C'est entendu.
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jeudi 8 décembre 2011

[Alors quoi ?] Rappel historique et esthétique : le garage-rock 60's

"Garage" est un terme que l'on trouve souvent dans les chroniques, parfois avec un beau contre-sens à la clef d'ailleurs, et qui mérite donc quelques explications. Il faut d'abord préciser qu'ici, on évoquera le "garage-rock", à ne pas confondre avec la house-garage et le UK-garage. Ces deux sous-genres de la musique électronique tirent leur nom d'une célèbre boite de nuit qui passait de la house à New York : le Paradise Garage, un temple dédié à la musique électronique. Le garage qui nous intéresse ici tient son qualificatif de la légende selon laquelle de nombreux groupes amateurs des années 60 répétaient dans le garage de leurs parents, faute de mieux !



(The Count Five - Psychotic Reaction)

Historiquement, le garage-rock est un genre strictement nord-américain, tout au mieux on pourra éventuellement évoquer plus largement les pays du continent sud-américain et l'Australie... En effet, le rock des anglais de la même époque, celui des Kinks, Stones, Yardbirds, Who et compagnie n'est PAS du garage mais de la beat music ou si l’on veut être encore plus précis on pourra parler de mod, british-R&B, etc. En ce qui concerne le reste de l'Europe on parle également plus volontiers de beat music même si parfois les groupes sonnent davantage comme le garage-rock américain... C’est certes compliqué et un peu pointilleux sur les bords, mais vous allez comprendre le pourquoi du comment.



(The Kingsmen - Louie Louie)

Le garage-rock est la réponse du loup à la bergère. Qu'allaient pouvoir faire les ados américains buveurs de coca-cola face à l'invasion britannique ? Se laisser faire ou réagir? Ils ont décidé de prendre les armes (guitare-basse-batterie et clavier) et de combattre l'assaillant en essayant de placer des 45 tours dans les charts plutôt qu'en pratiquant la politique de l'autruche... Les anglais avaient été influencés par la Motown et Buddy Holly ? Les américains le seraient par les groupes anglais. Certains prennent les Beatles en modèle (Byrds ou Remains) mais la plupart des groupes seront surtout séduits par la musique sexuelle des Stones, les riffs vengeurs des Kinks et les délires proto-psyché des Yardbirds (groupe ayant beaucoup tourné sur les terres du Nouveau Monde). Forcément les américains digèrent ces influences et y ajoutent une couleur locale. En plus du rock’n roll il ne faut pas oublier le rôle fondateur du frat-rock (les Kingsmen, par exemple) ou du surf-rock (comme celui des Trashmen). Louie Louie est probablement le premier morceau garage rock : hyper facile à jouer et avec un texte possiblement cochon (*1), c'était alors la chanson parfaite en guise de bande son pour les beuveries étudiantes des fraternités.



(Remains - Why do I cry)

Le garage-rock démarre donc vers 1963 mais connaitra son pic artistique entre 1965 et 1967. C’est plus ou moins lorsque les autres genres en vogue à l’époque déclinent (surf et rock’n roll) que le garage fait ses classes et s’installe dans les cœurs. A son tour il laissera d’ailleurs sa place à des choses peut être plus chiadées mais nettement moins fun : le prog, la musique psyché, etc. Deux approches du garage-rock coexistent et se recoupent partiellement : historique et esthétique.

La biographie des musiciens est presque toujours la même : une bande de potes de lycée habitant dans le même quartier et répétant dans un garage ou dans le salon de la maison familiale. Le manager est souvent le papa du batteur tandis que le grand frère conduit le van pour mener le groupe à son concert pour le bal de promo du lycée de la ville d'à coté. De ce point de vue, des groupes très "pop" comme les Remains ou les Knickerbockers ont été considérés comme garage par ceux qui considèrent que ce qui compte c'est surtout l'origine géographique et l'époque.



