Imaginez : vous êtes perdu, seul, la nuit, dans une voiture au beau milieu d'un endroit inconnu. Il neige, vous avez froid, il n'y a personne aux alentours pour vous guider.
Et plutôt que de paniquer comme n'importe qui le ferait, vous vous retrouvez dans un état second, la situation est excitante, ce paysage glacé vous parait superbe… La neige continue de tomber, et plutôt que de rebrousser chemin, vous continuez à avancer dans l'inconnu. Le froid vous brûle presque, la vitre se brise, la glace et la neige vous cinglent, des bruits inquiétants vous font frissonner, mais vous ressentez de l'allégresse, tandis que l'adrénaline pulse dans vos veines…
Difficile de classer la musique de Ben Frost, si c'est ce que vous attendez. Le magazine britannique The Wire avait comparé son album précédent ("Theory of Machines", dans un style similaire et déjà remarquable, mais qui ne formait pas un tout aussi cohérent que "By the Throat") à ce que pourrait donner la musique d'Arvo Pärt si elle était arrangée par Trent Reznor, et c'est probablement l'analogie qui décrit le mieux ces compositions puissantes, à la fois subtiles et viscérales, où chaque son est utilisé dans toutes ses dimensions, et qui ne se laissent pas aisément rattacher à un genre ou à un courant.
En fait, si vous voulez avoir une idée de ce à quoi ressemble "By The Throat", il vous suffit d'en regarder la pochette. L'intensité des lumières aveuglantes dans la nuit noire, la violence suggérée par la présence des loups et par le titre (qui barre de rouge la pochette comme une rubalise délimitant le lieu d'un crime ou d'une catastrophe), la beauté de la photographie reflètent à merveille l'ambiance de l'album.
(Killshot)
La première piste, Killshot, devrait déjà vous convaincre de la force du disque : si elle débute par des notes vacillantes qui tiennent à la fois du glitch et de la mélodie discrète, c'est un véritable glacier sonore qui s'abat sur nous ensuite, implacablement, un bloc impressionnant à la texture rugueuse et au volume imposant — avant qu'une guitare acoustique, des respirations et des grincements mécaniques n'embellissent et ne donnent plus de corps à la mélodie qui émergeait au départ.
The Carpathians, dans le prolongement direct de Killshot, semble s'éloigner du lieu du ravage et décrit sa scène de façon plus figurative (samples de loups, dissonances qui rappellent des sirènes, tremblements/secousses…). C'est une coupure nette qui nous amène à la mélodie toute simple d'O God Protect Me, qui évoque chaleur et fragilité avec ses clics et craquements discrets en arrière-plan, malgré une pulsation lente et sourde qui vient s'imprimer par dessus. Cette mélodie semble former le cœur de l'album : non pas qu'elle en soit représentative, mais c'est bien elle qui nous hantera plus tard quand on se remémorera le disque, et elle qui semble être au cœur de la tempête. Plus loin, sur Híbakúsja, les instruments semblent plus présents et presque en position de force, jusqu'à ce que des dents viennent tirer, arracher, déchiqueter la musique, que des respirations soudaines viennent non pas tout détruire mais dresser le portrait d'un paysage aussi beau qu'hostile ; plus loin encore, des voix humaines sur Peter Venkman part I semblent transfigurées par leur volume et deviennent trop puissantes pour être rassurantes…
The Carpathians, dans le prolongement direct de Killshot, semble s'éloigner du lieu du ravage et décrit sa scène de façon plus figurative (samples de loups, dissonances qui rappellent des sirènes, tremblements/secousses…). C'est une coupure nette qui nous amène à la mélodie toute simple d'O God Protect Me, qui évoque chaleur et fragilité avec ses clics et craquements discrets en arrière-plan, malgré une pulsation lente et sourde qui vient s'imprimer par dessus. Cette mélodie semble former le cœur de l'album : non pas qu'elle en soit représentative, mais c'est bien elle qui nous hantera plus tard quand on se remémorera le disque, et elle qui semble être au cœur de la tempête. Plus loin, sur Híbakúsja, les instruments semblent plus présents et presque en position de force, jusqu'à ce que des dents viennent tirer, arracher, déchiqueter la musique, que des respirations soudaines viennent non pas tout détruire mais dresser le portrait d'un paysage aussi beau qu'hostile ; plus loin encore, des voix humaines sur Peter Venkman part I semblent transfigurées par leur volume et deviennent trop puissantes pour être rassurantes…
(Une version live d'Híbakúsja)
…et si l'album semble s'apaiser sur les deux pistes suivantes, Through the Glass of the Roof réveille aussi brutalement que si l'on se retrouvait soudainement plongé sous l'eau à bord d'une embarcation en train de sombrer ; Through the Roof of your Mouth se base sur la même texture rythmique (succession de courtes montées de volume stoppées brusquement) tout en construisant une réelle montée en puissance et en beauté sur sa longueur, à travers plusieurs phases ; enfin, Through the Mouth of your Eye, plutôt que de clore l'album sur une apothéose, semble atteindre un point où le rythme, de plus en plus grave, profond, intérieur, se fait également de plus en plus silencieux, comme pour nous dire à la fin de l'œuvre : "je vous laisse imaginer la suite". Le silence qui suit est également l'œuvre et la parole de Ben Frost.
— lamuya-zimina
— lamuya-zimina
superbe album d'ambient qui raconte une histoire et n'empile pas juste des strates de sons
RépondreSupprimertu me donnes quasi envie de m'y risquer !
RépondreSupprimerC'est pas des loups c'est des chiens de traineau...
RépondreSupprimerPour être plus exact, ce sont certainement des huskys !
RépondreSupprimerOh merci!
RépondreSupprimerJe savais qu'il faisait partie de Bedroom community parce qu'il tournait avec Nico Muhly (<3) et Valgeir Sigurdsson l'an dernier, mais je n'avais pas pris le temps d'écouter.
Ce qui est dommage, c'est que les basses sont tellement riches qu'il faudrait presque une installation audiophile pour en profiter correctement.
PS: Y a quand même un morceau qui s'appelle "Leo needs a new pair of shoes".
RépondreSupprimergood mummy
RépondreSupprimerouaip, passe mal sur un laptop, Ben Frost dans le dos.
@Maman : Je viens de comprendre le titre la chanson :D
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