C'est entendu.
Affichage des articles dont le libellé est michael gira. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est michael gira. Afficher tous les articles

lundi 7 novembre 2011

[Réveille Matin] Swans — Blind

La première fois que j'ai écouté Swans (c'était sur "Public Castration Is a Good Idea", il y a longtemps), je n'ai quasiment rien retenu ni ressenti, à part une impression de brutalité pure, de froideur, de nihilisme et de cruauté, jetée au public sous sa forme la plus brute et sans concession. J'ai écouté le disque plus par défi, par expérience qu'autre chose, puis laissé le groupe de côté pendant plusieurs années, n'ayant entendu là qu'une musique à une dimension, un extrême, et ne comprenant pas tout à fait ce que tout le monde y entendait de génial.

Il m'aura fallu pas mal d'insistance pour me résoudre à jeter une oreille à "My Father Will Guide Me Up a Rope to the Sky" l'an dernier, mais même sur cet album, pourtant plus accessible, le son était trop froid pour que j'y accroche réellement ; la musique montrait un vrai cœur, mais à moitié de glace, toujours distant quelque part. Puis j'ai décidé d'écouter "The Great Annihilator"… et là, j'ai ressenti réellement, pour la première fois, une émotion forte à l'écoute de Gira, de Jarboe et des autres musiciens : la folie grandiose d'I Am the Sun (qui réclame tout de suite admiration et volume sonore à faire saigner les tympans), la douce cruauté de She Lives!, le rythme torturé mais si prenant de Mother/Father, la chaleur étonnante de Blood Promise… et (mon premier vrai coup de cœur) une vraie illumination sur Mind/Body/Light/Sound, profession spirituelle qui m'a réellement fait aimer ce groupe, au son intransigeant et brutal, pourtant capable d'une si grande beauté. Partout, "The Great Annihilator" — malgré son nom — est empreint de cette dualité : le groupe brutalise l'auditeur, titille son sens du morbide, mais lui fait aussi voir de tels éclairs de splendeur qu'il en redemande. Un groupe auquel j'étais jusque-là insensible venait de m'être révélé par son chef d'œuvre.


À côté de "The Great Annihilator", la même année, Michael Gira sortait un album (plus ou moins) solo du nom de "Drainland" — qui se clôturait par la plus belle chanson de Swans que je connaisse à ce jour (la piste sort d'ailleurs également sur la compilation de pistes rares "Various Failures") : Blind, une chanson où la voix si profonde et si dure de Gira se livre réellement, dans toute sa puissance et son insensibilité avouées.

I saw a man cry once, down on his knees
In the corner of a darkened cell, and his pain meant nothing to me
But I was younger then, and young men never die
When I walked out in the sun, I was strong, clear minded,
and blind.


(« J'ai vu un homme pleurer un jour, à genoux / dans le coin d'une cellule sombre, et sa douleur ne me faisait rien / Mais j'étais jeune à l'époque, et les jeunes hommes ne meurent jamais / quand je sortis au soleil, j'étais fort, j'avais l'esprit clair, / et j'étais aveugle. »)

Gira a toujours su écrire des paroles puissantes, mais ici, Blind étonne et se comprend — pour une chanson des Swans, pour qui a découvert les Swans comme je l'ai fait — surtout par la beauté simple de sa mélodie, et par son chant. La voix de Michael Gira, d'habitude "seulement" parfaitement adaptée à la musique du groupe, se révèle ici dans toute sa profondeur — et sa beauté peu commune, à couper le souffle… Blind n'impressionne pas par sa violence mais par son intimisme, et la chanson en devient tout aussi puissante que les plus radicales du groupe. Ce n'est pas seulement ma chanson préférée de Swans : c'est une de mes chansons préférées tout court.

“No I was never young, and nothing has transpired
And when I look in the mirror, I feel dead, I feel cold,
I am blind.


