuggets de Lenny Kaye
en 1976 et enchainé en sortant le premier LP des Ramones. Suivront dans le rooster du label américain : les Talking Heads, Undertones...

(*8) : Doug Fieger avait déjà sorti deux LPs avec un précédent groupe (Sky) au début des 70's.

(*9) : La plupart des groupes dont il est question dans ce numéro se sont formés en même temps, voire avant les groupes punk de la première vague. Cela tend à exclure la thèse selon laquelle la powerpop (la part "rock" de ce que l'on a appelé new wave) ne serait qu'une édulcoration du punk rock. Il s'agirait plutôt de deux genres musicaux simultanés.

(*10) : Mitch Ryder and the Detroit Wheels, Bob Seger, MC5, les Stooges, etc. Allez jeter un œil à cette playlist.


(*11) : To still have fun with 3 chords

(*12) : Dont sont également originaires les excellents Dwight Twilley Band fondés autour de la paire Dwight Twilley & Phil Seymour, des potes de Tom Petty, lequel a même participé à leurs deux albums, que je vous recommande vivement !

(*13) : Dont le nom a inspiré l'une des plus célèbres séries de compilations de powerpop.

(*14) : Il faut citer deux autres groupes de l'Illinois au son assez proche : Off Broadway et Pezband.

(*15) : A noter qu'ils ont sorti deux albums chez SST, le label prog punk de Greg Ginn (leader du groupe hardcore Black Flag) et un autre sur le label français Lolita.

(*16) : Un unique album sur Bomp produit par un mec des Romantics. Ça s'en rapproche pas mal. La chanteuse a aussi contribué au disque de Paul Collins récemment réédité ("King of Powerpop").


P.S. : Pour aller plus loin, voici deux setlists à mettre à profit selon vos envies. Farfouillez chez vos disquaires favoris et tentez de retrouver à des prix dérisoires ces LPs qui ont jalonné les seventies de pépites mélodiques !


États Unis, 1975-1980 : Les albums classiques :

01 Flamin' Groovies - Shake some action (1976)

02 The Knack - Get the Knack (1979)

03 The Romantics -
The Romantics (1979)
04 The Beat -
The Beat (1979)
05 20/20 -
20/20 (1979)
06 The Shoes - Present Tense (1979)

07 Real Kids -
Real Kids (1978)
08 Cheap Trick -
Cheap Trick (1977)
09 Plimsouls -Plimsouls (1981)



États Unis, 1975-1980 : Les trésors cachés :

01 The Scruffs - Wanna meet the Scruffs? (1977)
02 The Quick - Mondo Deco (1976)

03 The Pop -
The Pop (1977)
04 The Last - LA Explosions (1979)

05 Milk N Cookies -
Milk N Cookies (1975)
06 The Rubinoos -
The Rubinoos (1977)
07 The Paley Brothers -
The Paley Brothers (1978)
08 Dwight Twilley Band - Sincerely (1976)

09 Nikki and the Corvettes -
Nikki and the Corvettes (1980)
10 Dirty Looks -
Dirty Looks (1980)

mercredi 6 avril 2011

[Nuit Blanche] Zombie Zombie redonne l'Assaut de Carpenter

En marge de sa réputation de "Maître de l'Horreur", John Carpenter a aussi inscrit à son palmarès bon nombre de bandes originales, celles de ses propres films. L'histoire est connue : avant de se lancer corps et bien dans le cinoche, Carpie jouait dans le groupe The Coupe de Villes avec des amis et histoire d'économiser sur le budget de ses métrages avait eu la bonne idée de composer lui-même (ou en compagnie de son ami Alan Howarth) des thèmes au synthétiseur, plutôt minimalistes, lents, souvent angoissants et accompagnés de boites à rythmes simplistes pour un résultat du tonnerre (je vous rappelle qu'il s'agit là du meilleur cinéaste américain de sa génération et son talent de compositeur n'y est pas étranger). En 1976 sortait son deuxième long métrage, Assault on Precinct 13.



