C'est entendu.

vendredi 5 août 2011

[Fallait que ça sorte] Les Pourvoyeurs de Powerpoptisme #1

Je n'arrive plus à me souvenir comment je suis devenu fan de powerpop mais je considère ce fanatisme presque comme un vice, un peu comme aimer les guimauves recouvertes de chocolat ou les hamburgers faits maison. Peut être est-ce simplement une impression sans fondement mais je pense que la powerpop est très sous-estimée. La plupart des gens préfèrent se taquiner la nouille sur d'autres styles musicaux (souvent plus intellos) datant de la même époque, et certes oui la powerpop n'a d'autre objectif que de balancer des mélodies à faire chavirer les coeurs mais quand c'est bien fait, c'est fantastique et imbattable. La powerpop est une musique qui parle au corps ou à l'âme avant de s'adresser au cerveau.

On doit l'expression à Pete Townshend des Who (*1), mais c'est Greg Shaw qui donne à la powerpop ses lettres de noblesse au cours des 70s en défendant ardemment des groupes comme Big Star. Difficile de trouver une définition précise de la powerpop car au fond il n'y en a pas vraiment, on la reconnait quand on l'entend, voilà tout. S'il fallait cependant s'y risque, ça donnerait quelque chose comme "une pop avec des couilles, une rencontre entre la magie des mélodies et l'énergie du rock, qui ne transige JAMAIS sur les guitares, rickenbacker si possible." Tandis que l'orgue et les synthés ne sont pas interdits, il ne faut jamais perdre de vue que la powerpop serait bien nue sans une 6 cordes. Ce serait comme une pizza sans tomate dont les chœurs enjoués seraient la mozzarella. Pour obtenir une bonne powerpopsong, il suffit de la faire jouer par un groupe musclé, ne pas oublier les harmonies vocales, une rythmique qui balance, et des gimmicks à rendre fous.


Powerpoptisme #1 : Parents & Grands Frères 63-74


Comme la plupart des genres musicaux tournant autour de la guitare (jangle pop, indie pop, etc.) la powerpop doit quelque chose aux Beatles et prend sa source dans les glorieuses années 60 lorsque les liverpuldiens décident de balancer dans une même casserole l'énergie du rock n roll des pionniers avec une sensibilité pop très développée sans manquer de cette petite touche d'espièglerie qui les rend si attachants. Je vous parle ici des Beatles circa-63 avant qu'ils n'expérimentent le hash, le sitar et autres délices orientaux. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls sur le créneau et quand les Who n'explosent pas leur sono, ils enregistrent des petites pépites pop comme The kids are alright qui, tout comme le génial Friday on my mind des Easybeats, synthétise presque tout ce qui fait la powerpop. D'autres s'y mettent alors, comme les Move, les Small Faces pour leur énergie, les Nazz, les Beach Boys (les maîtres de l'harmonie vocale), mais aussi les Searchers et les Byrds. Ces deux derniers groupes apportent alors leur pierre à l'édifice avec une touche "jangly" (*2), un élément pas vraiment obligatoire mais que beaucoup de groupes devaient adopter par la suite, et on ne va pas s'en plaindre car quoi de plus merveilleux qu'un accord joué sur une rickenbacker douze cordes et qui carillonne de partout ?


(The Byrds - So you wanna be a rock'n roll star)

A la fin des années 60 ces groupes sont amenés à choisir entre deux voies : changer de style ou disparaître, presque une leçon de vie, du moins comme la conçoive les libéraux. Du coup les amateurs de pop directe et sans complexe sont orphelins, et leur nombre décroissant empêche la création de véritables scènes. Ce contexte guère favorable voit pourtant l'émergence de quelques formations pionnières laissant entrevoir ce qu'allait être la powerpop. Enfin... Pas exactement. C'est en réalité Greg Shaw qui, a posteriori, se mit à réunir tout un tas de groupes différents sous cette bannière afin de donner du poids à l'alternative musicale qu'il essaie quotidiennement de promouvoir dans sa revue Who Put The Bomp (*3), où fleurissent des articles fleuves de Lester Bangs et des explorations de back catalogue garage 60s. Dans ce club très fermé on compte surtout des formations américaines, ce qui est étonnant quand on pense que la plupart des artistes influents étaient des mangeurs de gigot à la menthe.