(« Non, je n'ai jamais été jeune, et rien ne s'est jamais fait savoir / Et quand je regarde dans la glace, je me sens mort, je me sens froid, / Je suis aveugle. »)


— lamuya-zimina

jeudi 27 janvier 2011

[Quitte ou Double] Election de la POPsonnalité de l'Année 2010

Il parait qu'on a jusqu'à la fin du mois de Janvier pour souhaiter la bonne année et du coup je me permets une certaine translation de cette tradition vers quelque chose d'un peu plus glamour et de davantage lié à ce qui nous intéresse ici : l'élection de la POPsonnalité de l'année 2010. Les nommés sont :


Kanye West

Franchement, ai-je vraiment besoin de vous faire la liste ? Tout a commencé en 2009, de toute façon, lorsque Michael Jackson a laissé le trône de King of Pop vacant, puis avec les déclarations de Jay-Z à propos du hip hop sur le déclin et du futur représenté par des artistes indépendants tels que Grizzly Bear ou Dirty Projectors. Kanye n'a pas inventé la poudre, mais c'est un homme d'affaires et il a fait le lien : s'il voulait devenir le roi de la pop, il fallait copiner avec les indépendants et abandonner le hip hop pur et dur (son album de 2008 était déjà une tentative en ce sens, d'ailleurs). Ergo "My beautiful dark twisted fantasy" qui, même en paraissant si tard (le 22 Novembre), a remporté suffisamment de suffrages pour être élu album de l'année par tout un tas de blogs, de magazines et de journaux, récoltant des notes ahurissantes et un accueil très largement favorable. S'il rappe sur l'album, il y chante beaucoup, et en samplant majoritairement des dinosaures de "l'autre monde" (King Crimson, Aphex Twin...), il s'attire un nouveau public, et sa conversion en Roi est accomplie, mais en bon businessman il n'a pas attendu de savoir si son coup de dé serait fructueux. L'année durant, on n'a fait qu'entendre parler de lui. Inutile de vous rappeler son coup de maître en Septembre 2009 aux MTV Awards lorsqu'il vola la vedette à Taylor Swift en l'interrompant pour déclarer que le clip de Beyonce méritait de gagner (le président Obama l'a d'ailleurs traité de "jackass" à ce sujet). Avez-vous par contre suivi le chassé-croisé de déclarations vis à vis de l'attitude de George Bush après l'ouragan Katrina ? Suivez-vous le compte Twitter de Kanye ? Si oui, vous aurez remarqué les mini-buzz autour de la photo de son pénis... Vous avez peut-être vu le clip/court-métrage de 35 minutes réalisé autour du single Runaway ? Saviez-vous qu'il était apparu sur une dizaine d'albums autres que le sien en 2010 (notamment chez Kid Cudi, T.I. ou GLC) et que la pochette de son album avait été sujette à controverse (on y voit une caricature d'homme noir effrayant surmonté d'une femme sans bras, munies d'ailes et nue de surcroit) et que les grandes chaines de magasins culturels américains l'avaient obligé à choisir une pochette alternative sous peine de ne pas proposer l'album aux clients ? Kanye a posé un pied dans le Palais de la Noblesse Pop et il ne compte pas en rester là puisque sont déjà prévus un album avec Jay-Z pour Mars et un autre album solo pour cet été. Il part largement favori de cette élection et va être difficile à battre.




Michael Gira

Leader de l'emblématique formation américaine Swans, Gira a prouvé en 2010 qu'une bande de dinosaures pouvait revenir sur le devant de la scène avec du bagage. Pas de re-formation au programme mais bien une réunion, avec les membres originaux du groupe de post punk et de no wave. Gira a démarré l'année en enregistrant et publiant un CD/DVD solo ("I am not insane") dont les ventes ont permis le financement d'un nouvel album de Swans, l'excellent "My father will guide me up a rope to the sky", emmené en tournée à travers le monde durant les mois qui suivirent. Pour l'anecdote, Gira, dont le charisme sur scène s'approche du monolithe mystique, a pour habitude de retrouver les spectateurs après le concert au stand de merchandising où il dédicace tout ce que vous voulez et discute avec le sourire aux lèvres. Un modèle d'intégrité, en somme.