(The 13th Floor Elevators - You're gonna miss me)

D’un point de vue esthétique, certains passionnés ont essayé de définir l'essence de ces groupes, ce qui faisait leur homogénéité : c'est un job loin d'être évident d'autant plus qu'à l'époque (au milieu des années 60), on n’avait aucune notion, aucune case dans laquelle ranger les groupes en question. On en est donc arrivé à une définition en terme de style : le garage est une musique directe et crue (pas de production trop policée ou d'arrangements compliqués), l'énergie très présente et pas tout à fait maitrisée (il faut que ce soit sauvage !), les guitares doivent être aigrelettes (présence d'une fuzz souhaitée), et enfin, élément très distinguant/distingué : un orgue-combo rital (*2).



(Love - My little Red Book)

Outre les sus-mentionnés groupes de la British Invasion, du rock’n roll et compagnie (surf, frat), le garage s'est enrichi au contact du folk-rock et de la musique psychédélique. Le premier album de Love est un bon exemple de cette fertilisation croisée, un pied dans le garage le plus brutal (leur reprise de My little red book) et l'autre dans le folk rock des Byrds.


(La compilation "Nuggets" de Lenny Kaye permettra au garage-rock d'inspirer les générations suivantes)

Vers 1967-68 le garage s'éteint de lui-même. Il y a eu l'évolution de certains musiciens vers une pratique onaniste de leur instrument (la technique au détriment de la spontanéité). Il y a eu les nombreux appelés au Viet'. Et puis il y a eu le passage du temps et les adolescents d’hier ont dû se trouver une responsabilité et un job régulier, et les rangs garagistes se sont épuisés. Cette rupture de stock fut néanmoins temporaire, car si en 1972 lorsque Lenny Kaye compile ses "Nuggets" (une compilation de singles plus ou moins obscurs de rock garage ou psychédélique et de beat-music et merseybeat, NDLR) sur le label Elektra tout le monde a l’air de l’ignorer, il n'en sera pas de même quand Sire rééditera les légendaires pépites en 1976. La seconde moitié des 70’s voit alors un regain d’intérêt pour le rock des 60’s (*3) tandis que dans les années 80, un revival s'organise autour de labels comme Voxx, Get Hip ou Moxie (*4). En 2011 le garage se porte très bien, merci pour lui.


Alex Twist



D'autres titres à écouter d'urgence :

? and the Mysterians - 96 Tears
The Sonics - Psycho
The Seeds - Don't push me too hard
Music Machine - Talk talk
Paul Revere and the Raiders - Just like me
The Standells - Dirty water
The Castaways - Liar, liar
The Electric Prunes - I had too much to dream last night
The Brogues - I ain't no miracle worker
The Chocolate Watchband - Sweet young thing
The Bob Seger system - 2+2=?
Thee Midnighters - Jump Jive & Harmonize
The Tamrons - Wild man
The Unrelated Segments - Cry, cry, cry
Teddy and his Patches - Suzy creamcheese
The Litter - Action woman
The Squires - Going all the way
The Jesters of Newport - Stormy
The Driving Stupid - The horror asparagus story
The Monks - I hate you
The Third Bardo - I'm five year ahead of my time
The Five Americans - I see the light
The Other Half - Mr Pharmacist
Mouse and the Traps - Maid of sugar maid of spice
The Sparkles - No friends of mine
The Leaves - Hey Joe




(*1) : Une chanson écrite par Richard Berry & the Pharaohs, elle était un "classique" des groupes du coté de Seattle en live et notamment les Wailers. Les Kingsmen en feront le tube que l'on connait lors d'une session d'une heure à la fin d'une journée de studio. Les paroles difficilement intelligibles ajoutent du piment, certains y entendant des paroles cochonnes ou des messages subliminaux... Le FBI malgré de nombreuses recherches fera cependant choux blanc. A noter que d'autres chansons de Richard Berry trouvèrent une seconde vie entre les mains de groupes garage du coin comme les Sonics (Have love will travel).

(*2) : Tels que le farfisa ou le voxx pour les plus riches. Il faut écouter par exemple 96 tears de ? and the Mysterians ou Liar liar des Castaways pour comprendre la nature profonde de ce son : bon marché, criard et agressif ! Ne dites jamais à un amateur de garage puriste que vous aimez le Hammond il vous rigolera au nez en vous mentionnant Deep Purple ou Emerson Lake & Palmer. Certes, le B3 est réservé aux bourgeois et un lycéen ne pouvait pas se le payer en 1965. On n’est pas là pour la chaleur mais bel et bien pour trouver un truc qui bourdonne dans les oreilles.

