C'est entendu.
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mardi 6 décembre 2011

[Fallait que ça sorte] La complainte du Roi Bourdon, Première Partie

Début des années 90. Boris n’est que le prénom du premier président de la Fédération de Russie. Et accessoirement le titre d’un morceau des Melvins. Sunn o))) n’est que le logo d’une célèbre marque d’amplificateur. Des secousses majeures proviennent de la région de Seattle, où une bande de groupes tous plus ou moins nés de la même scène sont signés par des majors. Retour d’un rock lourd et sombre, hérité du vieux métal anglais des années 70, passé au mix agressif et ironique du hardcore américain de la côte Ouest. Soundgarden, Alice in Chains, Screaming Trees... Puis Nirvana, mené par un petit blondinet. L’explosion grunge va mettre au pilori toute la musique des années 80 et faire rentrer l’alternative dans le grand public. Pour le meilleur et le pire. Bientôt plus personne n’aura peur ni des distorsions (au supermarché) ni des riffs plombés.

Pendant ce temps, chez Sub Pop, où est né le "son de Seattle", un drôle d’individu s’active. Dylan Carlson, meilleur ami de Kurt Cobain (c’est dit), décide de nommer son groupe Earth. Comme le premier nom de Black Sabbath, l’influence majeure de toute cette scène. Dans la droite lignée des autres, Carlson ? Non. Earth, la terre nourricière, une force gravitationnelle, qui tourne sur elle même à une vitesse phénoménale mais qui donne à ses minuscules habitants une impression de lenteur, voire d’immobilité. Carlson va prier pour le dieu du riff lourd et pesant, sans jamais accélérer la cadence. Et loin du hardcore que ses amis révèrent, Carlson préfère le minimalisme. Et si Terry Riley riffait, ça donnerait quoi ?
Lenteur et répétitions.


1991 : "Extra-Capsular Extraction" (EP)


Carlson prend de suite le parti du groupe le plus étrange de la scène de Seattle, celui qu’admire son pote Cobain plus que tout, les Melvins de Buzz Osbourne. Du riff gras et lourd, mais du riff lent. Et répété à l’infini. A Bureaucratic Desire For Revenge (Part1) creuse le sillon, à coup de masse, relativement rapide encore par rapport à ce qui va suivre. Des percussions qui martèlent le rythme, implacables, au dessous de ces frappes de guitare qui semblent enfoncer un clou, puis un autre, puis un autre, puis un autre… Une dynamique de la lourdeur. Si la structure des riffs change de façon régulière, rien ne prend jamais de vitesse. Seconde partie du même morceau, le son semble enflé, peut-être parce que la basse de Joe Preston vibre de plus en plus, à la façon d’un bourdon. Les percussions évoquent le travail d’un forgeron gigantesque, Héphaïstos au cœur de son volcan. D’ailleurs les riffs s’interrompent pour laisser la place aux seules vibrations migraineuses, alors que des invocations inquiétantes résonnent dans la grotte, entre litanie religieuse et rugissements de bête fantastique, ni plus ni moins que la voix de Kurt Cobain passé donner un coup de main à son pote. Puis le travail au corps reprend après cet intermède de fin du monde, l’explosion n’aura jamais lieu, mais de la guitare de Carlson semblent maintenant s’écouler des traînées de lave en fusion qui s’immobilisent lentement à l’air libre.



(A Bureaucratic Desire For Revenge (Part2))


Ouroboros is Broken commence de la même façon, en plus sinistre, les riffs sont encore plus collants et bouillants, les percussions plus sombres, à coups de gong. Et puis rien ne semble évoluer cette fois-ci. Ouroboros, le serpent mythologique qui se mord la queue, une certaine idée de l’infini. La guitare de Carlson tend de plus en plus vers le drone, ses riffs se délitent petit à petit, s’étalent dans le temps. De moins en moins de notes, de plus en plus de son dans chaque note, accompagné par celui des basses en arrière. Il ne subsiste bientôt plus qu’un seul riff simplissime qui ne cesse de revenir à la charge, accompagné pendant un moment par les percussions qui ne tarderont pas à se perdre dans la distance. Et que restera-t-il alors ? Un riff bourdonnant, seul avec lui-même, qui ne change plus, ne bouge plus, reproduit à l’infini le même mouvement sur son tapis de drones, s’empile sur lui-même, s’enroule sur lui-même sans jamais changer de forme, toujours identique mais jamais tout à fait le même, tel les vaguelettes qui caressent une plage sans marée. Cela pourrait durer indéfiniment, jusqu’à perdre la notion du temps, répétition du même jusqu’à épuisement. Avec ce morceau fascinant, Dylan Carlson marque la naissance du drone en tant que style dans le rock. Tout peut commencer, et ne pas finir, ne pas finir, ne pas finir, ne pas finir, ne pas finir…