(Big Star - Watch the Sunrise)

Les meilleurs sont sans conteste Big Star, de Memphis, des mecs touchés par la grâce. Les découvrir par le biais d'une "étiquette" powerpop pourquoi pas, mais ils sont aussi et surtout bien plus que cela. Alex Chilton, star adolescente au sein des Box Tops, et Chris Bell forment l'ossature du groupe pour lequel il était au départ question d'éventuellement occuper la case laissée vacante par Simon & Garfunkel avant que Chilton ne rejoigne finalement le groupe de Bell, Icewater, avec quelques compos sous le bras (dont la merveilleuse Watch the sunrise). Le groupe prend alors le nom de Big Star en référence à une chaine de supermarchés dont l'une des branches était située à coté des studios d'Ardent. En 1972 le premier album "#1 Record" parait et les critiques sont excellentes, mais les ventes ne suivent pas en partie à cause de Stax, incapable de faire correctement son boulot de distribution. C'est un échec et les deux disques suivants, presque aussi bons, n'y changent rien. En 1974 le groupe se sépare et récoltera d'un culte underground mené par quelques acharnés. Un destin indécent car Chilton et Bell étaient bien des songwriters de premier ordre. Une paire à la Lennon-Macca. L'histoire se finit tristement : Chris Bell se tire après le premier album, et finit par mourrir quelques années plus tard, rejoint en 2010 par Alex Chilton, âgé de 59 ans et qui ne bénéficiait même pas d'une couverture médicale...


(Badfinger - Baby Blue)

Badfinger, les petits frères gallois des Beatles (signés sur le même label, et bénéficiant de coups de mains de Macca ou George à l'occasion) n'a guère eu plus de chance malgré des tubes dans les charts. Leur histoire tumultueuse et tragique bascule notamment avec le suicide d'un de leurs songwriters, Pete Ham, qui vivait dans le dénuement le plus total pendant que le manager véreux du groupe détournait leur argent... Son pote Tom Evans ne s'en remit pas vraiment et se suicida lui-aussi quelques années plus tard. Une triste histoire, surtout parce que Badfinger savait écrire de vrais tubes tout aussi bons que ceux des Beatles. Des chansons comme Baby blue ou le fantastique No matter what sont la quintessence du son de la première génération powerpop, ce délicat équilibre entre une énergie qui ne demande qu'à s'échapper et des mélodies pop 60s revisitées.


(Raspberries - Overnight Sensation)

Assez proche des britanniques, les américains de Raspberries (originaires de Cleveland) ont cette honnêteté et cet aspect presque rustre qui en font peut être la formation qui synthétise le mieux la powerpop du début des 70's : des riffs gros-cul bien rentre-dedans et des mélodies sous forte influence british invasion. Ca flirte avec le mauvais goût sans y tomber et les Raspberries sont capables d'aligner la puissance du hard rock FM (Free et autres) sans jamais renier son amour inconditionnel pour les Beatles et la pop 60's. Leurs quatre albums sont tous plutôt intéressants mais c'est à travers ses singles que la bande d'Eric Carmen était intouchable. Tonight ou Overnight sensation sont de vraies perles pop qui explosent en bouche comme du frizzi pazzi. Ils sont ceux qui se sont le plus rapprochés d'un succès populaire avec leur second single, Go all the way, véritable pierre angulaire du genre. A leurs débuts sur les affiches des concerts ils mentionnaient : "When you come to hear the Raspberries, what you expect not to see is : Hair down to our waists. Beards. Torn jeans. Mustaches. Here’s what you expect not to hear : Long boring drawn out guitar solos. Long boring drum solos (*4)", un véritable sacerdoce.

