C'est entendu.

dimanche 7 février 2010

[Alors quoi ?] Un Bilan Théorique post 31 Décembre 2009




I - La Nausée

J'aime par-dessus tout ce genre d'exercice, je dois l'avouer. Les tops de fin d'année, c'est chouette, et intéressant par-dessus le marché, mais après deux, trois, dix, trente liste d'albums, chansons, vidéos, l'effet s'estompe et on commence à développer le "mal de l'année." En tout cas c'est mon cas. Aux alentours du 25 Décembre, Internet n'était plus qu'un Grand Portail sur Tops de Fin D'année, et j'en ai eu ma claque. Il m'a fallu presque deux semaines pour me remettre de la Nausée profonde qui m'envahissait à l'idée-même d'un mp3, d'un disque, d'une pochette d'album, et qui plus est s'il s'agissait d'un truc sorti en 2009. C'est quelque chose que je ressens chaque année, à la même période, et pour les mêmes raisons : cette abondance de tops, certes, mais aussi et surtout un ras-le-bol général vis à vis du concept de "l'année presque écoulée, épuisée jusqu'au dernier recoin de chanson." Je me demande si vous ressentez, vous aussi, ce sentiment très fort de rejet.

Pour cela, encore faut-il que, comme moi, vous considériez les années civiles comme des bornes kilométriques jalonnant le cours de la Grande Histoire de la Musique, et que vous envisagiez une année comme un tout, idée stupide au possible j'en conviens, mais communément reconnue comme populairement PRATIQUE, tant il est vrai que sans cela, pas de tops annuels et sans tops récurrents OU EST LE FUN ? Les grognons peuvent toujours lancer des arguments du genre "Alors pour toi, un disque sorti le 15 Décembre d'une année ne peut être comparé à un autre sorti le 12 Janvier de l'année suivante?" mais ça n'empêchera pas que leur système, s'il est plus logique, est aussi beaucoup moins marrant, et tant pis pour eux.
Il faut aussi, pour ressentir un tel sentiment, que comme moi vous soyez obsessionnels compulsifs, complètement obnubilés à l'idée d'écouter toujours plus de nouveaux disques, de choses nouvelles, et que vous ayez donc écouté trois cent cinquante albums ou davantage (qui compte?) sortis en 2009, pour évidemment n'en retenir qu'une petite part.
Si vous vous retrouvez là-dedans, alors peut-être ressentez-vous la même nausée de fin d'année, et si tel est le cas, faites m'en part dans les commentaires, ne me laissez pas me sentir aussi seul.





II - En 2009, il s'est passé quoi finalement ?

Des disques sont sortis, de bons et de mauvais moments ont été passés lorsque nous les avons écoutés, et tout ça c'est très bien, mais que peut-on retenir comme gros titres? Quels évènements et quels courants seront perpétuellement associés à la page Wiki consacrée à 2009? Voici ce que j'en retiens.

Les années 80 sont revenues et Shoegaze, Shitgaze et Chillwave se sont partagé le grand gâteau du lo-fi. Après quinze ans de status quo, Oasis a finalement perdu la bagarre britpop commencée au début des années 90, au profit de Blur qui s'est reformé avec succès pour amasser un gros paquet de livres sterling et qui a laissé dans son sillage un certain nombre d'adeptes plutôt malins (Esser, Golden Silvers), MJ a paumé sa couronne de King par KO et malgré mes lubies, personne ne l'a ramassée. Animal Collective a une fois de plus été sacré meilleur groupe indépendant du Monde de la Terre pendant qu'un nouveau chef d'œuvre de Jim O'Rourke passait plus ou moins inaperçu. Warp a fêté ses 20 ans avec plus ou moins de succès, La Roux et Little Boots ont relancé la machine Europop et Muse s'est enfoncé sous des draps toujours plus peinturlurés. Alain Bashung s'est éteint trop tôt, alors que Sliimy envahissait les plateaux télé. Julian Casablancas est revenu avec des synthétiseurs, et C'est Entendu est né. Le reste, ce qui a compté pour moi, et pour mes collègues, vous le savez, c'est ici et qu'il faut le chercher.

