A (chaque) génération dégénérée, musique dégénérée. Le mot n'est peut-être pas juste, il faudrait peut-être plutôt dire "déviant" et l'expliquer en précisant que le chemin tracé duquel les musiciens concernés aiment à dévier est celui de la morale judéo-islamo-chrétienne plus ou moins bien pensante et politiquement correcte qui régit le "Bien" (et la poursuite du Bonheur) depuis au moins deux ou trois cents ans, maintenant.
De ce point de vue bienveillant, même la disco, une musique associée à l'homosexualité, au sexe libidineux et à tout un tas de pratiques dites "déviantes" (comme l'usage forcené de drogues dures) en son temps (il y a trente ans) parait aujourd'hui consensuelle et inoffensive. Tout comme la techno, qui l'a remplacée dix ans plus tard, d'ailleurs, dans l'espace laissé vacant de la transe sonore dégénérée. Si la disco a disparu en tant que mœurs c'est avant tout qu'elle s'était fait des ennemis (les punks, les rockers, les intellectuels, les ouvriers, etc) et que de part son aspect esthétique, elle ne pouvait représenter un mode de vie, et encore moins, à l'opposé de la techno (qui elle a su perdurer à travers les décennies) ne disposait-elle d'un attrait intemporel, futuriste, que l'électronique de la techno et de la house, bien plus poussées que celle de la disco, permettaient d'atteindre.
La techno pouvait ainsi évoluer sans cesse par le biais de la technologie et ne jamais s'enliser. Il y a cependant un autre aspect de la techno qui explique sa survie : son âge. Née au crépuscule des années 80, elle a su récupérer la déviance propre à la disco (consommation de drogues dures, lien étroit avec les mouvements homosexuels, transe abrutissante, danse, sexe et même une nouveauté : les rassemblements secrets en rase campagne ou en banlieue, hors de tout contrôle, que l'on a appelés raves) et ne pas s'en défaire parce qu'au même moment, les années 90 amenaient leur lot de reconnaissance-à-tout-va, d'acceptation bienveillante sans compromis, de valorisation de la différence et de la jeunesse. Certes les drogues étaient encore mal vues par la communauté mais l'homosexualité, la jeunesse, la rébellion, et même les looks horribles qui faisaient alors fureur chez les ravers, tout ça fut "accepté". On créa même une Techno Parade en France. Et puis une Gay Pride. La messe était dite : la techno ne mourrait pas de causes naturelles, la société l'ayant branchée sur respirateur artificiel, et la déviance de se fondre dans le moule.
Aujourd'hui, les jeunes gens en mal de mal-danse et de mal-transe n'ont plus beaucoup d'alternatives. La techno ne crée rien de très intéressant en dehors de quelques disques intellectualisants dont le beat sert moins la cause d'un mouvement que celle d'une pensée. Le dubstep est en fin de vie et n'a jamais été aussi internationalement reconnu comme une (d/tr)anse viable que ses illustres ainés, alors que reste-t-il ?
Les derniers amateurs de transe de qualité semblent venir en grand nombre d'un métissage de la musique électronique, que cela soit avec la synth pop (pour les plus cotonneux d'entre eux, comme Le Révélateur, Mountains, ou autres descendants de Tangerine Dream), le psychédélisme (The Oscillation, The Black Angels, etc) ou pour les plus radicaux, du post-punk, et surtout dans la veine du funk électronique industriel chère à Cabaret Voltaire ou Throbbing Gristle.
C'est le cas, vous l'aurez compris, de Factory Floor, quatuor londonien qui monte qui monte, et que C'est Entendu n'avait déjà pas manqué de mentionner il y a bientôt un an, sur le Peu Importe Vol. 3, notre compile défricheuse de fin d'année.
C'est le cas, vous l'aurez compris, de Factory Floor, quatuor londonien qui monte qui monte, et que C'est Entendu n'avait déjà pas manqué de mentionner il y a bientôt un an, sur le Peu Importe Vol. 3, notre compile défricheuse de fin d'année.
Après un EP et quelques sorties très souterraines, le groupe a publié fin 2010 un album de quatre longues pistes électro-industrielles (+ une vidéo d'une heure) et a enchainé en 2011 avec de nombreux concerts (dont Dour, l'ATP...). Impossible de savoir si ces musiciens, qui ne semblent pas vraiment du genre à être des renards de studio ou de prolixes bâtisseurs, vont aller beaucoup plus loin que ces quatre morceaux, dont trois sont de puissantes transes électro-industrielles addictives, mais ils ont réussi à créer quelque chose d'aussi prenant que leurs ainés post-punk, d'aussi remuant que de la techno et de fondamentalement déviant. Reste à savoir si amener plus loin cette transe-là ferait sens ?
Joe Gonzalez
Factory Floor vient d'annoncer la sortie d'un disque chez DFA records :
RépondreSupprimerhttp://thequietus.com/articles/07297-factory-floor-two-different-ways
Sacré groupe. Je suis excité par le nouvel EP! Tu sais si les sorties pré-Untitled sont bien ?
RépondreSupprimerNon mais je vais m'empresser d'écouter leur précédent EP dont le nom m'échappe, là tout de suite.
RépondreSupprimerBeau papier.
RépondreSupprimerMerci !
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