Parfois, on devrait se mettre à la place de ces personnes que l'on surnomme si aisément "stars d'un tube" et s'imaginer le désarroi qui doit être le leur lorsqu'on leur parle de leur "hit." Évidemment, la plupart d'entre eux se ramassent un désarroi atroce en pleine figure pour la bonne raison que leur titre de noblesse est mérité : ils n'ont jamais réussi à pondre qu'un seul 45 tours potable, et par erreur encore, et le reste de leur carrière n'intéresse personne, et c'est très bien comme ça. Mais il y a aussi ceux que l'on résume injustement à une seule chanson alors que leurs cerveaux (certes pas les plus révolutionnaires de leur temps) ne se sont pas contentés de mettre au monde une seule perle mais deux, voire trois. Parmi ces pauvres diables, on compte les Turtles.
Parfois, on aimerait ne jamais découvrir le visage d'une voix.
Parfois, on aimerait ne jamais découvrir le visage d'une voix.

En attendant, si l'on épluche les best of des Turtles (oui parce que personne n'écoute leurs albums, en tout cas personne né après 1970), ou si l'on a la science infuse en ce qui concerne les singles de pop britannique à la fin des années 60, on sait que ces mecs-là ont eu un ou deux autres singles dans les charts, dont la chanson d'amour de ce matin, cette Elenore si naïve, objectivement beaucoup moins intéressante que Happy Together, mais aussi tellement plus charmante avec ses paroles niaises ("Elenor, gee I think you're swell / [...] / You're my pride and joy, et cetera") et lorsqu'à la fin, Howard Kaylan et les autres tortues lâchaient ces envolées sur la première phrase du refrain, façon fausset, "ah haaaaah," tous les chanteurs et chanteuses de l'autre côté de la Manche devaient se pâmer devant une chanson appelant à grand cris des paroles dans la langue (si souvent terrible à cette époque-là) de Molière. Heureusement, aux dernières nouvelles, personne n'y a touché.
Joe Gonzalez