Et vous quel est l'évènement, le disque, l'artiste, ou le "truc" qui vous a le plus marqué en 2009 ?





III - De l'envie de tuer relative au crépi tapissant les boîtes crâniennes de tout un tas de plagiaires en strings et mini shorts :

Mon intention n'est nullement de tirer sur l'ambulance, loin s'en faut. Vous dire tout le mal que je pense de, disons, 95% de ce qui est passé en radio (ce qui "marche") n'aurait pas grand intérêt. D'abord parce que la plupart d'entre vous partagera mon opinion et à quoi bon nous caresser les roupettes dans le sens du poil en souriant, mais aussi parce que c'est trop facile. Ce que je veux démontrer ici c'est qu'il y a pire que d'enregistrer et de promouvoir des disques vides de sens et d'intérêt, il y a des gens pires que Coeur de Pirate, et son single au refrain horriblement bête (Comme des enfants) ou Empire of the Sun et leurs artworks redéfinissant le concept même du tout-à-l'égout. Il y a les plagiaires éhontés se vautrant dans la fange vomitoire de leur succès (ou espoir de succès) et traînant les Grands à qui ils ont fauché leurs larfeuilles dans la gadoue d'un non-sens sans équivoque. J'en ai deux en tête, et je m'en vais vous brosser leurs portraits :

Il en est des punkettes sans cervelles et court-vêtues qui cherchent à squatter les college charts américaines, et celle qui passe le plus sur les ondes chez nous est sans doute Katie Perry, mais la plus détestable à mon goût est tout de même Amanda Blank.

Cette fille tout droit sortie d'une photographie de Merlin Bronques n'a rien pour elle, et pourtant elle a sans doute plus tourné en 2009 que Frànçois, Ros et Morning Star réunis. Le problème n'est pas tant qu'elle s'habille comme une trainée, qu'elle aime que ses partenaires scéniques simulent l'acte sexuel avec elle, ou que son faible QI ne soit même pas compensé par une gueule d'amour. Ce qui lui fait défaut avant tout, c'est le talent. Alors pour passer outre ce léger accroc à son méticuleux plan pour devenir une punkette crado de plus, elle cite les Grands Noms qu'il faut (Richard Hell à qui elle pique son blason pour en faire un blase), porte des t-shirts "Sex Pistols" et plagie Romeo Void comme pas possible.

En guise de single, Amanda pompe le Never say Never du groupe new wave texan (on parle du début des années 80, donc) dont la chanteuse préfigurait (et enterrait) Beth Ditto à grands coups de popotin, et ça donne Might Like you Better, affreux pastiche fluo de M.I.A., ultra vulgos, et pour lequel Amanda reprend le refrain de Romeo Void "I might like you better if we slept together," qui était à l'origine d'une ironie teintée de malveillance, et qui ne semble plus être ici qu'une invitation au sexe, pure et simple, lancée par ce boudin sans cervelle qui aurait mieux fait de rester la groupie qu'elle était.

Malheureusement, elle n'est pas la seule dans son genre à me donner des boutons, et celle qui porte la couronne au Royaume du Punk Rock Américain Dégénéré, c'est P!nk.

L'affaire P!nk contre Osterberg se soldera-t-elle par un non-lieu ?
Cette sale petite pute vénale veut voler mon âme, tu vois ? Elle croit faire partie de l'espèce humaine, mais je crois qu'elle a tort. Et si elle n'a pas tort, alors considère moi comme le fléau de l'humanité, mec !

