C'est entendu.
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mercredi 18 mai 2011

[Vise un peu] Sea Oleena - Sleeplessness

J'étais arrivé un peu en retard. Devant la machine à café, le sourire en coin, Joe m'accueille sans un mot, simplement en me tapotant l'épaule. J'aime pas trop ça, surtout sa façon de glisser légèrement sa main sur mon dos avant de la retirer ; mais il est tactile, le chef. « Je te paie un café ? » me dit-il ; puis, considérant les vingt-deux centimes au creux de sa main : « Alors... Dix, vingt, vingt-et-un... Ah voilà Lamu qui arrive, hey Lamu, t'as pas d'la monnaie ? ». Non, Lamu n'a pas de monnaie. « Bah, tu te rattraperas en nous pondant un bon p'tit article sur un de ces zicos oubliés dont tu as le secret ! »


Le silence qui suit une question de Joe Gonzalez
est encore du Joe Gonzalez


Oui, Joe parle parfois comme une petite annonce Rock&Folk. Mais Lamuya-zimina n'a pas d'article non plus. Légèrement décontenancé, et réalisant que Julien Masure était absent pour quelques jours, Joe sécréta une discrète larme de sueur au coin du front. « J'avais pensé tenter un papier sur le nouvel EP de Sea Oleena », lui dis-je.



S'interrompant en plein milieu d'une blague impliquant Dominique Strauss-Kahn et Sœur Sourire, ainsi que divers objets dont je n'ai pas saisi la nature, Thelonius me lança : « Ça y est, le gay refoulé va encore nous gonfler avec sa Norah Jones. Fallait nous le dire tout de suite, Joe, que tu voulais que C'est Entendu devienne une succursale de Têtu, j'aurais amené mes panoplies, on aurait fait un lip dub corsaire sur du Panda Bear ».

Les blagues du matin de Thelonius (à droite) ne sont pas du goût de tous les collègues...
Hugo et Arthur se réfugient dans leurs gobelets tandis que Nina affiche un rictus gêné
.

« Bon, mais tu as encore des choses à dire sur Sea Oleena ? » Inclinant la tête vers l'arrière, Joe m'invita à le suivre vers son bureau pour fuir le brouhaha ; d'aucuns auraient perçu dans ce geste une proposition indécente du genre vite-fait-bien-fait, mais je n'en suis plus aux tâtonnements échaudés des premiers jours. « Parce que ça va faire ton troisième... » « Quatrième. » « ...ton quatrième article sur elle en même pas un an, c'est beaucoup. Tu n'en parlerais pas plutôt dans le prochain numéro de Microcosme ? »



« Non Joe. Par ma barbe, cet album, j'en suis fou, pire que le chocolat Lanvin. Il n'est pas qu'un album sympa de plus dans cet horizon 2011 désespérément sympa. Là où son précédent EP tremblait pour maintenir le clou, celui-ci l'enfonce petit à petit, le martelant avec assurance au rythme des cymbales de Southbound. Ce morceau d'ouverture est l'un des plus beaux de l'année, et c'est sûrement parce que derrière, c'est six autres petits bijoux qui s'ensuivent. L'inquiétant Sleepless Fever, ritournelle pour dancefloors macabres, qui porte tellement bien son nom. Insomnia Plague, l'attente interminable avant et après le sommeil. Untitled, le tube indie folk dont j'ai toujours rêvé, avec un beau texte, une belle mélodie, immédiatement suivi par son jumeau maléfique Sister, dans une ambiance rappelant parfois le précédent EP. Milk est le RNB mou que CocoRosie aurait pu écrire si les moustachues se penchaient un peu plus sur leurs chansons et moins sur leur défi de réaliser les plus moches pochettes de tous les temps. Orion's Eyes est une conclusion attendue, convenue, mais surtout une invitation à recommencer le voyage. Bien sûr, le premier EP était déjà très bon mais il était badin, anodin. "Sleeplessness" ne joue pas dans la même catégorie. C'est un concept album qui rêve de rêver, mais qui est contraint de rester dans le réel. Je vais nous chercher des cafés. »


Le service compta de C'est Entendu euphorique
après les rumeurs de rachat de la boîte par Rock Sound.


