C'est entendu.
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vendredi 26 août 2011

[Réveille-Matin] Neil Young - Buffalo Springfield Again

à Simon S.

Avant de faire carrière (durable, contre vents, marées et problèmes de santé) en solo, avant d'inspirer l'indie rock, le grunge, Thom Yorke et quasiment tous les folkeux écumant le marché indépendant occidental, Neil Young a joué dans un groupe. Je ne parle pas là de ses escapades soft rock pour papas avec Crosby, Stills et Nash mais de Buffalo Springfield, où l'on trouvait déjà Stephen Stills et dont vous connaissez, peut-être sans le savoir, un tube incontournable, For what it's worth. Après trois albums de folk rock de haut niveau, le groupe se sépara et Neil entama une succession de chefs d’œuvres assez impressionnante. Puis les années ont passé et en 2000, lorsqu'il se lança dans l'enregistrement d'un album acoustique ("Silver & Gold", proche de son classique "Harvest Moon" dans l'esprit) après des 90's très rock, Neil a du se souvenir avec émotion du bon vieux temps et il a écrit une chanson nostalgique.





En grattant comme personne (*) sa guitare, le vieux Neil nous raconte comment il a entendu une chanson de son groupe à la radio et comment ça lui a donné envie de retrouver ses amis et de retenter le coup : Buffalo Springfield again (comme le titre du deuxième album du groupe, en 1967), pourquoi pas après tout, mais il n'en fut rien. Pas avant... 2010 lorsqu'au cours d'un concert caritatif all-star, Young, Stills et Furay recomposèrent le groupe le temps d'un show. Il est d'ailleurs prévu qu'ils tournent à nouveau ensemble en 2011. Une belle histoire de maison de retraite, vous ne trouvez pas ?


Joe Gonzalez


(*) : J'ai toujours eu un faible pour le jeu de guitare très particulier de Young, fluide, personnel, très humain avec ces va-et-vient marqués sur les cordes, comme rigides sauf que non. Le son très boisé de ses six cordes n'est d'ailleurs pas pour rien dans mon amour de son jeu. Il a quelque chose de très "naturaliste" dans sa façon de jouer de la musique folk.

P.S. : Voici une interprétation de la chanson lors de la tournée "Silver & Gold".

vendredi 28 janvier 2011

[Fallait que ça sorte] Current 93 — I Have a Special Plan for this World

Il vous est sans doute déjà arrivé, seul(e) le soir, de ressasser des pensées désagréables, de vous faire des films (souvent tordus et qui se finissent mal), d'avoir l'esprit qui tourne et vire en roue libre là où vous ne voudriez pas qu'il aille. Peut-être vous est-il même déjà arrivé d'en perdre presque le contrôle, de finir par avoir peur et de devoir vous lever, allumer la lumière pour tenter d'en sortir… en vain. Quand quelque chose vous obsède trop, il semble n'y avoir aucun échappatoire à ce labyrinthe de pensées sombres.

Vous savez sans doute ce que cette situation peut donner dans le cas d'une personne mentalement instable et qui aurait subi un choc traumatique. Ne vous arrêtez pas là : imaginez ce que ça pourrait donner dans le cas d'une personne assez dérangée pour avoir dépassé ce stade, une personne qui aurait vu ou subi quelque chose d'indicible, qui serait "passée de l'autre côté", pour qui nous serions dans l'erreur, et qui chercherait coûte que coûte un échappatoire, une "solution", peu importent les conséquences.

Maintenant, faites le dernier pas : imaginez que cette personne ait trouvé cet échappatoire. Sans que ça soit ce à quoi vous pensez.



"I Have a Special Plan for this World" est une collaboration entre David Tibet (l'homme derrière Current 93, chanteur de folk apocalyptique expérimental à l'accent britannique chic et prononcé, habité par des visions prophétiques et passionné par les écrits coptes, chrétien dévot malgré des penchants certains pour l'occultisme) et Thomas Ligotti (écrivain américain spécialisé dans l'horreur, voire dans l'"horreur philosophique" d'après le New York Times). Par plusieurs aspects, "I Have a Special Plan for this World" est classique : un poème de Ligotti récité et mis en musique par Tibet, le journal d'un homme dérangé, un homme avec une vision, un but qu'il n'explicite jamais. Un long poème qui n'est pas une descente dans la folie, ni un avertissement, ni un cri à l'aide, mais qui dévoile simplement la psyché de ce narrateur, sa solitude, son mal-être, les choses qu'il a pu voir, sentir, penser et qui l'amènent toutes à la même conclusion. L'écriture de Ligotti, avec des mots juste assez horrifiques pour être marquants sans tomber dans l'excès, avec juste assez de non-dit pour inquiéter, décrit cet esprit à la fois torturé, étranger et très présent, qui se confie à nous… qui nous ouvre juste assez des portes de son âme pour que l'on soit marqué, pour qu'on ait peur d'aller plus loin et pourtant qu'on soit fasciné par ce que l'on y voit, ce que l'on y entend.

