C'est entendu.
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vendredi 21 octobre 2011

[45 Tours] Silver Apples - Program

Si vous avez aimé passer la semaine à dodeliner de la tête au son de grooves d'un autre temps, vous allez aimer Silver Apples. Ce duo américain, pionnier de la musique électronique, précurseur de Suicide, Portishead, et de l'acid house, d'une certaine façon, est arrivé pile au bon moment : en 1968, année psychédélique et avant-gardiste par excellence, paraissait "Silver Apples", un premier album coup-de-poing-dans-le-plexus où s'enchainaient sans temps mort les grooves psychédéliques - et limite proto-krautrock, à vrai dire ! - portés par la batterie de Danny Taylor, comme une charpente immatérielle supportant les structures circulaires des riffs des synthétiseurs de Simeon Coxe, dont la voix funambule semblait à la fois survoler la mêlée et appuyer violemment sur les mots.


(Non, Jonny Greenwood n'a pas inventé le sampling de radios locales comme entame de morceau)

Tout l'album est de cette trempe et le suivant ("Contact") est presque aussi bon et on y trouve du banjo à gogo dans une sorte de revisite de l'americana façon hallucinée. Malgré ça, la carrière de Silver Apples n'a pas été ce qu'elle aurait pu être. Lâchés par leur label au début des 70's, les deux musiciens n'enregistreront plus avant les années 90 (le troisième album paraitra même en 1998, soit presque trente ans après sa date prévue de sortie, en 1970). Simeon Coxe se brise le cou en 1998 à la suite d'un accident de la route et Danny Taylor meurt en 2005... oui mais le groupe existe encore ! Après des années de rééducation, Simeon a relancé Silver Apples et il sera ce soir en tête d'affiche au festival BBMix à Boulogne-Billancourt. Il est encore temps de prendre votre place (c'est donné !) et d'apprécier le psychédélisme de Silver Apples, tanqué dans un bon fauteuil du Carré Bellefeuille, face à un musicien qui aurait l'âge d'être votre pépé et qui pourtant vous donnera envie de remuer vos fesses et de jouer avec des synthétiseurs analogiques et des séquenceurs comme avec autant de jouets magiques.


Joe Gonzalez

mercredi 10 août 2011

[Fallait que ça sorte] Free Jazz, Improvisation Collective #1

On se dit toujours qu'on n'est ni suffisamment vieux pour écouter du free jazz, une musique que seuls des professeurs de philosophie barbus savourent dans leurs salons en fumant la pipe, ni suffisamment jeune pour apprendre une langue qui nous parait résolument étrangère. On se dit que c'est une musique qui donne la migraine, qu'elle est réservée aux puristes et aux dingues. On ne sait pas grand chose du free jazz parce qu'il semble appartenir à un autre temps, à une autre génération. On a tort.

Cette série d'articles se propose d'explorer différentes pistes menant toutes à une ouverture vis à vis de cette musique. Leur propos sera de vous montrer, à travers l'expérience d'un jeune converti (moi-même) ne disposant ni d'une oreille assez aiguisée pour différencier un disque influencé par Dolphy (photo ci-contre) d'un autre qui doit tout à Coltrane, ni d'une connaissance suffisante de l'ensemble des discographies de chacun des auteurs de cette mouvance pour se targuer de vous en expliquer la chronologie ou les idéologies.

Il s'agira simplement, d'un profane curieux à d'autres potentiels amateurs pas encore motivés, de vous proposer quelques pistes, un ressenti très personnel et un brin de background.




#1 : Le paradoxe du soliste et l'exemple de Peter Brötzmann


Le free jazz est une forme musicale relevant du quitte ou double et c'est d'autant plus vrai lorsque la musique en question est jouée par un seul individu. Le mot "free" (libre, en français) n'est pas trompeur : le musicien solo se libère des codes habituels (solfège, attentes du public, climax/anticlimax, progressions mélodiques et mélodie tout court, rythmique et tempo) et livre tel quel un matériau brut que l'on peut prendre à coup sûr comme l'expression sonore de l'individu derrière l'instrument. Ce qu'il est, ce qu'il dégage, ce qu'il pense et ressent, sa personnalité et sa personne.

Si le free jazz est reçu live, alors la personnalité du musicien sera d'autant plus envahissante qu'elle emplira toute la pièce ou la salle. C'est un corps humain qui est alors projeté contre l'auditoire, libéré de toute retenue, nu, nerveux, violent et recouvert de sueur. (ici, Albert Ayler au saxophone et son frère Donald à la trompette)

Le pari est risqué parce qu'on a beau être un bisounours, un hippie ou un moine, et je suis certain que vous n'êtes aucun des trois, il y a toujours des êtres humains que l'on n'aime pas, ou moins, ou peu, et dès le premier contact, un sentiment de répugnance peut naitre vis à vis d'un inconnu, souvent inexpliqué. Ça n'est pas forcément qu'il ou elle est stupide, méchant, moche ou ennuyeux. Pas forcément qu'il ou elle sent mauvais ou se comporte étrangement. Parfois, c'est tout simplement instinctif, on n'est pas compatible. Alors imaginez-vous que quelqu'un souffle dans un bec et vous propulse tout son être à la figure et dans les oreilles, tout de go, sans poignée de main préalable. Il y a des chances pour que vous n'aimiez pas ce que vous entendez. La forme du message, absolument non codifiée, n'arrangera alors en rien ceux à qui il faut un cadre, une enveloppe tangible, un langage délimité et à ceux-là, le message transportant l'aura du musicien arrivera brouillé, en prime.

Rien de plus normal que de rejeter le free jazz. Ce que l'on ne comprend pas, on le repousse, c'est acquis, et le free jazz s'articule dans une langue incompréhensible (tout du moins pour le profane) et exprime si violemment la personnalité de ses auteurs qu'il peut aller jusqu'à "choquer" l'auditeur. Pourtant, si ce que le musicien exprime de son ego ou de son personnage ne nous heurte pas, on peut être terriblement séduit, charmé par cette personnification sonore comme on l'est par une belle femme, un homme charismatique ou quelqu'un qui exsude la sagesse. C'est une question d'affinité personnelle.

La différence entre un free jazz joué par un musicien seul et un autre joué par un groupe (même si ce groupe est dirigé par l'un des musiciens), c'est que le caractère "joué" par l'artiste seul sera bien plus prédominant, envahissant, écrasant et laissera bien moins de liberté d'action à l'auditeur. Un groupe sera forcément moins homogène dans ce qu'il transmettra et la somme des personnalités créera quelque chose de différent et de forcément moins totalitaire.