Trop masculine pour réellement pouvoir concourir face à des filles comme Katie Perry, Gwen Stefani ou Christina Aguilera, le crédo de P!nk (dont le nom sonnait mieux quand elle avait encore les cheveux roses) c'est de ruer dans les brancards, braillant à qui veut l'entendre que c'est l'heure de "commencer à faire la fête." Malheureusement, une voix rauque ne suffit pas à réussir et avec ce genre d'éternelles gamines de seize ans, prônant la débandade et l'amusement mais "jouant" la musique la plus aseptisée et commerciale possible, on aurait presque envie de retourner le principe établi par les premiers freaks (du Velvet Underground à Richard Hell), par lesquels on vivait la déchéance, à bonne distance. Dans le cas présent, il nous faudrait nous vautrer nous-même dans la fange pour le bon plaisir d'une P!nk faussement dévergondée, qui ne nous demande que ça, puisqu'elle ne peut s'en charger elle-même. Lou se droguait pour la cause, et P!nk nous donnerait presque envie de nous droguer pour elle.

Mais le bat blesse lorsque, non contente de nous infliger sa fausse bonne humeur et ses ballades mielleuses, P!nk défroque les Stooges et OSE intituler son dernier album "Funhouse," certainement (je l'espère malgré tout) en guise d'hommage au deuxième LP des Stooges, chef d'œuvre de violence mêlant punk rock et free jazz en une orgie explosive. Tout comme Amanda Blank n'ouvre le Grand Livre Pop que pour en regarder les images, P!nk ne parvient pas à dépasser le titre accrocheur d'un chapitre dont le contenu historico-musical n'a pas l'air de l'intéresser une seule seconde. Cela fait d'elle une triste personne.





IV - Un Moodswing comme celui-là ne peut pas être dû qu'à Obama :

J'ai une théorie bien fumeuse concernant la décennie tout juste écoulée, et j'aimerais bien avoir vos réactions là-dessus : il me semble qu'en l'espace de quelques années, l'humeur générale a changé du tout au tout. Je m'explique...

IV - 1) La Grande Dépression

Entre la seconde moitié des années 90 et, disons 2004 pour situer, j'ai l'impression qu'il régnait sur la musique indépendante et ses artistes une pesante mélancolie, un sacré spleen, voire même chez certains une bonne vieille dépression suicidaire. Souvenez-vous. En 1997, Radiohead (qui n'est pas vraiment un groupe indé, mais qui en a le statut malgré tout) dominait tous les propos avec "Ok Computer," un album que l'on ne se vanterait pas de pouvoir passer lors d'une Bar Mitzvah, et qui fut suivi par le rockumentaire "Meeting People is Easy" à savoir le plus déprimant des regards sur un groupe de rock (alors) jamais filmé. La même année, Damon Albarn se faisait plaquer et commençait à bouder, avec le clip de Beetlebum. En 1998, Cat Power sortait "Moon Pix," qui devait être l'un des premiers disques fondateurs de la folk en accords mineurs, genre majeur qui allait s'insinuer de façon prolongée et étendue au sein des années 00, pendant que Eels se mettait carrément au Prozac et au traitement par électrochocs ("Electro-Shock Blues"). Cette même-année, Gospeed You! Black Emperor inventait le Post Rock moderne (par opposition à celui touché du doigt par Talk Talk ou Bark Psychosis, quelques années plus tôt) entrevu l'année précédente par (les bien moins bons) Mogwai, en enregistrant "F#A#oo" et ouvrait la porte à quelques années d'occupation intensive des charts indés par de nombreux suiveurs (presque) tous plus rasoirs les uns que les autres. En 1998, toujours, Anton Newcombe, du Brian Jonestown Massacre, sombrait définitivement dans son addiction à l'héroïne, et c'est son acolyte Matt Hollywood qui devait s'occuper d'enregistrer le successeur de "Give it Back" pendant que Jeff Mangum sabordait Neutral Milk Hotel après la sortie de "In The Aeroplane Over The Sea," un disque de folk lo fi parmi les plus adulés par la critique indépendante (et le public) et parlant de Seconde Guerre Mondiale, de Camps, sur un ton émotionnel au possible. En 1999, pendant que Will Oldham voyait une ombre et le faisait savoir, Jason Molina et Trent Reznor continuaient leur psychanalyse, Low gagnait en notoriété avec "Secret Name" et The Black Heart Procession avec "2."