(Thomas Ligotti)

La voix de Tibet est quasi-monocorde et déterminée, malgré parfois une inquiétude, un dégoût ou une rage très légèrement perceptibles ; des bruits d'enregistrement et surtout des harmonies à la fois grandioses et dissonantes, d'outre-tombe, semblent extérioriser et contenir toutes les émotions que le narrateur garde en lui, tout ce qui émane de lui, sons de cordes qui finiraient presque par ressembler à des voix. Rien que de très classique peut-être, mis à part le fait que ce genre d'œuvre se trouve plus souvent en littérature et au cinéma qu'en musique, et surtout le fait qu'avec les talents d'écrivain de Ligotti et les talents de musicien de Tibet… on y croit. "I Have a Special Plan for this World" va vous hanter, vous faire réfléchir, vous faire perdre confiance en vous, vous faire ressentir cette peur de l'inconnu, vous amener un pas plus près de la folie. Et plus vous l'écouterez, plus cette piste semblera faire sens.

(David Tibet)

L'horreur est un genre qui n'a pas forcément besoin d'originalité pour fonctionner, mais qui nécessite une exécution quasi-parfaite pour ne pas que l'on voie les fils et le papier mâché. Et à l'écoute de ce disque, on peut difficilement se dire que Tibet et Ligotti n'ont réalisé qu'une œuvre de fiction gratuite… il doit y avoir quelque chose que les deux artistes ressentent réellement là-dedans. Et pour peu qu'on l'écoute dans les "bonnes" conditions (seul, la nuit, éventuellement quand on va mal), difficile de ne pas ressentir ce malaise, de ne pas être affecté par ce manque, d'être indifférent à cette envie indicible qui ronge le narrateur tout en lui donnant sa résolution ; difficile surtout de se croire réellement à l'abri de tout cela.


— lamuya-zimina


P.S. : Si vous aimez, sachez que Tibet et Ligotti ont collaboré sur deux autres disques, à savoir "In a Foreign Town, In a Foreign Land" — beaucoup plus épars et atmosphérique — et "This Degenerate Little Town".
P.P.S. : Je vous conseille d'écouter ça ou de le réécouter ce soir, enfin de nuit, seul, au calme. Pas en faisant la vaisselle, par exemple.

jeudi 2 septembre 2010

[Réveille Matin] Queens of the Stone Age - Auto Pilot

Bonjour à tous ! Cet été j'ai écouté du stoner. Oui je vous le dis de but en blanc, comme ça, afin de vous prouver que je ne blaguais pas quand je disais l'autre jour que j'aurais voulu une saison cradingue à la moiteur propice au headbang. Pour ceux qui n'auraient pas suivi, dans les années 90 le stoner rock a redonné leurs lettres de noblesse au hard rock et au heavy metal en les renvoyant à leur origine : le rock psychédélique. Queens of the Stone Age, né des cendres de Kyuss (le groupe le plus souvent cité comme "père du genre"), apporta au stoner davantage de succès commercial en se situant sur son versant le plus pop sans pour autant renier tout ce que cette musique a d'aride et d'hypnotique. Le morceau de ce matin est issu de "Rated R" (2000), second album du groupe qui enchaîne les décharges électriques sous dopes à un rythme frénétique, le tout avec concision et précision, jusqu'à vous laisser étendu à terre avec dix kilos de moins, à vous demander ce qui vous est arrivé.


(Queens of the Stone Age - Autopilot)

Ce matin donc, Auto Pilot, ritournelle enivrante tendue sur le fil du rasoir d'une guitare électrique au son parfait et qui se déroule et se déroule sans fin comme ces longues routes désertiques et crépusculaires qui font la fascination de Josh Homme et sa bande.


Thelonius H.

jeudi 18 mars 2010

[Fallait que ça sorte] The Avalanches - Since I Left You


Cette semaine, j’ai décidé de ressortir un classique du début du siècle, l’un des albums hip hop les plus réputés en matière de sampling et d’arrangements : je veux parler de "Since I Left You," du duo australien The Avalanches.

