C'est entendu.
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mardi 20 septembre 2011

[Fallait que ça sorte] Black Rebel Motorcycle Club — The Effects of 333

N'y allons pas par quatre chemins : du point de vue de leur carrière, Peter Hayes et ses acolytes se sont tiré une balle dans le pied en sortant "The Effects of 333" en 2008. L'album d'ambient expérimental a reçu une volée de bois vert de la part de quasiment tous les critiques et auditeurs : zéro virgule quatre sur Pitchfork, moins de 2/5 sur Rate Your Music… des critiques pas toutes assassines, et parfois même remplies de bonne volonté, mais qui débouchent quasiment toutes sur un sentiment de déception et/ou d'incompréhension. Souvent une réaction de rejet pur et simple (ce qui se comprend parfaitement). Au pire, une critique faussement justifiée par des parallèles foireux (j'aimerais bien que le critique de chez Pitchfork m'explique où il entend une tentative "maladroite" de "recréer [la musique de] Fennesz" sur ce disque !). Au mieux, sur la meilleure critique que j'ai pu lire, une description très juste mais sans prise de position ; peut-être parce qu'il n'est pas si difficile que ça de "comprendre" l'album, mais beaucoup plus de l'apprécier quand on n'accroche pas à ce genre de musique a priori — et donc de le recommander aux fans du groupe… En fait, le sentiment général des fans vis-à-vis de cet album peut plus ou moins se résumer à ce qu'avait dit Joe : "[…] [L]e BRMC est un groupe de rock'n roll, dont la fonction est d'écrire toujours à peu près les mêmes chansons et de les jouer avec passion, alors qu'ils laissent expérimentation, réinvention et intellectualisation à d'autres conviendra à tout le monde."


(The Effects of 333)

Je n'aurais rien eu à reprocher au Black Rebel Motorcycle Club s'ils s'étaient contentés de sortir de bons albums de rock, mais voilà : j'aime encore plus le groupe depuis que j'ai écouté "The Effects of 333". Ceux qui vous parleraient de virage expérimental pseudo-intellectuel pour la forme ou de provoc' à la "Metal Machine Music" se trompent : l'album, à l'origine, fut inspiré par les insomnies de deux des membres ; insomnies qui les ont poussés à expérimenter sur des sons d'ambiance, somnifères ou autres, à l'origine sur des pistes de plus de 45 minutes, avant que l'album ne change et ne prenne une direction "cauchemardesque" (pour reprendre les mots de Hayes). Un disque expérimental pour le groupe, incontestablement, mais aussi un disque cathartique, expressif à sa manière, et certainement pas aussi vide qu'il n'y paraît. Ce que propose ce disque, présenté comme "simplement abstrait" et sorti sur le propre label du groupe, est un paysage post-apocalyptique, désolé, dépeuplé sans être tout à fait mort ; reflet de cet état à moitié conscient, empreint d'une agitation impossible à évacuer et pourtant à moitié "ailleurs", que tous ceux qui ont déjà passé des nuits blanches connaissent bien.


(Sedated with Sterilized Tongues)

Les différentes pistes sont des variations sur le même thème : des samples lointains, des nappes, des grondements, et aussi (et surtout) des pulsations électriques parmi les décombres, oscillations qui animent réellement la musique. Pas une seule parole ici, mais sur trois pistes, des mélodies à la guitare qui tournent en boucle, seule source de "chaleur humaine" (étonnante mais finalement bienvenue) de l'album. Exploration d'une ville détruite, d'un volcan ou d'une architecture inconnue, loin de toute civilisation, le disque ne manque pas d'inspirer et d'intriguer, et plusieurs passages (la piste-titre et sa suite Still No Answer, ou Sedated With Sterilized Tongues) sont mémorables ; j'aurais d'ailleurs bien aimé entendre une version longue de la piste-titre (coupée ici à 3:33)…


(And With This Comes)

