1975. Big Star et les Raspberries ne sont plus, Badfinger est en perte de vitesse, cette première génération powerpop n'existe plus ou presque mais une nouvelle garde est prête à prendre les armes... Du coté de San Francisco Paul Collins, Jack Lee et Peter Case forment les Nerves et au même instant Greg Shaw propose à un autre groupe californien, les Flamin' Groovies de sortir un 45 tours sur son nouveau label Bomp. L'épicentre de cette vague a comme quartier général la Californie et en particulier Los Angeles, mais de Boston à New York la powerpop ne laisse pas grande monde indifférent.
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Powerpoptisme #2 : "S'éclater sur 3 accords", de 1975-1980 aux États Unis
(The Beat - Don't wait up for me)
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(The Flamin' Groovies - Shake some action)
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(The Knack - My Sharona)
The Knack, de Los Angeles, ont eux la chance de produire un énorme tube avec My Sharona. Avant la publication du single, le groupe fait déjà l'objet d'une bataille d'enchères entre plusieurs maisons de disques souhaitant les signer et les Knack optent finalement pour Capitol. Parmi les exigences du contrat, le label doit utiliser la charte graphique des années soixante sur le macaron du vinyle car les Knack, en bons fanatiques des Beatles, se sont souvenu avec émoi des disques des Fab Four publiés aux USA par Capitol. Poussant le vice de la comparaison avec le groupe liverpuldien jusque dans la pochette du 33 tours (une photographie en noir et blanc soignée et sobre), les Knack empruntent aussi quelques trucs musicaux aux Beatles sans donner l'impression d'être un groupe-hommage. Ce clin d'oeil de Doug Fieger et des siens se retourne cependant contre eux et devient l'un des griefs dans la campagne de dénigrement "knuke the knack" selon laquelle le groupe ne serait pas authentique, venu de nulle part, monté de toutes pièces (*8), copiant sans vergogne les Beatles... Ce discours est à peu près aussi ridicule que les autodaffés de 33 tours de disco organisés dans les stades de baseball à la même époque... Malgré ce rejet agressif d'une partie du public, My Sharona devient un énorme tube, l'un des rares disques de rock à avoir un tel impact en 1979. Sharona, une jeune fille de 17 ans dont était amoureux le chanteur, pose sur la couv' du disque (pour la petite histoire, ils sortiront un temps ensemble et resteront amis). L'album est également un énorme succès, ce qui va amener un grand nombre de labels à chercher des groupes powerpop à signer pour profiter de la manne. Les Knack, eux, ne se hisseront jamais plus au même niveau.
Le succès des Knack est à la fois une bénédiction et une malédiction pour la powerpop. Tout à coup, tout le monde s'intéresse à ce truc jusqu'ici plutôt reservé aux initiés. De nombreux musiciens s'engouffrent alors dans la brèche et si de bons groupes en profitent, on assiste surtout à une perte de sens et de sincérité lorsque les maisons de disques et les médias entrent dans la danse. On a souvent parlé de la powerpop, tout comme ce qu'on a pu appeler "new wave" (There is no such thing as new wave, NDLR) comme une version "fréquentable" (*9) du punk rock. C'est à dire quelque chose que l'on peut vendre, quelque chose de présentable, qui ne choquera pas le quidam lambda que le look des punks et leur attitude (notamment lors des concerts) pourrait rebuter. Bomp devient une référence dans le domaine et une bonne partie des groupes encore en activité sont signés à tour de bras par de plus grosses maisons de disques. Ceci concerne notamment les Romantics, les 20/20 et les Shoes. Voici en quelques mots ce que pouvaient valoir les meilleurs groupes issus du succès de My Sharona à la fin des années 70 :
(The Romantics - What I like about you)
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(20/20 - Remember the lightning)
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(Shoes - Tomorrow night)
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(Cheap Trick - Oh Candy)
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(The Rubinoos - I want to be your boyfriend)
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(The Real Kids - All kindsa girls)
Avant de boucler ce petit tour des Etats Unis, on se doit de faire un petit détour par Boston. Cet avant-poste punk en Nouvelle Angleterre fut aussi un bastion powerpop. John Felice, un ancien Modern Lovers y fonde en 1972 le futur grand groupe de la région, les Real Kids. Leur premier album, un classique intemporel bardé de tubes imparables comme All kindsa girls (un titre péchu, stylistiquement proche du punk rock), ne parait pourtant qu'en 1978. Le groupe jouit d'une belle popularité en France et les reformations successives feront souvent un détour par chez nous, à tel point que le label francilien New Rose sort certains albums du groupe dont "Outta place", le second. A Boston également, les Paley Brothers signent sur SIRE un excellent et unique album, le plus pertinent représentant du versant bubblegum de la powerpop. Avec leurs gueules d'anges, ils sont du pain béni pour les journaux de minettes mais malheureusement ça ne leur permet pas vraiment de cartonner et ils connaitront plus de succès en se reconvertissant, notamment Andy Paley, qui devient producteur et finit par travailler avec Brian Wilson (un rêve de gosse).