Joe me regarda partir, circonspect. Puis, tournant les yeux vers son gobelet vide, encore plus circonspect, il conclut par ces mots : « Il faut VRAIMENT qu'on se trouve des stagiaires ».


Joseph Karloff

lundi 2 mai 2011

Microcosme #8 - Mai 2011

par Joseph Karloff et Arthur Graffard
art par Jarvis Glasses


En Mai, fais ce qu'il te plait. Va parler à cette nana si belle, assise au fond du bus en train de ne pas lire 20 Minutes, que tu as remarquée depuis onze mois. Réponds au sourire de ce jeune homme si beau, que tu croises tous les matins devant la boulangerie. Fous une taloche à ce clebs si con, qui aime tant à te foutre les boules derrière son portail - ouvert - le reste de l'année. Va tuer Ben Laden au Pakistan. Ah non, trop tard. Barack a désormais plein de temps libre pour découvrir notre sélection mensuelle. Fais comme lui, il est tellement cool.

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Microscope

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Big Deal nous a fait parvenir une chanson incroyablement juste, d’autant qu’elle se présente sous un format modeste qui avait à priori toutes les chances de tourner au ridicule. Big Deal nous a envoyé un duo accompagné à la guitare et nous le savons tous, la simplicité est souvent le plus dur chemin vers la réussite. N’importe qui ou presque peut prendre un instrument et poser sa voix sur quelques accords. Parvenir à en extraire un morceau de la trempe de Talk est beaucoup plus rare. Dans un esprit proche de ce que furent les Kills (Wait, sur "Keep On Your Mean Side"), Kacey Underwood et Alice Costelloe parviennent à créer une tension au cœur de morceaux calmes et lents. L’album sortira d’ici peu chez Mute Records (Wire, Swans, DM Stith, …) et il est très probable qu’on vous en reparle alors.



A.G.




Je ne vous montrerai pas le vidéoclip de ce nouveau single de Sea Oleena, ce serait lui faire du tort. Il ne plaira qu'à ses détracteurs (ou ses amoureux les plus transis, catégorie dans laquelle je ne m'inclus pas), ravis de la voir à nouveau se mettre en scène façon pub pour Levi's, en mode so indie.

En revanche, je peux vous assurer que vous allez à nouveau bouffer du Sea Oleena dans les semaines à venir. La jeune canadienne vient de sortir un nouvel EP, "Sleeplessness", dont je vous parlerai bientôt, et qui s'ouvre sur la magnifique Southbound.


En plus d'être extrêmement soignée et touchante, cette chanson marque une évolution bienvenue dans la musique de Sea Oleena. La réverbe est certes toujours omniprésente, mais les collages sonores se font plus discrets, laissant plus de place au songwriting pour s'exprimer. Et comme il s'exprime bien, le bougre ! Autour des trois mêmes accords de piano, Charlotte Loseth développe une ligne vocale qui parvient à se renouveler constamment, à la manière de ce à quoi nous ont habitués les gugusses d'Animal Collective. Ajoutez à ça l'arrivée d'une batterie aussi saisissante qu'inattendue et vous êtes déjà dans un état second avant même l'article sur l'album complet. Patience, patience mes frères.

J.K.