(Ouroboros is Broken)


D.E.L.

samedi 2 juillet 2011

[Alors quoi ?] "Bof... BAM. Hey ! Glam", dix années en quête des Pixies






Depuis une dizaine d'années, je poursuis une quête irrégulière de foi en les Pixies. Je veux dire par là que je n'ai pas aimé les Pixies la première fois que je les ai entendus. Ni la seconde non plus. La troisième fois, j'ai fini par me faire à l'idée de Where is my mind, que j'avais de toute façon appris à concevoir, depuis l'obligatoire finale de Fight Club. J'avais cependant un mal de tous les diables à comprendre comment la plupart de mes amis pouvait ne jurer que par eux. Je trouvais leur musique quelconque au pire, repoussante au mieux. Et pourtant, je voulais savoir. J'ai toujours voulu savoir. Permettez-moi de rompre le suspense assez abruptement mais aujourd'hui j'écoute les Pixies tous les jours et ils font partie de mes groupes de rock favoris. Il a pourtant fallu en passer par de nombreuses étapes avant d'en arriver là, et ce sont ces étapes qui rendent ce groupe spécial et indispensable à mes oreilles. Tous les artistes que j'ai un jour adorés, auxquels j'ai voué à un moment ou un autre un culte, tous, n'ont au départ suscité chez moi qu'une totale incompréhension ou un profond dédain. A part peut-être Blur, mais c'est une autre histoire.


(On dira ce qu'on voudra de Fight Club, ça reste un chef d'œuvre à côté de Benjamin Button et The Social Network)


Entre 2001 et 2003, je me suis rapproché de plus en plus du rock indépendant, et avec des amis nous avons commencé à apprendre à jouer de la guitare, histoire de singer nos idoles. Nous reprenions Where is my mind régulièrement mais je n'aurais jamais imaginé aller plus loin. Ceux qui chantaient Caribou ou Here comes your man me faisaient grincer des dents. L'un de mes amis n'écoutait pratiquement que les Pixies et à chaque fois qu'une soirée était organisée chez lui je lui demandais s'il n'avait pas AUTRE CHOSE à passer que des bootlegs du même éternel bon Dieu de groupe. En 2003, j'ai fait la connaissance d'une fille qui voyait en Kim Deal une sorte de modèle et elle entreprit de me convertir. A l'époque j'écoutais Led Zeppelin et Sparklehorse matin, midi et soir, entre deux doses nécessaires de Radiohead, et sa compilation eut sur moi l'effet inverse de celui qu'elle souhaitait : un rejet encore plus viscéral qu'auparavant motivé par une incompréhension encore plus grande. Sur la mixtape, peu de singles, beaucoup de faces B, de lives (Hang Wire où Kim semblait complètement camée) et des chansons des deux derniers albums, les plus difficiles à appréhender pour moi (mais ça je ne le savais pas encore). Je ne retenais plus ou moins qu'Isla de Encanta (live, elle aussi) qui me paraissait plus... pertinente que le reste. Et puis en 2004, j'étais à l'arrière de la voiture d'un ami, en route pour une gare que nous n'atteignîmes jamais : alors que nous fredonnions Gigantic, nous atterrîmes dans le fossé et heurtâmes une structure en béton reliant la route à l'autre côté du fossé. A pleine vitesse. Bam. De quoi vous passer l'envie de réécouter les Pixies.


(J'aurais bien illustré cette anecdote avec la photographie du véhicule ruiné ou des contusions consécutives au choc mais je n'ai malheureusement pas pris le temps de prendre des photos souvenir avant de partir pour l'hôpital)

Effectivement, pendant plusieurs années, je refusai d'entendre parler de ce groupe et me servit de l'incident routier comme excuse pour éviter de me confronter au problème que je m'étais moi-même posé quelques années plus tôt. Jusqu'à ce que me vienne la révélation circa 2009 : je n'avais jamais essayé, le plus simplement du monde, d'écouter un disque des Pixies du début à la fin. Seul, sans distraction ni préjugé, en choisissant les conditions (par quel disque commencer, quand et comment l'écouter) et en me laissant guider par le quatuor et personne d'autre. Monumentale erreur, comme dirait Jack Slater.

