C'est entendu.
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jeudi 8 décembre 2011

[Alors quoi ?] Rappel historique et esthétique : le garage-rock 60's

"Garage" est un terme que l'on trouve souvent dans les chroniques, parfois avec un beau contre-sens à la clef d'ailleurs, et qui mérite donc quelques explications. Il faut d'abord préciser qu'ici, on évoquera le "garage-rock", à ne pas confondre avec la house-garage et le UK-garage. Ces deux sous-genres de la musique électronique tirent leur nom d'une célèbre boite de nuit qui passait de la house à New York : le Paradise Garage, un temple dédié à la musique électronique. Le garage qui nous intéresse ici tient son qualificatif de la légende selon laquelle de nombreux groupes amateurs des années 60 répétaient dans le garage de leurs parents, faute de mieux !



(The Count Five - Psychotic Reaction)

Historiquement, le garage-rock est un genre strictement nord-américain, tout au mieux on pourra éventuellement évoquer plus largement les pays du continent sud-américain et l'Australie... En effet, le rock des anglais de la même époque, celui des Kinks, Stones, Yardbirds, Who et compagnie n'est PAS du garage mais de la beat music ou si l’on veut être encore plus précis on pourra parler de mod, british-R&B, etc. En ce qui concerne le reste de l'Europe on parle également plus volontiers de beat music même si parfois les groupes sonnent davantage comme le garage-rock américain... C’est certes compliqué et un peu pointilleux sur les bords, mais vous allez comprendre le pourquoi du comment.



(The Kingsmen - Louie Louie)

Le garage-rock est la réponse du loup à la bergère. Qu'allaient pouvoir faire les ados américains buveurs de coca-cola face à l'invasion britannique ? Se laisser faire ou réagir? Ils ont décidé de prendre les armes (guitare-basse-batterie et clavier) et de combattre l'assaillant en essayant de placer des 45 tours dans les charts plutôt qu'en pratiquant la politique de l'autruche... Les anglais avaient été influencés par la Motown et Buddy Holly ? Les américains le seraient par les groupes anglais. Certains prennent les Beatles en modèle (Byrds ou Remains) mais la plupart des groupes seront surtout séduits par la musique sexuelle des Stones, les riffs vengeurs des Kinks et les délires proto-psyché des Yardbirds (groupe ayant beaucoup tourné sur les terres du Nouveau Monde). Forcément les américains digèrent ces influences et y ajoutent une couleur locale. En plus du rock’n roll il ne faut pas oublier le rôle fondateur du frat-rock (les Kingsmen, par exemple) ou du surf-rock (comme celui des Trashmen). Louie Louie est probablement le premier morceau garage rock : hyper facile à jouer et avec un texte possiblement cochon (*1), c'était alors la chanson parfaite en guise de bande son pour les beuveries étudiantes des fraternités.



(Remains - Why do I cry)

Le garage-rock démarre donc vers 1963 mais connaitra son pic artistique entre 1965 et 1967. C’est plus ou moins lorsque les autres genres en vogue à l’époque déclinent (surf et rock’n roll) que le garage fait ses classes et s’installe dans les cœurs. A son tour il laissera d’ailleurs sa place à des choses peut être plus chiadées mais nettement moins fun : le prog, la musique psyché, etc. Deux approches du garage-rock coexistent et se recoupent partiellement : historique et esthétique.

La biographie des musiciens est presque toujours la même : une bande de potes de lycée habitant dans le même quartier et répétant dans un garage ou dans le salon de la maison familiale. Le manager est souvent le papa du batteur tandis que le grand frère conduit le van pour mener le groupe à son concert pour le bal de promo du lycée de la ville d'à coté. De ce point de vue, des groupes très "pop" comme les Remains ou les Knickerbockers ont été considérés comme garage par ceux qui considèrent que ce qui compte c'est surtout l'origine géographique et l'époque.