La forme elle-même aura tendance à différer selon le nombre de musiciens impliqués et le degré d'expérimentation désiré par le meneur ou l'artiste solo. En vérité, il serait plus convenable de parler de "liberté" plutôt que d'expérimentation. Le free jazz n'est pas vraiment une musique d'expérimentation. Des artistes jazz comme Miles ou Coltrane ou Pharoah Sanders (ci-contre) ont en effet expérimenté autour des moteurs de composition et de structure du jazz mais la définition-même du free jazz est qu'il se départit de toute idée de structure ou de réflexion. Le free jazz nait de l'instant, du néant, et si ça n'est pas vrai dans tous les cas, il est évident que son degré de liberté, ou en tout cas son potentiel de liberté est plus grand lorsqu'un musicien se tient seul sur la scène. La mécanique de groupe, même dans un cadre improvisé et débridé comme celui du free jazz, amène forcément quelques barrières. Le jeu est libre mais un minimum d'accord est nécessaire. Les musiciens peuvent se comprendre, s'anticiper ou se compléter, il n'en est pas moins vrai qu'ils jouent "ensemble" et que leur jeu ne peut de ce fait pas aisément franchir n'importe quelle limite. En conséquence, alors que le free jazz solo est probablement l'une des formes musicales les plus simples à concevoir (en théorie, n'importe qui ne connaissant rien au solfège pourrait s'y essayer et jouer du free jazz solo serait encore plus proche du triptyque infantile borborygmes/onomatopées/chahut que la musique noise, laquelle demande en général des compétences en matière de matériel, voire d'équipement électro-acoustique) en même temps qu'elle est parmi les plus complexes à recevoir.


(Machine Gun, la piste ouvrant "Machine Gun")

Plus connu pour ses enregistrements de la fin des années 60 ("Machine Gun" en 68 et "Nipples" en 69), l'allemand Peter Brötzmann n'a jamais cessé d'explorer sa musique, que ce soit dans le cadre d'un groupe sous sa direction, en solo, ou bien au sein de très nombreux groupes en tous genres (Full Blast, Last Exit, Globe Unity Orchestra et bien d'autres dont une collaboration avec John Zorn sous le nom Brötzmann Clarinet Project). Son utilisation de la clarinette, du tárogató (une sorte de hautbois hongrois) et du saxophone a connu des variations depuis ses débuts mais c'est dans un registre extrême qu'il s'illustre dès ses débuts discographiques. En tant que pionnier du free jazz européen il ne se contente pas d'appliquer les enseignements de Coleman, Ayler et Dolphy, les précurseurs américains, mais propose avec "Machine Gun" un disque d'une violence unique en son genre, une véritable expérience d'immersion totale dans le son des instruments chauffés à blanc du groupe international qui l'accompagne alors. Les expériences suivantes seront toutes aussi aventureuses mais leur violence ne sera pas forcément aussi facilement identifiable.

En 1996, Brötzmann enregistre seul un album beaucoup moins massif que ses travaux de groupe les plus connus et dans la droite lignée de ses récents enregistrements solitaires (comme le très bon "No nothing" publié en 1991). Sous-titré "A Suite of Breathless Motion Dedicated to Oscar Wilde" (*1), "Nothing to say" porte un titre ambigu et à moitié trompeur. D'abord, la première chose à faire quand on n'a rien à dire, c'est se taire. C'est ce que me répétait le sergent instructeur au boot camp des rock critics quand je faisais mes classes. Et de ce côté-là, Brötzmann ne se dédit pas puisqu'aucun mot d'allemand, d'anglais ou de quelque autre langue que le solfège n'a sa place sur l'enregistrement. Mais d'un autre côté, le solfège n'est-il pas lui-même un langage composé de signes, de pauses, de sens ? J'ai tendance à croire que même en ne nommant pas son disque, en ne lui attribuant pas de pochette et en ne nommant pas ses pistes, il n'aurait pas réussi à le démunir de sens. Mais Brötzmann prétend n'avoir rien à dire, et je le crois. Ça n'est pas une histoire ou un point de vue ou des souvenirs qu'il raconte, c'est une personne : lui-même. Cela participe du totalitarisme du musicien free jazz solo, de son fascisme : ce qu'il joue n'est que lui-même. Personne d'autre ne pourrait le jouer, sa partition lui appartient entièrement, elle n'est pas écrite sinon en lui et en "se" jouant il s'impose à l'auditeur, qui s'il n'accepte pas la présence de Peter Brötzmann dans la même pièce que lui ne parviendra pas à comprendre ou à accepter la musique jouée. Brötzmann oblige l'auditeur à voir le monde comme lui le voit, à adopter son rythme, à le suivre dans ses moindres changements d'humeur, faisant de quiconque l'écoute un avatar de sa propre conscience, une marionnette consentante. C'est un fascisme total. Bien plus extrême que celui d'un simple dictateur qui se contenterait d'imposer ses vues au peuple à travers la violence ou la tromperie. Le musicien ne fait que s'insinuer comme un parasite dans son hôte afin de lui présenter son Monde.


(Nothing to say, la piste ouvrant "Nothing to say")

A ma connaissance, il n'existe pas de style musical impliquant une si grande ingérence de l'artiste dans les affaires conscientes de l'auditeur. Le free jazz est une musique sans paroles, délivrée dans une langue peu répandue et dépourvu, en apparence, de signifiants, et pourtant c'est la forme musicale permettant de s'exprimer le plus crument, de donner à voir avec le plus de sincérité les tréfonds d'un individu. L'artiste, d'abord, qui même s'il prétend n'avoir rien à dire, en avoue plus sur son compte que n'importe quelle superstar-dans-ta-face dont le visage n'est qu'un masque. Brötzmann en dit plus avec ses silences, les quelques titres de ses chansons et l'artwork de ses disques (qu'il réalise lui-même) qu'un Marylin Manson ou même un Bob Dylan (collectionneur de masques réputé que celui-ci). L'auditeur, aussi, qui même s'il ne comprend rien à ce qu'il entend, même s'il le rejette, ou si au contraire il adhère et se laisse guider par l'auteur telle une marionnette, révèle sa capacité à résister face à une dictature (*2) et son degré d'affinité vis à vis de la personne en face de lui.

Peu importe que vous appréciez ou pas ce que vous entendrez, je vous recommande vivement cette expérience si vous êtes curieux du Monde qui vous entoure (vous ne pourrez plus dire après ça que vous n'avez jamais écouté de free jazz) ou de vous-même.


Joe Gonzalez


(*1) : "Une suite de mouvements essoufflés dédiés à Oscar Wilde"

(*2) : Le mot "dictature" n'est pas forcément à prendre avec une connotation extrêmement négative. Je fais partie de ceux qui considèrent qu'une dictature est parfois nécessaire, un temps, pour amener un changement de direction (politique, artistique, etc) à la masse. Je ne vous apprendrai rien en disant que nous vivons depuis bien 20 ans une dictature du Bien qui commence à vaciller sur ses fondations ou que David Bowie a été le plus grand dictateur fasciste des années 70. N'allez pas croire que vous laisser convaincre par la dictature d'un musicien jazz serait faire automatiquement preuve de faiblesse morale et spirituelle, que ce serait une preuve de votre appartenance immuable et critiquable à la caste des moutons. Parfois, se laisser convaincre par une extrémité est la seule solution valable pour avancer. Parfois seulement.

vendredi 8 octobre 2010

[Réveille Matin] Brigitte Fontaine - Le Beau Cancer

Bonjour à tous ! Un jour il faudra bien qu'on se décide à céder à la tentation et consacrer un article de nos semaines thématiques "En français dans le texte" à Serge Gainsbourg, et franchement, j'en fais le pari, cet article là parlera de "Melody Nelson". C'est assez soulageant de constater qu'il y a des vérités que personne ne conteste, et "Melody Nelson" est une sacrée vérité, de celles qui n'ont besoin de rien pour être pigées et c'est très bien comme ça. Alors n'enfonçons pas de portes ouvertes, ne prêchons pas des convertis, et évitons cet écueil en considérant ce chef d'œuvre comme acquis. Le jour où l'on viendra à parler de n'importe lequel des sept morceaux qui composent l'album, il faudra bien admettre que ce sera forcément parce qu'on aura gratté le fond de la barrique et qu'il ne nous restera plus rien à dire sur rien de francophone en ce qui concerne le domaine de la musique. D'ici là, il faut bien s'occuper vous comprenez, alors faisons donc des détours et penchons nous sur ce qu'il nous reste de patrimoine avec Brigitte Fontaine, forcément la meilleure d'entre nous, déjà pour la simple et bonne raison qu'elle fit collaborer sur un même album -M- et Sonic Youth.