(*3) :
La série Pebbles voit le jour en 1978, son nom est une référence directe aux Nuggets (Pépites/Cailloux). Bam Caruso est fondé en 1983. Les Compilations "Back From The Grave" apparaissent en 1983. Le premier Ugly Things est édité en 1983.

(*4) :
Voxx est le label fondé par Greg Shaw après Bomp, avec une orientation 60’s. Get Hip est un label fondé par les Cynics de Pittsburgh, toujours en activité (et plutôt en forme). Moxie est le label des Miracle Workers. Quelques groupes du revival des années 80 : Droogs, Fleshtones, Fuzztones, Crawdaddys, Tell-Tale-Hearts, The Creeps, The Pandoras, The Lyres, DMZ, The Optic Nerve, Chesterfield Kings, Les Playboys, Los Negativos …

jeudi 10 novembre 2011

[Vise un peu] Castle Face Records presents: Group Flex

Vous vous rappelez de cette époque bénie où vous étiez encore un marmot joyeux et insouciant ? Quand vous passiez votre temps à jouer et à rire avec vos copains-copines, à courir dans l'herbe, à faire des châteaux dans un bac à sable, à découvrir des merveilles dans le grenier de vos grand-parents, à échanger des Pokémon à la récré, à vous amuser d'un rien (au point que vous aimiez même parfois découvrir les gadgets en plastique offerts dans les paquets de céréales (*)) ?

Oui ? Tant mieux ! Pas tout à fait ? Bon, OK, moi non plus. Je me rappelle aussi et surtout de l'instit' tarée qui ligotait les gosses sur leurs chaises et me faisait peur au point que je n'osais même pas la regarder en face ; du gros redoublant trois fois plus musclé que moi qui me rackettait mes Lila Pause et mes Kinder Délice à la récré ; je me souviens qu'en fait, je détestais l'école, y compris la récré, que je n'avais aucune envie d'être avec les autres que je ne connaissais pas vu que je venais de déménager, et que je voulais juste être en vacances et jouer à la Super Nintendo. Ou à la Megadrive chez un de mes copains, ou à toutes les consoles qu'avait mon cousin. Non, en vrai je n'aurais aucune envie de retourner *vraiment* en enfance.

Mais jouons un peu le jeu, idéalisons et conservons surtout les bons souvenirs : la facilité avec laquelle les enfants peuvent déborder d'énergie, d'excitation à l'idée de recevoir un nouveau jouet, voir tout endroit comme un terrain de jeu, etc. Vous y êtes ? Hé bien voilà : si vous aimez la pop noisy et le rock psychédélique, et si vous avez un petit côté mélomane collectionneur-fétichiste, "Group Flex" (édité par Castle Face Records) vous fera le même effet qu'une Zuckertüte remplie de bonbons et de jouets variés ! (Si vous ne savez pas ce que c'est qu'une Zuckertüte, regardez à gauche et si vous ne comprenez pas, tant pis : vous n'aviez qu'à être allemands.)


Aussi vite écouté qu'on avale un sachet de confiseries (le disque dure une demi-heure), "Group Flex" est un assortiment de chansons variées qu'on écoute en enfilade (les parfums s'appellent ici Blasted Canyons, Bare Wires, The Fresh & Onlys, Thee Oh Sees, Ty Segall and Mikal Cronin et Here Comes The Here Comes pour la piste cachée sur la première édition mais chut, faut pas le dire, c'est un secret !) et qui procurent un plaisir aussi immédiat que les bidules colorés en illustration ci-dessus, un goût aussi agréable qu'addictif, qui donne envie d'en avoir toujours plus. Sérieusement, le taux de mélodies accrocheuses à la minute sur cet album est impressionnant, et même si le disque ne contient que ça (de courtes chansons de garage rock psychédélique), c'est largement suffisant pour en faire plus qu'une simple compile sympatoche. (Toutes les pistes sont d'ailleurs exclusives.)

Et puis il y a le "jouet" : l'objet même, qui n'est autre qu'un carnet à spirales contenant de grosses pages cartonnées aux bords arrondis, et d'autres pages translucides, multicolores, à motifs métallisés… qui ne sont rien moins que des flexidiscs contenant chacun la musique de l'un des groupes ! (Si vous n'avez pas de platine vinyle ou que vous avez peur d'abîmer le bidule, l'album contient aussi un code pour télécharger les pistes. En 160 kbps, certes, mais c'est du garage rock lo-fi — pas du Ben Frost.)


