Il faut parfois du temps et les Konki ont pris le leur pour muer vers ce qu'elles semblent vouloir être : des popstars. Certes elles n'ont pas encore parachevé leur œuvre et il faudra remuer les hanches quelques temps encore avant que la translucide enveloppe ne glisse entièrement à leurs pieds... Mais elles s'y emploient. A temps plein.
Un coup d’œil sur la chaine Histoire et on est en 2004, lorsque The Konki Duet publie son premier album, "Il fait tout gris". Zoé gratte, Kumi pianote et puis Tamara vient ajouter son violon à l'histoire et le duet devient obsolète. A cette époque, on peut déjà deviner leur attrait pour la pop synthétique canonisée au début des années 80, à travers notamment la reprise de Fade to grey (de Visage) mais en dehors de quelques fulgurances pop comme Inflammable (sur "Mountain Mouton", en 2006), c'est dans un registre plus mignon, plus mou-du-genou qu'officiaient les filles. Et c'est pour ça qu'on les aimait, d'ailleurs ! Mais tout a une fin et le milieu des années 00's aussi. Qu'à cette époque on ait aimé voir bourgeonner l'indie pop kawaï inoffensive, rien de plus naturel, mais la donne a changé, faut s'y faire, et les Konki l'ont compris, ou alors elles voulaient dès le départ sortir de leur chrysalide et exposer leur féminité (c'est à dire un mélange habile de personnalité et de gambettes). Après l'EP "Ensemble", transitoire mais bougrement réussi, qui les plaçait sur une nouvelle trajectoire, que l'on devinait plus violente, directe et franche, il ne leur restait qu'à franchir le pas et enregistrer un album de tubes.
(Heartful)
Mission accomplie ! Aux deux tiers, en tout cas. Une chose est certaine, la timidité polie est de l'histoire ancienne. Le son de "Let's bonappétons" (qui est parmi les meilleurs noms que l'on peut donner à un disque, j'en conviens) est rentre-dedans, dès l'introduction pêchue de Heartful, et Stéphane Laporte (alias Domotic, alias le tiers de Karaocake) que les Konki ont invité à produire le disque, a choisi de placer en avant les arrangements de synthés et de basses, auprès des voix, pour le résultat radio-friendly désiré. Comme toujours, une reprise est de mise : après Visage et Queens of the Stone Age (No one knows neurasthénisée sur "Mountain Mouton"), et pour mieux asseoir leur volonté de foncer tout droit dans le tas de la pop indépendante des années 80, les Konki ont choisi de sortir du placard la poussiéreuse Savoir-Faire, de Family Fodder, un classique oublié (mais pas de tous) qui convient on ne peut mieux à leur nouvelle peau, même si leur version, follement prenante en live, n'a pas grand intérêt sur disque pour qui connait l'originale par cœur.
(Le clip de Planète Sauvage)
Mais comme vous l'aurez compris, la métamorphose ne passe pas seulement par une allégeance aux eighties, un son gonflé à bloc, des synthés et un titre rigolo. Dans popstar, il y a star et dans star il y a beaucoup de personnalité, et le meilleur moyen de se faire voir, c'est de s'exposer, alors, opération gambettes ! De la série de photos promotionnelles qui ont précédé la musique (depuis bientôt un an, avec notamment un shooting étonnamment sexy chez Modzik) à la pochette (la première où l'on voit vraiment les trois musiciennes) en passant par le clip du premier single, Planète Sauvage, qui est une profession de foi à lui tout seul. Voyez plutôt, comme sur la pochette (où cuisses sont dévoilées et seins devinés), ce ne sont pas trois timides musiciennes que l'on y voit, mais bien trois gonzesses courtement vêtues, frottant leurs corps à la carrosserie d'un bolide et prenant un plaisir véritable (et communicatif) à ENFIN être davantage que les musiciennes underground kawaï qu'elles étaient jusqu'ici. Elles y croient et pour cette raison, j'y crois aussi, et je tiens à vanter cette attitude, cette envie, cette faim qui fait défaut à beaucoup trop d'artistes en France. Et j'en profite pour applaudir (sans jeu de mot) une fois de plus Clapping Music, un label qui donne de