Avec une première sortie (australienne) en novembre 2000, puis une seconde en 2001 pour le Royaume-Uni et l’Amérique du nord, "Since I Left You" s’était propagé au point de devenir l’un des albums les plus populaires de l’année.

Du haut de ses 18 morceaux, "Since I Left You" offre un vaste spectre d’exploration musicale. Bien que le style dominant soit clairement le hip hop, on retrouve par petites touches une multitude d’ambiances différentes, finement insérées dans les morceaux, qui s'en trouvent souvent chargés, mais sans aucune problème de lourdeur. Ils semblent plutôt se prolonger les uns les autres, et se répondre d'une façon homogène.

Techniquement, l’album est très riche en arrangements de toutes sortes. Les deux australiens sont bel et bien passés maîtres dans l’art du réaménagement de chansons originales au sein d’un cadre totalement différent. Ainsi, le hip hop se mélange à de petites guitares bossa nova, à du funk (Radio) ou à du blues. Sans oublier bien sûr un peu d’electro (Two Hearts in 3/4 Time) et même un (bon gros) accent gangsta (sur Avalanche Rock). Agrémentés de sons variés, tels que le chant des oiseaux, entre autres, "Since I Left You" semble se reposer dans sa douce omniprésence, embrasser d’un regard une urbanité marquée, les ambiances de fêtes branchées des lofts New Yorkais, mais il suggère également des havres de paix, de temps à autre, temporisant ainsi l’écoute. La prépondérance revient tout de même à l’urbanité, il faut le dire, l’auditeur est comme englobé dans cette sphère "party," et il s’y sent très bien.

The Avalanches, en concoctant son premier album, a pointé différents aspects intéressants. Les deux australiens se sont tout d’abord révélés être empreints d’un grand sens du détail. "Since I Left You" est tout sauf foutraque, ce n’est pas une masse de bruits, non, l’album relève au contraire d’une maîtrise des plus précises, c'est en quelque sorte un élégant patchwork possédant un fil conducteur solide. En cela, je trouve que l'entreprise ressemble un tantinet à celle de La Classe Américaine, ce film-détournement des films de la Warner, réalisé par Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette (à la propre initiative de WB), composé de centaines de scènes extraites de leurs contextes. Les deux œuvres développent en effet une manière assez semblable d'atteindre le but recherché: réutiliser des "morceaux," des "parties" d'un tout, pris hors de leur contexte, et leur donner un nouveau rôle, cohérent et original. Donner une seconde vie à John Wayne, alias Georges Abitbol, passé du cowboy stoïque à l'homme le plus classe du monde, ou offrir une seconde vie au Saïan Supa Crew, ce collectif de rap/reggae français alors en pleine actualité en 2001, et que l'on peut entendre sur Flight Tonight.



(le fameux clip du morceau éponyme, qui mixe lui aussi des éléments spatiotemporels différents en un tout attachant et séducteur)

"Since I Left You" est un album dynamique mais il sait aussi calmer le jeu, se poser le temps de quelques morceaux. Ainsi, l'auditeur pourra se décontracter au son de Tonight, de ETOH ou encore de Summer Crane et d'Extra Kings, situés davantage en fin d'album. Il en va de même pour Little Journey, titre assez cosmopolite qui regroupe certains des multiples visages de l'album à lui seul.


(Little Journey)

The Avalanches livre un travail d'une grande richesse, emblématique d'une certaine vision hype des expériences de clubbing, et surtout très ouvert. C'est agréable, tonique et cosy. Je ne sais pas vous, mais personnellement j'y retourne.


Hugo

lundi 1 février 2010

[Tip Top] Les années zéro

Il était temps, le temps est venu, voici enfin le top 30 des albums les plus appréciés par la Rédaction de C'est Entendu au cours de la décennie fraichement close. Plus qu'une liste (de plus), nous espérons que ce récapitulatif sera aussi pour vous l'occasion de découvrir (ou redécouvrir) quelques pépites que l'on peut désormais appeler sans sourciller "classiques."



30. Eels - Souljacker (2001)

Après des albums doux et tellement tristes dans les 90's, Mark Oliver Everett, a.k.a. E avait décidé de commencer la décennie en se mettant au rock après une thérapie et une nouvelle copine. Le résultat? Un album proprement jouissif où les "ballades indé" très marquées du style Eels (pillé ensuite par toute une plâtrée de musiciens qui se croyaient intéressants) sont entrecoupées de véritables tubes avec grosses guitares, groove d'enfer et, encore et toujours, shakers. Depuis, E s'est fait larguer et ses derniers albums sentent la vieillesse. "Life ain't pretty for a dog faced boy".