(The 13th Floor Elevators - You're gonna miss me)

D’un point de vue esthétique, certains passionnés ont essayé de définir l'essence de ces groupes, ce qui faisait leur homogénéité : c'est un job loin d'être évident d'autant plus qu'à l'époque (au milieu des années 60), on n’avait aucune notion, aucune case dans laquelle ranger les groupes en question. On en est donc arrivé à une définition en terme de style : le garage est une musique directe et crue (pas de production trop policée ou d'arrangements compliqués), l'énergie très présente et pas tout à fait maitrisée (il faut que ce soit sauvage !), les guitares doivent être aigrelettes (présence d'une fuzz souhaitée), et enfin, élément très distinguant/distingué : un orgue-combo rital (*2).



(Love - My little Red Book)

Outre les sus-mentionnés groupes de la British Invasion, du rock’n roll et compagnie (surf, frat), le garage s'est enrichi au contact du folk-rock et de la musique psychédélique. Le premier album de Love est un bon exemple de cette fertilisation croisée, un pied dans le garage le plus brutal (leur reprise de My little red book) et l'autre dans le folk rock des Byrds.


(La compilation "Nuggets" de Lenny Kaye permettra au garage-rock d'inspirer les générations suivantes)

Vers 1967-68 le garage s'éteint de lui-même. Il y a eu l'évolution de certains musiciens vers une pratique onaniste de leur instrument (la technique au détriment de la spontanéité). Il y a eu les nombreux appelés au Viet'. Et puis il y a eu le passage du temps et les adolescents d’hier ont dû se trouver une responsabilité et un job régulier, et les rangs garagistes se sont épuisés. Cette rupture de stock fut néanmoins temporaire, car si en 1972 lorsque Lenny Kaye compile ses "Nuggets" (une compilation de singles plus ou moins obscurs de rock garage ou psychédélique et de beat-music et merseybeat, NDLR) sur le label Elektra tout le monde a l’air de l’ignorer, il n'en sera pas de même quand Sire rééditera les légendaires pépites en 1976. La seconde moitié des 70’s voit alors un regain d’intérêt pour le rock des 60’s (*3) tandis que dans les années 80, un revival s'organise autour de labels comme Voxx, Get Hip ou Moxie (*4). En 2011 le garage se porte très bien, merci pour lui.


Alex Twist



D'autres titres à écouter d'urgence :

? and the Mysterians - 96 Tears
The Sonics - Psycho
The Seeds - Don't push me too hard
Music Machine - Talk talk
Paul Revere and the Raiders - Just like me
The Standells - Dirty water
The Castaways - Liar, liar
The Electric Prunes - I had too much to dream last night
The Brogues - I ain't no miracle worker
The Chocolate Watchband - Sweet young thing
The Bob Seger system - 2+2=?
Thee Midnighters - Jump Jive & Harmonize
The Tamrons - Wild man
The Unrelated Segments - Cry, cry, cry
Teddy and his Patches - Suzy creamcheese
The Litter - Action woman
The Squires - Going all the way
The Jesters of Newport - Stormy
The Driving Stupid - The horror asparagus story
The Monks - I hate you
The Third Bardo - I'm five year ahead of my time
The Five Americans - I see the light
The Other Half - Mr Pharmacist
Mouse and the Traps - Maid of sugar maid of spice
The Sparkles - No friends of mine
The Leaves - Hey Joe




(*1) : Une chanson écrite par Richard Berry & the Pharaohs, elle était un "classique" des groupes du coté de Seattle en live et notamment les Wailers. Les Kingsmen en feront le tube que l'on connait lors d'une session d'une heure à la fin d'une journée de studio. Les paroles difficilement intelligibles ajoutent du piment, certains y entendant des paroles cochonnes ou des messages subliminaux... Le FBI malgré de nombreuses recherches fera cependant choux blanc. A noter que d'autres chansons de Richard Berry trouvèrent une seconde vie entre les mains de groupes garage du coin comme les Sonics (Have love will travel).

(*2) : Tels que le farfisa ou le voxx pour les plus riches. Il faut écouter par exemple 96 tears de ? and the Mysterians ou Liar liar des Castaways pour comprendre la nature profonde de ce son : bon marché, criard et agressif ! Ne dites jamais à un amateur de garage puriste que vous aimez le Hammond il vous rigolera au nez en vous mentionnant Deep Purple ou Emerson Lake & Palmer. Certes, le B3 est réservé aux bourgeois et un lycéen ne pouvait pas se le payer en 1965. On n’est pas là pour la chaleur mais bel et bien pour trouver un truc qui bourdonne dans les oreilles.