(Blasted Canyons — Ice Cream Man)

Ce qui me tient lieu de conscience professionnelle me dit que je devrais sans doute présenter chacun des groupes inclus sur la compilation : mais que ce soit la (très relative) lenteur psychédélique des Blasted Canyons (et leurs chœurs inoubliables sur le refrain d'Ice Cream Man), la simplicité et l'immédiateté totale des chansons des Bare Wires, le son plus distant des Fresh & Onlys, celui, quasi-instrumental, aussi "trippé" des Thee Oh Sees ou celui, très rock, de Ty Segall et Mikal Cronin sans oublier la comptine moqueuse de Here Comes The Here Comes, chantée par une enfant sur une mélodie 8-bit, peu importe : le mélange fonctionne à merveille, les sons sont tous assez similaires (et juste assez différents pour ne pas lasser… comme si on pouvait en avoir le temps), avec presque à chaque fois un son rock lo-fi, des mélodies évidentes, une voix masculine et des chœurs mixtes. Court mais rien à jeter. Non, franchement, si vous aimez le genre et que vous pouvez vous procurer le disque, faites-vous plaisir : une petite douceur comme ça, ça ne révolutionne pas le monde mais ça ne se refuse pas.


— lamuya-zimina


(*) J'avoue avoir gardé deux ou trois mini sabres-laser rétractables en plastique qui servent aussi de sifflet. Leur absurdité me fascinerait presque. J'aime imaginer Darth "Benoît XVI" Sidious en train de souffler dans un mini sabre-laser rétractable pour faire un "wiiiiiii !" ou Dark Vador et Luke Skywalker se lancer dans un duel de sifflets et Luke perdre parce que le laser de son sabre-laser ne peut pas se fixer et vient de se rétracter.


P.S. Si vous en voulez plus, plusieurs des groupes présents sur la compilation ont sorti des albums cette année ; je ne les ai pas encore tous écoutés mais je vous conseille notamment le dernier de Thee Oh Sees, "Carrion Crawler/The Dream", qui vient tout juste de sortir et est très sympa !

mardi 1 février 2011

[Vise un peu] The Dirtbombs — Party Store

Les Dirtbombs sont un groupe de garage rock un peu particulier. Déjà à cause de leur line-up avec deux bassistes et deux batteurs, mais aussi à cause de leur penchant pour les reprises plus ou moins inattendues : leur album ayant eu le plus de succès, l'excellent "Ultraglide in Black", consistait en effet quasi-intégralement en des reprises de classiques soul, R&B et classiques Motown, un cocktail réjouissant de sensualité, de groove, d'énergie rock et de punk qui tache, hommage réussi à la musique qui avait bercé l'enfance du chanteur Mick Collins. Pas que les Dirtbombs ne savent faire que ça, bien sûr, leurs compositions originales étant également plus qu'honorables, bourrées d'énergie et de refrains entraînants, toujours entre la classe, la pop et le brut de décoffrage, bref, du très bon garage rock (si on l'excepte le foutage de gueule noise sans queue ni tête Race to the Bottom sur "We Have You Surrounded", album plus que sympathique en dehors de ça (*)).

Dix ans après "Ultraglide in Black", les Dirtbombs nous proposent un autre album de reprises, qui cette fois rend hommage à un genre musical tout autre et néanmoins originaire de leur ville… la techno de Détroit. Oui, "Party Store" consiste bien en des reprises façon garage rock de pistes de techno. Avouez qu'il fallait oser. Mais l'audace ne vaut pas grand chose si le résultat ne tient pas la route, et pour le coup on attendait les Dirtbombs au tournant : avec un concept pareil, on était en droit d'avoir peur du résultat…

