C'est entendu.
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jeudi 27 janvier 2011

[Quitte ou Double] Election de la POPsonnalité de l'Année 2010

Il parait qu'on a jusqu'à la fin du mois de Janvier pour souhaiter la bonne année et du coup je me permets une certaine translation de cette tradition vers quelque chose d'un peu plus glamour et de davantage lié à ce qui nous intéresse ici : l'élection de la POPsonnalité de l'année 2010. Les nommés sont :


Kanye West

Franchement, ai-je vraiment besoin de vous faire la liste ? Tout a commencé en 2009, de toute façon, lorsque Michael Jackson a laissé le trône de King of Pop vacant, puis avec les déclarations de Jay-Z à propos du hip hop sur le déclin et du futur représenté par des artistes indépendants tels que Grizzly Bear ou Dirty Projectors. Kanye n'a pas inventé la poudre, mais c'est un homme d'affaires et il a fait le lien : s'il voulait devenir le roi de la pop, il fallait copiner avec les indépendants et abandonner le hip hop pur et dur (son album de 2008 était déjà une tentative en ce sens, d'ailleurs). Ergo "My beautiful dark twisted fantasy" qui, même en paraissant si tard (le 22 Novembre), a remporté suffisamment de suffrages pour être élu album de l'année par tout un tas de blogs, de magazines et de journaux, récoltant des notes ahurissantes et un accueil très largement favorable. S'il rappe sur l'album, il y chante beaucoup, et en samplant majoritairement des dinosaures de "l'autre monde" (King Crimson, Aphex Twin...), il s'attire un nouveau public, et sa conversion en Roi est accomplie, mais en bon businessman il n'a pas attendu de savoir si son coup de dé serait fructueux. L'année durant, on n'a fait qu'entendre parler de lui. Inutile de vous rappeler son coup de maître en Septembre 2009 aux MTV Awards lorsqu'il vola la vedette à Taylor Swift en l'interrompant pour déclarer que le clip de Beyonce méritait de gagner (le président Obama l'a d'ailleurs traité de "jackass" à ce sujet). Avez-vous par contre suivi le chassé-croisé de déclarations vis à vis de l'attitude de George Bush après l'ouragan Katrina ? Suivez-vous le compte Twitter de Kanye ? Si oui, vous aurez remarqué les mini-buzz autour de la photo de son pénis... Vous avez peut-être vu le clip/court-métrage de 35 minutes réalisé autour du single Runaway ? Saviez-vous qu'il était apparu sur une dizaine d'albums autres que le sien en 2010 (notamment chez Kid Cudi, T.I. ou GLC) et que la pochette de son album avait été sujette à controverse (on y voit une caricature d'homme noir effrayant surmonté d'une femme sans bras, munies d'ailes et nue de surcroit) et que les grandes chaines de magasins culturels américains l'avaient obligé à choisir une pochette alternative sous peine de ne pas proposer l'album aux clients ? Kanye a posé un pied dans le Palais de la Noblesse Pop et il ne compte pas en rester là puisque sont déjà prévus un album avec Jay-Z pour Mars et un autre album solo pour cet été. Il part largement favori de cette élection et va être difficile à battre.




Michael Gira

Leader de l'emblématique formation américaine Swans, Gira a prouvé en 2010 qu'une bande de dinosaures pouvait revenir sur le devant de la scène avec du bagage. Pas de re-formation au programme mais bien une réunion, avec les membres originaux du groupe de post punk et de no wave. Gira a démarré l'année en enregistrant et publiant un CD/DVD solo ("I am not insane") dont les ventes ont permis le financement d'un nouvel album de Swans, l'excellent "My father will guide me up a rope to the sky", emmené en tournée à travers le monde durant les mois qui suivirent. Pour l'anecdote, Gira, dont le charisme sur scène s'approche du monolithe mystique, a pour habitude de retrouver les spectateurs après le concert au stand de merchandising où il dédicace tout ce que vous voulez et discute avec le sourire aux lèvres. Un modèle d'intégrité, en somme.





M.I.A.