(*3) :
La série Pebbles voit le jour en 1978, son nom est une référence directe aux Nuggets (Pépites/Cailloux). Bam Caruso est fondé en 1983. Les Compilations "Back From The Grave" apparaissent en 1983. Le premier Ugly Things est édité en 1983.

(*4) :
Voxx est le label fondé par Greg Shaw après Bomp, avec une orientation 60’s. Get Hip est un label fondé par les Cynics de Pittsburgh, toujours en activité (et plutôt en forme). Moxie est le label des Miracle Workers. Quelques groupes du revival des années 80 : Droogs, Fleshtones, Fuzztones, Crawdaddys, Tell-Tale-Hearts, The Creeps, The Pandoras, The Lyres, DMZ, The Optic Nerve, Chesterfield Kings, Les Playboys, Los Negativos …

lundi 28 novembre 2011

[Réveille Matin/Parallèles] Ultraviolet — Kites

L'autre soir, je fouinais un peu au hasard sur les pages de sites-discographies (comme, il y a quelques années encore, je farfouillais dans les bacs des disquaires… je ne sais même plus s'il y a un vrai disquaire dans ma ville à part Harmonia Mundi) — bref, je fouillais sur les pages de discogs.com et je suis tombé sur la liste d'un utilisateur présentant ses "albums de l'année" de 1965 à 2011. Vu que je m'y retrouvais beaucoup, j'ai décidé de jeter une oreille au disques que je ne connaissais pas encore.

C'est ainsi que j'ai fini par écouter "Northern Exposure" de Sasha & John Digweed (en photo ci-dessus), qui n'est même pas un "véritable" album mais plutôt une compilation, ou plutôt un DJ mix de progressive house — parfois froide, souvent dansante, avec des noms connus que j'aimais déjà beaucoup mais aussi une belle majorité de découvertes. Je n'ai pas l'habitude d'écouter des DJ mixes, mais celui-ci m'a convaincu au point que j'ai eu du mal à reprendre mon exploration des disques de 2011 par la suite. Franchement, je vous recommande vivement d'écouter cette compile en entier ; mais je voudrais vous parler aujourd'hui de l'un de ses nombreux moments forts, à savoir la septième piste de "0°/North", juste après l'exaltante I'm Free de Morgan King, quand les sons posés et envoûtants se mettent à prendre une dose d'énergie et à devenir franchement dancefloor-friendly sans dénaturer l'impression de trip posé qui flotte sur tout le disque…


Quelques extraits du mix (avec Kites en premier), histoire de vous mettre dans le bain.
Si vous aimez, la version complète de la piste se trouve plus bas.

Il y a au moins deux choses qui peuvent dérouter dans le domaine de la dance music quand (comme moi) on n'y est pas habitué : le fait que même certains des plus grands noms n'ont sorti que des singles au lieu d'albums, et le fait que même certains de ces singles existent sous une telle diversité de formes (mixes et remixes) qu'il peut être difficile de trouver l'"original". Aussi ne suis-je même pas certain d'avoir trouvé la version originale de Kites d'Ultraviolet, groupe apparemment éphémère qui n'aura sorti qu'un ou deux singles. Si le fait de devoir me contenter d'une seule piste là où j'aimerais entendre tout un album peut être frustrant, il s'agit de considérer les pistes non comme des compositions bien définies mais comme des entités polymorphes susceptibles d'évoluer… ce qui peut se révéler assez intéressant, quelque part.

Mais remontons un peu plus loin. Car Kites n'est pas une chanson composée par Ultraviolet à l'origine…


La version originale de Kites, par Simon Dupree & The Big Sound (1967).