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Microdisques

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Avec son nom parfaitement crétin et sa propension à vouloir placer le maximum d’idées dans chaque chanson, Cornflakes Heroes prenait le risque de décourager l’auditeur dès la première écoute. Ce n’est pas le cas. Car le groupe semble maitriser suffisamment ses aspirations à la liberté que ce soit dans le format des chansons ou dans leurs arrangements, et parvient à atteindre un équilibre entre ambition et concision. Les morceaux partent dans tous les sens avec peut-être deux lignes directrices : la prédominance des mélodies et l’aspect estival de l’ensemble. La profusion de pistes explorées pourrai devenir légèrement étouffante sur la longueur mais l'album parvient à séduire instantanément et recèle énormément de morceaux à la cool (Rappel : cool=Pavement). Écoutez pour vous en convaincre des morceaux comme Ecstatic Peace, Road Sign ou encore le morceau d’ouverture Itchy Cheeks, peut-être le plus réussi de tous. Une très bonne galette au final que ce "Hum" qui évoque à la fois un certain rock indé 90’s et Clap Your Hands Say Yeah, de par la similarité de la voix du chanteur avec celle d'Alec Ounsworth autant que par l’impression d’audace légère qui se dégage de leur musique.


(Itchy Cheeks)



A.G.



Cousine par alliance du Konki Duet, Camille Chambon aka Karaocake est l'orfèvre principale de ce "Rows and Stitches" publié l'an passé, et qui vient de s'offrir une édition vinyle. Elle partage avec le trio susnommé un goût prononcé pour les petits gimmicks musicaux, mais se démarque par son interprétation toute en gravité nonchalante. Son single It Doesn't Take A Whole Week en est l'exemple parfait : pendant qu'un synthé-flute se déchaine en mode arpeggiator façon générique de Pingu sous acide, tout le reste incite l'auditeur à un recueillement funéraire totalement darkwave. C'est à la fois le charme et la faiblesse de cet album : on y perd un peu pied après les cinq premiers morceaux, et avant que les deux derniers ne nous repêchent (mention spéciale à la chanson finale, Not Trying Hard Enough, vraiment LA chanson finale par excellence, celle qui donne envie de réécouter l'album), on s'est un peu lassé de tout ce clair-obscur. Reste un bon album, qui aurait gagné à être plus court.




J.K.

mardi 7 décembre 2010

[Réveille-Matin] Sea Oleena - Winter Wonder Land

C'est l'hiver. On se gèle les nougats, tous les jours c'est la fin du monde pour les uns (les cons) et la perspective de joies simples pour les autres (mes chouchous), tandis que les voitures roulent au pas en arborant fièrement la coupe de cheveux de Lionel Jospin.

On s'en fout nous, on est à l'intérieur. Installons-nous donc au coin du feu. Tout près, si près qu'on se brûle presque le visage. Laissons l'odeur du bois nous pénétrer, remonter jusqu'au cerveau.

Près de la cheminée, il y a un piano. Une jeune fille s'y installe, et comme dans les films, se met à jouer, fredonnant un air de Noël qui arrête le temps. Sauf que ce Noël-là a quelque chose de néo-psychédélique. Le chant de Noël en question étant une reprise des fous furieux d'Animal Collective.


Et là où l'original est complètement hystérique et insensé, cette version est une grasse matinée de mélancolie sereine, celles où l'on reste au lit en regardant le plafond avec un petit sourire aux lèvres. Elle permet aussi de s'arrêter sur un texte incompréhensible dans la bouche d'Avey Tare, et d'en révéler la beauté pure et naïve. Je vous laisse, le chocolat chaud de ma mamie va refroidir.


Joseph Karloff

P.S. : trois articles mentionnant Sea Oleena en 3 mois, appelez-ça de l'obsession)

mardi 21 septembre 2010

[Vise un peu] Sea Oleena - Sea Oleena EP

Je ne voudrais pas avoir l'air du petit merdeux qui a tout découvert avant tout le monde, celui qui s'imagine que chacun de ses pas peut à tout moment retourner la terre pour révéler à la face du Monde stupéfaite l'or pur qui dormait sous ses pieds. Pour tout vous dire, je ne connais pas grand chose à la musique d'avant 1990, et je n'ai découvert "Friends of Mine" des Zombies que le mois dernier. Mais quand même, il y a des moments particuliers où l'on découvre quelque chose d'inconnu par hasard, et où l'on sait pertinemment que cela ne restera pas enfoui longtemps.