plus en plus de potentiel aux talents d'en France, sans réel prosélytisme (*). Grâce à de telles structures, lorsqu'une fille comme Zoé Wolf se sent pousser des ailes, les plumes sont fournies et l'objectif n'est plus inatteignable. Si je mentionne Zoé, c'est parce que j'ai l'impression (je peux me tromper) que l'ambition et l'enthousiasme sont avant tout issus de son cœur et de sa caboche : on peut lire le bonheur dans ses yeux à chaque plan de la vidéo et à chaque fois que le groupe donne un concert. Si l'on pouvait (à tort, il n'y a qu'à regarder ses cuisses ou ses regards de femme fatale dans le clip) douter d'une contagion du côté de Tamara, en général plus taciturne que les autres, il ne semblait faire aucun doute que Kumi sauterait à pieds joints sur cette occasion de mise en valeur. Elle qui en 2009 a sorti la première un album solo (réussi), le très accrocheur "My love for you is a cheap pop song", semblait devoir être au diapason du virage synthpop et de la mise en avant subséquente mais nenni ! C'est étrangement elle que l'on sent le moins à l'aise avec cette dynamique. Même si elle griffe le capot de l'automobile en tendant le fessier dans la vidéo, on la sent moins énergique, moins impliquée et toujours trop timide lors des concerts, et même sur le disque, comme sur la pourtant très inspirée L'esprit de la ruche, où sa voix semble limitée, parfois flaibarde, alors qu'on la sait capable de plus de peps (son album solo l'a prouvé).
C'est l'une des raisons pour lesquelles il reste une marge de progression non négligeable aux Konki. Et j'y crois ! Si leurs très malines popsongs font souvent mouche (par le biais de mélodies franchement rafraichissantes), il arrive qu'elles soient parasitées par des relents d'un passé pas encore tout à fait digéré et l'on a alors droit à quelques baisses de régime préjudiciables aux milieux de bonnes idées (Bungalow, ses cuivres et sa mélodie délicieux). Le plus important, en dehors du fait que ce premier album (c'est un nouveau trio qui est l’œuvre ici, oubliez les anciennes Konki Duet) est rempli de bonnes chansons, porteuses d'espoir pour la suite, c'est qu'il est aussi synonyme d'une ambition revigorante : celle de ne pas se contenter des restes de l'indé-monde anglophone et d'exister en tant qu'indé-stars à part entière, en France, avec label, clip, et tout le tintouin, quitte à devoir remuer les fesses un brin pour forcer la porte.
C'est l'une des raisons pour lesquelles il reste une marge de progression non négligeable aux Konki. Et j'y crois ! Si leurs très malines popsongs font souvent mouche (par le biais de mélodies franchement rafraichissantes), il arrive qu'elles soient parasitées par des relents d'un passé pas encore tout à fait digéré et l'on a alors droit à quelques baisses de régime préjudiciables aux milieux de bonnes idées (Bungalow, ses cuivres et sa mélodie délicieux). Le plus important, en dehors du fait que ce premier album (c'est un nouveau trio qui est l’œuvre ici, oubliez les anciennes Konki Duet) est rempli de bonnes chansons, porteuses d'espoir pour la suite, c'est qu'il est aussi synonyme d'une ambition revigorante : celle de ne pas se contenter des restes de l'indé-monde anglophone et d'exister en tant qu'indé-stars à part entière, en France, avec label, clip, et tout le tintouin, quitte à devoir remuer les fesses un brin pour forcer la porte.
Joe Gonzalez
(*) : Il est vrai que les micro-labels valorisant (à court terme, forcément) les scènes locales, c'est mignon, mais il n'en sort que rarement grand bien et, alors, ça ne va pas bien loin.
Dans le genre on parle d'autre chose que la musique parce qu'on a rien à dire dessus, on fait difficilement mieux !
RépondreSupprimerErratum : J'ai mentionné le label Clapping Music et oublié de préciser que l'album avait été co-produit par Tsunami-Addiction, qui a fait un gros boulot et est grandement responsable de la sortie du disque. Plus d'infos :
RépondreSupprimerhttp://www.tsunami-addiction.com/