(S'il y a bien une chose que je n'ai jamais manqué d'admirer chez Franck Black, c'est sa capacité à sublimer l'espagnol - langue et imagerie - qui, sans lui, resterait pour moi un dialecte impossible à faire sonner correctement ou pertinemment)

Mon choix se porta naturellement sur "Surfer Rosa", le premier album, d'une durée assez longue (par rapport à "Come on Pilgrim", l'EP inaugural) pour affiner mon opinion, muni de quelques chansons déjà assimilées (Where is my mind et la néfaste Gigantic, qui m'empêcha bien trop longtemps d'apprécier les Breeders à leur juste valeur mais ça n'est pas le sujet). L'évidence de l'épiphanie ne me semble même pas nécessiter d'explication. J'eus très vite fait le tour de "Surfer Rosa" et trouvai en "Doolittle" une confirmation au-delà de toutes mes espérances. Après m'être fait à l'énergie adolescente et aux gimmicks qui faisaient la réussite du premier, dont le Vamos possède toujours mon âme et la fait danser au rythme des crissements de cordes de Franck Black, des hurlements électriques de Joey Santiago et du groove de Kim et David Lovering, après ça vint le reste, progressivement encore une fois (je n'ai fini par adorer Tame et Debaser qu'il y a quelques mois). A commencer par Mr Grieves, un grand pas supplémentaire en forme de reggae bâtard et aéré, un coup derrière la tête. Et Franck Black de résumer nos rendez-vous manqués en lançant :
Hey ! Been tryin' to meet ya...
Voilà qui est fait, Charlie, mais malgré toute ma bonne volonté (laquelle me renvoya aussi à "Come on Pilgrim", pour le meilleur, et à "Bossanova", dont je n'ai Dieu merci pas encore terminé l'exploration), je ne parvenais pas à comprendre "Trompe le Monde" (1991), le dernier album.


(La toute première apparition TV des Pixies, en 1988 pour la promotion de "Doolittle" avec dans la foulée Monkey gone to heaven et Tame)


Les pédales d'effets à l'œuvre dès les premières pages de "Trompe le Monde" sur la guitare, d'abord, puis sur la voix de Planet of Sound, furent les premiers obstacles, bientôt rejoints par d'autres, apparemment insurmontables, tels que le nombre de chansons et la grande variété de sons et d'ambiances les composant. Une première après les blocs monolithiques albiniens qu'étaient les premiers disques, même si "Bossanova" tendait à suivre cette direction, vers toujours plus de recherche. Indigeste, écœurant et une fois de plus... incompréhensible, "Trompe le Monde" (j'aurais dû commencer par lire le titre...) resta loin de moi quelques temps encore avant que je ne me force à m'y essayer il y a quelques semaines, la curiosité l'emportant une fois de plus.

Quelques titres vinrent alors corroborer ma croyance établie, à commencer par Subbacultcha, plus proche de ce dont j'avais l'habitude, avec en plus cette folle et simple idée de faire de Kim Deal l'ombre glamour du chant de Black, apportant ainsi du poids au dualisme des paroles et à leur double-sens ("I was all dressed in Black, she was all dressed up in black"). Vint ensuite U-Mass, parce qu'elle est simple comme tout et le déclic, alors : énormément de chansons sur "Trompe le Monde" sont plus simples qu'elles n'en ont l'air.