29. Liars - Drum's Not Dead (2006)

Ces trois mecs avaient débuté la décennie comme "un autre groupe de la vague disco-punk" et même l'un des meilleurs, à vrai dire, mais rien ne laissait présager qu'à chacun de leurs essais ils franchiraient un pallier supplémentaire dans l'expérimentation sonore et rythmique. Sur "Drum's not dead" troisième LP, le stade de l'album concept (centré autour de l'énigmatique personnage appelé Drum) plus vraiment disco, ni même punk, d'ailleurs, était atteint. Si l'on en croit Liars, le "post disco-punk" est une sorte de transe tribale schizophrène menée tambour battant par des dingues enfermés dans une cave sordide.


28. Madvillain - Madvillainy (2004)

Le seul album de hip-hop de notre top est l'un de ceux qui ont réussi à acquérir un statut culte chez les indie rockeurs les plus convaincus. En gros, un album de hip-hop pour ceux qui n'aiment pas vraiment le hip-hop. Mais franchement, qui pourrait résister à ce gros foutoir enfumé au foisonnement d'idées étourdissant? Sur les instrus en forme de collages imprévisibles de Madlib se pose la grosse voix caoutchouteuse de MFDOOM, et le résultat parfois franchement hilarant et surtout étonnamment accessible apparaît alors comme l'évidence même : le cool fait musique.


27. Tool - Lateralus (2001)

Maynard est un sale con, et Tool est un (vieux) groupe de Métal Progressif. A partir de là, vous pouvez soit tracer la route, soit avoir confiance en nous et jeter une oreille curieuse à ce que le Métal a fait de plus intéressant, de moins bête, et de plus geek depuis... le précédent album de Tool, "Aenema" (en 96). Notez qu'au moment des faits, le meilleur batteur du monde était derrière les futs.


26. Grizzly Bear - Veckatimest (2009)

La folk a parcouru un sacré chemin dans les années 2000, ça c'est sûr, et cet album est un peu le témoin de ce que certains ont su en tirer au bout du compte : une musique capable d'un psychédélisme retenu, au son dense, organique, et qui dévoile sa force et sa richesse avec les écoutes jusqu'à nous engloutir totalement.



25. The Strokes - Room On Fire (2003)

Les Strokes sont meilleurs sur "Room on Fire", c'est un fait. On peut les préférer en gamins rentre-dedans un peu niais mais terriblement efficaces, c'est clair, mais ils sont meilleurs lorsqu'ils assument toutes leurs influences (power pop et reggae, on est clairement entre 76 et 78 ici), qu'ils prennent leur temps et qu'ils tirent de leurs guitares toute une variété de sons en laissant à leur chanteur le loisir de démontrer qu'il n'est pas seulement l'auteur de NYC Cops. Le meilleur album du "Retour du Rock" donc.


24. Stephen Malkmus & The Jicks - Real Emotional Trash (2008)

Je me souviens d'une interview de Malkmus datant de 1994 qui parlait de "Crooked Rain, Crooked Rain" (de Pavement donc), et dans laquelle il disait quelque chose comme "Avec cet album, on a enfin assumé nos côtés un peu classic rock". Il lui aura fallu 14 ans et un groupe en béton (avec Janet Weiss à la batterie, forcément) en fait pour finalement faire un album de classic rock. Des morceaux fleuves qui sont comme des leçons de guitare électrique, mais qui n'oublient jamais d'être pop et délicatement tordus. Certes, vous allez me dire, "mais Malkmus a fait ça un peu toute sa vie non?". Oui, mais là, c'est du très haut niveau. Et c'est pas Joe qui dira le contraire dans sa review sur le sujet.


23. Fever Ray - Fever Ray (2009)

Sorte de messe noire étrange mêlant l'électronique de The Knife, l'excentricité de Kate Bush et les sonorités de Vangelis au chant disco-emo de Karin Dreijer Andersson, "Fever Ray" est une perle noire faisant de l'oeil à quiconque a un jour rêvé d'une artiste electro qui ait à la fois une voix et des idées à elle.



22. My Feet In The Air - Hoshi Mushi (2008)

Vous ne connaissez sans doute pas My Feet In The Air, mais avec deux petits E.P. et une discographie qui fait en tout 19 minutes, cette jeune française venue de toute la scène bazar autour de The Snobs a créé un univers particulier absolument unique, où tout est réduit à une échelle magique de façon à ce que quelques petits glockenspiel et un petit ukulélé suffisent à vous transporter ailleurs. C'est d'une richesse et d'une inventivité incroyable et c'est fait avec des petits bouts de ficelles.