Tout aurait pu s'arrêter là, mais évidemment ces trois années pesèrent lourd en terme d'influence sur le début de la décennie suivante, et dans les années qui suivirent, le propos de la musique indépendante se vit embourbé dans une déprime passive assez fatigante (avec le recul). Il y avait alors la "folk tristoune" comme j'aime à l'appeler, cette variante mélancolique à souhait d'une musique folk américaine qui se voyait dépouillée de tout arrangement pouvant l'égayer, et qui n'avait d'yeux que pour les accords mineurs. On peut citer Cat Power, Smog, Cass McCombs, pour les plus intéressants du lot, mais c'est par dizaines que les suiveurs pathétiquement plats débarquèrent. Même Johnny Cash, sur sa série d'enregistrements "American" ne donnait pas vraiment dans la rengaine country singalong, et faisait aisément verser la larme à qui s'y laissait prendre.
Dans le même temps, Godspeed! You Black Emperor ayant splitté après quatre disques fondateurs, Constellation Records se nourrissait des multiples rejetons de la bête, parmi lesquels Thee Silver Mount Zion, Hrsta et bien d'autres, mais le label Montréalais n'était pas le seul à récolter le fruit de l'heure de gloire d'un genre devenu très vite auto-parodique (les longues plages instrumentales en accords mineurs, garnies de double-croches explosives après une montée en puissance très progressive : la recette miracle). De leur côté, Mogwai, Explosions in the Sky ou (surtout) Magyar Posse et de nombreux autres tiraient sur la même corde (reliant directement le nerf auditif à la fibre du souhissaïde).
Du côté de la pop, la même. Venus de Scandinavie, Sigur Ros, Under Byen et Mùm avaient amené avec eux un spleen glacé dont n'avaient pas vraiment besoin Radiohead, plus cafardeux que jamais avec le diptyque "Kid A / Amnesiac." On s'en souvient peut-être moins que de leurs cavalcades rouges et bleues mais avant de chanter "Viva la Vida," Coldplay s'était lancé avec un premier album beaucoup moins enthousiaste ("Parachutes" sorti en 2000) et un single pas franchement optimiste (Trouble). Ils n'étaient pas les seuls à avoir le bourdon à l'orée du siècle puisque Grandaddy pleurait Jed sur "The Sophtware Slump" alors que Yo la Tengo voyait la nuit tomber sur Hoboken où ils enregistraient "And then nothing turned itself inside out."