M.I.A.

Si l'élection concernait uniquement "L'artiste le mieux adapté à Internet en 2010", il n'y aurait de toute façon que M.I.A. pour s'opposer à Kanye. Une autre machine de guerre douée pour garder vive la flamme du feu de camp médiatique. Dans les faits, en Avril paraissait le controversé clip de Born Free, dans lequel des rouquins étaient massacrés devant la caméra de Romain Gavras. En Mai, alors que paraissait le single XXXO et son clip, un article du New York Times, écrit par une rouquine, faisait péter les plombs à M.I.A. qui, usant de son compte Twitter (très actif toute l'année) lançait une mini-flamewar des familles. En Juin, "/\/\/\Y/\", son troisième album, paraissait au Japon, d'abord, puis partout ailleurs, et en Juillet, un album de remixes sortait. Dans les mois qui suivirent, M.I.A. fit aussi des apparitions sur les disques d'autres artistes, et notamment sa protégée, Rye Rye, et le clip de Sunshine. Enfin, le 31 Décembre, une mixtape (sa seconde), "Vicki Leekx", partiellement inspirée par le buzz autour de Julian Assange et Wikileaks, était annoncée et publiée via son compte Twitter. Fatiguée en début d'année de ne pas avoir autant de succès médiatique que Lady Gaga, M.I.A. a remué ciel et web pour se refaire une place à l'avant-scène du monde artistico-bling bling, et elle a réussi.





Sufjan Stevens

Plus ou moins porté disparu depuis cinq ans (soyons sérieux, combien de personnes avaient écouté/regardé "The BQE" ? Pas plus de cinq cents à tout casser...), 2010 fut l'occasion d'un retour fracassant puisqu'outre une apparition (peu remarquée) sur le dernier disque de Clogs, Sufjan s'est débrouillé pour en finir avec son ancienne image en publiant gratuitement l'EP (aussi long qu'un album) "All delighted people" avant de sortir son chef d'œuvre post-moderne à lui, le fourmillant "The Age of Adz", l'occasion pour lui de dévoiler son goût pour les garçons, de critiquer la société présente tout en réinventant son chant et sa musique. Et puis vous en connaissez-beaucoup des "artistes folk" qui oseraient utiliser de l'autotune sur une chanson de plus de 25 minutes... sans se planter ?





Laetitia Sadier

Elle a certainement connu des années plus fastes mais 2010 fut celle de sa libération. Fini Monade, tout comme Owen Pallett, Lætitia n'a plus besoin d'avatar pour s'exprimer et son premier album, personnel, touchant, est une réussite. La sortie quasi simultanée d'une nouvelle collection de chansons de Stereolab (un album qui, avec le temps, gagne des points dans nos cœurs) n'aura pas voilé la sortie publique de Lætitia et ses concerts timides n'auront fait qu'augmenter le quotient de sympathie que nous avions déjà pour elle. Si Stereolab venait à mourir (souhaitons que non !), nous savons au moins que la relève serait assurée.





Bradford Cox

Lui aurait pu se contenter du succès du petit dernier de son groupe, Deerhunter, l'inégal-mais-réussi-quand-même "Halcyon Digest" qui fut l'occasion pour les plus réticents de finalement tendre l'oreille. Mais non, outre son remix pour l'album de Stereolab, il lui en fallait plus, alors c'est tout naturellement que vers la fin du mois de Novembre il a publié dans la foulée, à quelques jours d'intervalle, pas moins de quatre albums d'Atlas Sound, son alias, et ce gratuitement, via internet. Que l'on aime ou pas le bonhomme, sa musique ou celle de son groupe (et j'avoue avoir encore un pied dans le camps des réticents), il faut admettre que Cox est l'un des piliers de rock indépendant actuel, sans lequel le monde musical que nous aimons n'aurait pas exactement la même gueule (de traviole) et qui donne énormément de sa personne POUR la musique.