21. Herman Düne - Giant (2006)

Le dernier album rassemblant toute la famille Herman Düne. Un disque de pop lalala, deux songwriters complémentaires, des arrangements moelleux, poppy et réservés à la fois, des refrains singalongs et une ambiance homogène et confortable...



20. Final Fantasy/Owen Pallett - He Poos Clouds (2006)

Owen Pallett est un génie, il l'a encore prouvé récemment, mais ce n'est pas son premier chef d'œuvre, loin de là. Pour se le prouver, il faut écouter "He Poos Clouds", deuxième album sous le pseudo Final Fantasy, enregistré avec un quatuor à cordes et dont les morceaux sont basés conceptuellement sur les écoles de magie de Donjons & Dragons, si si. Le résultat est d'une splendeur étrange et d'une profondeur qu'on ne se lasse pas de sonder, avec des dissonances et autres polyrythmies qui troublent autant qu'elles fascinent.


19. Elliott Smith - From A Basement To A Hill (2004)

Posthume, ce qui devait être un double album monumental, n'est au final qu'une collection de chansons assemblées par les proches d'Elliott. Empreint d'une violence implicite ne débordant pas sur les mélodies, et doté d'arrangements toujours aussi délectables et classieux que sur "Figure 8", "From a Basement on a Hill" n'est peut-être pas ce qu'avait imaginé Elliott Smith, mais il reste néanmoins un album rempli de bonnes chansons, d'émotion et de bonnes idées.


18. Jim O'Rourke - Insignificance (2001)

D'abord la free-folk de papa John Fahey. Puis la pop orchestrale de tonton Van Dyke Parks. Et au début de la décennie, Jim O'Rourke, pour son troisième album pop sur Drag City se lance finalement dans un essai de rock 70's absolument magnifique. Sur des compositions inventives aux paroles hilarantes et misanthropes, Jim déploie tout son talent d'arrangeur génial et pop, et le résultat est époustouflant, que ce soit sur les ballades matinées de steel guitares crépusculaires ou bien sur les morceaux plus efficaces et rock que sa voix nonchalante rendent plus-que-parfaits.


17. Joanna Newsom - Ys (2006)

Après un album de vignettes rêveuses harpe/voix qui montrait déjà un sacré talent d'écriture, Joanna Newsom livre sans prévenir en 2006 un monolithe fascinant qui emmène la folk plus loin qu'elle n'a sans doute jamais été à travers cinq longues fresques lyriques. Soutenue par les arrangements orchestraux sublimes du vétéran Van Dyke Parks, sa voix maligne maîtrisée jusque dans ses grincements nous entraîne dans les multiples détours et rebonds d'un grand voyage à l'imaginaire foisonnant.



16. Blur - Think Tank (2003)

Après avoir écrasé toute concurrence pop dans les années 90, après avoir matiné ses hymnes plus anglais qu'une pause thé au milieu d'une partie de cricket d'indie-rock américain, après avoir repoussé les limites de la pop sans avoir l'air d'y toucher avec le chef d'œuvre "13", Blur revient amputé de son guitariste génial dans un chant du cygne qui conjugue, entre autres, la lubie d'Albarn pour la pop expérimentale et sa récente passion pour la world music. Le résultat est un métissage fascinant et imprévisible, empreint d'une lassitude et d'une mélancolie extrêmes.


15. Blonde Redhead - Melody For Certain Damaged Lemons (2000)

Une fois qu'ils eurent bien digéré leurs influences (principalement Sonic Youth), le trio italo-japonais (?!) Blonde Redhead transforma son rock agressif et froid à guitares désaccordées en quelque chose de beaucoup plus pop, mais une pop hybride et sombre aux milles influences typiquement 00's qu'ils ont été les seuls à pouvoir faire aboutir comme sur cet album addictif.


14. Department Of Eagles - In Ear Park (2008)

Oui oui, on sait, Grizzly Bear, mais il ne faudrait pas non plus oublier Department of Eagles, le projet de Daniel Rossen et un ami à lui. "In Ear Park", par rapport à la beauté un peu froide de "Veckatimest" semble être un album plus humain, plus touchant peut -être, et c'est ce qui fait sa force sans doute. En tout cas, le mélange d'une folk riche et complexe avec des arrangements doucement surannés donne un résultat éblouissant, avec des passages lyriques qui vous tireraient des larmes.