(Motorway to Roswell)


C'est en parlant avec Joe Chicago que j'ai compris ce qui m'avait éludé pendant si longtemps. "Trompe le Monde" n'est pas un disque d'indie rock, comme l'étaient les autres. Ça n'est même pas un disque de pop. Il y a bien plus d'ambition derrière ces 14 chansons que le groupe n'en avait montré jusqu'alors. Il ne s'agit pas de plaire ou de faire danser, il s'agit de SE plaire, de SE regarder dans la glace et d'arranger ses cheveux, de maquiller ses yeux et de porter du cuir. Il s'agit de devenir un surhomme, de changer le monde et la meilleure façon de changer le monde, l'Histoire l'a prouvé, c'est de le tromper, de lui faire croire qu'il sait déjà ce que l'on veut lui apprendre. C'est une théorie que d'autres avaient déjà mise en pratique par le passé. David Bowie le premier, et d'autres, comme Marc Bolan, affirmant au Monde sa valeur nouvelle comme si de rien n'était, convaincant à tours de bras les paumés, les moches et les grassouillets qu'ils avaient du sex-appeal. Pour tromper le Monde, on utilise des artifices, on cuisine de vieilles recettes, dont personne ne se méfiera, et on y ajoute quelque ingrédient nouveau. Le tour est joué. Bolan ne faisait que jouer des boogies. Comme John Lee Hooker. Mais ceux de T-Rex étaient survitaminés et sexuels. Bowie a offert au rock'n roll d'être le medium accepté via lequel travestir l'homme des années 70, banaliser sa part de féminité, et lui offrir quelques rêves de science fiction. Les Pixies, eux, ont bâti sur leurs propres fondations, sur ce rock 90's qu'ils ont plus ou moins défini eux-mêmes (et appris au chevet des meilleurs, dont les Minutemen me semblent les plus pertinents) et se sont même servis, en bons stratèges pop, de gimmicks plus connotés (le riff de guitare de U-Mass qui rappelle les 70's, la power pop 80's de Head on, et j'en passe) pour mieux tromper la vigilance de leurs auditeurs et les amener vers autre chose. Pour changer le son froid du rock indépendant qui en 1991 commençait à carrément s'endormir sur ses lauriers (pour rappel, c'est l'année de "Nevermind", l'année où le punk a éclaté au grand jour). La simplicité des compositions (les riffs menant de long en large U-Mass ou Alec Eiffel) permettait alors de séduire l'auditeur avant de lui proposer des arrangements plus ou moins inattendus, esthétiquement douteux puisque hors du commun, mais beaux, si beaux qu'à la fin de Motorway to Roswell, on se prend à chanter en chœur avec Franck Black, nos voix s'élevant comme une seule vers l'infini, dans une union poétique merveilleuse, célébrant l'homme qui commença à se diriger vers l'autoroute de la compréhension. La lente évolution qui amène l'album du punk rock abâtardi de Trompe le monde (avec son tapping très METAL) et Planet of Sound (que Franck Black chante depuis les fonds marins) jusqu'à cette outro encore plus majestueuse que celle de N°13 Baby (sur "Doolittle") participe de la création d'un album, véritable œuvre solide et monolithique. Du glam rock dans l'ambition qui le sous-tend et les thèmes qu'il aborde : le look et l'ambivalence, dans Subbacultcha ("I was wearing eyeliner, she was wearing eyeliner"), l'infini avec Motorway to Roswell, la science fiction un peu partout avec le thème de la Zone 51 et de Roswell, fil blanc de l'un des enregistrements les plus passionnants et les plus antinomiques à être issus du punk rock. Il m'aura fallu dix ans pour en déterminer les enjeux et pour en apprécier la beauté, vingt ans tout juste après sa parution. Il n'est jamais trop tard pour s'enticher d'un chef d'œuvre.


Joe Gonzalez

mercredi 15 juin 2011

[Réveille-Matin] Sebadoh - Gimme indie rock !

Vous savez ce qu'est un héros indie, ce qu'est un indie-traitre, vous savez maintenant que l'indie rock est une langue morte parlée par beaucoup trop de musiciens et vous saurez bientôt jusqu'à quelles extrémités ce genre musical a pu être poussé, mais saviez-vous par qui son manifeste avait-il été écrit ? Ben, je vous le donne en mille, c'est Sebadoh qui l'a fait. En 91, le single "Gimme indie rock !" parait sur le label Homestead avant d'être ré-édité par Domino en Europe sur un EP un peu plus garni, "Rocking the forest".