(Brigitte Fontaine - Le Beau Cancer)

En 1968, Brigitte Fontaine n'a pas encore livré son monolithe inclassable "Comme à la radio" (1970) et officie encore dans un registre de chanson populaire, qu'elle vicie complètement avec l'aide du complice rêvé, Jean-Claude Vannier, qui fut donc collaborateur étroit de Serge pour "Melody Nelson", et qui développe ici tout un attirail orchestral sur le fil, entre easy-listening suranné et dissonances fascinantes. Le tout, un album au nom aussi malaisant que "Brigitte Fontaine est..?", forme une sorte de mode d'emploi de cette femme marginale (Inadaptée) à la laideur manifeste (Éternelle) et surtout à l'esprit malade, ce qu'elle explique très bien au milieu de visions hallucinées sur le morceau de ce matin, Le Beau Cancer.


Thelonius H.

mardi 20 juillet 2010

[Réveille Matin] The Turtles - Elenore

Parfois, on devrait se mettre à la place de ces personnes que l'on surnomme si aisément "stars d'un tube" et s'imaginer le désarroi qui doit être le leur lorsqu'on leur parle de leur "hit." Évidemment, la plupart d'entre eux se ramassent un désarroi atroce en pleine figure pour la bonne raison que leur titre de noblesse est mérité : ils n'ont jamais réussi à pondre qu'un seul 45 tours potable, et par erreur encore, et le reste de leur carrière n'intéresse personne, et c'est très bien comme ça. Mais il y a aussi ceux que l'on résume injustement à une seule chanson alors que leurs cerveaux (certes pas les plus révolutionnaires de leur temps) ne se sont pas contentés de mettre au monde une seule perle mais deux, voire trois. Parmi ces pauvres diables, on compte les Turtles.



Parfois, on aimerait ne jamais découvrir le visage d'une voix.


Leur nom ne parlera pas à tout le monde mais le hit, si. Happy together, deux milliards de passages en radio depuis sa sortie en 1967, quatre vingt fois utilisée comme bande son par Hollywood, mise en image trois cents deux fois par quelque publicitaire télévisuel affamé de grosse thune, c'est ce que l'on appelle un tube, et si vous ne pensez pas l'avoir déjà entendue, filez moi le secret de votre ermitisme.

En attendant, si l'on épluche les best of des Turtles (oui parce que personne n'écoute leurs albums, en tout cas personne né après 1970), ou si l'on a la science infuse en ce qui concerne les singles de pop britannique à la fin des années 60, on sait que ces mecs-là ont eu un ou deux autres singles dans les charts, dont la chanson d'amour de ce matin, cette Elenore si naïve, objectivement beaucoup moins intéressante que Happy Together, mais aussi tellement plus charmante avec ses paroles niaises ("Elenor, gee I think you're swell / [...] / You're my pride and joy, et cetera") et lorsqu'à la fin, Howard Kaylan et les autres tortues lâchaient ces envolées sur la première phrase du refrain, façon fausset, "ah haaaaah," tous les chanteurs et chanteuses de l'autre côté de la Manche devaient se pâmer devant une chanson appelant à grand cris des paroles dans la langue (si souvent terrible à cette époque-là) de Molière. Heureusement, aux dernières nouvelles, personne n'y a touché.


Joe Gonzalez

mardi 29 juin 2010

[nitaM ellievéR] Tomorrow - My White Bicycle

! suot à ruojnoB Dans la vie, y'a deux écoles. Ceux qui font leurs intéressants et ceux qui ont vraiment des couilles. Prenez les années 60 par exemple. D'un côté, vous avez tous les attardés farcis au LSD tiède et leurs vieux riffs bluesy pourris sur deux accords qui ont voulu faire dissoudre leur passéisme rock'n'roll dans un effet cheap et branché, les soli de guitare à l'envers, dont ils ont usé et abusé avec une avidité lobotomisante faisant de leur musique un espèce de Fordisme psychédélique. De l'autre, ceux qui l'ont utilisé en tant qu'explorateurs de nouveaux territoires d'écriture. Les premiers sont des ratés, les seconds des héros. C'est sans doute un peu difficile d'imaginer aujourd'hui à quel point il était impensable pour un jeune groupe comme Tomorrow d'enregistrer un morceau comme My White Bicycle.


(Tomorrow - My White Bicycle)

En effet, allez dire à votre producteur de 45 ans votre ainé, qui a passé sa vie à écouter du Bing Crosby et qui cherche désespérément à comprendre les jeunes de son époque, que vous allez vous rendre en studio pour enregistrer un premier single dans lequel tous les instruments, ou presque, seront passés à l'envers. Allez faire ça en 1968 alors que tout était évidemment analogique et où les bandes devaient être mises à l'envers puis ré-enregistrées, sachant que vous deviez donc composer le truc en tâtonnant et en peu de temps, parce que bon, oh, on n'allait pas vous laisser trois semaines pour faire vos conneries. C'était ça avoir de l'audace à l'époque, et ça donne ce morceau magique, tordu et délicieusement groovy. Et peu importe si des éclairs de génie pareils sont brefs et intenses, même pas imputables au groupe en fait, mais plutôt à un parti pris de départ extrémiste, et si le reste de l'album est tout de même un peu ennuyeux, non ? Si hein. Enfin. .nieh iS


.H suinolehT te yorelliV neilimE

mardi 25 mai 2010

[Tip Top] 4 Disques Inécoutables - Vos étalons pour les semaines à venir





1) The Shaggs - Philosophy of the World (1968)

Tout le monde aime The Shaggs. Frank Zappa ("Un des meilleurs groupes du monde!"), Lester Bangs ("Better than the Beatles and DNA too" disait-il), Kurt Cobain, Deerhoof. Tout le monde. Et c'est normal. Parce que trois adolescentes qui montent un groupe de rock sous l'impulsion de leur papa autoritaire à qui l'on avait dit quand il était jeune en lui lisant les lignes de la main "vous aurez des filles et elles formeront un groupe de musique populaire" et sortent un album en 1968 complètement inécoutable, c'est forcément merveilleux. Les sœurs Wiggin ne savaient pas jouer de leurs instruments, il vous faudra 20 secondes pour vous en rendre compte. Tout l'album est hors-rythme, avec des harmonies vocales un peu fausses et des guitares accordées et jouées très sommairement. Mais ça, The Shaggs ne le ressentaient pas. Pour elles, tout allait bien, elles faisaient ça avec soin, c'était leur manière de jouer : en chantant qu'il faut aimer ses parents ou que c'est bientôt Halloween et ça donne ce chef d'œuvre de pur amateurisme qui, après une première écoute atterrée, devient finalement un naufrage terriblement attachant, original et brut, la version la plus primaire du rock&roll mais aussi peut-être la plus douce, un beau massacre dans son ultime naïveté.