"The Effects of 333" est un disque un peu naïf par moments, quelque peu inégal aussi. Certains sons auraient certes mérité d'être plus travaillés, A Sad State manque de finesse et A Twisted State traîne laborieusement sa mélodie ; c'est un effort de débutants dans le genre. Mais de débutants qui avaient quelque chose à dire — ou plutôt quelque chose à canaliser, une énergie négative ou une frustration qui devait sortir d'une manière ou d'une autre. Je persiste à penser que si cet album était sorti de manière "anonyme", sous un autre nom de groupe et sans qu'aucun lien ne puisse être établi avec le Black Rebel Motorcycle Club, la réaction des auditeurs aurait été différente. (D'abord parce que les auditeurs n'auraient pas été les mêmes, il est vrai.) Auraient-ils pour autant le sortir ainsi, ou garder la musique pour eux ? On peut trouver cet album ennuyeux ou laid, c'est une question de goût ; mais je trouve qu'il serait dommage de faire passer "The Effects of 333" complètement à la trappe. J'aime quand les musiciens sortent du cadre qui leur est réservé. J'aime aussi quand The Knife sort une bande son d'opéra complètement inattendue même si je ne l'apprécie guère, le fait que Sonic Youth ait publié les Silver Sessions dont je n'ai pourtant pas gardé un grand souvenir : j'aime quand les artistes sont "vivants" et s'expriment dans leurs bons comme leurs mauvais jours. Ça ne force personne à acheter les disques en question, mais ça fait toujours le bonheur de quelques-uns — et ça aide à comprendre un peu plus les personnes que l'on trouve derrière les sons.


— lamuya-zimina

jeudi 4 novembre 2010

[Fallait que ça sorte] Un corps qui se bat est un corps qui aime (ou Comment j'ai réhabilité "Baby 81" suite à une attaque grippale)

Il y a deux choses qui valent de l'or à mes yeux et vers lesquelles tout mon être se tend lorsque la maladie atteint ce stade vicelard, ce climax terrible, ce moment où les symptômes sont à leur comble, où le corps est si croulant que la Direction InterCorporelle des Ponts et Chaussées recrute sa main d'œuvre en Europe de l'Est afin de faire gravir à votre carcasse la pente dévalée durant les heures précédentes jusqu'à atteindre le sommet de votre forme. La première de ces deux choses consiste en un gros paquet de bonbecs. Des schtroumpfs, des rouleaux de réglisse, quelques crocos fluos, des dragibus, tout ce qui est bon en somme. Ça n'a pas de prix dans ces moments-là. Comme de s'envoyer son repas préféré puissance mille à chaque bouchée. La seconde chose, c'est le "retour de la musique", le retour à la musique. En effet, si ma consommation quotidienne de décibels mélodiques est proprement gargantuesque en temps normal, lorsque je suis souffrant, mon cerveau ne peut encaisser aucune sorte de rythme, aucun genre de larsen et mes oreilles en profitent alors pour siffler leurs acouphènes adolescentes perpétuelles. Jusqu'à ce que, de façon totalement imprévisible, le déclic ne se fasse et que tout mon être ne réclame DU SON. Ce qui une minute auparavant relevait du supplice devient alors instantanément une ambroisie et l'heureux élu dont la musique sera la première à me contenter se verra accordée une place spéciale dans le cœur qui bat derrière ces lignes.


Je me souviens, il y a quelques années, avoir entendu à mon "réveil" post-traumatique la chanson Pledging my time de Bob Dylan. Comprenons-nous bien : j'adorais déjà Dylan à ce moment-là, mais j'ai l'impression de pouvoir dater mon obsession (qui aura bien duré deux ans) pour Bob à cet instant précis. C'est ce qui vient de m'arriver à nouveau mais cette fois, c'est différent : je n'ai rien découvert que je ne connaissais déjà ni n'ai ajouté une cerise sur le gâteau d'un amour préalable. J'ai réécouté un disque que je n'aimais pas beaucoup et dont je vous avais parlé brièvement lors de la critique de "Beat the Devil's Tattoo" (*), le dernier album en date du Black Rebel Motorcycle Club. Je parle de leur LP précédent, "Baby 81", sorti en 2007 et auquel j'ai dès sa sortie reproché une production plan-plan et un son étouffé. Je l'avais mis au placard, vraiment, et ne lui avais pas donné de seconde chance depuis trois ans... Rude. Les étranges lubies qui s'abattent sur les âmes tourmentées par la maladie (ou la grossesse parait-il, mais, espérons-le, je n'aurai jamais à connaitre celles-ci, en tout cas pas directement) étant ce qu'elles sont, le seul disque que mes méninges migrainés daignaient entendre fut celui-ci.