Le nombre de mutations qu'aura subi la chanson originale avant que je ne la découvre est en réalité impressionnant : il s'agit d'une chanson ① écrite à l'origine en 1967 par Hal Hackady et Lee Pockriss, ② interprétée par Simon Dupree & The Big Sound (groupe qui deviendra par la suite, à quelques membres près, Gentle Giant). ③ Ultraviolet la reprit et la transforma en tube house en 1990, puis la piste fut ④ remixée, notamment par Purple Haze pour les remixes intitulés "Fantasy Flite", avant d'être ⑤ incluse dans le mix "0°/North" de "Northern Exposure" par Sasha et John Digweed. Si j'avais été fan de la chanson de 1967, je ne sais pas du tout si j'aurais apprécié cette version. Peut-être aurais-je crié au sacrilège et au mauvais goût. D'ailleurs, je pense que beaucoup d'entre vous feront la grimace en entendant la version qui m'a fait aimer la chanson, avec son esthétique ouvertement "club" et 90's à fond :


(Kites (Fantasy Flite Part One))

Et si je ressens, dans la chanson de 1967, certaines des mêmes impressions qui me plaisent sur "Northern Exposure" (alors qu'elle est beaucoup plus mélancolique), impossible de savoir si je ne l'aurais pas considérée comme vieillotte et ennuyeuse si c'est le chant de Shulman que j'avais entendu en premier. Impossible aussi de savoir si je n'aurais pas trouvé la version house vulgaire et sans intérêt hors du mix. Ce qui me séduit dans Kites de la manière dont je l'ai entendue, c'est cette impression de liberté, d'insouciance, de félicité, et d'une candeur qui pourrait passer pour de la naïveté aujourd'hui. Ça n'est peut-être que quelques minutes de paradis artificiel pour doux raveurs — mais ça fait un bien fou d'oublier, pendant quelque temps, l'abstraction, l'agressivité, le cynisme, la nostalgie, le nihilisme ou l'isolationnisme qui semblent baigner (chacun leur tour, en petits groupes ou tous ensemble) le zeitgeist musical de ces dernières années.


— lamuya-zimina

mardi 22 février 2011

[Réveille-matin] Leonard Cohen - One of Us Cannot Be Wrong

Il n'y a pas si longtemps, j'ai dit du mal de papy Cohen. Je m'en excuse.

Oh et puis non. Leonard Cohen a tellement déçu. Tomber dans la variète ricaine aux cotés de mecs comme le bien mal nommé Neil Diamond après avoir écrit les plus belles chansons du monde et les avoir interprétées avec tellement de retenue, c'est impardonnable. Il ne devrait même plus avoir le droit de les massacrer comme il le fait aujourd'hui. Il devrait y avoir une exception au droit d'auteur (*) pour les artistes indignes de leur passé.



Car en 1967, la vie était peut-être très moche pour Léo avec sa tête bizarre de déjà vieux, mais il savait y faire pour émouvoir son monde, le bougre. Je n'apprendrai rien à personne en disant que "Songs of Leonard Cohen" contient plus de pépites que les chicos de Yeezy. Joe avait déjà relevé que de cet album on ne retient trop souvent que Suzanne, magnifique chanson certes, mais Master Song, The Stranger Song, So Long Marianne méritent tout autant d'être prises et reprises dans tous les sens.

Et puis il y a le morceau final, One of Us Cannot Be Wrong. Je précise que c'est le morceau final car ces crétins de Columbia ont cru bon de rajouter des chansons sur l'album dans la réédition de 2007. Sérieux, bande de bâtards consanguins, touchez-vous, mais ne touchez pas aux albums. La chanson cultive la même atmosphère que les précédentes (rappel : de la mélancolie en barre), mais tandis qu'elle se termine, on plonge subitement dans le sordide avec d'un coté, un sifflement mal assuré, et de l'autre, Leonard Cohen qui rompt avec le chant apaisé qu'il a délivré tout au long du disque et se met à brailler la mélodie, d'abord comme un enfant puni dans sa chambre, puis comme un malade mental coincé dans sa camisole. Alors on fait comme le fade out prématuré : pendant que Leonard sombre dans la folie, on prend calmement ses affaires, et discrètement, mais d'un pas sûr, on se dirige vers la porte de sortie.