(My Pal Foot Foot)








2) Lou Reed - The Bells (1979)

La carrière discographique de Lou Reed n'est pas une ligne droite, et si "The Bells" devait être qualifié vis à vis de la psyché de Lou, il serait un trouble bipolaire aigu. Imaginez un peu le chanteur maniéré de Walk on the Wild Side produire son disque le plus écrit (et probablement celui qui descend le moins directement du Velvet Underground), y chanter faux sur la moitié des chansons et s'inspirer autant d'Edgar Poe que des Stranglers, des Bowie/Iggy berlinois que du rock gothique anglais, tout en ayant la jugeotte nécessaire pour SAVOIR que vous bondirez de dégoût dès les premiers mots chantés, qui, en conséquence ne pouvaient être que "Stupid Man."


(Stupid Man)








3) Muslimgauze - Jaal Ab Dullah (1997)

Bryn Jones était originaire de Manchester, et de 83 jusqu'à sa mort en 99 (puis par voie posthume) il a publié une infinie quantité de musique aux antipodes de ce que le nord de l'Angleterre est habitué à produire. Jones n'est, je crois, jamais sorti du pays, et pourtant ses disques semblent tous avoir été enregistrés aux quatre coins du Moyen Orient par un illuminé vaguement politisé. Sur cet album-là (et pourquoi pas un autre - parce que c'est celui par lequel j'ai découvert Muslimgauze, et merci à Mark Richardson), Jones propose à qui ose l'entendre (et parvient à se la procurer) une musique instrumentale faite de beats électroniques saturés lorgnant parfois vers le hip hop, de sonorités orientales (on entend des instruments traditionnels et notamment de nombreuses percussions et du sitar, mais aussi des samples de voix, comme captées sur un marché à Kaboul) profondément encrassées par de violentes distorsions, parfois aux limites de la nosie music, et tout ça porte des titres du genre Extreme Anti-Arab Zionist, Ultra Orthodox and No Cheating, ou encore Kabul is free under a veil, dont je vous propose d'écouter la jumelle :


(Kabul isn't free under a veil)








4) Syzygys - Eyes on Green (Syzygys Live at Roppongi Inkstick 1988)

Un peu de solfège : dans la gamme chromatique, qui va de demi-tons en demi-tons, il y a normalement 12 notes. Tout le monde les utilise. Mais cette division arbitraire des hauteurs n'est pas suffisante pour les deux japonaises de Syzygys, duo existant depuis 1985. Elles utilisent donc les règles de la microtonalité, c'est à dire qu'entre Do et Do#, il y a encore des notes impossibles à nommer, se basant sur les intervalles d'Harry Partch, avec des quarts de tons. Le groupe a créé pour l'occasion un clavier modifié qui couvre un octave (d'un Do à un autre) non pas sur 13 touches mais sur 43. Si tout cela peut sembler bien complexe et ennuyeux (je suis sur que j'ai perdu la moitié des lecteurs), ne partez pas tout de suite : Syzygys est un groupe POP. Ainsi, ce live si bien enregistré qu'on dirait un enregistrement studio est une suite de morceaux qui mêlent des mélodies efficaces sur une pop synthétique réjouissante, tout en offrant une certaine recherche avant gardiste qui, si elle peut ne pas frapper les oreilles du néophyte, donne tout de même une "impression" de décalage, de fausseté non-usuelle qui est passionnante.


(Eyes on Green)


Ne restez pas sur vos acquis ! Bousillez-vous les tympans ! Flinguez-vous les neurones sciemment ! La musique n'est pas une commodité, elle est une bataille ! Procurez-vous l'un de ces étalons et écoutez-le en entier, plus d'une fois, jusqu'à ce que du sang vous coule par les narines, jusqu'à ce que vous fassiez un pas conscient hors de votre carré de gazon, jusqu'à ce que vous ayez envie de vous en procurer un autre !


Emilien Villeroy & Joe Gonzalez

mercredi 14 avril 2010

[Réveille Matin] The Millennium - Prelude / To Claudia On Thursday

Bonjour à tous ! Aujourd'hui je vous réveille avec The Millennium, un groupe sixties en forme de collectif puisque pas moins de sept membres y officiaient, dont Curt Boettcher, leader du groupe et qui joua un rôle important dans la vague sunshine pop de l'époque en participant à différents niveaux à plusieurs autres formations du genre comme Sagittarius ou The Association. De ces quelques groupes il ne faut pas attendre non plus des miracles : des albums à l'ambiance psychédélique surannée très naïve voire assez niaise, qui se reposent parfois un peu trop sur leurs arrangements, avec pas beaucoup de prise de risques... Il n'empêche que dans "Begin," l'unique album de The Millennium sorti en 1968, si beaucoup de morceaux sont finalement dispensables sans être abominables non plus, les moments les plus inspirés sont des sommets de pureté pop, comme l'hypnotique Karmic Dream Sequence #1 et son break lumineux avec plein d'accords majeurs en cascade.



(The Millennium - Prelude)


(The Millennium - To Claudia On Thursday)

Ci-dessus, vous pouvez écouter les deux morceaux de ce matin, qui s'enchaînent et forment un tout si bien que je ne pouvais pas vraiment me permettre de vous éviter ce Prelude. Ce n'est peut-être pas bien pratique pour vous mais ça vous poussera à vous procurer l'album comme ça. Prelude, qui ouvre l'album, est une introduction aux doux arpèges de clavecin sur lesquels vient se poser une batterie au son lourd absolument dantesque et des cuivres bien gras, puis tout vient se fondre dans un tube solaire conduit par un gros riff de basse rebondi. Ce petit grincement étouffé d'un instrument inconnu, ces "toudoudou" délicieux, ces voix qui montent au paradis sur le refrain : le tout est tellement évident qu'on a l'impression de l'avoir toujours connu, que le temps semble s'arrêter doucement autour de nous pour quelques minutes.


Thelonius H.

jeudi 1 avril 2010

[Réveille Matin] Fairport Convention - If (Stomp)

Bonjour à tous ! Malgré la désuétude dans laquelle semble être tombé Fairport Convention, j'ai découvert tout récemment leur premier album du même nom, sorti en 1968. La composition du groupe fut extrêmement variable (25 membres en 43 ans), et, pour l'anecdote, Ian McDonald, l'un des chanteurs durant les deux premières années (67-68), dut changer de nom, optant pour Ian Matthews, évitant ainsi la confusion avec le flûtiste de King Crimson.

(If (Stomp))

If (Stomp) respire la production sixties, telle une évidence, avec sa paisible basse en pompe, ses doux arpèges, et ses solos paresseux. Le chant, et notamment les multiples voix lui donnent ce caractère chaleureux, fraternel, tellement caractéristique de l'époque et le tout est chapeauté par une batterie simple et efficace. Il faut ajouter à cela des paroles innocentes et souriantes ("If I were rich enough/To make you need me as much as I need you/If I could pitch enough/You'd realise what a little country bread can do") et cette ballade folk apparait comme accrocheuse, flirtant néanmoins ouvertement avec la pop.