IV - 2) Interlude : Des Raisons à l'Aube du Millénaire

Pourquoi ne pas arrêter de tirer la tronche et manger un bon pain au chocolat, se mettre au taekwondo, je ne sais pas et on s'en fiche un peu, même si j'ai une autre théorie là-dessus, que je vous présente tout de suite, dans une parenthèse pas piquée des hannetons. Vous souvenez-vous des premières années des 00's ? Moi si. Et lorsque j'y repense, avant même de me représenter le spleen géant de l'indie, je me figure la probable cause d'un si puissant mal-être chez autant de musiciens, et ça n'est pas l'image des Deux Tours du World Trade Center qui me vient, mais celle des charts de l'époque. Vous souvenez-vous de ce que l'on y trouvait ? Le Nü Metal de Limp Bizkit, Korn, Nikelback et Pleymo (si vous vous souvenez de ces derniers, mes condoléances), qui devait s'éteindre en l'espace d'un an, aussi vite qu'il avait été créé, en fusionnant avec l'Emo Pop (Fallout Boy, The Calling), elle-même bâtarde du punk rock californien de Blink 182, Sum 41 et autres Alien Ant Farm. Voilà ce qui nous parvenait depuis l'autre côté de l'Atlantique. Ça et Britney Spears.
De ce côté de l'Océan, les choses n'étaient pas plus roses puisque le "rock" français faisait triompher Calogero et Gerald de Palmas pendant que le Plus Grand Revival Français de tous les temps était celui des comédies musicales, de Notre Dame à Roméo et Juliette en passant par Le Roi Soleil. Et alors que l'on ne soupçonnait pas encore l'affreuse vague fluo à venir (Yelle, TTC, Sébastien Tellier, Sliimy), on devait déjà supporter Grand Corps Malade, Abd Al Malik et toute la compagnie française de Slam.
Mais surtout, surtout, cette période a vu la naissance (1997), et la démocratisation de l'autotune, à savoir la pire chose qui soit jamais arrivée à la musique. Vous pouvez choisir de n'y voir qu'une coïncidence, de penser que des raisons socio-politiques sont davantage responsables de l'état maladif dans lequel une majorité d'artistes se complaisaient pendant ces années, mais pour moi c'est tout net : c'est l'autotune.

IV - 3) Climax et compagnie : Le désespoir dans la joie

Les années suivantes, un regain de forme morale commençait alors à se faire sentir, mais n'empêchait pas Beck de se sentir abattu ("Sea Change" en 2002), ni à The Notwist d'être les plus cools des boudeurs ou à Xiu Xiu de carrément se rêver en schizophrènes dépressifs... jusqu'à "Funeral."


Évidemment, les choses se sont faites de manière progressive, mais je ne peux m'empêcher de voir "Funeral" (le premier album d'Arcade Fire, sorti en 2004) comme l'ultime frontière entre l'indie tristoune des années précédentes et ce que ce pan de la musique populaire allait devenir par la suite. C'est selon moi le disque qui est parvenu à cristalliser l'angoisse de toute une génération d'artistes et à la transformer en énergie pure, faisant exploser une joie de vivre éclatante à partir d'un désespoir profond (lié à l'époque certes, mais aussi et surtout aux décès de plusieurs parents des membres du groupe). Surtout, il ne faut pas oublier que cet album est l'un des deux ou trois disques indépendants les plus appréciés (critique/public) de la décennie, et qui dit succès dit influence (et suiveurs, mais ça c'est une autre histoire). Si "Funeral" n'est pas particulièrement guilleret dans son propos, il n'est pas pour autant replié sur lui-même, avachi dans une mélancolie passive et contagieuse. Je reste convaincu que s'il n'est pas le seul responsable du changement d'humeur chez les musiciens indie, il n'en reste pas moins une sorte de détonateur ultime.

IV- 4) Le Village Joyeux Joyeux

Après cela, la musique indépendante devint "cool" et commença lentement à se démocratiser, avec l'essor d'Internet et le succès de plusieurs autres blockbusters dans le genre d'Arcade Fire. On en entend aujourd'hui partout, à la téloche, à la radio, au cinéma, dans les magasins. Et c'est un fait que si certains artistes de l'ère du spleen ont évolué en même temps que les mœurs (pensez à Cat Power et sa reconversion éclair, fichtre même Alan Sparhawk a retourné sa veste, et Thee Silver Mount Zion s'essaient aux accords majeurs depuis 2008), la reconversion ne s'est pas faite pour tous, et beaucoup de folkeux maussades sont retournés aux oubliettes, ou ont continué à produire la même musique pour les quelques-uns parmi vous qui ont besoin de leur dose. Peut-être bien que s'ils faisaient tous autant la gueule il y a dix ans, c'était parce que la musique indé n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui. Toujours est-il que depuis les choses ont bien changé, vous ne trouvez pas ? En lieu et place de clips en noir et blanc, ultra lents, nous montrant des visages fatigués et démoralisés, on a droit aujourd'hui à des clips hédonistes, toujours plus hardcores, où les corps dénudés sont légions et la musique fait la part belle au psychédélisme.



L'italo-disco est revenue, les Flaming Lips ont enfin acquis un statut de généraux, la chillwave n'est qu'une forme de trip supplémentaire, le shitgaze une envie adolescente de beugler dans son garage, et si l'on excepte le retour de quelques géants de l'époque, un brin anachroniques (Portishead, notamment), les Temps sont à la détente, à l'exploration, à un psychédélisme propret qui privilégie le sexe entre genres musicaux sans aucune concession. En 2000, Radiohead dominait le Monde Indé par sa popularité sans égale. En 2010, Animal Collective semble avoir pris la place, et là-dessus, tout est dit.


Joe

avec l'aide de Jarvis (portraits d'Amanda Blank et de P!nk) et Elaxis P. (top albums et mandarines)

16 commentaires:

  1. Je trouve l'analyse intéressante, mais assez critiquable (je comprends mal comment on peut, par exemple, désigner Funeral comme le -seul !?- "turning point" du "moral" de la décennie, je trouve ça assez absurde), et j'ose donc apporter via ce modeste commz mon hypothèse sur la question.
    On est grosso modo d'accord pour dire que la décennie a été marqué par la "mainstreamisation" (:D) de l'indie (on peut ptêtre noter un peu le même phénomène dans la ciné ricain, d'ailleurs). C'est à dire une frontière de plus en plus floue entre l'indé et le mainstream donc. Certains groupes comme Interpol, Modest Mouse, Death Cab for Cutie et Arcade Fire en sont les meilleurs exemples. Arcade Fire s'inscrit à mon avis tout à fait dans ce phénomène et n'a pas plus bouleversé son monde que les autres avec son disque, certes unanimement apprécié et reconnu (mais comme quelques autres), Funeral.
    Peut-être que l'humeur qui se dégage de tout ça a donc changé parce que dans sa nouvelle situation mainstream, la zik indé se doit de sortir de sa torpeur lacrymale et devenir plus gaie, plus entraînante, plus "mignonne", plus tout ce que vous voulez, pour être accessible et contenter le plus grand monde.
    Paragraphe du commz + débile et en roues libres : maintenant, reste à s'interroger sur ce qui a apporté cette "mainstreamisation". Peut-être une nostalgie générale, en cette période de crise et tout ça, pour ces années où on se foutait de tout et où on niquait à droite à gauche sans souci. Ptêtre on kiffe Avatarnimal Collective, truc psyché sans trop d'appui sur l'actu semble-t-il, parce qu'on a surtout besoin de s'évader. Ca va mal en ce moment, tout va mal, on est dans la merde jusqu'au cou, et le moral n'a jamais été aussi bas, les mecs!

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  2. Pas faux, et j'ajoute qu'il y a certainement une part de générationnel aussi. Les types qui écoutaient de l'indie quand ils étaient ados et qui ont fini par arriver à des postes influents au niveau de la mise en musique des émissions TV, pubs et movies ont peut être bien apporté leur connaissance de l'indie à ce monde-là.

    Par contre, en réponse à ton premier paragraphe, je m'auto-quote : "Je reste convaincu que s'il n'est pas le seul responsable du changement d'humeur chez les musiciens indie, il n'en reste pas moins une sorte de détonateur ultime." Attention je n'ai pas dit que c'était le seul disque important ou le seul groupe qui avait fait avancer le truc. C'est à mon sens celui qui l'a le mieux fait, et après ça reste une question de perception et d'expérience, bien entendu.

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  3. Oui, mais j'avais bien lu cette phrase, au contraire. C'est l'expression "détonateur ultime" qui me gène, car il s'agit justement d'un phénomène assez généralisé ; je vois plus ça comme une sorte de vague plutôt qu'une explosion (suggérée par ton "détonateur" :D). Et je pense donc qu'il y a de nombreux groupes à l'avoir bien fait, de différentes façons, etc.