Joseph Karloff


(*) : Oui je sais que c'est le droit français et que ça ne s'appliquerait donc pas à Cohen qui est né au Canada, ce pays bâtard sans foi ni loi ni sens du ridicule.

vendredi 11 février 2011

[Fallait que ça sorte] L'inventaire


Des vieilleries. Toujours plus de vieilleries. C'est un peu comme cela que je fonctionne, en ce moment, je n'écoute pour ainsi dire presque que du vieux, du poussiéreux, et ça me plait. J'avais envie de vous faire partager quelques unes de ces reliques du passé, parce que sans déconner, dans le temps, on savait quand même faire de la vachement bonne musique, et c'est pas des foutaises, mais comme on n'est pas chez Rock & Folk, on s'en tiendra plutôt à une formule du genre : parce que ressortir des vieux disques de derrière les fagots, ça fait prendre son pied à mon âme de mec qui aime les photos en sépia tapissées de grain avec des vieilles chaises en bois et des guitares d'un autre âge dans les coins. Mon âme de vieux folkeux barbu en chemise à carreaux. Mon âme de mec vieux par anticipation quoi. M'en fiche, moi ça me va !

On commence par les États-Unis, forcément. Los Angeles, fin des années 60, bubblegum pop et sunshine pop battent leur plein sur les ondes comme sur les platines. Un groupe à la frontière des deux styles émerge alors ; Strawberry Alarm Clock, six hippies consommateurs avertis de marijuana et LSD, et dont le nom est un hommage (très) explicite aux Beatles, une fameuse idée de leur maison de disque. Le résultat est au rendez-vous.
"Wake Up... It's Tomorrow" est un petit joyau pop oublié. L'instrumentation demeure très narrative du début à la fin, les morceaux rebondissent, dévient, c'est une réelle expérience qui plonge nos oreilles au plus profond d'une production ultra sixties, certes, mais dont le charme est si fort qu'il écrase assez bien le stéréotype. "Wake Up... It's Tomorrow", le deuxième album du groupe (1967), est dans l'absolu plus psychédélique et moins purement pop que le précédent, sur lequel on trouve néanmoins Incense & Pepermint, le tube qui les a révélé. En définitive, c'est une œuvre mûre et peaufinée. Pénétrez-la, et elle saura vous pénétrer en retour, à coup sûr et sans mauvais jeu de mots, à l'image de la méditation suggérée ci-dessous, en compagnie d'un hypothétique gourou. Vous venez de trouver de quoi occuper votre après-midi.

(Sit With The Guru, version Youtube pas propre)



On continue avec Agincourt, un groupe anglais aux multiples visages : à chaque nouvel album, un nouveau patronyme pour la formation. Ainsi, Agincourt, c'est aussi Ithaca, Alice Through The Looking Glass, ou encore Tomorrow Come Someday. Sans "s" à "Come", ouep, c'est comme ça que ça marche.
Agincourt, c'est léger, c'est pop avec parfois une touche psyché et ça se rapproche, à l'occasion, de la folk. "Fly Away" (1970) se déguste même sans faim, et on revisite assez bien l'Angleterre et son premier âge d'or populaire, mais comme à travers un filtre rural. Cet album fait preuve d'un retranchement certain et assumé, sûrement la cause de son absence de succès à l'époque et de sa disparition de la mémoire collective de nos jours. S'il y est jamais apparu, remarquez. C'est un des petits plaisirs de l'internaute qui, au cours de ses recherches sans but vraiment établi, serait par le plus pur des hasards tombé dessus. Par chance donc, puisque c'est devenu désormais le seul moyen de découverte ou presque, quand il s'agit des choses d'avant.