Il y a cependant un paradoxe qui se créé à l'écoute de If (Stomp). En effet, on comprend à la fois pourquoi Fairport Convention et tous ces groupes à la cool, symboles indubitables d'une époque d'essor musical intense, peuvent aujourd'hui susciter le désintérêt chez certains (arrangements datés, mixages vieillis, sonorités clichées) alors qu'aux yeux des autres, ces compositions ont été, sont et resteront des bijoux intemporels.


Hugo

mardi 2 mars 2010

[Réveille Matin] Colonel Sanders - A Taste Of Honey

Bonjour à tous! Pour continuer dans la honte, j’ai sélectionné pour vous, ce matin, une petite perle d’humour, un morceau que l’on ne peut apprécier (si tant est que cela puisse être le cas) sans une certaine culpabilité. Back to 1968...

Le Colonel Sanders (mais qui est-ce ?) a choisi pour son album "Tijuana Picnic," on peut le dire, une pochette fabuleuse. Car oui, vous avez bien vu, ça n’est pas une impression sujette à la brume matinale post-réveil, non, sur la pochette, on peut bel et bien voir se dérouler le parfait petit pique-nique américain, agrémenté de produits venant de chez… KENTUCKY FRIED CHICKEN, en gros, de chez notre grand-père aux cheveux blancs préféré. Et au premier plan, qui voit-on ? Assis avec la meilleure nonchalance ? Le Colonel Sanders en personne, pardi, ni plus ni moins que ce visage rieur et chaleureux qui vous accueille (ou qui vous agresse) à chacun de vos passages devant un KFC ! L’enseigne même du fast food ! Et puis bien sûr, il y a le pot de chicken wings en conséquence, le "Bucket" dans le jargon, que papy s’apprête à avaler goulument. Le clin d’œil était nécessaire…


"Finger Lickin’ Good !"

Comme titre d’ouverture pour son album, Sanders avait choisi A Taste Of Honey, une possible reprise du morceau des Beatles présent sur "Please Please Me" en 1963, et qui était déjà repris de MM. Bobby Scott & Rick Marlow. Ce coup-ci, le rendu est assez "mexicain" et ce ne sont pas les trompettes qui nous feront dire le contraire. Les arrangements sont à dormir dehors (dans la pampa) mais bien qu'amusés, on n’en demeure pas moins un peu perplexe. Car, si à l’époque cela pouvait sonner simplement variet', aujourd’hui, à la lumière des quelques quarante-deux années écoulées, on peut dire que cela relève clairement d'une audace (rires) sans laquelle vous ne vous seriez pas si bien réveillés ce matin. Et sachez que ce morceau, malgré tout, et bah je l'aime bien, voilà, c'est dit !

Trêve de bavardages, c’est qu’on ne doit pas être loin de l’heure du p'tit dej’ ! Alors un conseil, optez pour le Bucket de chicken wings piquants, ce sont de loin les meilleurs. Surtout le matin, à 5 heures.


Hugo

jeudi 18 février 2010

[Fallait que ça sorte] Billy Nicholls - Would You Believe

Encore un inconnu, oui, c’est bien cela. Mais un inconnu produit par Andrew Loog Oldham (ici à droite), le manager des Stones, et accompagné en studio par les Small Faces. Surprenant, non ? Il doit bien y avoir une raison…

Il y en a une et elle est toute simple : Oldham, séduit en 1966 par "Pet Sounds" des Beach Boys, a voulu mettre au point la réponse londonienne, et il a confié cette colossale tâche à ce jeune anglais issu de Hammersmith (quartier Ouest de Londres) qu’était Billy Nicholls. Il faut dire que ce dernier paraissait posséder tout ce qu’il fallait pour réussir. Jeune, dynamique, au timbre de voix clair et fin compositeur d’une musique pop menée avec enthousiasme, Nicholls représentait le compromis idéal. En 1968 est donc enregistré, chez Immediate Records, "Would You Believe," qui lança la carrière du jeune londonien. Ainsi fut concoctée l’une des perles de la pop britannique des sixties.


(Would You Believe)


Ce qui fait la force de "Would You Believe" est à coup sûr son efficacité. La majorité des pistes de la tracklist s’inscrit dans une durée moyenne d'environ deux ou trois minutes, permettant à de nombreuses chansons de résonner comme des singles. Pas de longs morceaux pleins de changements de rythme, de variations mélodiques ou autres breaks en tout genre, non, rien que des "tubes." Dès le morceau d’ouverture dûment intitulé Would You Believe, la couleur est annoncée : Nicholls sait donner de l’envol et de l’élégance à ses compositions. Il ne prône pas un stakhanovisme absolu, il ne conçoit pas des monstres voraces d’efficacité destinés à faire un malheur sur les ondes dès les premières secondes. Non, son entreprise est nettement plus réfléchie, plus fine que cela. Au lieu de fournir un tube brut et imposant, il va affiner, polir, et faire rimer rendement et recherche. La recherche d’orchestrations de qualité, avec moult violons, clavecins, trompettes mais aussi un travail de recherche sur la voix, comme l’illustrent les nombreux chœurs, et codas de l’album, le tout cohabitant avec des lignes de basse groovy au possible et des batteries toutes aussi entraînantes. On pourra citer par exemple Life Is Short, ou encore Daytime Girl. Loin de moi cependant l’idée de discréditer le tube dans toute sa puissance, ancré dans son caractère brut, voire brutal (il suffit d’observer les Kinks, circa 1964) mais l’entreprise de Nicholls diffère, témoigne d’un visage différent et tout aussi anglais. Cependant, l’album peut tout de même compter sur Girl From New York, plus agressive, avec cette guitare et ses petits solos récurrents, avec cette basse classieuse à l’arrière, et cette batterie déchainée. Nicholls ne se prive pas d'enchaîner Being Happy, ballade pop par excellence, teintée de tristesse, avec le bulldozer Girl From New York, et ça fonctionne.



(London Social Degree)

A vrai dire, peu de choses ne fonctionnent pas sur "Would You Believe." Il y a chez le londonien cette propension à faire exploser subitement le rythme, à le transformer en quelque chose de très dansant, presque à la surprise générale, tout en conservant son immanquable aspect détendu et léger. L’écoute est alors portée par ce combo batterie - voix/chœurs - basse - orchestrations, invincible et subtil (Feeling Easy / Portobello Road et même Question Mark), que l’on pourrait désigner comme étant l’une des marques de fabrique de Nicholls. Mais, comme de juste, il est des fois où l’enthousiasme n’est pas au rendez-vous, et cela débouche sur des horizons plus tristes, un peu plus ternes comme sur It Brings Me Down, avec ce chant et ces chœurs plaintifs. Mais le morceau n’en est pas moins abouti, à sa place, bien au contraire, il vient pondérer un tant soit peu le surplus d’énergie dégagé tout au long de l’album. On notera le long final instrumental, enrichissant mais toujours sombre, laissant le morceau s’achever sur la même note décalée avec laquelle il a commencé, et emportant presque intact son mystère avec lui…

Enfin, il me paraissait opportun de revenir sur un constat. Billy Nicholls était à même de composer des titres joviaux, des titres profonds également, mais aussi, comme le prouve cet album, de petites ballades guitare-voix tout à fait entêtantes, qui dénotent une véritable efficacité au sein d’une si tendre simplicité. Sur treize morceaux, on en compte onze dans lesquels la production est très présente, les orchestrations, massives, et deux par lesquels il retourne à une humilité charmante : la coda de Daytime Girl, anecdotique mais très plaisante, et Come Again, où l'on retrouve Nicholls d’une façon plus intimiste, mais sans pour autant le voir abandonner sa voix haut-perchée ni son sens de l'accroche, avec cette guitare chaleureuse. Le genre d’homme à pouvoir pratiquer tous les terrains (ou presque) qu’il veut en étant assuré de ne jamais glisser.