En 91, ça faisait un bail que l'on en jouait de l'indie rock ("Started back in '83 / Started seeing things differently / And hardcore was doing it for me no More.") alors c'est avec pas mal de recul que Lou Barlow disserte sur les possibilités, les limites et les enjeux du genre musical qu'il a contribué à créer (en 83, il jouait dans Deep Wound avec J. Mascis, et ce groupe-là allait engendrer Dinosaur Jr.). La chanson (ou déflagration sonique, comme vous préférez) ne fait que suivre l'état d'esprit du créateur indie, venu du punk avant de ralentir le rythme parce que ça sonne mieux, puis de se complaire dans ses influences ("VU Stooges, undeniably cool / Took a lesson from that drone rock school / Getting loose with the pussy galore / Cracking jokes like Thurston Moore"). Et puis après tout, l'énergie juvénile, c'est de ça dont il est question alors pied au plancher, Gaffney et Barlow remettent les pendules à l'heure et le tempo s'emballe, avec cris et fracas :


"Oh, its sludge rock.
and its harsh.
Just Gimme Indie Rock!
It's gone big
C'mon Indie Rock.
Just Gimme Indie Rock."


Vous parler de Sebadoh ? Non, pas cette fois, mais ça viendra. Et en détails.


Joe Gonzalez

mardi 31 mai 2011

[Réveille-Matin] Slint - Good morning, Captain

J'ai longtemps cru qu'il y avait un consensus autour de Slint, et en particulier de cet album, "Spiderland", le second, le dernier, sorti en 1991, supposé être l'un des fondements de ce que l'on a quelques années plus tard appelé le "post rock" et qui serait selon toute vraisemblance et malgré ce que veulent bien laisser entendre certains illuminés fanatiques du second LP de Pink Floyd, né dans la région de Chicago, voire né des doigts de David Pajo (puisqu'on attribue souvent un autre des spermatozoïdes-papas du genre musical à Tortoise, l'autre groupe notoire du guitariste). Bref, j'ai longtemps cru que tout le monde était d'accord pour dire que cet album était un monument. Et ce, en dépit du post rock.





Pourtant, quand je reparle de l'interprétation intégrale de "Spiderland" en 2007 au Primavera Festival de Barcelone, ceux qui y étaient ont tendance à cracher sur mes souvenirs avec dédain "c'était chiant". Or, je ne comprends pas que l'on puisse être fanatique de cet album, du son rêche, sec des guitares, de leurs structures géométriques, de leurs explosions perçantes et du spoken word emo de Brian McMahan, et que l'on n'ait pas éprouvé la même chose en voyant les musiciens le jouer. Certes, je me souviens que le concert ouvrait la soirée, et que peut-être tout le monde n'était-il pas encore "dedans", mais pour quelqu'un comme moi qui n'avais pas entendu le disque plus de deux ou trois fois, sans l'appréhender vraiment, sans connaitre les chansons, l'expérience fut bluffante et je ne m'en suis pas remis. La saturation de la guitare explosive de Don, Aman, soit un son inhumain gratté par une personne (on entend les coups de médiator sur les cordes, on voit le geste), voilà qui a fait déclic. Mais il est encore plus explicite de vous faire écouter Good morning, Captain, la dernière chanson. Je dois être obsédé par l'être humain mais au milieu de cet amas rythmo-guitaristique, c'est le spoken word de McMahan qui me semble le plus important. On n'a pas idée, parler sur du rock et ne pas avoir l'air con, c'est super dur. John Cale l'a fait (The Gift) des années auparavant avec le même genre d'effet bâti lentement, mais c'est surtout au non-chant de Steve Albini que McMahan emprunte la sauvagerie post punk, sauf qu'à la pure haine revendicatrice d'Albini, McMahan préfère exploser en fin de course (une des marques de fabrique du post rock à venir), dans un hurlement emo au possible, et franchement beau, au risque de passer pour un tocard : "I miss you !".


Joe Gonzalez

mercredi 10 novembre 2010

[Réveille Matin] Nirvana - Drain You

On est en pleine pénurie de Réveille Matin ou bien ? Les rédacteurs de C'est Entendu sont devenus accros aux Nuits Blanches et j'en vois parmi vous qui regrettent l'époque où chaque matin, une chanson les aidait à se motiver alors je m'y colle avec une énorme dose de nostalgie et un gros paquet d'énergie puisqu'en ce moment je réécoute beaucoup... Nirvana.

