C'est entendu.
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jeudi 12 janvier 2012

[Vise un peu] Session de rattrapage 2011, deuxième partie

On continue notre découverte éclectique de 2011 à travers les genres, entre majors et petits labels, incontournables et inconnus ! Si vous avez raté le début de ce dossier, n'hésitez pas à revenir ici pour découvrir six autres disques d'horizons tout aussi divers. Sur ce :


The Necks – Mindset

Je n'ai découvert les Necks que tout récemment, grâce à cet album ; mais je peux déjà affirmer que c'est l'une des meilleures découvertes que j'ai faites dans le genre depuis longtemps. Ce groupe de jazz australien existe depuis 1989 et excelle dans l'art de maintenir l'équilibre entre grooves, ambiances et improvisations sur de longues pistes (vingt minutes, quarante minutes, volontiers une heure entière) au charme immédiat. Avec Rum Jungle et ses contrastes entre entrelacs de percussions métalliques, rythmes rapides et une certaine paisible mélancolie, et Daylights, qui reprend en partie ces éléments mais au second plan, jouant d'un clair-obscur de notes lumineuses et calmes au-dessus d'un bouillonnement d'énergie, "Mindset" est un de mes coups de cœur tardifs de l'année et m'a tout de suite donné envie de découvrir le groupe. (Puis-je vous conseiller particulièrement "Aquatic", moins facile à trouver mais encore meilleur que "Mindset" ?) À écouter tranquille, l'esprit ouvert, c'est souverain.


(Les 15 premières minutes de Rum Jungle)





Ron Anderson/Pak – Secret Curve

Après l'excellent "Iridule" de Yugen l'an dernier, c'est au tour de Ron Anderson de me convaincre que le rock inopposition peut être un genre fantastique. Et pourtant, c'est une musique qui paraît par nature difficile à avaler : frénétique, expérimentale, souvent dissonante… mais aussi jouissive et sans pareille quand elle est accrocheuse à ce point ! "Secret Curve" est un bel exemple de mélange expérimental de rock et de jazz survitaminé qui ne sacrifie pourtant pas les mélodies aux rythmes fous : si la piste en écoute ci-dessous vous convainc, sachez que le reste est tout aussi bon et intéressant, une chaîne de pétards aux formes toujours inattendues qui donnent mille choses à écouter en une piste.


(Let Me Tell You Something)





Subrosa – No Help for the Mighty Ones

Subrosa est un groupe de sludge (stoner, doom…) presque entièrement féminin, mais ça, vous pouvez toujours dire que vous vous en fichez. Par contre, si je vous dis que Subrosa est un groupe de sludge qui utilise des violons électriques, ça vous intéressera peut-être ? "No Help for the Mighty Ones" tire son épingle du jeu grâce à cette particularité sonore mais aussi grâce à la voix de la chanteuse (parfaite) et à une ambiance particulièrement désespérée, qui atteint son paroxysme lors de la reprise a capella de la chanson traditionnelle House Carpenter… Mais avant toute cette noirceur, il y a Borrowed Time, Borrowed Eyes, premier morceau inspiré par le roman post-apocalyptique The Road de Cormac McCarthy ; la meilleure piste que j'ai entendue dans le genre cette année.


(Borrowed Time, Borrowed Eyes)





Submerged – Before Fire I Was Against Other People

Je n'ai pas pour habitude d'écouter beaucoup de drum'n'bass ni de breakcore, tout simplement parce que ces genres se répètent souvent (et ont tendance à m'agacer avec leur abus de drum machines). Du moins, c'est souvent l'impression que j'ai… Mais "Before Fire I Was Against Other People" est une autre histoire : on retrouve certes ici la violence brute inhérente au genre, mais catalysée en de nouvelles formes, très bien construites. Kurt Gluck s'y entend pour faire monter la tension, et ses contrastes font que les rythmes effrénés rageurs ne fatiguent jamais mais sont toujours ressentis de plein fouet. Le disque est aussi agréablement varié, entre les mélodies arabisantes de Space Arabs, le hip-hop de Nowhere to Hide, les rythmes lents mais menaçants de Death Sentence, les guitares metal sur No One… Cerise sur le gâteau : Dead, qui clôt l'album de façon magistrale avec ses montées en puissance, explosions et mélodies annonçant — et délivrant — quelque chose d'épique. Si cette piste ne vous fait pas bouger, je ne sais pas ce qu'il vous faut.