Si l'élection concernait uniquement "L'artiste le mieux adapté à Internet en 2010", il n'y aurait de toute façon que M.I.A. pour s'opposer à Kanye. Une autre machine de guerre douée pour garder vive la flamme du feu de camp médiatique. Dans les faits, en Avril paraissait le controversé clip de Born Free, dans lequel des rouquins étaient massacrés devant la caméra de Romain Gavras. En Mai, alors que paraissait le single XXXO et son clip, un article du New York Times, écrit par une rouquine, faisait péter les plombs à M.I.A. qui, usant de son compte Twitter (très actif toute l'année) lançait une mini-flamewar des familles. En Juin, "/\/\/\Y/\", son troisième album, paraissait au Japon, d'abord, puis partout ailleurs, et en Juillet, un album de remixes sortait. Dans les mois qui suivirent, M.I.A. fit aussi des apparitions sur les disques d'autres artistes, et notamment sa protégée, Rye Rye, et le clip de Sunshine. Enfin, le 31 Décembre, une mixtape (sa seconde), "Vicki Leekx", partiellement inspirée par le buzz autour de Julian Assange et Wikileaks, était annoncée et publiée via son compte Twitter. Fatiguée en début d'année de ne pas avoir autant de succès médiatique que Lady Gaga, M.I.A. a remué ciel et web pour se refaire une place à l'avant-scène du monde artistico-bling bling, et elle a réussi.





Sufjan Stevens

Plus ou moins porté disparu depuis cinq ans (soyons sérieux, combien de personnes avaient écouté/regardé "The BQE" ? Pas plus de cinq cents à tout casser...), 2010 fut l'occasion d'un retour fracassant puisqu'outre une apparition (peu remarquée) sur le dernier disque de Clogs, Sufjan s'est débrouillé pour en finir avec son ancienne image en publiant gratuitement l'EP (aussi long qu'un album) "All delighted people" avant de sortir son chef d'œuvre post-moderne à lui, le fourmillant "The Age of Adz", l'occasion pour lui de dévoiler son goût pour les garçons, de critiquer la société présente tout en réinventant son chant et sa musique. Et puis vous en connaissez-beaucoup des "artistes folk" qui oseraient utiliser de l'autotune sur une chanson de plus de 25 minutes... sans se planter ?





Laetitia Sadier

Elle a certainement connu des années plus fastes mais 2010 fut celle de sa libération. Fini Monade, tout comme Owen Pallett, Lætitia n'a plus besoin d'avatar pour s'exprimer et son premier album, personnel, touchant, est une réussite. La sortie quasi simultanée d'une nouvelle collection de chansons de Stereolab (un album qui, avec le temps, gagne des points dans nos cœurs) n'aura pas voilé la sortie publique de Lætitia et ses concerts timides n'auront fait qu'augmenter le quotient de sympathie que nous avions déjà pour elle. Si Stereolab venait à mourir (souhaitons que non !), nous savons au moins que la relève serait assurée.





Bradford Cox

Lui aurait pu se contenter du succès du petit dernier de son groupe, Deerhunter, l'inégal-mais-réussi-quand-même "Halcyon Digest" qui fut l'occasion pour les plus réticents de finalement tendre l'oreille. Mais non, outre son remix pour l'album de Stereolab, il lui en fallait plus, alors c'est tout naturellement que vers la fin du mois de Novembre il a publié dans la foulée, à quelques jours d'intervalle, pas moins de quatre albums d'Atlas Sound, son alias, et ce gratuitement, via internet. Que l'on aime ou pas le bonhomme, sa musique ou celle de son groupe (et j'avoue avoir encore un pied dans le camps des réticents), il faut admettre que Cox est l'un des piliers de rock indépendant actuel, sans lequel le monde musical que nous aimons n'aurait pas exactement la même gueule (de traviole) et qui donne énormément de sa personne POUR la musique.





Owen Pallett

Il était déjà productif avec le pseudonyme Final Fantasy mais c'est comme si retrouver sa véritable identité l'avait rendu d'autant plus sûr de lui. Les puristes critiqueront sa transition vers une popmusic plus grandiloquente et moins à fleur de peau, mais il faut reconnaitre qu'avec "Heartland", Owen a enregistré un grand album, reconnu par une majorité des amateurs (il figurait au sommet d'énormément de tops de fin d'année) et que l'on écoutera encore longtemps. Et puis le bougre ne s'est pas arrêté là puisque dès le Printemps, il passait en studio pour enregistrer les violons de l'album d'Arcade Fire (soit les parties les plus réussies du disque) avant de publier à la rentrée un EP loin d'être inintéressant. Il est actuellement en tournée, encore et toujours, et on se demande s'il compte se reposer en 2011 ou bien nous en remettre une couche.