(Going Home)



Novos Baianos à présent. On s'éloigne un peu des british pour aller faire un tour du côté du Brésil, parce qu'en Amérique Latine, ils savent y faire aussi, et pas qu'un peu. "Acabou Chorare" (1972), l'album phare du groupe, est, tout comme l’intégralité de leur œuvre, autant l'héritage musical de la formation alors la plus réputée de l'État de Bahia (nord du Brésil) que son témoignage moral. Novos Baianos est accompagné par les musiciens d'un autre groupe, A Cor do Som, à la guitare, à la basse, à la batterie et aux percussions, ce qui créé une sorte de super-groupe où se mélangent des influences extrêmement variées ; bossa, rock, samba, MPB (pour Musique Populaire Brésilienne) et j'en passe. Leurs travaux esquissent le portrait de la vie qu'ils ont menée : la communauté, avec bien sûr tout ce que cela implique durant les seventies. Pourquoi ne pas faire cohabiter rock et bossa nova, après tout ? Pour eux, la réponse est une évidence. Un style venant en enrichir un autre, ils dressent ainsi un échafaudage hétéroclite qui n'a pour limite que leurs goûts et références propres, et en l'occurrence, le spectre est vaste. Très vaste.

(Brasil Pandeiro)



Poursuivons avec John Fahey. Retour en 1967, aux USA. Le pionnier de la "primitive guitar" signe un chef d'œuvre intemporel ; "Days Have Gone By, vol. 6". Avec ses arpèges et son finger-picking, il dessine l'Amérique des grands espaces, des trains de marchandises. Une Amérique pas si éloignée de la beat generation mue par Kerouac ou Ginsberg, à bien y réfléchir, mais différente quand même. Ici, c'est de son essence-même dont il est question. C'est l'Amérique folklorique sans artifices, sans prise de position autre qu'un lyrisme débordant. C'est une source intarissable d'émotions, d'endroits, de mots, d'idées, de souvenirs. Le tout de la plus simple manière qui soit : six cordes, un micro, une chaise, et dix doigts. Et une barbe, mais plutôt sur la fin, alors.

(The Portland Cement Factory at Monolith, California)



On met le cap sur du rock progressif, désormais. Il y a un bout de temps, je vous avais parlé d'un groupe britannique, T2, et vous avais présenté son premier album. Il était temps de vous causer du second (dans l'absolu, pas dans les faits). Intitulé "Fantasy", mais également reconnu sous le nom de "T2", il regroupe les versions démos des morceaux qui devaient figurer sur l'album définitif qui ne vit hélas jamais le jour pour cause de split. Toute la qualité d'écriture et tout le talent des trois hommes sont donc intacts, mais le matériel n'est pas aussi performant que sur le premier-né. Pourtant, au lieu d’être affaiblie, l'œuvre en ressort au contraire renforcée. Quand le prog rock se met à devenir intimiste, émouvant, c'est une sorte d'aboutissement, la boucle est bouclée. "Fantasy" est d'une remarquable beauté, relève d'une interprétation et d'une composition géniale, et possède le charme des travaux inachevés, laissant libre cour à l'imagination de celui qui écoute. L'échange se créé, la magie s'opère, et le souffle est devenu un élément à part entière, à prendre en compte, venant rappeler que cela commence sérieusement à dater ; ce n'est qu'en 1997 que Decca Records se décida à dévoiler ces "archives" de T2, témoins indirectes de la séparation du groupe, reformé depuis, mais jamais avec son line-up original.

(Careful Sam)



Enfin, concluons ce petit inventaire par une touche moins underground : David Crosby. En 1971, il décide de sortir son premier album solo, "If I Could Only Remember My Name", mais comme de juste, pendant les seventies sur la côte ouest, on est rarement tout seul, vous en conviendrez, il y a toujours un ou deux potes qui traînent de-ci de-là et avec qui vous déjà écumé pas mal de scènes et de studios. Pour Crosby, au final, c'est une petite quinzaine de personnes, dont Graham Nash, les membres de Grateful Dead et de Jefferson Airplane, qui vont venir offrir leur huile de coude au labeur désormais commun. Leur travail est soigné, ça respire l'Amérique en train de traverser sa glorieuse décennie culturelle (et culturelle seulement, n'oublions pas le Vietnam quand même), et ça demande du temps, certains morceaux sont assez longs, mais cela vaut franchement le coup. Au calme, plongez-vous dans Traction In The Rain ci dessous, et faites-en l'expérience. De vous à moi, nous savons très bien que la bonne folk pourrait ne jamais s'arrêter, pas vrai ?