(Berlin)


Je ne vais pas revenir sur le son, je l'ai déjà dit, il n'est pas à mon goût ou plutôt il n'est pas au niveau des ambitions des chansons (dont un certain nombre revêtent - pour la première fois avec ce groupe - quelque discours politique, de Weapon of Choice à American X en passant par le titre-même de l'album, faisant référence à un survivant du tsunami de 2004 dans l'Océan Indien) qui auraient mérité un traitement plus rêche, sale, comme leurs petites sœurs parues en 2010 sur "Beat the Devil's Tattoo". Simplement, cette fois-ci, je suis passé outre les atours et après un coup d'œil sous la jupe des morceaux, j'ai compris que "Baby 81" était non seulement intéressant pour son propos politique (inhabituel chez la clique des rockeurs de la Côte Ouest - BJM, Dandy Warhols, Warlocks, etc) mais aussi parce qu'en 2007, Peter Hayes, la moitié du duo créateur et guitariste de talent, n'était pas encore replié sur sa guitare, laissant la scène et le micro à son double Robert Turner. En clair : les guitares sont toujours aussi bonnes en 2010, bruyantes et envahissantes, superbement rock'n roll, mais Hayes, qui sur les trois premiers albums du groupe occupait la place prépondérante de leader/chanteur, semble fatigué et les meilleures chansons de "BTD'sT" sont chantées par Turner. J'ai ainsi été heureux de retrouver le bonhomme en pleine forme sur ce cliché pris il y a trois ans, comme lorsque l'on tombe sur la photo de quelqu'un en train de courir en sachant que cette personne est aujourd'hui dans un fauteuil. Dites moi si je vais trop loin.

(L'album fut orné de deux pochettes différentes)

Il n'y a pas grand chose de plus à dire sur "Baby 81", c'est un album du Club, il ressemble donc à tous les autres albums du Club (excepté "Howl" bien entendu, qui était une exception notable) et alterne d'épiques moments de rock'n roll gras, noir et mouvementé avec quelques ballades folk d'inspiration divine. Il s'étire (American X dure plus de neuf minutes), s'étale de tout son long et se fout un peu de l'époque à laquelle il parait. Les guitares y grondent, les voix y sont nasillardes, rien de neuf à l'horizon mais que ferait-on d'un autre Club ?


(American X)

C'est un peu dommage de se priver d'une demi douzaine de chansons lorsque l'on aime un groupe, et pour des raisons discutables en plus. Je ne vous dis pas de ne pas le faire, mais si, comme moi, vous aimez vraiment la musique de ce groupe, saisissez la première occasion qui se présente et changez d'avis, ouvrez vos bras à ces chansons qui n'attendent que ça pour vous guincher comme de vieilles amies, ne laissez pas un stupide entêtement vous priver de bonne musique.


Joe Gonzalez


P.S. : Si l'expérience de la "première écoute post-traumatique" ne vous est pas étrangère, racontez-moi vos propres anecdotes en commentaire.


lundi 24 mai 2010

[Vise un Peu] Black Rebel Motorcycle Club - Beat The Devil's Tattoo (et en bonus une folle équipée à Vulcania !)

Une amie me disait après le concert du Black Rebel Motorcycle Club à Clermont Ferrand l'autre jour :
J'ai pris une grosse claque.
Il faut dire qu'il y avait de quoi. On dira ce qu'on voudra à propos du BRMC, j'étais d'ailleurs le premier à critiquer leurs deux précédents disques (le très très mal produit "Baby 81" et la tentative expérimentale lamentable "The Effects of 333") et je peux même vous affirmer d'entrée de jeu que je trouve chacun de leurs albums inégal, même les deux premiers, ceux dits "de la vague du retour du rock" (laissez moi rigoler), mais ce groupe-là, s'il attire effectivement quelques vieux roublards houblonnés en blousons de cuir (reclus ce soir-là au fond de la salle) n'enflamme pas moins les plus rock'n roll des minots parmi vous et - chose toujours appréciable de nos jours - ne lésine pas le moins du monde sur l'énergie dépensée. Tout comme le Brian Jonestown Massacre (dont le guitariste Peter Hayes a été membre au début du millénaire), le trio a cette croyance selon laquelle le public, qu'il soit hostile ou non, mérite le respect des larrons présents sur scène, et c'est comme ça que l'on se retrouve avec des sets de deux heures et trente minutes, soit environ le double de ce que jouent 90% des autres.


Le lendemain, le groupe jouait à Paris leur classique Whatever Happened (to my Rock'n Roll) à la fin duquel Turner trouvait moyen de placer deux vers du Rock'n Roll Nigger de Patti.