13. Portishead - Third (2007)

Il ne reste plus grand chose ici des vétérans de l'indé des années 90 et pourtant, ceux parmi eux qui ont su aller au-delà de leurs acquis ont donné naissance à de vrais chef d'œuvres. "Third" est de ceux-là, et après dix longues années de silence, Portishead a su réinventer totalement son trip-hop froid et sombre sans faire la moindre concession en terme d'exigence et de recherche pour accoucher d'un album désespéré dans lequel se heurtent textures hantées, percussions crues et bruitisme sous delay. Et tout ceci en parvenant à faire la couverture de 20 minutes, ce qui est un sacré tour de force.


12. Electrelane - The Power Out (2003)

Elles étaient 4. Elles étaient anglaises. Elles aimaient le kraut rock, les orgues farfisa et les longues jams psychédéliques. Après un premier album enthousiasmant, elles avaient décidé d'aller voir Steve Albini et de faire des morceaux plus pop. Et ça a donné "The Power Out", un pur chef d'œuvre de rock alternatif, vraiment alternatif. Le résultat est bordélique, les morceaux sont tour à tour émouvants, jouissifs, épiques à grand coups de chorale ou minimalistes au piano, mais tout se tient pour former un ensemble unique et intelligent, dont on peut tomber amoureux facilement.


11. The Notwist - Neon Golden (2002)

Production nickel chrome, légère et sans accroc pour l'un des albums les plus pompés de la décennie. Malgré la mélancolie fatiguée qui le parcourt, il y a toujours cette envie de chanter les refrains et cette surprenante introduction d'un refrain COLLEGE ROCK inattendu sur One with the freaks, qui dégomme tout ce qu'ont fait les Smashing Pumpkins dans la même décennie.


10. Deerhoof - Apple O' (2003)

Le groupe le plus original de la décennie, peut-être même le groupe de la décennie tout court. Que ce soit avec la voix enfantine de Satomi, les guitares ultra complexes de John ou la batterie épileptique de Greg, Deerhoof a crée son propre style : de la pop noisy sans concession, à la fois très accessible et très riche. Sur "Apple O'", c'est un festival de tubes bizarres et d'une inventivité qui confine à la folie. Deerhoof est un groupe qui fait avancer la musique dans le bon sens, celui de la recherche permanente de l'idée tordue mais géniale qui fera d'un morceau déjà formidable un véritable chef d'œuvre. Et le mieux, c'est qu'ils y arrivent presque tout le temps.


9. Godspeed You! Black Emperor - Lift Yr. Skinny Fists Like Antennas To Heaven (2000)

On n'a pas fini de se laisser ensevelir par les deux impressionnants chef d'oeuvre avec lesquels cette maison-mère du label montréalais Constellation a annihilé toute forme de concurrence dans la musique instrumentale pendant la décennie, avant d'exploser en presque autant de groupes passionnants que la formation avait de membres. Le premier de ces albums essentiels, "Lift yr. skinny fists like antennas to heaven", développe déjà en deux disques et quatre mouvements toutes les facettes d'une musique surpuissante, dévastatrice, qui réduit l'auditeur et ses émotions en miettes.


8. LCD Soundsystem - Sound Of Silver (2007)

James Murphy, son truc, c'est de mêler disco et punk et, en conservant la même base, d'ajouter les quelques détails à son morceau-témoin pour vous fasse danser d'une façon différente. C'est aussi le seul mec qui aura, dans un même album, utilisé à la fois des cowbells, Steve Reich et l'autodérision patriotique, pour faire groover deux ou trois accords qui n'en demandaient pas tant.


7. The Breeders - Title TK (2002)

Title TK EST les Breeders. Et peu de disques peuvent se vanter d'être plus COOLS que celui-ci. Avec un minimum d'arrangements, de chichis et de boucan. L'essentiel, rien de plus. Un MUST HAVE pour quiconque prétend aimer le rock.



6. Gorillaz - Gorillaz (2001)

Sacré Damon Albarn, vous ne pensiez tout de même pas que sa présence dans notre top allait s'arrêter là, non ? Parce que le lascar arrive dans la décennie bourré d'idées, et dans ses bagages, ce faux groupe animé plus cool que la mort qui lui servira surtout de salle de jeu avec assez d'espace pour faire venir les copains, car le bonhomme a le featuring facile. Un album de pop moderne foutraque et bancale, qui va chercher tant chez Bowie que dans le hip-hop, mais qui finit par tordre tous les codes et tout réinventer avec une innocence folle dans une orgie de sons tordus.