(Traction In The Rain)


C'est tout pour l'instant, les amis, et en espérant qu'au moins l'un de ces albums vous plaise, je retourne dépoussiérer mes vinyles. Histoire vraie.


Hugo Tessier

jeudi 24 juin 2010

[Réveille Matin] The Who - I can see for Miles

Bon alors je dois être couillon mais au départ j'ai cru que Pete Townshend se prenait pour un clébard en écrivant ce single. Faut dire que j'avais acheté par le plus grand des hasards le 45 tours dans une boutique pas vraiment fréquentable, dans un pays situé au Sud des Pyrénées, et sur ce facsimilé le "m" de miles était écrit en majuscule. Une simple erreur de "typo" commise innocemment par un enfant, en Chine, ou ailleurs, et toute ma perception de la chanson était altérée. Au lieu de voir là une dispute conjugale à distance ("je vois jusqu'à des kilomètres, ma belle, alors t'avise pas de me faire une sale coup"), j'avais tout simplement, et tout aussi naïvement que mon homologue du Tiers Monde, imaginé qu'il s'agissait plutôt d'une profession de foi engagée et arrogante à un point pas possible d'un Townshend aux balls énormes qui nous aurait affirmé là qu'il se faisait Saint Bernard pour un trompettiste (selon lui) aveugle, et qu'il "voyait pour Miles Davis." Certes Townshed n'a pas été le moins éclairé, le moins original ou le plus idiot des compositeurs de musique populaire dans l'Angleterre des années 60 mais sans déconner, il lui aurait fallu des roustons gros comme la tête de Mouloud du Grand Journal pour oser prétendre être le nègre de Miles.

Aveugle, ce gars-là ? Pas impossible.

Enfin bref, la suite, vous la connaissez. J'ai écouté les paroles, compris mon erreur et arrêté d'ennuyer tous mes copains avec mes remarques très critiques à l'encontre d'un Pete Townshend qui n'avait pas les yeux plus gros que le nez et qui se contentait à l'époque d'écrire un paquet de chansons liées à l'infidélité (pensez à l'album "A quick one"), un thème qui devait sérieusement le travailler mais ça relève de la vie privée et je ne suis pas Voici alors je vous laisse plutôt avec la chanson, que vous connaissez peut-être déjà mais qui fera l'affaire pour vous tirer du lit. Et moi aussi, parce qu'aujourd'hui je bosse.


Joe Gonzalez

jeudi 20 mai 2010

[Réveille Matin] The Elastik Band - Spazz

Salut les copains ! Ce matin je vais faire vite, même si je n'arriverai pas à la cheville de l'urgence démoniaque du morceau dont il est question, Spazz de The Elastik Band. Vous devinez bien qu'avec un nom pareil il s'agit forcément d'un groupe sixties, et vous avez tout juste. Sauf que si Spazz se trouve sur la fameuse compile "Nuggets," on ne peut pourtant pas vraiment dire qu'il s'agisse de garage-rock très orthodoxe. Spazz commence comme une transe païenne crétine et enchaîne sur un riff bluesy minimaliste porté par la voix beuglante du chanteur David Cortopassi qui semble simplement s'enfoncer un peu plus les doigts dans la prise à chaque mesure. Le tout va se transformer en un chanté/parlé/hurlé possédé par-dessus un gros roulement de batterie, ralentir soudain dans un solo classic rock et puis disparaître peu après comme si de rien n'était. Au final c'est fulgurant, extrêmement drôle et surtout, ça ne ressemble vraiment à rien.


(The Elastik Band - Spazz)

Les groupes sixties dont l'intérêt de la carrière réside dans un seul single, on connaît, mais n'empêche que The Elastik Band les bat à peu près tous à plates coutures : Spazz est bel et bien leur seul morceau vraiment intéressant et il s'agit... d'une face b.