    Enfin bref, et dans ton premier paragraphe de commz tu dis un truc que j'aurais aimé dire aussi, parce que j'y avais également pensé ! :)

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  4. les libertines et autres babyshambles : encore oubliés!! :( :( :(

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  5. La fin des années 90 ressemble bien au marasme que tu décris. Après, ça va un peu vite. Ton analyse ressemble beaucoup à l'histoire de la Renaissance telle qu'on la apprise à l'école, quand les professeurs omettaient l'apport de la culture arabe pour sortir du Moyen Age.
    Si on se cantonne à l'indie-rock, on a l'impression qu'on passe du coq à l'âne sans explication plausible. A mon avis, il faut chercher un début d'explication ailleurs, par exemple dans la façon dont le classic rock s'est renouvelé à l'aube des années 2000. ça a pu donner des idées à des groupes comme Arcade Fire.

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  6. un peu fouilli-fouilla mais chouette récap.
    Ce que moi je retiens des 00's mis a part les groupes influents que chacun connait c'est aussi : l'ipod, Myspace et puis Pitchfork. Les 3 plus grands fléaux de la décennie qui ont radicalement et fondamentalement changé notre perception, notre façon d'écouter et de consommer la musique, et ça ... et benh ça me fait chiez et vraiment regretter les années 90.

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  7. Matador : Je suis entièrement d'accord avec toi, et comme mon laïus n'avait pas une visée encyclopédique, ce que tu dis fait laaaargement partie de mon ressenti.

    Djeep : Je suis d'accord pour Myspace et Pitchfork (ça a changé les choses, même si pour Myspace je ne suis pas d'accord pour dire que ça a été un effet exclusivement négatif). Mais l'iPod ? Quelle différence avec le walkman des 90's ? J'aurais plutôt dit "le mp3" en fait.

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  8. oui le MP3 est plus significatif, j'ai hésité entre l'un pis l'autre mais ça revient au même de toute façon.

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  9. Je ne suis vraiment pas d'accord concernant Pitchfork et Myspace. Pour moi, c'est vraiment des boucs émissaires d'un espèce de regret nostalgique que je suis pourtant le premier à comprendre. Mais c'est trop facile pour moi. Je veux dire, ok, pitchfork dans les 00's a mis en lumière un certain type de groupes et tout, peut être au profit d'autres, créant peut être une scène indé qui tendait vers l'insupportable par moment, mais bon, je suis pas sur qu'un NME (par exemple) dans les 90's était pas aussi "nocif", ou du moins "influent", et je pense que voir pitchfork comme un espèce de truc mauvais est... pas vrai.

    Et concernant Myspace, en dehors du fait qu'en temps que musicien, ça m'a SERVI (pas tant pour me faire connaître ahah, mais au moins pour me faire des POTES MUSICIENS), je vois pas en quoi ça a fait tant de mal que ça : les groupes insupportables qui en sont sortis auraient eu une hype quand même, et ça a participé à l'idée de la musique pour tous. en tant que fan des desperate bicycles, voir que myspace a permis à plein de petits groupes de croire qu'ils avaient un rayon d'action, une portée, même microscopique, c'est déjà important, même si dieu sait que quand c'était l'heure de gloire de myspace (2006/2007) y'avais des tas de tacherons partout.

    non, vraiment, si il y a UN truc qui a changé la manière de CONCEVOIR même la musique, c'est le mp3, tout simplement. Ensuite, je serais bien infoutu de dire si c'est un mal ou pas, tant ces changements ont permis des choses positives (découverte de plein de groupes inconnus, capacité plus grande d'aller chercher de la musique venant de tout les horizons) et des choses négatives (la suprématie du morceau au profit du désuet album, l'overdose générale de musique). C'est de toute façon ni tout noir, ni tout blanc.