Je ne sais pas, dites moi : c'est toujours branché d'écouter Nirvana ? Vous en avez toujours sur votre ipod ? Je n'ai jamais de ma vie été un de ces fanatiques qui s'envoient le premier album métallique ("Bleach") ou qui connaissent les faces B et se sont acheté le coffret définitif en 2004 ("With the lights out") et je vous avoue que je ne connais même pas tous les morceaux d'"In Utero" sur le bout des doigts. Certes, au milieu des années 90, tout adolescent que j'étais, je m'envoyais à dose homéopathique "Nevermind" et le "MTV Unplugged" que je connais par coeur, mais écouter "Nevermind" d'un bout à l'autre (ce que je viens tout juste de faire) ne m'était pas arrivé depuis une dizaine d'année, alors je ne sais pas très bien ce que les gens pensent de Nirvana aujourd'hui, plus de quinze ans après la mort de Kurt. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir m'éclairer à ce sujet.


(vous pouvez tout aussi bien zapper l'introduction ridicule, mais elle vaut son pesant de mollards)

En attendant les pas-trop-jeunes parmi vous se souviendront du passage de Nirvana dans l'émission culte de Canal +, Nulle Part Ailleurs, accompagnés de Pat Smear à la guitare (il avait officié chez The Germs et Adolescents, autant dire que le type était une sorte de légende du punk hardcore dans les années 80). C'est en ce qui me concerne l'une de leurs plus intéressantes prestations, pour une seule et unique raison c'est qu'elle rappelle à ceux qui l'auraient oublié que Cobain savait hurler, sans déconner. J'espère que cela suffira à vous réveiller.


Joe Gonzalez


P.S. : Je vous propose un sondage d'opinion, sur votre gauche, prenez-y part !

P.P.S. : Que pensez-vous du faible nombre de Réveille Matin actuel et du concept de Nuit Blanche ?

mardi 27 avril 2010

[Réveille Matin] Bruce Willis et Danny Aielo - Swinging on a Star

Bonjour à tous ! La question est là : qui peut dire non à Bruce Willis ? Certainement pas nous. S'il est un parrain à C'est Entendu qui ne soit pas principalement issu "de la musique" c'est bien cet homme, dont nous vous avions déjà indirectement parlé lors de la dernière semaine consacrée au cinoche. En 1991 le bel homme jouait l'un de ses meilleurs rôles, à savoir celui de Hudson Hawk, gentleman cambrioleur, dans le film du même nom. Cette comédie, qui n'a pas exactement fait date face à la concurrence de la série Die Hard et autres Pulp Fiction, est restée pour moi l'un des sommets de la carrière de Willis, qui y interprétait une caricature de son personnage de type entre deux âges, sympa, doué dans son domaine et toujours au mauvais endroit au mauvais moment. Embarqué dès sa sortie de prison dans un sale coup, il était sensé dérober un artefact afin que la mafia locale daigne lui lâcher les baskets, et c'est avec son copain Tommy (Danny Aielo en roues libres) que Hudson s'attaquait au musée visé.



Pas vraiment n'importe quel voleur, Hudson Hawk a une particularité étonnante : il peut donner la durée exacte de n'importe quel standard américain, cela lui permet de se chronométrer sans utiliser de montre lorsqu'un délai lui est imposé par le détournement d'un système de sécurité et c'est avec Swinging on a Star, popularisée par Bing Crosby en 1944 (dans un autre film, Going my Way) que les deux acolytes mesurent leur acte.

Je n'ai jamais été chapardeur, promis, je n'ai jamais rien volé d'autre qu'une poignée de bonbons (des schtroumfs, j'étais gosse, foutez-moi la paix) et un ou deux futals (des jeans, j'étais sous-payé, n'appelez pas les keufs), mais j'avoue que ce film m'a donné envie de combiner ma passion (la musique) avec une occupation lucrative (le vol à l'étalage). Bruce Willis est mon "role model" et c'est pas toujours facile à gérer.


Joe Gonzalez

lundi 15 mars 2010

[Réveille Matin] A Tribe Called Quest - Check the Rhyme

Bonjour à tous ! Cette semaine, nous consacrerons la majorité de nos lignes à des artistes issus de la rue, de force ou par chance, et à leurs itinéraires pas franchement gâtés. Et qu'on se le dise, ça n'est pas parce que j'ouvre le bal avec un bon vieux simple de hip hop old school que nous ne parlerons que de rap !