Thelonius H

jeudi 8 avril 2010

[Réveille Matin] Love - The Red Telephone

Bonjour à tous ! Des années soixante on vous avait parlé aussi bien des légendes qu'on ne présente plus que des outsiders qui méritent mieux que ça, eh bien ce matin je propose pour vous réveiller un groupe de la catégorie très sélect' des "groupes sixties dont tout le monde se foutait dans le temps mais totalement redécouverts depuis et qu'on considère désormais comme auteurs de classiques immortels." Ça aurait pu être un extrait de "Odessey and Oracle" des Zombies, mais ce sera plutôt du Love avec le morceau d'ouverture de l'album "Forever Changes", millésime 1967. Sur "Da Capo," sorti plus tôt la même année, Love se permettait déjà de faire cohabiter des morceaux raffinés et élégants arrangés à renfort de flûtes et clavecin (mais toujours avec un petit côté hispanisant, ce qui est un peu la marque de fabrique de ce groupe métissé) avec des pépites proto-punk sauvages et enragées, comme la cavalcade infernale 7 and 7 is qui vous essoufflait en seulement deux minutes et des poussières. Si ce mélange des genres entre garage rock et pop baroque est typique de la décennie, on remarque tout de même que le grand écart d'écriture accompli par les Kinks entre 64 (le riff rêche et primaire de You Really Got Me) et 66 (les descentes mélancoliques et délicates de "Something Else by the Kinks," un album qui porte décidément bien son nom), Love ne se gêne pas pour le faire parfois au sein d'un seul morceau, en témoigne l'étourdissante Stephanie Knows Who en ouverture. Le groupe aurait pu en rester là que l'album aurait ressurgi un jour ou l'autre avec un réputation d'obscurité 60's certes quelque peu inégale mais aux sommets suffisamment forts pour que Love dépasse le statut de banal "groupe Nuggets" (vous savez, cette compilation fleuve qui réunit des morceaux garage, pop ou psychédéliques de ces belles années).



(Love - The Red Telephone)

Avec "Forever Changes," chef d'œuvre qui n'a pas fini de fasciner et qui n'a été reconnu qu'après le fiasco humain qu'a été la carrière de Love par la suite, tout est plus subtil. L'album est d'un raffinement total, autant dans l'écriture très fluide et pourtant structurellement complexe (au point de perdre les musiciens de studio venus aider Arthur Lee alors que la cohésion du groupe commençait à battre de l'aile) que dans les arrangements amples de cordes et de cuivres. Fort heureusement, Love évite d'être aussi mielleux que pouvaient l'être d'autres groupes aux tendances baroques de l'époque, et si chaque morceau offre des moments sublimes de mélancolie et de contemplation ensoleillée c'est pour mieux faire surgir de la tension au moment où l'on s'y attend le moins, et avec pourtant tout le naturel du monde. A titre d'exemple, The Red Telephone, ou comment faire de la musique psychédélique sans guitare électrique, sans effets sonores, sans collages, simplement en laissant une ballade folk s'aventurer plus loin qu'elle n'aurait dû et se perdre doucement dans une transe sombre et rêveuse.


Thelonius H.

jeudi 5 mars 2009

[45 Tours] Jackie Wilson - (Your love keeps liftin' me) Higher and higher (1967)

Si l'on devait me demander un top 5 de mes chansons favorites, toute catégorie et toutes époques confondues, je serais bien ennuyé.
C'est toujours un véritable casse-tête ces choses-là, on a toujours peur d'oublier l'essentiel, ou on hésite bien trop.
Mais si la question était "Y a-t-il une chanson que tu es certain de placer dans un éventuel top 5 ?" (oui, je fantasme souvent les questions de ce type que j'aimerais me voir posées), alors je répondrai que j'en connais deux.


La première, c'est celle-ci, vous l'aurez compris, vous n'êtes pas idiots.

Cette chanson, vous la connaissez sûrement, c'est l'une des plus fameuses des années 60, et elle avait fait une apparition fracassante dans Ghostbusters 2 (SOS Fantômes 2, en françouze), dans lequel elle faisait danser coup sur coup un grille-pain et la Statue de la Liberté.

C'est l'une des meilleures chansons au Monde, elle ferait danser un paraplégique, elle donnerait le sourire à un RMIste.



Je vous propose de l'écouter ici.

Et si vous en voulez encore, voici une version live (datant de 1971) assez folle: