C'est entendu.
Affichage des articles dont le libellé est techno parade. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est techno parade. Afficher tous les articles

mercredi 2 novembre 2011

[Réveille-Matin] Factory Floor - A wooden box

A (chaque) génération dégénérée, musique dégénérée. Le mot n'est peut-être pas juste, il faudrait peut-être plutôt dire "déviant" et l'expliquer en précisant que le chemin tracé duquel les musiciens concernés aiment à dévier est celui de la morale judéo-islamo-chrétienne plus ou moins bien pensante et politiquement correcte qui régit le "Bien" (et la poursuite du Bonheur) depuis au moins deux ou trois cents ans, maintenant.

Aujourd'hui, la disco est un Bien rétromaniaque de plus, et elle a le visage de ce type.

De ce point de vue bienveillant, même la disco, une musique associée à l'homosexualité, au sexe libidineux et à tout un tas de pratiques dites "déviantes" (comme l'usage forcené de drogues dures) en son temps (il y a trente ans) parait aujourd'hui consensuelle et inoffensive. Tout comme la techno, qui l'a remplacée dix ans plus tard, d'ailleurs, dans l'espace laissé vacant de la transe sonore dégénérée. Si la disco a disparu en tant que mœurs c'est avant tout qu'elle s'était fait des ennemis (les punks, les rockers, les intellectuels, les ouvriers, etc) et que de part son aspect esthétique, elle ne pouvait représenter un mode de vie, et encore moins, à l'opposé de la techno (qui elle a su perdurer à travers les décennies) ne disposait-elle d'un attrait intemporel, futuriste, que l'électronique de la techno et de la house, bien plus poussées que celle de la disco, permettaient d'atteindre.

La techno pouvait ainsi évoluer sans cesse par le biais de la technologie et ne jamais s'enliser. Il y a cependant un autre aspect de la techno qui explique sa survie : son âge. Née au crépuscule des années 80, elle a su récupérer la déviance propre à la disco (consommation de drogues dures, lien étroit avec les mouvements homosexuels, transe abrutissante, danse, sexe et même une nouveauté : les rassemblements secrets en rase campagne ou en banlieue, hors de tout contrôle, que l'on a appelés raves) et ne pas s'en défaire parce qu'au même moment, les années 90 amenaient leur lot de reconnaissance-à-tout-va, d'acceptation bienveillante sans compromis, de valorisation de la différence et de la jeunesse. Certes les drogues étaient encore mal vues par la communauté mais l'homosexualité, la jeunesse, la rébellion, et même les looks horribles qui faisaient alors fureur chez les ravers, tout ça fut "accepté". On créa même une Techno Parade en France. Et puis une Gay Pride. La messe était dite : la techno ne mourrait pas de causes naturelles, la société l'ayant branchée sur respirateur artificiel, et la déviance de se fondre dans le moule.

Au milieu des années 90, la banalisation de la techno était déjà effective.

Aujourd'hui, les jeunes gens en mal de mal-danse et de mal-transe n'ont plus beaucoup d'alternatives. La techno ne crée rien de très intéressant en dehors de quelques disques intellectualisants dont le beat sert moins la cause d'un mouvement que celle d'une pensée. Le dubstep est en fin de vie et n'a jamais été aussi internationalement reconnu comme une (d/tr)anse viable que ses illustres ainés, alors que reste-t-il ?



Les derniers amateurs de transe de qualité semblent venir en grand nombre d'un métissage de la musique électronique, que cela soit avec la synth pop (pour les plus cotonneux d'entre eux, comme Le Révélateur, Mountains, ou autres descendants de Tangerine Dream), le psychédélisme (The Oscillation, The Black Angels, etc) ou pour les plus radicaux, du post-punk, et surtout dans la veine du funk électronique industriel chère à Cabaret Voltaire ou Throbbing Gristle.

C'est le cas, vous l'aurez compris, de Factory Floor, quatuor londonien qui monte qui monte, et que C'est Entendu n'avait déjà pas manqué de mentionner il y a bientôt un an, sur le Peu Importe Vol. 3, notre compile défricheuse de fin d'année.

