C’est qu’il va bien falloir finir par en parler de ce disque ! On ne va pas différer l’affaire éternellement en s’accordant des délais de réflexion à répétition, en réécoutant ad nauseam Witches ou Nightingale sous prétexte qu’on a cru y déceler de subtiles micro-modifications de style sur lesquelles on va broder pour montrer qu’on maîtrise la chose. Il arrive un moment où il faut se jeter à Low.
Cet album est-il slowcore me demande-t-on. Certes il l’est et pas qu’un peu. L’amateur trouvera sur "C’Mon" de ces tempos exagérément ralentis sur lesquels occuper son spleen, des atmosphères brumeuses et des images de paysages désolés (mais pas dévastés, comme sur le génial "Drums and Guns" qui donnait quand même un petit peu envie de se tirer une balle dans la tronche). Un titre comme $20, sur lequel Alan Sparhawk psalmodie que "son amour est gratuit", confine, dans sa dimension ecclésiale, à l’immobilisme, l’idée étant d’arrêter le morceau net, quand on ne s’y attend pas trop, pour créer un effet de surprise, voire réveiller l’auditeur pas attentif. De même, Majesty/Magic, qui enchaîne, entretient un climat de lourdeur intense qui rappelle le Low classique.
(Try to sleep)
L’autre versant du groupe, le solaire, est largement exploité, notamment dès l’ouverture de l’album : Try to Sleep, vaporeux, s’extrait d’un embrouillamini sonore introductif pour imposer, d’entrée de jeu, une mélodie d’une simplicité inouïe, absolument charmante, barbapapesque, un titre à faire rêver les jeunes filles. Tintinnabulant, Try to Sleep évoque un sapin de Noël avec ses jouets au pied du tronc. On me dit que certains fans-canal-historique de Low commencent à tirer la gueule dès le deuxième morceau, le très sixties You See Everything, chanté par Mimi Parker, trouvant que cela commence à sentir sa facilité. Que penser alors de Especially Me où le groupe semble atteindre les limites de ce qu’il s’autorise habituellement en matière d’exaltation rythmique (on en ferait presque tourner les serviettes si on osait) ? Et la conclusion de l’album, Something’s Turning Over, en déconcertera plus d’un.
Mais je rappellerai que ces quelques joyeusetés sont partiellement trompeuses puisque l’album renoue à propos avec la veine grisâtre du groupe, celle que les aficionados apparemment préfèrent : les huit minutes de Nothing but Heart, qui démarrent à un et demi à l’heure, proposent un thème unique (et assez pauvret, il faut bien le dire) répété ad libitum jusqu’à ce qu’on ait le sentiment d’avoir un peu atteint les limites du genre dans son minimalisme radical.
(Nightingale)
Avec "C’Mon", Low, dont on pouvait craindre qu’il ait basculé dans une espèce d’au-delà cauchemardesque dont il ne reviendrait jamais (l’épisode "Drums and Guns"), s’extrait du sixième cercle de l’Enfer et revient parmi les vivants avec un album janusien, certes pas aussi définitif que par exemple "The Great Destroyer", dans lequel amateurs de joliesses mélodiques et accros à la noirceur tenteront de se départager.
AGM
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