5. The Snobs - Albatross (2009)

En sept ans de carrière, et autant d'albums (sans compter les moult E.P.), le duo français The Snobs a réussi à se créer une univers unique qui mêle tout dans un grand capharnaüm magnifique, de la pop sixties la plus raffinée au noise rock le plus brutal. Un parcours exemplaire et inspirant qui s'est couronné l'année dernière par un album-somme, "Albatross", pur chef d'œuvre dans lequel on ne se lassera sans doute jamais de se plonger et de se perdre.


4. Arcade Fire - Funeral (2004)

Si l'on oublie deux minutes les dizaines de suiveurs minables qui ont copié à tort et à travers la recette "pop chorale de fin du Monde avec le désespoir comme refrain", on se souviendra que c'est avec un disque comme celui-ci (entre autres, mais celui-ci plus particulièrement) que l'indie pop a pu gagner la popularité (impensable il y a encore six ans) qui est la sienne aujourd'hui (on en entend partout et tout le temps à la téloche, on en passe en radio...). Ajoutez à cela le talent de songwriting du couple Chassagne/Butler, les batteries disco et les circonstances très à propos de l'enregistrement et vous obtenez un disque profondément touchant et révolté, véritable mine d'or pour quiconque aime chanter en chœur avec ses haut parleurs.


3. A Silver Mt. Zion - 13 Blues for Thirteen Moons (2009)

Héros déprimés des années 2000, les canadiens d'A Silver Mt. Zion sont passés progressivement d'un rock instrumental dépouillé à de grands albums de chorales limite punk sur murs du son post-apocalyptiques. Et si "Horses In The Sky" était déjà un immense album de tristesse collective, "13 Blues For Thirteen Moons" poussait la véritable nature rock du groupe à son paroxysme, avec des morceaux plus épiques que tout où la noirceur de certaines compositions fleuves de toujours plus de 10 minutes vient toujours être éclairée finalement par un espoir lumineux et mis en musique avec passion. Peut-être le groupe le plus sincère de la décennie. Et dont les codas auront donné le plus de frissons.


2. Radiohead - Kid A (2000)

Ce n'est évidemment une surprise pour personne tant Radiohead aura simplement dominé la première moitié de la décennie en redéfinissant la marche à suivre pour n'importe quel groupe aux ambitions expérimentales dans une trilogie parfaite qui fascine encore. Un peu hâtivement qualifié à sa sortie de "virage électronique" pour le groupe, "Kid A" défriche avant tout les possibilités d'une avant-garde accessible sans être jamais démonstratif dans ses idées tant la symbiose entre écriture et production est parfaite. Chaque morceau y est une perle indispensable dont la puissance désespérée nous touche encore.


1. Sonic Youth - NYC Ghosts and Flowers (2000)

C'est non seulement le meilleur disque sorti par Sonic Youth lors de cette décennie, mais aussi, selon une partie de la rédaction, le meilleur disque de Sonic Youth tout court. Première collaboration entre le groupe et Jim O'Rourke, c'est aussi un sommet de production. Le boucan, habituel chez Sonic Youth, n'est pas en reste, mais le rock bruyant des années 90 laisse ici la place à un groove froid, expérimenté sur de longues pistes compliquées comme sur des brûlots post-dadas. En guise de cerise, le final éponyme chanté par Lee Ranaldo plante le dernier clou sur l'édifice poético-musical New Yorkais le plus accompli depuis longtemps.



Évidemment, à cette liste peuvent s'ajouter quelques grands absents, on pense notamment à Stereolab ou, surtout, les Fiery Furnaces pour lesquels le choix d'un album en particulier aurait divisé la Rédaction au point d'occasionner coups, blessures et contusions. Mais au final il ne peut en rester que trente, et ce sont ces trente-là.


La Rédaction

dimanche 29 novembre 2009

[Grasse Mat'] Air - Playground Love

Oui bon, j'ai du retard, je sais, mais j'en profite pour vous proposer un chouette réveil dominical, alors finissez vite fait la lecture, lancez le morceau en question et retournez donc sous votre couette, l'être aimé à vos côtés, et flemmardez encore un peu. N'en profitez pas pour vous rendormir ou remettre le couvert pour autant, je m'en voudrais de vous mettre en retard à la messe.