(Alive)





Jacaszek – Glimmer

Si vous avez aimé les belles dégradations et les sublimations bruitistes des mélodies sur "Ravedeath, 1972" de Tim Hecker et que vous cherchez d'autres disques dans le même genre, voici un album à ne pas manquer. Nettement plus intimistes et mélancoliques, les compositions de ce musicien polonais (dont le nom se prononce à peu près "ya-tsa-schek") sont de belles pièces où les sons électroniques font partie intégrante des instrumentations — il y a certes des tensions et des frictions, mais quand bruit il y a, celui-ci peut se comparer à une couche de neige ou à un coup de vent sur un paysage, plutôt qu'à une lumière vive qui mord, érode et diffuse les sons chez Hecker. J'ai toujours une préférence pour Hecker, mais Jacaszek ne manquera pas de vous émouvoir et de vous tenir compagnie durant les longues nuits glaciales de février si vous êtes sensible à ce genre de musique (et si l'hiver se réveille un peu).


(Dare-Gale)





Pendra Gon — Lupsam Regnatra

Enfin, voici un petit EP d'un quart d'heure que personne ne considérera comme un disque majeur de 2011, et qui pourtant mérite l'attention. "Lupsam Regnatra", avec ses sons synthétiques rétro (l'artiste tire son inspiration de vieux jeux vidéo) et ses compositions un peu foutraques, semble cultiver un certain amateurisme — mais cette petite musique, dans ses heurts et ses dissonances d'abord amusants, puis intrigants et qui font au final tout l'intérêt du disque, prend une autre direction et se révèle à double, voire triple lecture. Le côté enjoué des mélodies aux allures chiptune se retrouve déformé, subverti par des dissonances et des incursions dans un quasi-dark ambient en arrière-plan et d'autres mélodies qui évoquent un voyage en lieux inconnus, raconté de manière résolument peu commune ! (La musique de Pendra Gon est éditée par Auris Apothecary, un label qui se spécialise dans les packagings imaginatifs et improbables ; vous pouvez acheter "Lupsam Regnatra" ici.)





Voilà, c'est tout… du moins pour le moment ! Il nous reste encore plusieurs grands albums à vous faire découvrir en attendant les nouveautés de 2012 ; mais d'ici là, j'espère que vous aurez trouvé musique à votre oreille, dans cette sélection ou dans les autres articles que nous continuerons à publier. Gageons que les découvertes ne s'arrêteront pas là. Bonnes écoutes !


— lamuya-zimina

mercredi 11 janvier 2012

[Vise un peu] Session de rattrapage 2011, première partie

Découvertes tardives et trop nombreuses, manque de temps, manque de mots face à un disque complexe à assimiler ou au contraire trop simple, ou encore appartenant à un genre que l'on connaît peu… autant de raisons qui nous laissent parfois avec un paquet d'albums "en retard" à traiter. Surtout en décembre et janvier, avec certains tops qui peuvent nous faire découvrir dix albums en même temps (pas vraiment dans les "tops collectifs", trop consensuels, mais dans certains tops personnels).