(Un panorama des pochettes ornant les nuggets compilés à la fin de l'article)


(Todd Rungren - Couldn't I just tell you)

Durant la première moitié des 70's, d'autres groupes auront défendu le bastion que constituait alors la powerpop pour les amateurs de mélodie et de simplicité que les modes d'alors (prog rock, hard rock) ne convainquaient pas. Blue Ash, The Stories, Hot Dogs ou encore The Wackers, rejoints à l'occasion par Todd Rundgren (un ex-Nazz), tous ont plus ou moins connu le même sort : un relatif anonymat. Seuls Badfinger, Todd Rundgren et les Raspberries furent des locataires réguliers des charts. Quant aux autres ils durent se contenter d'être (s'ils étaient bons ou veinards) les favoris de certains rock-critics, ou (dans le cas contraire) à rester ignorés de tous (Greg Shaw mis à part). Aux alentours de 1975, alors que la plupart des groupes ont splitté ou sont en perte de vitesse, les choses vont se débloquer avec l'intrusion d'un invité imprévu: le punk rock...


Alex Twist



(*1) : "Power pop is what we play, what the Small Faces used to play, and the kind of pop The Beach Boys played in the days of 'Fun, Fun, Fun' which I preferred." soit "La powerpop est la musique que nous jouons, celle que les Small Faces jouaient avant nous et celle que les Beach Boys jouaient à l'époque bénie de 'Fun, Fun, Fun'".

(*2) : En anglais, "jangle" signifie "tintement" et ce mot, qui a donné son nom à la jangle pop décrit le son des guitares douze cordes que des groupes comme les Byrds faisaient "sonner" en les habillant de réverbération. L'expression viendrait de la chanson Mr Tambourine Man ("in the jingle-jangle morning") écrite par Dylan mais interprétée avec beaucoup de brio par les Byrds. Ce son si particulier, doux à l'oreille, engendra une bonne partie des inspirations indie pop du milieu des années 80, et notamment en Océanie. Mais c'est une autre histoire.

(*3) : Greg Shaw a créé l'un des premier fanzine consacrés à la musique pop à la fin des 60's à Frisco : le Mojo Navigator. Après son départ pour LA le plaisir de l'écriture le titille tant qu'il finit par fonder une seconde revue "Who Put The Bomp" plus professionnelle et soignée, qui sera pendant les années 70 le porte-parole d'une certaine idée de la pop. Greg Shaw ira ensuite jusqu'à fonder son propre label, mais on y reviendra dans la seconde partie !

(*4) : “Quand vous venez écouter les Raspberries, vous ne vous attendez pas à voir : des cheveux jusqu'à la taille, des barbes, des Jeans déchirés ou des moustaches. Ce que vous ne vous attendez pas à entendre : de longs, confus et pénibles soli de guitares. De longs et chiants soli de batterie.”



P.S. : Pour aller plus loi, voici deux setlists à mettre à profit selon vos envies. Dégottez les titres et créez vos propres mixtapes documentant la première génération de powerpop !

1 Origines de la Powerpop (62-68) : Précurseurs et influences

01 The Beatles - I saw here standing there
02 The Byrds - I feel a whole lot better
03 Nazz - Open my eyes
04 The Easybeats - Friday on my mind
05 The Searchers - Don't throw your love away
06 The Move - I can hear the grass grow
07 The Choir - It's cold outside
08 The Hollies - Bus stop
09 The Who - The Kids are alright
10 The Small Faces - Hey girl

2 Les premiers groupes du genre (69-75) : Powerpop sans le savoir

01 Big Star - September gurls
02 Badfinger - No matter what
03 Raspberries - Tonight
04 The Wackers - I hardly know her name
05 Blue Ash - Abracadabra
06 Hot Dogs - Let me look at the sun
07 Brinsley Schwarz - What so funny about peace love and understanding ?
08 Rockin' Horse - Carol i'm so sad
09 The Stories - Love is in motion
10 Todd Rundgren - Couldn't i just tell you

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