(La version originale du thème composé par John Carpenter)


Et depuis 2010, le duo français Zombie Zombie (dont le sobriquet révèle d'emblée l'amour qu'ils portent au cinéma de genre des années 70 et particulièrement à Romero) ont décidé de matérialiser leur passion pour la musique cinéma(synthé)tique de la fin des années 70 (Goblin, Carpenter, mais aussi Moroder, et tous les rétro-futuristes que l'on entendait derrière le premier album du groupe, "A land of renegades", sorti en 2008) en publiant un EP-hommage :


Dans une veine dont raffoleront les amateurs de ce genre de revival (duquel sont coutumiers un certain nombre d'autres musiciens depuis quelques années, dont Majeure, Zombi ou encore Etienne Jaumet, sur son album solo), Zombie Zombie reprend donc cinq thèmes mythiques, à savoir ceux d'Escape from New York et de sa suite, Escape from L.A., celui de The Thing, l'archi-connu piano inquiétant de Halloween et, vous vous en doutez, le thème d'Assault on Precinct 13 :


(Zombie Zombie à Brighton en Juillet 2010)


Insufflant une vigueur nouvelle au rythme martial de l'assaut du commissariat, la batterie maigrichonne de Neman (par ailleurs batteur de Herman Düne) et la large panoplie de synthés d’Étienne Jaumet ne seraient qu'un chouette témoignage de respect sans la dimension live qui est finalement le principal intérêt du concept.

Mise en situation

Et ça tombe bien puisque Zombie Zombie jouera de nouveau ces morceaux-là sur scène, et pas n'importe où puisque ce sera dans le très joli cadre de la Fondation Cartier, à Paris, le 12 Mai prochain, à 21h. A cette occasion, le groupe a invité Alan Howarth à se joindre à eux et des extraits des films seront projetés pendant le concert. En attendant de vous y retrouver, je vous conseille de voir ou revoir The Thing ou Dans l'antre de la folie un de ces soirs, avec des copains pour éviter de trop flipper et du popcorn pour déstresser, parce que l'on n'a pas fait beaucoup mieux depuis et qu'il n'y a pas qu'à Halloween qu'on a le droit de se filer la frousse.


Joe Gonzalez


P.S. : Et envoyez-vous aussi ce très bon live d'Escape from L.A. joué chez Agnès B et filmé par l'équipe de Grandcrew.

lundi 21 mars 2011

[Nuit Blanche] Kraftwerk - Radioaktivitat

Tout ça me donne envie de réécouter Kraftwerk. Après tout, sans famille ou amis exilés aux antipodes, je n'ai pas d'autre inquiétude que (*) celle, vaguement lointaine et forcément évanescente, de la sauvegarde de l'écosystème. Bon d'accord, ça n'est pas tout à fait vrai : je ne me fous pas du sort des Japonais, c'est un fait, mais c'est avant tout l'avenir de leur terre qui me touche : comme si cette île tant fantasmée, surtout par nous autres petits bourgeois occidentaux, était vouée à devenir un no man's land irradié, obligeant un peuple à se re-localiser, à abandonner sa patrie, ses villes, ses maisons. Alors j'écoute Kraftwerk qui en 1976 avaient froidement annoncé les risques, comme l'aurait fait un roman d'anticipation de Philip K. Dick. Le luxe, lors d'une telle situation, c'est de trouver un écho musical si facilement, et d'autant plus lorsqu'il s'agit de l'un des premiers grands tubes de la musique électronique.




Est-ce qu'une telle chanson verrait le jour en 2011 après Tchernobyl et Fukushima ? Je ne sais pas si même Kraftwerk aurait les roubignoles nécessaires pour écrire "Radioactivity is in the air for you and me" et encore moins pour le chanter sur un ton pince-sans-rire telle une Cassandre robotique.