Quand à ce cher Oldham, car il mérite que l’on revienne à lui tout de même, et à son projet de réponse britannique au succès des Beach Boys, on pourra remarquer différentes choses. Bien que l’on puisse voir que certains éléments chers à ces derniers sont exploités (différemment), comme le travail sur la voix, par exemple, ou une certaine vision du rythme, en produisant un tel album, Oldham s’est lui-même détourné de son objectif initial. Pas volontairement, cela s’entend, mais de par l’ampleur de la chose, on dépasse ici largement l’idée d'un album avec un but, une cible, l’album "en réaction à". Billy Nicholls affirme plus qu’il ne se contente de répondre, il affirme un fier visage anglais, le visage d’une pop ravissante et enchanteresse au travers d’un album qui existe par lui-même et qui a incontestablement réussi à se forger sa propre identité. Malgré un certain succès au moment de sa sortie, l'album et Billy Nicholls lui-même ne marquèrent pas les mémoires au point de figurer au panthéon des sixties et c'est pourquoi il était important à mes yeux de le rappeler à votre bon souvenir, et de lui tirer mon chapeau.


Hugo Tessier

jeudi 11 février 2010

[Réveille Matin] The Byrds – Wasn’t Born To Follow

Bonjour à tous! Ce matin, on vous propose un réveil en douceur, comme on les aime. Un réveil avec les Byrds, qui plus est. En 1968, la clique de McGuinn sort "The Notorious Byrd Brothers", son cinquième album, sur lequel on trouve Wasn’t Born To Follow, interprété par les Byrds mais composé par Carole King et Gerry Goffin, deux songwriters américains mariés, pleinement versés dans la pop. Un an plus tard, en 1969, on retrouve le morceau dans la BO du fameux "Easy Rider" de Dennis Hopper (qui lutte actuellement contre son cancer généralisé dans un hôpital de Los Angeles), aux côtés de titres de Steppenwolf, d’Hendrix, ou encore de Smith.



Wasn’t Born To Follow témoigne d’une décontraction fabuleuse, armée d’un son clair et limpide. L’intonation du chant, la diction tranquille, tout comme le filtre sur la batterie vers le milieu, ainsi que les guitares moelleuses s’entremêlant dans une tendre réverbération, tout cet ensemble donne au morceau ce côté hippie, serein, qui fait sa force. On survole les grands espaces, les cours d’eau, on évoque d’improbables forêts, l’écume de l’eau des cascades, une "sacred mountain" et même une "legendary fountain". La photographie d’une nature à l’état sauvage est sublimée par d’agréables arrangements et par un rythme entraînant, tout en étant posé. Le report aux paroles semble inévitable si l’on veut se faire une meilleure représentation de l’amplitude des images utilisées, c’est pourquoi on vous fournira la première strophe, qui parle d’elle-même :

"Oh I'd rather go and journey where the diamond crest is flowing and
Run across the valley beneath the sacred mountain and
Wander through the forest
Where the trees have leaves of prisms and break the light in colors
That no one knows the names of"


On ne se limitera d'ailleurs qu’à la première strophe. On ne va pas tout vous apporter rôti sur un plateau ! Allez, au boulot, cherchez la suite, si vous avez aimé le morceau ! En espérant vous avoir proposé un chouette morceau qui vous fera vous lever du bon pied, à la prochaine !


Hugo

lundi 8 février 2010

[Réveille Matin] The Kinks - People Take Pictures of Each Other + Picture Book

« La mémoire ne filme pas, la mémoire photographie. »
Milan Kundera, L’immortalité.

Bonjour à tous! Ce matin, on fait un petit (grand) bon en arrière, direction Londres, Pye Records, 1968. Oui, vous y êtes, on va bien sûr vous parler des Kinks. Du sixième album des frères Davies et consorts, "The Kinks Are The Village Green Preservation Society," qui est considéré par beaucoup comme étant leur meilleur album, ce qui est bien possible.


La ligne directrice de "Village Green" est assez simple : la campagne anglaise, les petits villages, les souvenirs, la nostalgie. L’album compte 15 morceaux, et parmi des choses aussi excellentes que Do You Remember Walter?, Animal Farm, ou encore Big Sky (on pourrait tous les citer), j'ai choisi de vous parler de People Take Pictures Of Each Other, le dernier morceau de la face B. Pourquoi? Parce que. Parce que c’est frais, dynamique, entraînant, tout d’abord, c’est un morceau séduisant, avec sa basse en pompe ultime, et surtout parce que Ray Davies y dévoile sa vision de la photographie, au travers d’exemples tirés de la vie de tous les jours, le père prenant la mère en photo, la sœur photographiant le frère, et la succession de ces petits détails plonge le morceau au plus près de la vie quotidienne, l’inscrit dans une dimension prosaïque particulièrement délectable, tout à fait agréable. Si l’album est un roman qui se veut au chevet de la « british daily life », People Take… en est pour le coup l’album photo.

(People Take Pictures of Each Other)

Vous avez dit album photo ? Vous avez bien fait, car Picture Book fait office d'écho, sur la face A, et les deux morceaux sont incontestablement liés. Dans les textes (« Fathers take pictures of the mothers » sur People Take…) / « Pictures of your mama, taken by your papa » sur Picture Book) mais aussi dans la musique, avec toujours cette efficacité rythmée, et ces arrangements parfaitement menés. De plus, ces morceaux véhiculent une bonne dose de la nostalgie contenue dans l’album. La question de la mémoire, traitée par le biais de la photographie et avec la voix des Kinks débouche sur une ode à la ruralité doublée d’un grand plongeon dans le quotidien. L’immersion est totale. C’est vertigineux.

(Picture Book, ici et dans le player à gauche).


Hugo.

mercredi 25 novembre 2009

[Réveille Matin] Claudine Longet - Nothing to Lose

C'est sympa deux minutes les voyages dans le temps et les explosions, mais parfois on a besoin de mélancolie délicate, de mélodies raffinées, en bref d'un peu de douceur. Et la douceur chante avec un accent français, vous saviez ça ? Bon, c'est pas vraiment une règle universelle j'en conviens, mais il faut avouer que dans The Party, Michèle Monet (oui parce que "Claudine Longet" ça faisait sûrement pas assez frenchy..?) est le personnage le moins antipathique invité volontairement à la soirée de M. Clutterbuck et forme avec Peter Sellers en indien à l'accent à couper au couteau et un serveur ivre mort le trio parfait d'une comédie parfaite, organisée et désorganisée par le parfait Blake Edwards.