Madlib

Nous n'avons pas pris le temps de tout traiter, mea culpa, mais on vous avait prévenus. Madlib avait annoncé qu'il publierait un album par mois en 2010. Si sa collection de mixtapes "Madlib Medicine Show", dont les numéros pairs étaient des mixes de genres musicaux divers (reggae, jazz, funk...) et les impairs des créations originales plus personnelles, n'a connu que 10 numéros cette année-là (excusez du peu, et ça n'est pas fini, le numéro 11 est sorti en Janvier 2011), il a plus que moins tenu parole puisqu'on a pu le retrouver sur le second LP de Strong Arm Steady aux manettes de producteur, mais aussi en duo avec Guilty Simpson sur le très bon album publié sous l'avatar OJ Simpson, ou encore planqué derrière son alias jazz (Young Jazz Rebels) avec lequel il a sorti un album ("Slave Riot"). Si vous comptez bien on est à treize disques, et j'en oublie certainement. Vous n'avez peut-être pas énormément entendu parler d'Otis Jackson (son véritable nom) cette année, certainement moins que vous n'avez entendu parler de Kanye, mais cet homme de l'ombre a sans doute fait plus pour le hip hop en une année que beaucoup en une entière vie. Il est toujours temps de découvrir son œuvre et de l'élire homme de l'année.





Bethany Cosentino (Best Coast)

Qu'on l'aime ou qu'on la déteste, il faut reconnaitre qu'on n'avait pas DU TOUT vu venir Bethany Cosentino, une fille qui avait commencé par officier au sein du groupe expérimental Pocahuanted, avant de publier en 2009 une série de singles et d'EPs proches de la vague shitgaze, sales et rock'n roll et qui, en 2010 est devenue... la nouvelle égérie de MTV. Son premier album, le très simple et ensoleillé "Crazy for You" lui aura ouvert les portes du mainstream américain, de tournées intercontinentales et d'une palanquée de clips démontrant par l'absurde que MTV n'a pas dépassé le stade "post-grunge" et n'est jamais sorti des années 90. Ajoutez à cela quelques collaborations (un single avec Jeans Wilder, notamment) et deux ou trois "trucs médiatiques" (ses copinages avec Wavves), et la voilà en une du Net toutes les deux semaines depuis un an. L'a-t-elle cherché depuis le début ? Est-ce un choix tardif pour la célébrité ? Aucune idée mais le résultat est là : vous pouvez entendre Best Coast, entre Shakira et Cocoon, sortir des hauts-parleurs de H&M alors que vous pratiquez "les soldes".





Quelqu'un d'autre

Si aucun des artistes proposés ci-dessus ne vous semble être la POPsonnalité de l'année, c'est peut-être qu'un candidat a échappé à notre œil et alors, je vous encourage à nous signaler qui est selon vous cette usine médiatico-artistique et à nous expliquer pourquoi vous l'avez choisie.






Les votes sont ouverts et vous êtes invités à donner votre opinion, via le sondage présent dans la barre latérale, sur votre gauche, mais aussi en détaillant votre point de vue à travers les commentaires. Dites nous qui et pourquoi a dominé l'année 2010 et filons-lui un trophée virtuel qui clôturera définitivement la période des tops et l'année 2010. J'attends vos avis !


Joe Gonzalez

vendredi 17 décembre 2010

[Vise un peu] Laetitia Sadier - The Trip

Il n'était pas besoin d'attendre le hiatus de son groupe d'attache (Stereolab) pour que Lætitia vagabonde en solo. Que ce soit ponctuellement par le biais de tonnes de collaborations (avec Blur sur le single To the End, Luna sur la reprise de Bonnie & Clyde, mais aussi avec Atlas Sound, les High Llamas et le rappeur Common) ou via son projet parallèle, Monade, mené en collaboration avec Rosie Cuckston, ex-membre de la formation psychédélique Pram. Cependant, "The Trip" se démarque de toutes ces aventures par l'affirmation personnelle qu'il représente : ni partage de pouvoir ni prêt de cordes vocales, ce premier album sous son propre nom est la carte d'identité de Lætitia.