Parce qu'un ou deux paragraphes peuvent parfois suffire à faire une belle découverte, voici une petite sélection de bons disques sortis en 2011, découverts au hasard des listes et des recommandations : noise-rock, jazz, ambient, sludge, expérimental, quelques albums majeurs, quelques disques certes mineurs mais intéressants, il y a un peu de tout là-dedans. Y compris certains des meilleurs disques de l'année selon moi ! Mais jugez par vous-mêmes :



Gum Takes Tooth – Silent Cenotaph

Vous aimez le noise-rock, les surprises et les musiques hybrides ? Vous êtes bien parti pour aimer "Silent Cenotaph" ! Ce premier album particulièrement étonnant du duo londonien démarre d'une façon violente et hurlante (qui rappelle tout de suite Lightning Bolt) avant de bifurquer vers un étrange passage électronique, d'introduire des saxophones, de se rapprocher de Tobacco sur une troisième piste et de virer à l'ambient tribal de façon totalement inattendue sur une quatrième… Moins frénétique que Lightning Bolt, certes, mais tout à fait réjouissant et prometteur, "Silent Cenotaph" est un très bon album !






Tartar Lamb II – Polyimage of Known Exits

Tartar Lamb II est un side-project de membres de Kayo Dot, mais ce n'est pas ce qui m'a fait découvrir le groupe : à vrai dire, je n'ai jamais vraiment accroché à Kayo Dot. "Polyimage of Known Exits" est un disque hybride à tendances jazz et dark-ambient, qui n'est pas sans rappeler (comme l'a fait justement remarquer un auditeur) Bohren & Der Club of Gore en plus expérimental… Bohren faisait lentement apparaître des reflets cuivrés dans une nuit d'un noir d'encre ; Tartar Lamb II, lui, joue une musique plus crépusculaire, plus inattendue, avec des influences variées. Voyage de nuit à travers divers paysages éclairés d'une même lumière, "Polyimage of Known Exits" est un très bel album, riche et séduisant, à recommander vivement pour les écoutes nocturnes.






Altar of Plagues – Mammal

Il y a quelques mois, la découverte de cet album m'a sérieusement donné envie de me mettre au black-metal (et j'en ai effectivement écouté pendant des semaines). Aujourd'hui, je ne m'y connais toujours que trop peu en black-metal pour vous en parler correctement, mais je ne peux que vous dire du bien de ce deuxième album des Irlandais d'Altar of Plagues : une musique noire, violente, mais baignée dans une ambiance quelque part paisible et triste… qui, quelque part, m'a rappelé celle d'"Oceanic" d'Isis. Pour être honnête, malgré les classifications utilisées par la plupart des auditeurs, Altar of Plagues me paraît tout aussi — sinon plus — proche du sludge que du black-metal (où ils se retrouvent sans doute classés parce que leur son ressemble aussi à celui de Wolves in the Throne Room). Mais qu'importent les classifications, après tout ! "Mammal" est un excellent album, qui débute par deux pistes violentes et atmosphériques comme il se doit — qui ne préparent pas au choc de la troisième, When the Sun Drowns in the Ocean, où le metal s'efface entièrement pour laisser la place à un chant gaélique irlandais dans un environnement à la fois beau et incroyablement sinistre…


(Neptune Is Dead)





Rale – Some Kissed Charms That Would Not Protect Them

Le minimalisme possède une beauté particulière qui peut être étonnamment évocatrice. Sur cet album de Rale (William Hutson), ce sont de belles et puissantes vagues, d'un son pur, qui ouvrent le tableau ; d'abord une seule, suivie d'un long silence, puis un concert où chaque note semble s'épanouir à son rythme, dans toute son ampleur. Et puis, au fil du disque, des parasites se mettent à troubler cette danse : une vie apparaît, des insectes ou bactéries affluent, grouillent, crissent, ravinent ces ondes (aidés par le format du disque lui-même : les minimes bruits de surface, grains de poussière, qui peuvent se déposer à la surface du vinyle font partie intégrante de l'œuvre) et changent irrémédiablement le cours de la musique… On peut penser à la paradoxale beauté que peuvent avoir la pollution, la patine ou la rouille, ou repenser à l'aphorisme de René Char « Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience » (je n'ai jamais été entièrement d'accord avec… mais il y a tout de même quelque chose à en tirer). Toujours est-il que le seul défaut de ce disque est qu'il se finisse bien trop tôt. (Pour se procurer le disque et en découvrir d'autres du label Isounderscore, c'est ici !)