Une question se pose déjà : comment aborder un tel album ? (On peut en débattre mais selon moi un disque de reprises est une œuvre intrinsèquement seconde, qui ne doit pas se juger uniquement "pour elle-même" mais également par rapport aux pistes originales…) Ne connaissant pas grand chose à la Detroit techno, j'ai alterné les écoutes des pistes originales et des reprises des Dirtbombs. Et là, surprise : malgré tout a priori qu'on aurait pu avoir, plusieurs des originales semblaient presque faites pour être reprises de cette manière. Leurs mélodies s'adaptent très bien à la guitare et à l'esthétique parfois déjà répétitive de certains des morceaux du répertoire des Dirtbombs. Dans plusieurs cas, ces derniers donnent un coup de jeune à des ancêtres techno dignes de respect, toujours efficaces mais peut-être un peu trop engoncés dans des sons qui paraissent aujourd'hui manquer d'énergie et parfois plombés par des chants qui ne tiennent pas toujours la route (je pense surtout à A Number of Names).

Tenez, écoutez ce que ça donne sur Cosmic Cars de Cybotron — l'originale semble léviter sur des spatioroutes en plastique éclairées par des néons funky, mais les Dirtbombs y vont pied au plancher et balancent une bonne couche crasseuse de bitume et de rock là-dedans :



Ci-dessus, l'originale de Cybotron (1982).
Ci-dessous, la reprise des Dirtbombs (2011).


Bien sûr, toutes les reprises ne produisent pas les mêmes effets. Par exemple la réinterprétation de Strings of Life de Rhythim Is Rhythim (a.k.a. Derrick May) se situe quand même en-dessous de la piste originale, et si on peut apprécier le fait que la reprise soit une vraie transformation, c'est tout de même une composition sacrément trippante à la base qui ne devient rien de plus qu'une sympathique instrumentale.

Dans l'ensemble, pourtant, les nouvelles versions sont tout à fait réussies, avec des mentions spéciales pour Good Life (Inner City) ou Bug in the Bassbin (Innerzone Orchestra a.k.a. Carl Craig, qui durait une dizaine de minutes à l'origine et atteint le double chez les Dirtbombs sans que la chanson n'en souffre).



Au dessus, Shari vari par les Dirtbombs.
Au dessous, l'originale, par A Number of Names (1981).



Cela dit, trêve de comparaisons : si vous aimez le garage rock et pas particulièrement la techno, si vous ne connaissez pas et n'avez pas particulièrement envie de connaître les originales, apprécierez-vous "Party Store" ? Eh bien je ne vais pas vous le cacher, les reprises conservent la répétitivité des pistes originales, et si le son garage rock appliqué aux classiques techno aurait pu paraître irrévérencieux dans le concept, il n'en est rien sur le résultat final : on sent que le groupe a voulu rendre un hommage sincère à ces classiques, et n'a pas hésité à faire le grand écart pour s'y plier, quitte à s'aliéner quelques auditeurs, ce qui est à mon avis tout à son honneur, et si le résultat peut paraître déstabilisant de prime abord, c'est parce que le concept de "Party Store" implique un processus de défamiliarisation qui nous force à remettre en question nos repères : à l'écoute du son garage rock, on s'attend à des compositions garage rock, et il faut un moment pour accepter que ce n'est pas là ce que le groupe nous propose. Le sentiment de déception que l'on peut ressentir au début est normal : j'avais ressenti le même à l'écoute de disques d'ambient techno ou d'autres musiques qui associent les sons d'un style musical avec les structures d'un autre. Mais après quelques écoutes, ce mélange d'énergie brute et humaine que l'on trouve dans le son du garage rock et d'énergie dansante hypnotique propre aux structures techno finit par faire sens, l'originalité et l'énergie de "Party Store" révèlent toute leur puissance, on se met à avoir sérieusement envie de bouger sur Cosmic Cars, de danser sur Good Life, ou encore de se poser tranquillement sur le jam de Bug in the Bassbin.

(Le groupe nous réserve aussi une petite blague pour la fin (je ne devrais peut-être pas vous gâcher la surprise, mais bon) : 謎のミスタ-ナイソ (Detoroito Mix), une piste au son très techno, semblerait être la plus proche de l'obscure originale qu'elle ré-interprèterait, qu'on imaginerait sortie sur un 7" obscur d'un label japonais épuisé depuis quinze ans vu le titre. En réalité c'est… la seule composition originale du disque. Rien à redire si ce n'est : bien joué.)