Comme des milliers de gens à travers le monde, la jeune et angélique Charlotte Loseth a une belle voix cristalline et aime à occuper son temps libre en chantant des chansons, s'accompagnant à la guitare ou au piano. Un jour, elle ouvre un compte sur YouTube, et à l'aide de sa webcam, elle se filme en train de jouer quelques reprises, notamment d'Animal Collective, à sa façon (angélique et cristalline donc). S'ensuit un petit succès, probablement autant dû à la qualité de ses interprétations qu'a l'image virginale qu'elle renvoie à travers ses vidéos : un physique frêle sous une lumière abondante, la piètre qualité du son ne faisant qu'accentuer l'atmosphère quasi mystique de l'ensemble.


(Island cottage)

Mais Charlotte a d'autres envies que de jouer les juke-box messianiques, et sur son compte BandCamp fraîchement ouvert, elle publie son premier EP "Smudges" en avril 2010, dans l'indifférence générale. Logique : elle n'en fait aucune promotion et ne donne pas de concerts. Aussi, quand elle en sort une version retravaillée en juin 2010, en le baptisant cette fois-ci de son nom de scène, "Sea Oleena," c'est le même accueil qui lui est réservé. Dans un premier temps.

La pochette originale de l'EP, lorsqu'il s'appelait "Smudges."

Car Internet peut être magique, parfois. Je ne parle pas seulement des innombrables sites pornographiques qu'on y trouve, mais aussi et surtout des formidables possibilités qu'il offre en matière de communication entre les êtres. C'est un cliché de dire ça, mais sur Internet, tout peut aller très vite, et tout ce qui y est publié est potentiellement visible. On regarde une vidéo qui nous plait, on clique sur un lien, on écoute un album, on est enthousiasmé, on se rend sur son forum musical préféré, on partage cette découverte, d'autres internautes vont écouter l'album, et de fil en aiguille, un blog musical parle de l'album, puis deux, puis dix, puis un blog affilié à Pitchfork, puis Pitchfork lui-même. On en est là pour l'instant ; et j'ose croire que ça ne s'arrêtera pas là pour Sea Oleena. Non seulement cette jeune fille a tout pour plaire, mais en plus, il faut bien le dire, cet EP est bel et bien l'un des tous meilleurs disques de l'année.

<a href="http://seaoleena.bandcamp.com/track/cold-white-sheets-empty-bed">Cold White Sheets/Empty Bed by Sea Oleena</a>


Partant du canevas "Smudges," Charlotte Loseth a pu, pour ce "Sea Oleena," compter sur l'aide de son frère Luke (aka Felix Green) pour donner plus de profondeur à ses compositions et y ajouter une touche de psychédélisme. Il en résulte vingt-cinq minutes de musique, avec pour fil conducteur cette voix baignant subtilement dans une atmosphère éthérée. L'ouverture Swimming Story donne le ton du disque, comme un condensé de ce qui sera traité individuellement par la suite. Pour le reste, on navigue d'une folk sur fond de collages pop (Cold White Sheets/Empty Bed) à une chanson tout droit sortie d'une bande son imaginaire de la troisième saison de Twin Peaks (Island cottage), en passant par un mantra juvénile de sept minutes en deux accords (Little Army). L'ensemble est d'une maturité incroyable, tant dans le songwriting que dans la production qui mêle très habilement découpages sonores et prises de son lo-fi.

L'album n'est pour l'instant disponible qu'en téléchargement sur son BandCamp, sur le modèle "pay-what-you-want" de "In Rainbows," mais on peut compter sur une prochaine sortie en CD, comme sur de futurs concerts (au moins dans son Canada natal pour le moment). De mon côté, je rêve secrètement d'un LP acoustique moins produit, façon "Songs of Leonard Cohen," "The Pirate's Gospel" ou "Pink Moon," une direction que son dernier morceau en date pourrait laisser supposer...


Joseph Karloff