Joe Gonzalez


(*) : ça n'est pas tout à fait vrai puisqu'il y a aussi en moi un fond de cynisme noir ébène lorsque je pense "Et dire qu'il y a des types comme Jim O'Rourke qui ont décidé de ne plus jamais quitter le Japon..."

mercredi 16 mars 2011

[Réveille-matin] Gérard Lenorman - Gentil Dauphin Triste

L'enfance. Le temps béni où tout n'est que découverte et émerveillement : oh que le monde est beau, oh j'ai des pouces opposables, oh qu'est-ce que je me sens bien quand je secoue mon zizi, oh qu'est-ce que j'aime écouter ce 45 tours sur la platine de Mamie, etc. Heureusement, plus tard, les choses rentrent dans l'ordre, on se mange 20 ans de réalité dans la face, on est déprimé, on a une vie de merde et Sarkozy est président. Mais pour l'heure, car j'espère bien que cet article vous volera littéralement une heure de votre vie, revenons-en au sujet initial.

C'est durant l'enfance que l'on connait ses plus grands chocs émotionnels, parce que ce sont les premiers. Si je n'avais pas été percuté par des albums comme "OK Computer" ou "Mellon Collie" durant mon adolescence, je ne serais probablement pas en train de vous causer là maintenant. Ils m'ont construit, ont érigé les fondations de mes goûts musicaux pour les décennies à venir. Mais quouide des chocs d'enfance, de la vraie enfance, candide et pré-acnéique ? De ces chocs que l'on a tenté de refouler au plus profond de soi pour un jour, et je ne désespère pas d'y arriver avant d'avoir résolu mon premier Rubik's Cube, devenir un adulte ?



(l'originale, jamais égalée. Jamais imitée cela dit.)


La réponse, vous l'avez en vous. On n'en sort jamais. Ils n'ont rien construit et ne construiront jamais rien : ce sont des bombes à retardement terrées dans votre subconscient, un tas de merdes entassées comme pour préparer un vide-grenier du Sou des écoles, et qui ressurgissent telles quelles, sans prévenir. Montrez-moi un Amstrad CPC 6128 avec Fruity Frank et je pleure. Mettez-moi le sketch de Fernand Raynaud sur les timbres et je hurle de rire. Faites-moi réécouter Gentil dauphin triste de Gérard Lenorman, je suis étendu sur le sable de Port-Barcarès (le summum de l'exotisme en milieu rural).

Ainsi, je suis aujourd'hui capable de soutenir que Gérard Lenorman vaut largement un Michel Polnareff, et en plus je me trouve convaincant. Les arrangements sont naïfs, certes, mais pas plus que ceux de Michmuche. Le pont, particulièrement, me serre le cœur de par son ouverture inattendue, introduisant une tension qui, heureusement, sera résolue quelques mesures plus tard, une fois que Gérard, se laissant flotter sur des frises de steel drum (*), aura transmis toute sa tristesse à l'auditeur de 7 à 77 ans. Notez également le saxophone introduit à partir du deuxième couplet, subtil comme une pomme de terre dans le slip de bain d'un nouveau-né.



(Gérard et son inoubliable visage d'échappé de l'asile)


Quoi, les dauphins. Deerhoof écrit bien sur les pandas et le basket. Croyez-le ou non, Gentil Dauphin Triste est une féroce diatribe anti-Hollywoodienne. "Vous allez chercher quoi au cinéma ?" demande Gérard, avant de répondre lui-même avec toute la perspicacité qu'on lui connait : "Du sang et du malheur, des larmes et de la peur, vous feriez mieux d'apprendre à être heureux". Quel est le fumier qui oserait dire le contraire ? En première ligne dans le collimateur de Gérard, Les Dents de la mer : "Tu n'oses plus te baigner dans la mer à cause de ce requin que les Américains ont inventé pour faire peur à ton père". Ce petit salopard de Spielberg a ruiné les vacances de milliers de petits Gérards pour se faire une montagne de fric, et Lenorman n'est pas dupe. En plus il sait que le requin, c'est pour de faux. Alors saisissez la main qu'il vous tend et courez avec lui contre les vagues, ça lui ferait tellement plaisir.


Joseph Karloff


(*) N'importe quoi moi, ça doit plutôt être du marimba. Pardon aux mélomanes.

mardi 21 décembre 2010

[Fallait que ça sorte] The Nerves - One Way Ticket

The Nerves est un groupe dont les membres se sont plutôt fait connaître par leurs formations postérieures, soit les Plimsouls pour le bassiste Peter Case, The Beat pour le batteur Paul Collins et… pas grand-chose pour le guitariste Jack Lee, pourtant charnière centrale de l’affaire.