Steven Wilson – Grace for Drowning

Je sais bien que certains vont froncer les sourcils en voyant cet album mentionné dans une liste où vous vous attendiez sans doute à trouver des disques moins connus. Pourtant, je l'ai découvert exactement comme les autres albums de cette sélection, en toute naïveté — et surtout en parfaite ignorance du fait qu'il s'agissait d'un album solo du leader de Porcupine Tree. Ce qui n'est sans doute pas plus mal, vu que je n'ai jamais accroché à ce groupe ; alors que ce "Grace for Drowning" m'a enchanté dès la première écoute et n'a cessé de tourner dans ma platine depuis. Ce qui est paradoxal sur "Grace for Drowning", c'est que, peut-être plus encore que ses explosions rock et jazz (sur Sectarian), malgré ses structures pourtant loin des chansons pop habituelles et malgré le côté sombre voire glauque de certaines pistes (Index, Remainder the Black Dog), c'est avant tout la douceur du son, chaud, planant qui me séduit, et ses mélodies parfaites qui me font très facilement oublier le côté un peu grandiloquent de certains passages. "Grace for Drowning" divise au sein de la rédaction, et il faut sans doute aimer le prog-rock pour l'apprécier ; mais pour moi, c'est l'un des tous meilleurs albums de 2011.


(Sectarian)





A Winged Victory for the Sullen – A Winged Victory for the Sullen

Un bel album d'ambient, avec piano, violoncelle et autres instruments classiques, tout en blancheur et en douceur… parfois, c'est exactement ce dont on a besoin. Pas besoin d'en dire beaucoup plus : "A Winged Victory for the Sullen" est un album qui parle de lui-même, avec ses atmosphères à la fois extrêmement douces et en même temps élégiaques, parfaites pour les calmes journées d'hiver — mais aussi pour apaiser un spleen ou se remettre d'une grande tristesse. Il s'agit d'un projet d'Adam Wiltzie (membre de Stars of the Lid, ce qui s'entend tout de suite) et de Dustin o'Halloran.


(Steep Hills of Vicodin Tears)




Avez-vous trouvé votre bonheur quelque part sur ces six albums ? Que ce soit le cas ou non, n'hésitez pas à revenir bientôt : on continue cette série très vite avec six autres disques !


— lamuya-zimina

mardi 6 décembre 2011

[Fallait que ça sorte] La complainte du Roi Bourdon, Première Partie

Début des années 90. Boris n’est que le prénom du premier président de la Fédération de Russie. Et accessoirement le titre d’un morceau des Melvins. Sunn o))) n’est que le logo d’une célèbre marque d’amplificateur. Des secousses majeures proviennent de la région de Seattle, où une bande de groupes tous plus ou moins nés de la même scène sont signés par des majors. Retour d’un rock lourd et sombre, hérité du vieux métal anglais des années 70, passé au mix agressif et ironique du hardcore américain de la côte Ouest. Soundgarden, Alice in Chains, Screaming Trees... Puis Nirvana, mené par un petit blondinet. L’explosion grunge va mettre au pilori toute la musique des années 80 et faire rentrer l’alternative dans le grand public. Pour le meilleur et le pire. Bientôt plus personne n’aura peur ni des distorsions (au supermarché) ni des riffs plombés.

Pendant ce temps, chez Sub Pop, où est né le "son de Seattle", un drôle d’individu s’active. Dylan Carlson, meilleur ami de Kurt Cobain (c’est dit), décide de nommer son groupe Earth. Comme le premier nom de Black Sabbath, l’influence majeure de toute cette scène. Dans la droite lignée des autres, Carlson ? Non. Earth, la terre nourricière, une force gravitationnelle, qui tourne sur elle même à une vitesse phénoménale mais qui donne à ses minuscules habitants une impression de lenteur, voire d’immobilité. Carlson va prier pour le dieu du riff lourd et pesant, sans jamais accélérer la cadence. Et loin du hardcore que ses amis révèrent, Carlson préfère le minimalisme. Et si Terry Riley riffait, ça donnerait quoi ?
Lenteur et répétitions.