(Ceci est le coeur)

C'est d'une façon très saine et très humble que Lætitia se livre, sans chichis, sans fioritures et cela s'entend dès que retentit le son de sa guitare, qui semble enregistrée sans aucun travail sur le son, simplement branchée sur un pré-ampli et laissée tranquille, du début à la fin de l'album, vierge de toute expérimentation sonore ("laissons cela au Lab'" semble-t-elle dire). Cette constance dans la simplicité se retrouve dans des arrangements sobres (quelques chœurs, parfois un clavier, une basse et une batterie, quand guitare et voix ne sont pas laissées entre elles) qui pourrait en faire fuir plus d'un, surtout parmi les fanatiques des arrangements de Sean O'Hagan pour Stereolab, alors qu'ils sont essentiels au message délivré par l'album : "vous croyiez me connaitre... me voici vraiment". Il est alors tout naturel de trouver là trois reprises. On ne peut pas oublier que, même avec vingt ans de carrière derrière elle, Lætitia ne délivre ici que son tout premier album personnel, et quoi de plus normal, de plus naturel pour un premier LP que d'enregistrer des reprises ? Cela participe des présentations : je suis Lætitia Sadier, je sonne comme ceci, je pense comme cela, je ressens ceci et j'écoute cela. L'évidence d'enregistrer des reprises n'excluant pas le bon sens de ne pas donner dans le cliché, ce ne sont pas des chansons de Neu!, Françoise Hardy ou Antonio Carlos Jobim qui sont jouées, mais de façon plus étonnante, le Summertime de Gershwin, By the sea par Wendy & Bonnie et surtout une amusante ré-interprétation d'un titre peu connu des Rita Mitsouko, Un soir, un chien.

(One million year trip)


Ceux qui ont écouté les paroles des chansons de Stereolab se souviennent que Lætitia sait écrire et émouvoir et c'est avec plaisir qu'ils entendront ce disque s'ouvrir sur l'un de ses plus beaux textes : One million year trip, au rythme d'un kraut rock rêveur, est une réflexion très juste sur la perte d'un être cher (en l'occurrence, sa petite sœur) et si elle n'est pas anxiogène, c'est parce que cette chanson prévoit de vous faire chanter avec un doux entrain des mots catharsiques (She has a long way to travel, so I will open my heart/And let the pain run along as there is no point in holding on. soit Elle a un long chemin à parcourir alors je vais ouvrir mon cœur et laisser la douleur s'évanouir puisqu'il ne sert à rien de s'y accrocher.) et cela fonctionne un million de fois mieux que n'importe quelle ballade folk en accords mineurs, croyez-moi. Pas que Lætitia ne sache écrire une bonne vieille déprime imagée quand il le faut (Statues can bend) mais lorsqu'il s'agit d'exprimer son deuil, c'est avec un sourire encourageant qu'elle le fait (Natural Child et son groove sud américain).

On a pu voir Lætitia lors de sa tournée française il y a quelques semaines, et toute annoncée entourée d'un groupe comprenant notamment April March qu'elle était, c'est bel et bien seule, toute seule, qu'elle a joué ses chansons. Encore plus décharnées que sur "The Trip", celles-ci tenaient néanmoins debout et Lætitia existait. Sans Tim Gane (ex-partenaire privé et co-leader de Stereolab), sans April March, sans sa sœur et sans groupe, mais avec un public acquis à ses sourires enjôleurs, à ses chansons touchantes et à ses remarques contestataires (contre Nicolas Sarkozy, notamment) tapées du pied et ponctuées d'un "ça n'est pas parce qu'on joue de la pop que l'on n'a pas le droit de se plaindre !".

Ceci est le cœur de Lætitia et dans son cœur il y a les mots et la poésie d'une femme qui depuis plus de vingt ans s'exprime par le biais de la musique et on espère que ça n'est que le début.