En 1976, on part à peu près de zéro. Il y a certes de glorieux précédents complètement cramés à l’acide dans le courant psyché west coast que les trois garçons vénèrent, mais en activité au mitan des seventies, dans le genre renouveau, on a quoi ? Allez, on va dire Television aux US et Dr Feelgood en Angleterre, pour aller vite. C’est là que notre trio intervient, en formation serrée, clairement désireux de revenir à l’essentiel, c'est-à-dire aux chansons bien tournées pliées en deux minutes trente maxi (format qu’on avait un peu perdu de vue à l’époque), avec des bases instrumentales qui peuvent paraître rudimentaires, mais c’est précisément cela qu’on avait fini par demander après des lustres de rock progressif.

"Rock n’ roll !" proclament donc les trois garçons, qui livrent courant 76 un EP proprement introuvable aujourd’hui et positivement incroyable quand on y repense. Ce vinyle, je connais des gens prêts à affronter la mafia russe pour l’avoir dans leur discothèque, un gros 45 tours qui contient quatre chansons parfaites, dont un certain Hanging On The Telephone que miss Debbie Harry en personne imposera à ses Blondie après avoir chialé auprès de Jack Lee pour qu’il la lui cède.


(Hanging On The Telephone)

Si "One Way Ticket" est important, c’est parce qu’il contient évidemment les quatre titres de l’EP, et dans l’ordre s’il vous plaît, plus quelques friandises présentant un intérêt variable. Car The Nerves fut un groupe absolument météorique dont la quintessence de l’essentiel tient dans ce fameux EP, comme si on ne pouvait pas vraiment se remettre d’une giclée aussi définitive. Pour compléter le CD, on a donc essentiellement du live, présenté dans des conditions limites au niveau du son, mais dans lequel, après avoir inutilement essayé de régler sa chaîne, on sélectionnera, au milieu d’un set fiévreux, Come Back and Stay que le mou Paul Young geindra un peu plus tard, et que le trio joue ici en mode punk.

Un bon témoignage de ce que fut la power-pop américaine prônant le "back to basics" sans se déprendre d’une classe insolente.


AGM

mercredi 30 juin 2010

[Réveille Matin] Guy Béart - À Amsterdam

Tu as cinq ou six ans. Tu es dans l'appartement de ta grand-mère, en haut d'une tour solitaire de la banlieue parisienne. Juste elle et toi. Peut être sont-ce tes poignées de centimètres en croissance qui te font voir ces lieux comme s'ils étaient immenses, mais l'appartement semble trop grand, trop large, constitué de trop de pièces inhabitées depuis que ceux qui sont devenus tes oncles ou encore ta mère les ont quittées pour aller dans d'autres maisons, d'autres lieux, d'autres villes. Ton esprit s'y perd. Avant que tu ne dormes, ta grand-mère te chante des berceuses. Il y a celles sans auteurs que tout le monde connait et qui passent les générations, du berceur au bercé, mémoire collective remplie de ritournelles simplistes dont on a répété les mots avec un mécanisme las sans même essayer d'en comprendre le sens, ni avant ni après, d'abord trop jeune pour l'analyser, ensuite trop vieux pour s'y intéresser. Et puis il y a celles plus récentes, plus personnelles, qu'on chante parce qu'on les aime. Tu ne le sais pas encore, mais quelques années plus tard, tu voudras bercer un nouveau-né en fredonnant Eleanor Rigby sans le faire pour autant. Peut-être le feras-tu un jour. Peut être jamais. Pour l'heure, ta grand-mère est plus sobre, elle te chante L'eau Vive de Guy Béart. Qui est cet homme ? Tu n'en sais rien. Elle a un cd de lui, avec un arc-en-ciel dessiné dessus et un logo "Vu à la Télé." Ses plus belles chansons." Mystère de la musique qui passe. Tu t'en fiches un peu au fond, ce n'est qu'un bruit de fond venu de nulle part. Mais il y a une chanson qui te marque, sur laquelle tu reviens. La dernière. Ce n'est pas que tu la passes en boucle, non, c'est tout simplement la seule que tu écoutes. Tu lis dans le livret écorné cette phrase mystérieuse : "À Amsterdam/Il y a Dieu, il y a les dames/J'ai vu les dames de mes yeux/J'ai pas vu Dieu/À Amsterdam." Tu la relis. Tu ne la comprends pas, mais aimes cependant sa résonance. Dieu. Les dames. Tout cela ne veut rien dire. Tu n'y penses plus. Tu reviens ensuite chez ta grand-mère. Tu grandis. Tu n'écoutes plus ce cd. Tu fais autre chose. Tu viens de moins en moins. Puis tu ne viens quasiment plus. Par la prévisible défection affective envers ta famille qui croît au fil des ans, Guy Béart disparait de ton esprit comme le nom de ce garçon qui fait un sourire niais à côté de toi sur une photo de classe jaunie.