1991 : "Extra-Capsular Extraction" (EP)


Carlson prend de suite le parti du groupe le plus étrange de la scène de Seattle, celui qu’admire son pote Cobain plus que tout, les Melvins de Buzz Osbourne. Du riff gras et lourd, mais du riff lent. Et répété à l’infini. A Bureaucratic Desire For Revenge (Part1) creuse le sillon, à coup de masse, relativement rapide encore par rapport à ce qui va suivre. Des percussions qui martèlent le rythme, implacables, au dessous de ces frappes de guitare qui semblent enfoncer un clou, puis un autre, puis un autre, puis un autre… Une dynamique de la lourdeur. Si la structure des riffs change de façon régulière, rien ne prend jamais de vitesse. Seconde partie du même morceau, le son semble enflé, peut-être parce que la basse de Joe Preston vibre de plus en plus, à la façon d’un bourdon. Les percussions évoquent le travail d’un forgeron gigantesque, Héphaïstos au cœur de son volcan. D’ailleurs les riffs s’interrompent pour laisser la place aux seules vibrations migraineuses, alors que des invocations inquiétantes résonnent dans la grotte, entre litanie religieuse et rugissements de bête fantastique, ni plus ni moins que la voix de Kurt Cobain passé donner un coup de main à son pote. Puis le travail au corps reprend après cet intermède de fin du monde, l’explosion n’aura jamais lieu, mais de la guitare de Carlson semblent maintenant s’écouler des traînées de lave en fusion qui s’immobilisent lentement à l’air libre.



(A Bureaucratic Desire For Revenge (Part2))


Ouroboros is Broken commence de la même façon, en plus sinistre, les riffs sont encore plus collants et bouillants, les percussions plus sombres, à coups de gong. Et puis rien ne semble évoluer cette fois-ci. Ouroboros, le serpent mythologique qui se mord la queue, une certaine idée de l’infini. La guitare de Carlson tend de plus en plus vers le drone, ses riffs se délitent petit à petit, s’étalent dans le temps. De moins en moins de notes, de plus en plus de son dans chaque note, accompagné par celui des basses en arrière. Il ne subsiste bientôt plus qu’un seul riff simplissime qui ne cesse de revenir à la charge, accompagné pendant un moment par les percussions qui ne tarderont pas à se perdre dans la distance. Et que restera-t-il alors ? Un riff bourdonnant, seul avec lui-même, qui ne change plus, ne bouge plus, reproduit à l’infini le même mouvement sur son tapis de drones, s’empile sur lui-même, s’enroule sur lui-même sans jamais changer de forme, toujours identique mais jamais tout à fait le même, tel les vaguelettes qui caressent une plage sans marée. Cela pourrait durer indéfiniment, jusqu’à perdre la notion du temps, répétition du même jusqu’à épuisement. Avec ce morceau fascinant, Dylan Carlson marque la naissance du drone en tant que style dans le rock. Tout peut commencer, et ne pas finir, ne pas finir, ne pas finir, ne pas finir, ne pas finir…


(Ouroboros is Broken)


D.E.L.

lundi 18 juillet 2011

[Réveille-Matin] Melvins - Joan of Arc

Pour comprendre les Melvins, surtout si vous les découvrez aujourd'hui, plus de quinze ans après leur gros œuvre (les albums "Houdini" et "Stoner Witch"), il faut bien s'imprégner du mot sludge, le terme anglais signifiant boue, eaux usées, gadoue. Les Melvins, comme chaque représentant officiel du sludge-metal, n'aspiraient (le gros de leur carrière est désormais derrière eux) pas à la beauté, et l'élégance n'a jamais fait partie de leur vocabulaire. Leur Art (je parle de la musique qu'ils produisent, de leurs pochettes, leurs paroles et jusqu'à leurs looks) est tout entier imbriqué dans le mot sludge et si les Melvins sont si réputés dans leur domaine c'est implicitement par un décret public instituant leur gadoue comme reine du marécage insalubre dans lequel elle surnage.