    Ensuite, je viens de toute cette génération qui a vécu les 00's comme sa première décennie musicale et a baigné dans le mp3, soulseek, pitchfork, myspace et maintenant rapidshare et mediafire, je n'ai aucun recul, peut être une espèce de vision magnifiée par la naïveté que j'avais à l'époque. mais vu comme ça, je ne vois pas le "mal".

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  10. quoique non, d'ailleurs, ce qui a VRAIMENT changé la musique DURABLEMENT ET PROFONDÉMENT, c'est pas vraiment le mp3. non. c'est surtout, encore et toujours, ce gros monstre qui ruine nos vies pendant qu'on en redemande :


    l'internet.

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  11. Il manque juste un paragraphe sur l'industrie du disque. Je peux le faire en rapide : les majors sont en train de se condamner avec leur système de minima garantis et leur vision de l'art comme un retour sur investissement à moindre risque (le marketing est trop rentable, l'A&R n'a plus de valeur). Ils ont causé l'émergence d'un monopole (iTMS), et pendant ce temps là les indies survivent en organisant du buzz et les pionniers ont trouvé un bizness model stylé mais limité (connect with fans + reason to buy).

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  12. il n'y a aucun mal c'est vrai et je suis le 1er a me vautrer dedans, mais c'est que je ressens la nostalgie d'une époque ou ça me prenais 1 mois d'économie pour acheter un disque et que même si j'appréciais pas toujours le truc à la 1ère écoute, je le réécoutais encore et encore histoire de rentabiliser la chose pour finalement enfin m'y attacher et le faire partager à mes ami(e)s sur des k7 audio... celui qui n'a pas connu ça : et bien il a vraiment loupé quelque chose.

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  13. Je me souviens de cette époque, qui pour moi n'est pas très éloignée, où l'internet avait deux vitesses; l'adsl ne passait pas par tous les villages de France et la rentabilisation d'un achat par le nombre d'écoutes était alors une pratique répandue, qui a beaucoup compté dans l'évaluation des disques et l'élaboration de la culture musicale alternative.
    Je me souviens qu'à cette époque, je me disputais fréquemment avec une fan hystérique des Libertines, au sujet de la spontanéité. Elle écoutait une dizaine de disques par semaines et ne comprenait pas qu'on perde son temps à insister; j'en achetais un par semaine et ne tolérait pas les jugements hâtifs et lapidaires. Il y a vraiment des choses qui s'expliquent à la lumière de l'histoire...

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  14. Super article. Un des meilleurs de ce blog ma parole. Faut continuer dans la veine historique Joshua, t'es très bon. C'est passionnant. Le morceau de Sigur Ros est bien choisi pour donner à entendre la déprime pourrave qui suintait des années 90. Ce morceau est horrible, avec la voix haut perchée qui chiale là... Ceci dit moi je kiffe des trucs de cette période (ASMZ par exemple), et j'en déteste d'autres. Et pareil pour aujourd'hui. J'aime Arcade Fire et pas du tout les Flaming Lips. Bref, même moi j'en ai rien à foutre de ce que j'écris. En tout cas super article. Des comme ça j'en redemande.

    P.S. Moi je pense que Last.fm a été une sacrée saloperie aussi. Avec cette idée d'en mettre plein la vue aux potes, en ayant écouté un millier de fois plus souvent tel groupe de fou que son voisin. Vous en êtes tous victimes de cette manie du scrobblage de mes deux !

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  15. Guilty as charged d'être doomed par LastFM.

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  16. Avec 13 albums répartis sur 25 ans de carrière, je doute pas mal que les Flaming Lips soit l'un des groupes particulièrement représentatifs d'"aujourd'hui", loin de là. Et leur "statut de généraux" (!) je crois qu'ils l'ont acquis depuis pas mal de temps, je dirai depuis 10 ans, avec la sortie de The Soft Bulletin, qui faisait déjà suite à 4 albums de rock indé aux relents psychédéliques largement remarqués et appréciés.

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