Tu as 21 ans. Tu ne réécoutes jamais L'eau Vive. Sa douce ritournelle évoque en toi quelque chose de plus grave et brumeux que la nostalgie car on ne saurait se perdre, les yeux dans le vague, dans des parcelles de mémoire incomplètes, rapportées, déformées, des lieux flous plus que des situations claires, des ambiances invariablement réinventées plus que de vrais souvenirs. Tu peux encore, dans le creux de ton oreille vieillie, entendre l'écho lointain de l'interprétation dépouillée de ta grand-mère qui te faisait fermer irrésistiblement les yeux, et c'est bien assez. Mais il y a cette autre chanson. Elle existe. Tu voudrais te la rappeler. Tu te souviens toujours de cette première phrase. Plus du tout de la mélodie. Et puis un jour que ton esprit se penchait avec une minutie de vieillard-en-devenir sur cette masse de moments que tu peux désormais appeler avec un peu d'ironie ton passé, tu as eu l'envie de retrouver ce morceau. C'est tellement plus facile désormais. Il te faut dix minutes montre en main pour avoir ce bout d'hier en binaire. La confrontation est fascinante. Tu reconnais tout et tu ne reconnais rien. Certaines phrases semblent avoir toujours été là, surtout ce "j'ai vu soudain monter mon âme par le petit trou qu'un vieux couteau m'a fait dans le dos." D'autres font sens, maintenant que la vie a eu la bonté de t'apprendre ce qu'étaient les "dames," le haschich ou Van Gogh. D'autres semblent venir de nulle part. Reste la musique. Tu ne sais même pas si tu l'aimes vraiment, mais l'infectieuse répétition de la mélodie principale vient se nicher dans ton subconscient pour t'obséder durablement. Le roulement de batterie ridicule qui lance la coda. Les chœurs familiers et populaires. Le refrain que tu ne peux chanter sans pouffer. Ce relent d'antan, tu ne sais pas quoi en faire. Pour évacuer, il te reste tes amis. Tu leur chantes le morceau. Encore et encore. Jusqu'à l'épuisement. Comme pour partager un fléau doux qui t'a toujours habité. Comme pour leur montrer qui tu es vraiment. Et les voilà qui tombent dans le piège. Qui chantent avec toi. Ce morceau n'est le symbole de rien pour eux, mais ils sont là, à répéter des choses comme "Jesus est-il ce jeune bonze qui se bronze ?" Et soudain, des souvenirs neufs se mêlent à ceux remplis de poussière. La chambre à coucher de l'appartement trop grand croise celle dans laquelle tu t'étais réveillée un matin après une nuit trop courte en chantant cette modeste ritournelle. Le visage de ta grand-mère précède ceux de gens qui remplissent maintenant aussi ta vie. C'est un peu comme si tu t'étais égaré puis retrouvé, tenant enfin dans le creux de ta main une partie de toi que tu croyais avoir perdue. Et ainsi ébahi face à la beauté cyclique de l'existence, tu embrasses chaleureusement celui que tu as été, avant de te remettre en route vers demain.


Emilien Villeroy