Joe Gonzalez

mercredi 15 décembre 2010

[Vise un peu] Stereolab - Not Music

Le 2 Avril 2009, Stereolab plaçait une pancarte "Ne pas déranger" devant ses portes : un hiatus était annoncé moins d'un an après la publication (en Août 2008) d'un dernier album studio, le bondissant "Chemical Chords", collection de courtes popsongs enregistrées à Bordeaux en 2007. On ne devait ainsi plus entendre parler du groupe avant "un moment" une fois le "prochain album" sorti et cet album, le voici...

... et ça n'est pas la peine de vous réjouir (pas tout de suite), Stereolab n'a pas enregistré de nouvelles chansons : "Not Music" regroupe les chansons issues des mêmes sessions d'enregistrement que "Chemical Chords", en 2007. En effet, à l'origine, le groupe désirait publier l'intégralité de ces enregistrements sous la forme d'un double album, ce que leur label a refusé et nous voilà donc avec les chansons laissées de côté il y a deux ans : des chutes ? Des ratés ? Un album de faces B ? Pas vraiment. Et puis de toute façon, si vous voulez tout savoir, je me réjouis que ce projet de double album n'ait pas abouti sans quoi on n'aurait pas pu se délecter de la pochette magnifique (dans le plus pur style Stereolabien) de "Not Music".


(Everybody's weird except me)

Sans surprise, les chansons ici présentes rappellent énormément ce que proposait l'album précédent, à savoir des mélodies voluptueuses jouées uptempo, majoritairement chantées en anglais par Lætitia Sadier et arrangées avec autant d'électronique que d'instruments analogiques (des cuivres sur Leleklato Sugar par exemple). Si ces chansons-là n'ont pas terminé sur "Chemical Chords" ça n'est pas en raison d'une quelconque baisse de niveau et l'on retrouve ici de nouveaux tubes underground en puissance, telles Everybody's weird except me, Sun Demon ou encore la courte Equivalences, instrumentale et groovy à souhait. La différence majeure entre les deux disques provient de la longueur moyenne des chansons : sur "Chemical Chords", elles étaient brèves (en tout cas par rapport aux standards de Stereolab) et c'était une volonté (dixit Tim Gane) du groupe de proposer un album fulgurant. Ici, on trouve des morceaux plus longs et surtout deux chansons de "Chemical Chords" remixées : la ballade aux accent sixties Silver Sands n'est plus menée glockenspiel battant comme une promenade dans le parc, elle est désormais électroniquement altérée par Emperor Machine (alias Andrew Meecham) et étirée sur plus de dix minutes, en plein cœur de "Not Music", pour un résultat rappelant les bandes sons inspirées d'italodisco des films de la fin des années 70 (John Carpenter, Giorgio Moroder, et plus récemment Zombie Zombie ou Majeure), à savoir un festival de synthétiseurs taillant le bout de gras autour d'une rythmique groovy bouclée, ce qui ajoute une toute nouvelle dimension à la chanson, tout comme pour le tube Neon Beanbag, soumis au traitement d'Atlas Sound (un partenaire régulier) pendant presque huit minutes cotonneuses, et qui n'a plus rien à voir avec sa version originale sautillante. On est bercé par une pulsation régulière comme si Bradford Cox (alias Atals Sound) avait essayé d'imaginer ce que pouvait ressentir un enfant en gestation dans le ventre d'une femme comme Lætitia Sadier, encerclé par les sons, et c'est ainsi, par l'entremise d'un ami, d'un tiers, que se clôt le disque...


(Silver Sands (Emperor Machine Mix))

... mais pas la carrière de Stereolab ! Dans une récente déclaration, Lætitia annonçait "Le groupe n'a pas officiellement splitté mais Andy, notre batteur, nous a quittés à la fin de la dernière tournée. Si Tim se sent prêt à écrire de nouvelles choses pour Stereolab, alors nous pourrions retourner en studio." Sans que cela n'annonce rien de concret, une phrase comme celle-ci laisse espérer une suite à "Not Music", dont le nom, peut-être inspiré par la présence de remixes, par son statut d'albums de chutes (ou encore par la naissance dans l'esprit de Gane et Sadier d'un concept selon lequel leurs popsongs ne seraient pas de la musique mais autre chose... pamphlets dadas, tracts pop-litiques, bulles de savon sonores, allez savoir !), n'est pas révélateur de son contenu : une nouvelle fournée de chansons par le plus grand laboratoire musical du marché.