Je cause donc Sofia Coppola, fille du grand, et de Virgin Suicides, son superbe premier film sur la solitude adolescente, sept ans avant qu'elle ne finisse par tomber dans l'académisme en costume qui n'a rien à dire. La demoiselle a toujours aimé s'acoquiner avec les groupes branchés de tous horizons, en témoignent ses apparitions dans des clips de Sonic Youth, Madonna, Chemical Brothers ou encore Phoenix, ah tiens d'ailleurs elle s'est marié à leur chanteur Thomas Mars, ah tiens, c'est justement lui qui apparaît en guest star sous pseudonyme (Gordon Tracks, wat da ?) sur le morceau de ce matin, bon sang quelle transition. Bon, c'est un peu de la triche parce que Playground Love n'est pas à proprement parler dans la bande originale du film, mais c'est une version chantée du thème principal, Highschool Lover, les deux morceaux se trouvant sur l'excellent album de Air.



(Playground Love)

J'avouerais que ce morceau a quand même des d'éléments qui rebuteraient pas mal de monde : le fameux enchaînement d'accords utilisé à tort et à travers dans "Dark Side of the Moon" plaqué par un mellotron tout doux, solo de saxophone carrément soft... Et pourtant, sans que je ne sache vraiment expliquer pourquoi ça marche, on se sent comme en apesanteur pendant trois minutes trente, portés par une mélancolie fragile et légère qui repose sur trois fois rien. Bon évitez de jeter un œil au clip par contre, il a beau être réalisé par Sofia en réutilisant entre autres des images du film, je me sens tout de même moins prêt à chialer sur un beau morceau quand il m'est chanté par un vieux chewing-gum qui se ballade, même si c'est pour se retrouver mâchonné par Kirsten Dunst.

Thelonius.

lundi 19 octobre 2009

[Réveille Matin] Sonic Youth - Free City Rhymes

Bonjour à tous ! Cette semaine, C'est Entendu met à l'honneur le talent polymorphe de Jim O'Rourke, véritable homme à tout faire de l'indie rock américain depuis une bonne quinzaine d'années. Si je ne suis absolument pas le plus qualifié ici pour vous parler de l'étendue du travail du bonhomme, je peux en revanche causer le temps d'un ptit déj' de Sonic Youth circa 2000, puisque Jim collabora avec le groupe (jusqu'à en devenir membre) le temps de trois albums.

Au début des années 80, suivant le conseil d'un ami qui l'assure que le groupe est suffisamment noisy pour lui plaire, Jim s'indigne : "Ça ? MAIS C'EST PAS NOISY DU TOUT !". Il venait d'écouter "Confusion is Sex," l'album le plus dégueulasse de Sonic Youth... Une dizaine d'années plus tard, il se lie d'amitié avec le guitariste Thurston Moore au rythme de leurs rencontres improbables dans les disquaires indés de New York et d'ailleurs. Après avoir participé en 1999 à un album de la série "Sonic Youth Recordings" dédié à l'avant-garde classique, il est invité à mixer leur prochain album, "NYC, ghosts + flowers" (un mixage d'ailleurs très particulier et marqué par de vrais choix radicaux, en atteste Renegade Princess, morceau très sec et dominé par la batterie motorik de Steve Shelley) et à y enregistrer des pistes de basse si ça l'amuse, l'album n'en comportant aucune initialement.


(free city rhymes)

Free City Rhymes est non seulement un morceau sur lequel O'Rourke tient la basse (il n'est pas exclu qu'il y triture également de l'électronique dans l'introduction) mais également un titre parfaitement représentatif du génie de cet album sous-estimé, à savoir la coexistence d'une multitude d'ambiances et de sons dans un tout cohérent, urbain et froid mais jamais vraiment inhumain. Et Free City Rhymes est à la fois un travail de textures dissonantes tissées par des entrelacs de polyrythmes, le doux flottement d'une mélodie légère, fragile, portée par la narration délicate de Thurston Moore et des explosions de guitares dans un déluge de lumière blafarde et hypnotique. Un voyage miniature de 7 minutes dans le labyrinthe qu'est New York.


(C'est issu du livret de l'album, c'est du guitariste Lee Ranaldo, c'est splendide.)

Après la sortie de l'album en 2000, Jim O'Rourke part en tournée dans les bagages de Sonic Youth afin de pouvoir jouer les nouveaux morceaux en live, ce qui ne l'empêche pas non plus d'ailleurs d'accompagner le reste du répertoire du groupe en passant de la guitare à la basse au synthé. Il en devient par la suite officiellement membre le temps de deux albums, qui ne sont certes pas empreints de la beauté terrible de ce chef d'œuvre tardif (bon sang, combien de groupes ayant deux décennies à leur actif se permettraient ça ?), mais qui restent d'excellents albums mineurs du groupe. En 2005, Jim émigre définitivement au Japon et quitte donc le groupe aussi naturellement qu'il l'avait joint.


Thelonius.