"Party Store" est une hybridation réussie, un hommage qui réjouit par sa sincérité, un disque qui déstabilise avant de séduire et qui fonctionne en partie grâce à son caractère improbable ; vous aurez peut-être du mal à vous y faire, mais donnez-lui sa chance, vous ne le regretterez pas !


— lamuya-zimina




(*) : Anecdote hors sujet, mais assez cool pour être signalée : la piste en question (qui n'a donc quasiment aucun intérêt) était sortie en version étendue de 23 minutes sur un vinyle 12 pouces… avec un concept amusant : les acheteurs étaient invités à détruire le disque de la manière la plus créative possible, puis à envoyer les débris à la maison de disques, en échange de quoi ils recevaient un vinyle 7 pouces exclusif.

dimanche 8 février 2009

[Vise un peu] Le garage rock en 2008, suite et fin.

Cheap Time - Cheap Time

Le disque le plus con de l'année. A l'aise, Blaise.
Si vous avez décidé que vous vouliez aimer ce groupe, si vous voulez avoir du quality time avec Cheap Time, alors lisez la review enflammée d'Emilien sur DMMD.
Si vous voulez simplement savoir de quoi il retourne, écoutez-le quand même. Sérieusement, un seul morceau dépasse les 3 minutes (de trois secondes) et la plupart sont en dessous de 2.
Pour les flemmards, je vous spoile un peu: c'est du garage enregistré fort, à écouter fort, pour danser fort, avec un type qui hurle sur des suites d'accords téléphonées, et il y a deux des chansons les plus cons de la décennie dessus: Too Late et People Talk.












Love is all - A 100 things keep me up at night

Encore une fois, si vous vous sentez l'envie de dévorer ce disque comme l'on dévore un bouquin, lisez vite la review furieuse d'Emilien, qui en dit du bien comme personne.
La recette du groupe est la suivante: une chanteuse qui hurle (bien) sur un indie pop/rock poussé dans ses extrêmes comme si on avait mis les potards sur 11 et qu'on avait jeté leurs ampli dans une mare de reverb.
Pas révolutionnaire mais étrangement POP.











Vivian Girls - Vivian Girls

Les chouchouttes des tops de fin d'année des amoureux de lo-fi. Leur premier album est plutôt cool dans le genre "on fait du garage, oui, mais on veut qu'on cause de nous alors on se la joue lo-fi", cela dit, il tient difficilement la longueur d'une écoute intégrale. J'en retiens surtout quelques tubes comme Tell Me Now, mais il y a lofi et lofi, et ce lofi-là est si lofi que j'en fais fi.

[Vise un peu] Le garage rock en 2008

Jay Reatard - Matador Singles '08

Le petit génie du garage rock américain et sa série de singles sortis chez Matador, tout un programme (en attendant un album... peut être en 2009 ?) de conneries hurlées par un retardé mental qui sait ce qu'il fait.
Il a une gueule d'idiot, il chante comme un idiot, mais sa musique ne se contente pas d'un simple et habituel pompage des chansons des Stooges/Dead Kennedys/Ramones/etc... Non, la production lofi juste ce qu'il faut, l'influence Deerhunter avouée (la reprise de Fluorescent Grey, terriblement jouissive sur le "YOU WRE MY GOD", me donne une raison supplémentaire de ne plus écouter Deerhunter >> Jay l'a fait, en mieux!), les claviers inattendus (You Mean nothing to me), et jamais on ne tombe dans la répétition banale de schémas garage.
Big up, Jay, t'es mon type.











Titus Andronicus - The Airing of Grievances

Cet album est le plus original des cinq dont je vais vous parler, il joint à l'énergie et à la bétise du garage rock la puissance héritée des explosions sonores de groupes comme Bright Eyes et Arcade Fire, en mode lo fi. Les chansons sont longues (antithèse du garage rock classique), le chant est parfois faux, souvent hurlé, c'est à la fois crado et étonnamment pop, et ils ont des titres amusants: (Albert Camus / No Future / Fear and Loathing in Mahwah, NJ). C'est certainement, des cinq, celui qui demande le plus d'effort parce qu'il est plus long et moins digeste au premier abord, mais il vaut le coup que l'on s'y attarde, alors ATTARDEZ VOUS Y.