Joe Gonzalez

[Réveille-Matin] Atlas Sound feat. Laetitia Sadier - Quick Canal

C'est une matinée mélancolique qui nous attend aujourd'hui les amis, car on va parler du syndrome du "déjà entendu" sur C'est Entendu. Vous l'avez sûrement déjà vécu, vous aussi. Je ne parle pas du sentiment irritant qui nous envahit quand on écoute Coldplay et qu'on remarque que tout cela a déjà été entendu sur "OK Computer" - non, même pas "OK Computer" en fait, juste No Surprises.

Je veux parler de l'impression étrange de déjà connaître un morceau alors qu'on l'entend bien pour la première fois. Et quand je dis "connaître", ça va plus loin que la mélodie ou les paroles : Quick Canal, j'ai l'impression de l'avoir vécu, sans pouvoir mettre le doigt sur l'évènement de ma vie que cette chanson illustre, l'image à laquelle elle est associée, l'ami qu'elle incarne, le souvenir qu'elle cristallise.




Soyons honnêtes : deux accords qui se battent en duel sur plus de 8 minutes (ça y est, vous n'avez plus envie de cliquer, HAHA TROP TARD, j'avais mis le player avant EXPRÈS), ça laisse le temps de rêver, de laisser son esprit vagabonder et de se faire un paquet de films autour de ce qu'inspire ou non une chanson, pour pouvoir faire ensuite un article bien cheesy. Il n'empêche, ça fonctionne, et me voilà tout bouleversé, plongé dans mon passé pas tellement trouble, l'air hagard, chancelant sur ma chaise comme une marionnette contrôlée par un intermittent anémié.

Ou alors c'est juste que j'écoute trop de dream pop et que je ne dors pas assez.


Joseph Karloff

mercredi 3 février 2010

[Réveille Matin] Stereolab - Olv 26

Bonjour à tous ! Hier, pendant que vous étiez tous captivés par notre top de la décennie et son débat inattendu et virulent, un lecteur a ressuscité un vieil article d'Émilien et n'y est pas allé de main morte pour nous faire comprendre nos différends. Et du même coup, il nous a semble-t-il reproché d'être des lecteurs assidus de Baudrillard. Ni une ni deux, j'enfonce le clou : sur C'est Entendu, on est plutôt Guy Debord, la société du spectacle c'est notre truc à nous, et je le prouve en évoquant le meilleur groupe de pop situationniste au monde, a.k.a. Stereolab, avec un extrait de "Emperor Tomato Ketchup," sorti en 1996 et qui a la solide réputation de meilleur album du groupe, même si pour tout vous dire, nous on lui préfère tout de même "Sound-Dust" sorti en 2001, dont Joe vous avait parlé un de ces quatre matins.

Sans pour autant nous laisser avoir par leurs revendications, le groupe y va fort sur cet album. La regrettée Mary Hansen nous parle de l'aliénation d'une société vampirisée par ses institutions dans Tomorrow is Already Here tandis que sur Motoroller Scalatron, Laetitia Sadier se demande sans cesse sur quoi celle-ci est construite. Et dans le morceau de ce matin, Olv 26, petit groove sucré qui part d'une transe minimaliste à la Suicide avant de décoller vers le cosmos en guitare timide et synthés tournoyants, le discours sur l'illusion du concept de paradis ("C'est un appel sourd, une promesse aveuglante qui noie la conscience") est complètement sublimée par l'intervention d'un spoken word qui vient nous susurrer à l'oreille "Le paradis est derrière moi, dans le ventre de ma maman". Voilà, vous lisez cette petite phrase et je suis sûr que derrière votre écran, vous pouffez vilement. Pourtant, ces quelques mots d'une innocence et d'une naïveté absolues, aux syllabes gentiment appuyées, ne font pas que me coller un sourire pas possible sur la tronche : ils donnent au morceau un aspect de petit nuage mélancolique où le temps s'étire et semble sans fin.




Thelonius.