Après un EP et quelques sorties très souterraines, le groupe a publié fin 2010 un album de quatre longues pistes électro-industrielles (+ une vidéo d'une heure) et a enchainé en 2011 avec de nombreux concerts (dont Dour, l'ATP...). Impossible de savoir si ces musiciens, qui ne semblent pas vraiment du genre à être des renards de studio ou de prolixes bâtisseurs, vont aller beaucoup plus loin que ces quatre morceaux, dont trois sont de puissantes transes électro-industrielles addictives, mais ils ont réussi à créer quelque chose d'aussi prenant que leurs ainés post-punk, d'aussi remuant que de la techno et de fondamentalement déviant. Reste à savoir si amener plus loin cette transe-là ferait sens ?


Joe Gonzalez

vendredi 30 septembre 2011

[Quitte ou Double] La Grande Exhibition

La question vient de germer dans mon cerveau et avant que la digestion ne me la fasse passer, j'aimerais vous la poser, à vous, habitants de civilisation festive, auditeurs passionés, humains après tout et surtout après l'ère de la Fête, telle que la concevait Philippe Muray.

Comment envisagez-vous la festivisation publique de la musique, active depuis la fin des années 90, depuis donc presque quinze ans, et qui perdure envers et contre tout en un temps où elle s'est banalisée, ringardisée peut-être, un temps où elle il convient de se demander si elle a encore un sens autre que celui d'un défilé festif que l'on pourrait qualifier de décadent ?

(L'indépen'danse vaut-elle que l'on voue un culte aveugle à la boule unique à facettes uniformes ?)


Quelle fierté reste-t-il dans la célébration de la Fête de la Musique ? Est-elle encore à vos yeux cette occasion unique et indispensable de partage sonore, de découverte, de liberté ? Ou bien n'est-elle que le pire jour de l'année pour l'art musical, 24 heures durant lesquelles tout est permis et donc le pire, durant lesquelles la liberté est le plus bafouée puisque le droit au silence est piétiné ? Avez-vous participé à la Techno Parade le 17 septembre dernier ? Qu'y avez-vous éprouvé ? Est-ce un défilé dont les technophiles profitent parce qu'il existe, sans conviction, pour fêter leur musique ? Une occasion pour les adolescents de participer à une "manifestation" sans revendication autre que celle de la liberté de bloquer des rues ? Est-elle au contraire la manifestation tangible de l'électronisation de la musique, un poing levé face au classicisme des institutions ? Quid du Disquaire Day, censé célébrer le mercantilisme de la culture ? A-t-il valeur de sauveur du marché musical ? De la Musique elle-même ? Y'a-t-il encore une notion de fierté dans ces fêtes ? Elles ne portent pas forcément le terme "pride" en leur nom mais le mot "parade" inclut à la fois le sens de la parade militaire (et non pas militante, c'est à dire une marche au pas, aux ordres de, et non pas un défilé en son propre nom pour sa propre revendication) et celui de "se pavaner". Faut-il y voir une uniformisation banalisée de la pensée culturelle ou bien est-ce bel et bien une nécessité que ce rappel annuel des acquis sociaux-culturels d'il y a quinze ans ?

Je ne me pose pas ces questions, je vous les pose à vous. J'ai ma propre idée sur le sujet mais qu'en est-il de la vôtre ? Vous étiez-vous même posé ces questions ? Elles me semblent primordiales pour quiconque s'intéresse à la vie culturelle de sa société. Laisser reposer des idées sur une étagère sans jamais les remettre sur la table, sans jamais les confronter à un ré-examen, voilà qui me parait laxiste, bête et anti-progressiste. J'attends de vous que vous m'aidiez à ré-examiner le status quo entourant la Grande Exhibition musicale qui semble faire consensus chez nous. Un sondage vous attend sur votre gauche, la boite de commentaires ci-dessous est prête à recevoir vos opinions. Allez y de bon coeur, citoyens !


Joe Gonzalez