(Les historiens semblent s'accorder sur un "retour du rock" (en admettant qu'il soit parti un jour) aux alentours de l'an 2000, avec l'arrivée des Strokes et tous ces types-là (même si j'ai entendu plusieurs fois Christophe Basterra de la revue Magic dater le retour aux environs de 1996 avec l'album "Denim on Ice" de Denim) mais finalement quel tas de bêtises toute cette histoire.) Le fait est que mon amie (qui décréta quelques temps après, alors que nous cherchions à intégrer une after party inexistante en infiltrant un club du centre ville de Clermont Ferrand, que cela avait été le meilleur concert de sa vie - à 19 ans, je la crois sur parole) n'avait pas tort. Peter Hayes jouait fort, Rober Turner hurlait, et la charmante batteuse convainquait dans la seconde ceux qui auraient pu regretter Nick Jago, et après avoir passé en revue la majorité des meilleures chansons de ses cinq albums (et quelques autres surprises), Turner venait seul interpréter le Visions of Joanna de Dylan dont tout le monde ou presque (appelez moi "Presque") se foutait mais qu'il TENAIT vraiment à jouer, parce que ce gars-là aime ce qu'il fait et il aime la musique, une évidence que l'on souhaiterait plus régulièrement fulgurante chez des musiciens après une dizaine d'année de "carrière."

Peter Hayes


Ce road trip jusqu'à Vulcania m'aura en tout cas convaincu de donner sa chance au dernier né du groupe, que le violent échec auprès de mes esgourdes de ses deux prédécesseurs avait injustement éloigné de ma platine.

En revenant à un son et une esthétique plus proches de leurs débuts (entre "Take them on, on your own" et "Howl"), le groupe évite l'écueil de se chercher un nouveau visage, et c'est le point positif ici. On l'a tous compris, et eux aussi, leurs tentatives de renouvellement ont échoué et il est facile de comprendre pourquoi : leur identité très forte (ce mélange d'influences allant du BJM à Bob Dylan en passant par Jesus&Mary Chain mais avec un look prononcé de motards gothiques piliers de bars) était leur atout dès le départ (en 2001, personne n'avait ce look-là, ou en tout cas personne capable de produire de bonnes chansons) et il est toujours dangereux pour un groupe à forte identité sonore ou visuelle (souvenez-vous lorsque Kiss a voulu laisser tomber le maquillage, c'était l'hallali) de faire ce choix. Non, le BRMC est un groupe de rock'n roll, dont la fonction est d'écrire toujours à peu près les mêmes chansons et de les jouer avec passion, alors qu'ils laissent expérimentation, réinvention et intellectualisation à d'autres conviendra à tout le monde.


(Bad Blood)

Reste que si je n'ai rien de particulier à reprocher à "Beat the Devil's Tattoo" sur la composition, l'interprétation ou les arrangements (une guitare, une basse, une batterie), et s'il faut reconnaître qu'après la bévue qu'était le mixage de "Baby 81" il faut saluer le son cradingue au possible avec lequel les chansons déboulent ici, il y a tout de même deux aspects du Club, qui ne me convainquent pas autant l'un par rapport à l'autre. De toute évidence, Turner et Hayes ont conservé avec les années ce je ne sais quoi d'adolescents torturés, cet amour pour une imagerie de poètes maudits et depuis cinq ans, conséquence de l'âge ou pas, cela se retranscrit par des ballades folk à la guitare (et plus récemment au piano !) qui, si elles ne sont pas franchement minables (certaines sont même très réussies) ne sont définitivement pas ce que j'attends du Black Rebel Motorcycle Club. J'échangerais mille The Toll pour une seule Mama taught me better, cent mille Long way down pour une seule Shadow's Keeper et consœurs bruyantes descendantes directes du Six Barrel Shotgun (sur "Take them on, on your own," 2003) qui a participé à mon apprentissage du bruit. La musique du Club est certes influencée par la tradition américaine (et on l'entend fort bien sur les deux pistes ouvrant l'album, parsemées d'envolées vocales rappelant des chants d'indiens d'Amérique) mais elle n'exploite jamais mieux ce trait de personnalité que lorsqu'elle le pervertit en y mêlant une énergie MC5esque comme c'est le cas sur Conscience Killer (en écoute sur votre gauche).

Là, tout fait sens, et l'existence-même d'un groupe de rock'n roll aussi peu novateur (et dont les concurrents se font de plus en plus rares) et aussi fichtrement dégommeur se voit justifiée. Le Black Rebel Motorcycle Club n'est peut-être que le Creedence Clearwater Revival ou le Grand Funk Railroad de son temps, mais qu'est-ce qu'il le fait bien !


Joe Gonzalez


P.S. : Toutes les photos du concert de Clermont-Ferrand sont gracieusement prêtées par Solly.