Cependant, il me semblait de bon ton que de vous parler d'A Tribe Called Quest, l'un des meilleurs groupes à avoir éclos sur la Côte Est des États Unis à la fin des années 80. Pas toujours aussi connus que Public Enemy, le Wu Tang Clan ou encore De La Soul, il ont pourtant sorti un paquet de LPs majeurs entre 1990 et 1994, dont mon favori, le second, "The Low End Theory" possédait la pochette la plus bath.

Dans le hip hop comme partout ailleurs, c'est souvent à la spécialité que ça se joue. ATCQ n'étaient pas aussi politiques que Public Enemy. Ils n'étaient pas un "clan" au sens où l'entendait le Wu Tang. Certes ils avaient très bon goût en matière de sampling (beaucoup de jazz, de basses et de cuivres), et savaient lancer des beats à la fois puissants et groovy, mais ce qui fait la différence selon moi, c'est avant tout la voix nasale de Q-Tip, MC bavard et beau gosse (dont le dernier album solo, "The Renaissance" est sorti en 2008 et est méchamment bien). J'aurais d'ailleurs pu choisir un morceau sur lequel sa participation est plus prononcée que sur Check The Rhyme (en écoute dans le lecteur sur votre gauche), mais cela aurait été manquer l'occasion de débuter la semaine avec ces mots de Phife Dawg : "Now here's a funky introduction of how nice I am." Les présentations sont faites, j'espère que vous vous entendrez bien avec ces trois-là.


Joe

jeudi 15 octobre 2009

[Réveille Matin] Pavement - Debris Slide

"We're Only in it for the Money". Ils l'ont pas dit comme ça, mais on voit bien que c'est pas par pure bonté de coeur que Pavement a décidé de se reformer pour une longue série de concerts à travers le monde qu'on imagine forcément sold out en 2010. C'est en tout cas ce que semble dire implicitement Bob Nastanovich (vous savez, le mec qui joue de plein d'instruments et qui gueule dans le fond) quand il sort des phrases en interview du genre "C'est une reformation unique", "On ne se voit jamais, je pense pas qu'il y aura de problèmes" ou "Ce n'est pas moi qui déciderai des morceaux qu'on jouera". Un peu comme si les 00's n'avaient jamais existé, revoilà nos ex-branleurs sur scène, par le bon vouloir de Malkmus qui avait du temps libre, et annonçant haut et fort que ça ne sera suivi d'aucun autre album (et c'est tant mieux).


En attendant ces grandes messes musicales qui vous rappelleront que le temps passe et que, foutre, ils ont plus de 40 ans, on peut se souvenir de l'année 1991, juste avant l'explosion du groupe, quand Pavement n'était qu'un petit groupe de post-ados qui sortaient des e.p. en dilettantes sur Drag City, qui était alors un minuscule label dont Pavement était la première signature, l'époque où Gary Young était leur turbulent batteur et que leurs concerts étaient un peu bordéliques, l'époque où l'on entendait encore pas mal qu'ils aimaient bien The Fall. L'époque où sortait leur 3ème e.p., l'excellent Perfect Sound Forever.


(Debris Slide)

Brut mais plus précis que sur leurs précédents essais, Pavement apparait dans les 7 morceaux de cette petite déflagration de 12 minutes comme un groupe à la fois en devenir et ayant déjà trouvé son style. Ces morceaux sont du pur Pavement, guitares cool mais molles qui font des solos, rythmiques qui groovent, Malkmus qui déblatère des textes flous, tout est là et pourtant tout est à venir. Et si le groupe ne peut s'empêcher de mettre deux petits interludes noise pas très convaincants pour rire, il sort aussi ses premiers classiques : Heckler Spray est un instrumental absolument génial, From Now On est parfaite et braillarde, Home a les meilleures guitares. Et puis il y a Debris Slide, le tube, avec ses guitares sur-mixées et sa batterie ultime qui mènent inexorablement vers un refrain dont les "pa, pa, padapa (debris slide!)" sont nés pour être entêtants. C'est bruyant, c'est bancal, c'est un peu n'importe quoi, mais c'est d'une efficacité redoutable. C'est Pavement quoi. Le meilleur groupe de rock des 90's. Venez vite en France les mecs. Je sais que vous jouerez pas ce morceau et que ce sera sûrement au foutu Zenith, mais je suis prêt à faire avec.


Emilien.