En 1993, le rock'n roll (terme ici générique englobant rock, metal et autres variantes du punk préfixées en post et suffixées en core) vivait un nouvel âge d'or, avec l'apogée du grunge de Cobain et de la production mythique sèche et métallique (aujourd'hui on parle de "production Albini" même à propos de disques que ce dernier n'a pas mixés) et le sludge-metal découle de ce contexte où les Beatles n'étaient plus la référence première de tout un chacun. Je n'ai jamais pu vérifier si cette chanson parlait vraiment de Jeanne d'Arc pour la bonne raison que les paroles elles-mêmes sont une bouillie de mots sans queue ni tête, mais la façon qu'a Buzz Osborne de hurler la fin de ses "couplets" après avoir trainé un lourd boulet rythmique a le don de me fasciner et de me donner envie d’ululer à mon tour. Pas vous ?


Joe Gonzalez

samedi 20 novembre 2010

[Grasse Mat'] Melvins — The Talking Horse


Ah, les Melvins. Le groupe de sludge légendaire qu'on ne présente plus, qui réjouit autant qu'il déconcerte, entre les trilogies qui n'en sont soudain plus, les albums-blagues, les pochettes à l'envers avec des fleurs partout, un site officiel qui promet des mp3 rares et ne contient qu'un labyrinthe d'images pseudo-cryptiques à base d'animaux cartoonesques, et des albums par dizaines qui parviennent toujours à surprendre… et qui restent à la fois toujours un peu les mêmes.

Tous les albums des Melvins ne sont pas indispensables, loin de là et il n'y a que le grand classique "Stoner Witch" que je recommande sans aucune réserve, blindé de riffs accrocheurs (Queen, Revolve), d'atmosphères noires (Lividity) sans oublier l'indispensable étrangeté que le groupe aime à cultiver (Magic Pig Detective). Mais la trilogie "The Maggot" (sludge metal) / "The Bootlicker" (pistes bizarres et moins agressives) / "The Crybaby" (collaborations plus ou moins improbables) vaut le coup pour les fans, "Pigs of the Roman Empire" avec Lustmord est à écouter (surtout si vous êtes fans de dark ambient), l'album remix "Chicken Switch" est étonnamment bon — et l'album dont je vous présente la première piste aujourd'hui, "(A) Senile Animal", fait partie des meilleurs après "Stoner Witch"… Bon, et c'est vrai qu'"Houdini" est bon aussi… et… oh, allez, j'ai beau être critique, franchement, j'aime les Melvins. Même si je me demande parfois s'il est bien nécessaire d'avoir comme moi treize disques du groupe, et même s'il y a de nombreux autres très bons groupes de sludge (Boris, Baroness, Isis, Mastodon, Kylesa…), les Melvins restent irremplaçables à mes oreilles, et je ne boude pas mon plaisir lorsqu'il m'arrive (par périodes) de les écouter en boucle pendant des jours entiers.

King Buzzo (guitare, voix) a une coupe de cheveux époustouflante.
Il est toujours accompagné de Dale Crover, le batteur (à droite).
Ils ont déjà changé quatre ou cinq fois de bassiste.

"(A) Senile Animal" n'est pas révolutionnaire mais marque tout de même une agréable évolution pour les Melvins : il s'agit du premier album que le groupe réalise avec les membres du groupe Big Business, donc avec deux batteurs en tout. Le son reste en grande partie du Melvins classique, mais avec encore plus de pêche qu'auparavant, et The Talking Horse est à mon avis l'une des meilleures pistes du groupe !

Ajoutez à ça un clip complètement loufoque, potentiellement dérangeant mais qui fait malgré tout preuve d'une belle imagination, et vous obtenez un réveille-matin du tonnerre pour les uns… et un “WTF” pour les autres.

On vous aime, les Melvins. Ne changez pas. (Ou alors juste un petit peu.)


— lamuya-zimina