Owen Pallett

Il était déjà productif avec le pseudonyme Final Fantasy mais c'est comme si retrouver sa véritable identité l'avait rendu d'autant plus sûr de lui. Les puristes critiqueront sa transition vers une popmusic plus grandiloquente et moins à fleur de peau, mais il faut reconnaitre qu'avec "Heartland", Owen a enregistré un grand album, reconnu par une majorité des amateurs (il figurait au sommet d'énormément de tops de fin d'année) et que l'on écoutera encore longtemps. Et puis le bougre ne s'est pas arrêté là puisque dès le Printemps, il passait en studio pour enregistrer les violons de l'album d'Arcade Fire (soit les parties les plus réussies du disque) avant de publier à la rentrée un EP loin d'être inintéressant. Il est actuellement en tournée, encore et toujours, et on se demande s'il compte se reposer en 2011 ou bien nous en remettre une couche.





Madlib

Nous n'avons pas pris le temps de tout traiter, mea culpa, mais on vous avait prévenus. Madlib avait annoncé qu'il publierait un album par mois en 2010. Si sa collection de mixtapes "Madlib Medicine Show", dont les numéros pairs étaient des mixes de genres musicaux divers (reggae, jazz, funk...) et les impairs des créations originales plus personnelles, n'a connu que 10 numéros cette année-là (excusez du peu, et ça n'est pas fini, le numéro 11 est sorti en Janvier 2011), il a plus que moins tenu parole puisqu'on a pu le retrouver sur le second LP de Strong Arm Steady aux manettes de producteur, mais aussi en duo avec Guilty Simpson sur le très bon album publié sous l'avatar OJ Simpson, ou encore planqué derrière son alias jazz (Young Jazz Rebels) avec lequel il a sorti un album ("Slave Riot"). Si vous comptez bien on est à treize disques, et j'en oublie certainement. Vous n'avez peut-être pas énormément entendu parler d'Otis Jackson (son véritable nom) cette année, certainement moins que vous n'avez entendu parler de Kanye, mais cet homme de l'ombre a sans doute fait plus pour le hip hop en une année que beaucoup en une entière vie. Il est toujours temps de découvrir son œuvre et de l'élire homme de l'année.





Bethany Cosentino (Best Coast)

Qu'on l'aime ou qu'on la déteste, il faut reconnaitre qu'on n'avait pas DU TOUT vu venir Bethany Cosentino, une fille qui avait commencé par officier au sein du groupe expérimental Pocahuanted, avant de publier en 2009 une série de singles et d'EPs proches de la vague shitgaze, sales et rock'n roll et qui, en 2010 est devenue... la nouvelle égérie de MTV. Son premier album, le très simple et ensoleillé "Crazy for You" lui aura ouvert les portes du mainstream américain, de tournées intercontinentales et d'une palanquée de clips démontrant par l'absurde que MTV n'a pas dépassé le stade "post-grunge" et n'est jamais sorti des années 90. Ajoutez à cela quelques collaborations (un single avec Jeans Wilder, notamment) et deux ou trois "trucs médiatiques" (ses copinages avec Wavves), et la voilà en une du Net toutes les deux semaines depuis un an. L'a-t-elle cherché depuis le début ? Est-ce un choix tardif pour la célébrité ? Aucune idée mais le résultat est là : vous pouvez entendre Best Coast, entre Shakira et Cocoon, sortir des hauts-parleurs de H&M alors que vous pratiquez "les soldes".





Quelqu'un d'autre

Si aucun des artistes proposés ci-dessus ne vous semble être la POPsonnalité de l'année, c'est peut-être qu'un candidat a échappé à notre œil et alors, je vous encourage à nous signaler qui est selon vous cette usine médiatico-artistique et à nous expliquer pourquoi vous l'avez choisie.






Les votes sont ouverts et vous êtes invités à donner votre opinion, via le sondage présent dans la barre latérale, sur votre gauche, mais aussi en détaillant votre point de vue à travers les commentaires. Dites nous qui et pourquoi a dominé l'année 2010 et filons-lui un trophée virtuel qui clôturera définitivement la période des tops et l'année 2010. J'attends vos avis !


Joe Gonzalez