"Voilà comment je suis récompensé pour avoir écrit une jolie chanson pour une comédie. On n'en entend pas une note." Forcément, on sent le compositeur Henri Mancini un peu aigri, parce qu'il ne fallait pas penser qu'une bossa nova lancinante allait passer devant les pitreries de Hrundi V. Bakshi qui se décompose en cherchant des toilettes. Et s'il ne parvient pas à se soulager la vessie durant la séquence, la mienne m'a en revanche lâché pas mal de fois devant sa tronche pas possible, puisqu'en meilleure comédie de tout l'étang qui se respecte, elle se laisse regarder encore et encore et encore sans jamais rien y perdre. Et malgré cela, le film dégage une vraie mélancolie par la gaucherie de deux étrangers perdus dans un système absurde qu'ils finiront par dynamiter dans une joyeuse anarchie sixties.





Bon maintenant vous vous situez un peu le charme de la demoiselle en question, vous êtes hypnotisés quand elle vous regarde droit dans les yeux en jouant sa douce ballade, c'est bon, ça y est ? Et bien elle a tué son petit ami d'un coup de flingue dans les années 70. Allez, bonne journée quand même.


Thelonius.

lundi 16 novembre 2009

[Réveille Matin] Alton Ellis - La La Means I Love You

Les plus fatigués seront vite déçus parce qu'à aucun moment il ne s'agit d'une quelconque reprise du La La Loves You chanté par David Lovering sur le meilleur album des Pixies (le second, au cas où vous auriez des doutes), non, faux, nul, zéro. Il est question de l'un des PAPAS du Rock Steady, et cela devrait suffire à enchanter le quidam fatigué que vous êtes, déjà en proie à un cafard singulier en vue de la journée de boulot peu édifiante qui vous attend (je sais que c'est mon cas).


Certes la chanson n'est pas d'Alton, c'est bel et bien un tube des Delfonics (que vous avez aperçus dans le Jackie Brown de Quentin Tarantino) sorti en 1968 et immédiatement repris ici et là par les amateurs de bonnes mélodies, mais le vieux gars se l'était si bien appropriée qu'on aurait pu croire que les Delfonics l'avaient seulement époussetée pour la rendre mielleuse.

La version d'Alton a un goût de terre, elle sent moins le sexe qu'elle ne sonne comme une ritournelle. C'est alors l'occasion pour moi de vous conseiller, que vous fassiez ou non partie de ces gens qui regardent le reggae comme la musique du Diable, de sérieusement envisager l'acquisition d'une anthologie (au minimum) ou d'une gigapilation retraçant la carrière d'Alton Ellis, le plus pop des Jamaïcains, qui nous a quittés l'année dernière, mais qui nous laisse des tonnes de tubes en guise de testament.


Joe

jeudi 12 novembre 2009

[Réveille Matin] Tiny Tim - Livin' in the Sunlight, Lovin' in the Moonlight

Alors comme ça, je vois qu'on veut causer falsetto sur C'est Entendu? On veut de la voix haut perchée qui vibre? Alors laissez passer, parce que je vous apporte du très lourd là. Laissez tout tomber. Voici, pour vous, le héros oublié des cordes vocales extensibles, le maître absolu de la voix de tête : Herbert Butros Khaury, plus connu sous le nom de Tiny Tim.


(Livin' in the Sunlight, Lovin' in the Moonlight)

Quoi, vous connaissez pas Tiny Tim? Chanteur américain absolument culte, Tiny Tim était peut être la personne la plus joyeuse au monde, ou alors l'une des personnes les plus cinglées, c'est au choix. S'inspirant du bon vieux easy listening des années 30-40, fan absolu des veilles chansons populaires (il était un spécialiste sur le sujet) qu'il reprenait au ukulele ou avec orchestrations surannées, chantant des paroles toujours plus optimistes sur des petites mélodies mignonnes, il faisait une musique absolument incompréhensible qu'on a eu vite fait de classer dans la "Novelty music", la musique pour rire quoi ; oui, on écoutait ça parce que c'était drôle à entendre, un peu ridicule, un peu bête, et tellement too much. On prenait pas ça au sérieux.

Mais c'était passer totalement à côté finalement. Tiny Tim était avant tout un excentrique joyeux et cultivé qui croyait en ce qu'il faisait, et quand il se mettait à chanter à la télévision un truc comme "Tip-Toe Through The Tulips" au ukulele avec sa voix sur-aiguë, c'était pas pour rire. Reprenant plein de standards à sa façon, avec cette voix absolument unique qui vous met un sourire aux lèvres en dix secondes montre en main, Tiny Tim était unique et sonnait vrai. Avec cette ambiguïté entre le sérieux et la parodie chez les auditeurs, il est rapidement devenu un chanteur culte, l'outsider ultime. Au sommet de sa popularité à la fin des années 60, il était payé 50 000$ l'apparition à Las Vegas, et se maria même en direct à la télévision en 1969 avec Miss Vicky, une fille de 17 ans. Devant plus de 40 millions de téléspectateurs médusés, un couple impossible, un gateau de mariage de 2 mètres de haut et 10000 tulipes pour décorer le plateau. L'entertainment américain à son meilleur quoi.

Mais revenons à la musique, car Tiny Tim a sorti plusieurs albums jusqu'à sa mort en 1996, et parlons un peu du premier d'entre eux, "God Bless Tiny Tim", sorti en 1968. Un classique de pop nostalgique et vieillotte, un petit chef d'oeuvre de simplicité désarmante de naïveté, l'album dont vous avez besoin sans le savoir. Orchestre enchanté sur la plupart des morceaux (parfois remplacé par quelques guitares un peu rock&roll mais pas trop!), reprises folles, moments où Tiny Tim fait des duos avec lui même en alternant sa voix normale et son fameux falsetto, ou lançant des "thaaaank youuuu, thankkk youuu" sur des enregistrements d'applaudissement, histoire de faire comme si c'était en public. Tout est là pour vous faire passer 41 minutes ailleurs, dans un monde merveilleux où les gens sont heureux et la vie pleine de couleurs très vives, Mary Poppins semblant limite être un film de Lars Von Trier à côté. C'est non seulement très drôle, mais aussi un véritable feel-good album qui vous remonte le moral dans n'importe quelle situation, rempli de morceaux géniaux. Peut être l'une des expériences les plus psychédéliques, oui, VRAIMENT, des années 60. Sur le morceau que je vous propose d'écouter ce matin et que vous avez déjà dû écouter plus de 3 fois en vous disant "QUOI?", à savoir le parfait "Livin' in the Sunlight, Lovin' in the Moonlight", il faut entendre Tiny Tim, accompagné par des cuivres parfaits qui vous lance en rigolant : "I'm so happy, ah ah!/Happy go lucky me!/I just go my way living everyday!/I don't worry!/Worrying don't agree!/Things that bother you never bother me!". Et en écoutant ce morceau, on se dit que c'était peut être la vérité. Mais c'est pas grave. Parce que Tiny Tim sera toujours là pour vous grâce à ses merveilleux albums.

"God Bless Tiny Tim!"

Emilien.

dimanche 25 octobre 2009

[Fallait que ça sorte] Van Dyke Parks - Song Cycle

"I thought for once I'd keep this off a list, but, I'm a good boy, so it's time to do penance at the altar of the greatest album ever made. Yes. EVER. No, I still haven't changed my mind. This is still so ahead of it's time, it'll be some work for some folks, and that's cool and all. Everyone I know who loves this, myself included, finds a new association, a new layer, a new lyrical twist every time. A richer album you can not find. And it's probably only 10 bucks!"