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Avant de refermer ce numéro consacré aux groupes américains de la fin des 70's, je me dois encore d'en citer quelques uns qui méritent votre attention. A Los Angeles il y a les Last (premier album génial, powerpop punky aux accents 60's, pas loin du Paisley Underground) (*15), les Quick (un unique album, excellent dans le genre powerglam, produit par Earle Mankey ex-Sparks), les Pop (également produits par Earle Mankey, leur premier album reste super, notamment le morceau Down on the boulevard), Code Blue ou encore les Zippers (un peu moins indispensables mais leur mini-LP produit par Ray Manzarek n'est pas mal)... A New York il y a les Milk'n Cookies produits par Muff Winwood et auteurs d'un seul album en 1975, très correct, dans une veine glam proche des Quick et auquel il manquerait un ou deux tubes pour réellement sortir du lot. Big Star a trouvé un successeur dans les Scruffs, une belle formation de Memphis (dont je vous recommande l'excellent "Wanna meet the scruffs?"). Et puis il y a aussi Nikki & the Corvettes à Détroit (*16) , les Dirty Looks de Staten Island, les Moberlys de Jim Basnight à Boston et ainsi de suite, la liste est longue... Et ça n'est que pour vous donner une idée de ce qu'il pouvait bien subsister de pop mélodique dans la seconde moitié des 70's... aux États Unis. Outre Atlantique, les britanniques, garants du drapeau, ne chômaient pas. Je vous invite à découvrir l'autre versant d'une même période la semaine prochaine dans un nouveau numéro de Powerpoptimisme.
Alex Twist
(*1) : Le titre a été repris par Blondie et est devenu un tube planétaire.
(*2) : Le 45T part autour de 90$ sur eBay.
(*3) : Avec les titres Paper doll et One way ticket, une sortie avortée parmi de nombreuses autres chez Bomp.
(*4) : "One Night In America" est sorti en 1988 et le récent "Live Beg Borrow & Steal" a été publié chez Alive Records.
(*5) : CF Powerpoptimisme #1.
(*6) : Ils ont d'ailleurs repris les deux: I'll feel a whole lot better des Byrds, et Misery des Fab Four.
(*7) : SIRE a réédité les Nuggets de Lenny Kaye en 1976 et enchainé en sortant le premier LP des Ramones. Suivront dans le rooster du label américain : les Talking Heads, Undertones...
(*8) : Doug Fieger avait déjà sorti deux LPs avec un précédent groupe (Sky) au début des 70's.
(*9) : La plupart des groupes dont il est question dans ce numéro se sont formés en même temps, voire avant les groupes punk de la première vague. Cela tend à exclure la thèse selon laquelle la powerpop (la part "rock" de ce que l'on a appelé new wave) ne serait qu'une édulcoration du punk rock. Il s'agirait plutôt de deux genres musicaux simultanés.
(*10) : Mitch Ryder and the Detroit Wheels, Bob Seger, MC5, les Stooges, etc. Allez jeter un œil à cette playlist.
(*11) : To still have fun with 3 chords
(*12) : Dont sont également originaires les excellents Dwight Twilley Band fondés autour de la paire Dwight Twilley & Phil Seymour, des potes de Tom Petty, lequel a même participé à leurs deux albums, que je vous recommande vivement !
(*13) : Dont le nom a inspiré l'une des plus célèbres séries de compilations de powerpop.
(*14) : Il faut citer deux autres groupes de l'Illinois au son assez proche : Off Broadway et Pezband.
(*15) : A noter qu'ils ont sorti deux albums chez SST, le label prog punk de Greg Ginn (leader du groupe hardcore Black Flag) et un autre sur le label français Lolita.
(*16) : Un unique album sur Bomp produit par un mec des Romantics. Ça s'en rapproche pas mal. La chanteuse a aussi contribué au disque de Paul Collins récemment réédité ("King of Powerpop").
(*2) : Le 45T part autour de 90$ sur eBay.
(*3) : Avec les titres Paper doll et One way ticket, une sortie avortée parmi de nombreuses autres chez Bomp.
(*4) : "One Night In America" est sorti en 1988 et le récent "Live Beg Borrow & Steal" a été publié chez Alive Records.
(*5) : CF Powerpoptimisme #1.
(*6) : Ils ont d'ailleurs repris les deux: I'll feel a whole lot better des Byrds, et Misery des Fab Four.
(*7) : SIRE a réédité les Nuggets de Lenny Kaye en 1976 et enchainé en sortant le premier LP des Ramones. Suivront dans le rooster du label américain : les Talking Heads, Undertones...
(*8) : Doug Fieger avait déjà sorti deux LPs avec un précédent groupe (Sky) au début des 70's.
(*9) : La plupart des groupes dont il est question dans ce numéro se sont formés en même temps, voire avant les groupes punk de la première vague. Cela tend à exclure la thèse selon laquelle la powerpop (la part "rock" de ce que l'on a appelé new wave) ne serait qu'une édulcoration du punk rock. Il s'agirait plutôt de deux genres musicaux simultanés.
(*10) : Mitch Ryder and the Detroit Wheels, Bob Seger, MC5, les Stooges, etc. Allez jeter un œil à cette playlist.
(*11) : To still have fun with 3 chords
(*12) : Dont sont également originaires les excellents Dwight Twilley Band fondés autour de la paire Dwight Twilley & Phil Seymour, des potes de Tom Petty, lequel a même participé à leurs deux albums, que je vous recommande vivement !
(*13) : Dont le nom a inspiré l'une des plus célèbres séries de compilations de powerpop.
(*14) : Il faut citer deux autres groupes de l'Illinois au son assez proche : Off Broadway et Pezband.
(*15) : A noter qu'ils ont sorti deux albums chez SST, le label prog punk de Greg Ginn (leader du groupe hardcore Black Flag) et un autre sur le label français Lolita.
(*16) : Un unique album sur Bomp produit par un mec des Romantics. Ça s'en rapproche pas mal. La chanteuse a aussi contribué au disque de Paul Collins récemment réédité ("King of Powerpop").
P.S. : Pour aller plus loin, voici deux setlists à mettre à profit selon vos envies. Farfouillez chez vos disquaires favoris et tentez de retrouver à des prix dérisoires ces LPs qui ont jalonné les seventies de pépites mélodiques !
États Unis, 1975-1980 : Les albums classiques :
01 Flamin' Groovies - Shake some action (1976)
02 The Knack - Get the Knack (1979)
03 The Romantics - The Romantics (1979)
04 The Beat - The Beat (1979)
05 20/20 - 20/20 (1979)
06 The Shoes - Present Tense (1979)
07 Real Kids - Real Kids (1978)
08 Cheap Trick - Cheap Trick (1977)
09 Plimsouls -Plimsouls (1981)
États Unis, 1975-1980 : Les trésors cachés :
01 The Scruffs - Wanna meet the Scruffs? (1977)
02 The Quick - Mondo Deco (1976)
03 The Pop - The Pop (1977)
04 The Last - LA Explosions (1979)
05 Milk N Cookies - Milk N Cookies (1975)
06 The Rubinoos - The Rubinoos (1977)
07 The Paley Brothers - The Paley Brothers (1978)
08 Dwight Twilley Band - Sincerely (1976)
09 Nikki and the Corvettes - Nikki and the Corvettes (1980)
10 Dirty Looks - Dirty Looks (1980)
01 Flamin' Groovies - Shake some action (1976)
02 The Knack - Get the Knack (1979)
03 The Romantics - The Romantics (1979)
04 The Beat - The Beat (1979)
05 20/20 - 20/20 (1979)
06 The Shoes - Present Tense (1979)
07 Real Kids - Real Kids (1978)
08 Cheap Trick - Cheap Trick (1977)
09 Plimsouls -Plimsouls (1981)
États Unis, 1975-1980 : Les trésors cachés :
01 The Scruffs - Wanna meet the Scruffs? (1977)
02 The Quick - Mondo Deco (1976)
03 The Pop - The Pop (1977)
04 The Last - LA Explosions (1979)
05 Milk N Cookies - Milk N Cookies (1975)
06 The Rubinoos - The Rubinoos (1977)
07 The Paley Brothers - The Paley Brothers (1978)
08 Dwight Twilley Band - Sincerely (1976)
09 Nikki and the Corvettes - Nikki and the Corvettes (1980)
10 Dirty Looks - Dirty Looks (1980)
Méchant article! Merci, pour votre écriture et les références!
RépondreSupprimerÀ très vite!
julien
super artice!
RépondreSupprimerelle est bien bonne sharona!
Shake some action est géante, ouais ! :)
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