- Jim O'Rourke, dans une liste de ses albums préférés en 2004, parlant de "Song Cycle", de Van Dyke Parks.


"Song Cycle" n'est pas un album facile.

Non.

Je vous le dit de but en blanc pour que l'on soit clair. "Song Cycle" est un album qui demande des efforts de la part de celui qui veut l'écouter. Pourtant, musicalement, quand on dit que c'est un album quasiment de easy-listening alternatif, on se dit "que peut-il y avoir de si étrange dans un album rempli jusqu'a outrance de violons ?" On peut se dire "Van Dyke Parks, il a bossé avec les Beach Boys, surtout sur "Smile", il a même écrit les paroles de Surf's Up, ça doit être de la pop sympa." Mais ce serait trop facile. Comparer cet album à "Smile" est absurde et inutile, ici nous sommes ailleurs. Il suffit d'écouter Vine Street, composé par le alors débutant Randy Newman, pour tout de suite le comprendre. Débutant abruptement dans de la country folle, le morceau bascule par fade-out dans une musique étrange, entre cabaret poussiéreux, arrangement baroques et pop music lumineuse, portée par la voix sur-aiguë et nasillarde de Van Dyke Parks qui explique "That's a tape that we made !" : vous venez d'entendre un morceau au sein du morceau et les paroles vous expliquent ce que c'était, vraiment. Pourtant, il n'y a rien de si étrange musicalement. Nous avons des accords majeurs, aucune dissonance, mais la musique de cet album réussit parallèlement à caresser l'oreille de l'auditeur tout en étant complexe et difficile d'accès. Et ça ne va pas en s'arrangeant tout au long de l'album. C'est à ce temps T de la première écoute que des gens disent "bof" et s'en vont généralement, et c'est ce qui arriva en 1968, au grand dam de Warner Bros. qui avait à l'époque sorti ce qui était l'album le plus cher jamais produit et qui fut un flop monumental bien que totalement compréhensible (attention cependant, ce n'est pas le gouffre financier que l'on semble dépeindre, et Van Dyke insiste la dessus : l'album a été remboursé intégralement en 3 ans). Warner allant jusqu'a donner deux copies pour le prix d'une à un moment, pour montrer au monde entier que cet album se devait d'être écouté par tous, dans des campagnes de pub très drôles avec des phrases comme "Vous en faites pas pour nous, on gagne de l'argent en vendant des disques de Peter, Paul & Mary, on peut se permettre un Van Dyke Parks, et on vous le conseille!". Mais malgré ça et des critiques élogieuses, le public n'a même pas écouté ce machin, vu qu'à l'époque les Beatles sortaient des disques monstres et que les goûts du public allaient trop vers le psychédélisme pour s'ennuyer avec un truc pareil, ce marécage chic incompréhensible?


(Palm Desert)

Pourtant, aussi incroyable que cela paraisse, après plusieurs écoutes, toute la difficulté de "Song Cycle" disparait de manière tout à fait complète. Une fois que l'auditeur à posé ses repères dans ce dédale, tout devient clair et simple. L'excentricité devient le dénominateur commun de l'ensemble, le nombre prodigieux d'instruments est un carnaval de sons (Cuivres, Violons, Accordéons, Chœurs, Pianos, Harpes et j'en passe se superposent!) et les changement de tonalités si brutaux pour le néophyte (je ne souhaite à personne d'avoir à analyser l'harmonie d'un morceau comme Pot Pourri) deviennent des à-coups passionnants qui amplifient la richesse harmonique, qui rendent l'accessible inaccessible. Comme son nom l'indique, cette œuvre est un cycle. Loin des pompeux concepts-albums, nous sommes ici dans une odyssée, et le monde dans lequel nous fait plonger son ambitieux créateur mi-génie mi-savant fou de la composition, c'est l'Amérique, ou plutôt une certaine mythologie de l'Amérique et de ses musiques populaires, de ses lieux mythiques, de ses histoires hors du temps.

"C'est une tentative pour inclure le pouvoir du Cliché dans la pop. Par "Pop", je veux dire un mode d'expression calqué sur les Arts Visuels typiques des sixties (Warhol, Lichstenstein ou Rauschenberg) dans lesquels les images sont réduites à d'irréductibles (ré)interprétations d'elles-mêmes. Dans "Song Cycle", ces images sont des détails orchestraux."
- Van Dyke Parks.


Il faut sentir le frisson d'un monde qui s'ouvre dans Palm Desert quand, presque hors du rythme, Van Dyke Parks nous chante "I came west unto Hollywood ! Never never land !" et que soudainement, la musique se transforme en hommage incroyable à un monde irréel ou révolu, comme on visite une reconstitution. Mais là ou il aurait pu tomber dans l'hommage sans relief, Van Dyke Parks saisit l'essence via une écriture riche et terriblement efficace, à la fois universelle et personnelle, riche et implacable, et surtout unique et sans âge, et le tout avec beaucoup d'humour et de distance (Il chante "Nearer My God To Thee" sur des bruits d'eau pour évoquer le Titanic, symbole formidable de l'album, mais rajoute aussi des bruits de bombardement en pleine guerre du Viet-Nam). Moments épiques sur des morceaux comme The Attic avec son final incroyable façon musique militaire à Broadway, porté par une dernière mélodie de trompette parfaite. Violons bourdonnants qui se mélangent de façon incroyable un peu partout (40 ans plus tard, c'est Joanna Newsom qui en profitera). Dans Laurel Canyon Blvd., il y a l'agitation de la rue, les bruits, les sons qui viennent de partout à la fois, mais mis en musique par un orchestre étrange qui sonne de manière unique. Car aucun autre album ne ressemble à "Song Cycle," et ne mêle autant d'influences, de vues sur le passé, la culture, les lieux, les situations, le tout couplé avec des paroles tout à fait brillantes ("The widows walk and wail among the willows. Windows walk ado walk on", j'en passe et des plus incompréhensibles, inspirées par les beatnicks et James Joyce dixit Parks), a la fois cryptiques et claires. Tout l'enjeu de l'album est là. De rapprocher un monde avec ses images, de l'interpréter, de le mettre en musique tout en ne lui ôtant ni son mystère ni sa complexité. Clarifier en cryptant dans une œuvre monumentale mais jamais superlative. C'est tout à fait ce que parvient à faire "Song Cycle" en seulement une petite demie-heure, avec un talent tout à fait impressionnant qui ravira tous les amateurs d'arrangements classiques, d'americana revisitée et habitée et de pop music complexe et brillante, à cent lieues au dessus de la plupart des albums sortis cette même année (et pourtant, Dieu sait que la concurrence était rude).

Si vous vous sentez prêts à un tel voyage et si vous êtes assez persévérants pour entrer dans ce pur chef d'œuvre, vous découvrirez quelque chose de précieux et de parfait, complètement casse-gueule mais tenant incroyablement la route. Si vous vous sentez prêt, vous pourriez découvrir le meilleur album du monde en fait.


Émilien Villeroy



N.B. : il paraîtrait que Van Dyke Parks et sa famille auraient récupéré les prises de Song Cycle et préparerait une réédition en 5.1 de folie pour bientôt. Si ça se fait, pensez-bien qu'on sera les premiers à vous en parler et à compter les jours pour vous.