Discrètement sorti en début d'année, "Diamond Mine" avait de quoi piquer la curiosité de l'amateur de folk et d'electro ; et si j'emploie ici le singulier ce n'est pas seulement une figure de rhétorique, les ponts entre ces deux genres étant à ma connaissance fermés à la circulation. Les fans de King Creosote, folkeux terriblement gentil et consensuel (*), menant une carrière plus pépère qu'un épisode des Barbapapa, allaient-ils se risquer à écouter ces nouveaux titres composés avec un geek qui si ça se trouve ne sait même pas jouer de la guitare ? Les adorateurs de Jon Hopkins, qui, avant un "Insides" très réussi, faisait lui aussi un downtempo balourd comme on n'en entendait plus que dans ces documentaires scolaires qu'on nous diffusait en SVT ou en physique/chimie, ces adorateurs allaient-ils suivre leur Jon vers les sentiers de l'épure ? Voilà les questionnements qui traversaient donc l'amateur de folk et d'electro, un sacré branleur pour se prendre la tête sur des choses aussi futiles en pleine période de crise économique et politique, si vous voulez mon avis.
(John Taylor's Month Away)
Le résultat de cette alliance bizarroïde s'avère salutaire pour les deux musiciens, chacun se mettant le plus possible en retrait pour laisser l'autre s'exprimer, et c'est donc le silence qui l'emporte le plus souvent : une denrée rare. King Creosote met en veilleuse ses hooks à la Eagle Eye Cherry et s'en tient à deux ou trois accords par chanson, pendant qu'Hopkins distille quelques nappes ambient dans le lointain, un beat par-ci, un beat par-là. Pendant à peine une demi-heure, deux artistes dont on ne mesurait pas bien le talent prennent leur temps, et nous pondent l'album le plus apaisant de l'année.
(Bubble)
"Diamond Mine". Mine de diamant. J'aime à penser que c'est le concept de cet album : que se passe-t-il dans la tête de celui qui détient une mine de diamant ? Je m'explique. Imaginez : vous recevez une lettre d'un notaire US vous expliquant que votre arrière-grand-oncle vient de passer l'arme à gauche, et que vous êtes le seul héritier d'un immense terrain au fin fond du Texas. Vous vous rendez sur les lieux perplexe, et là, au fond du canyon à droite, vous tombez sur ce qui s'avère être une mine de diamant. Cet album illustre ce qui se passe dans votre tête l'instant d'après, un mélange d'extrême soulagement devant l'idée de ne plus être contraint de travailler, de pouvoir fuir l'inéluctabilité de la société, mêlé à une écrasante lassitude : "Qu'est ce que je vais bien pouvoir foutre de tout ce diamant ?"
Parce que découvrir une mine de diamant, ce n'est pas comme gagner au Loto. Il ne suffit pas de rester chez soi en attendant le virement du pactole net d'impôts. Il faut l'exploiter. Organiser cette exploitation. Créer une entreprise, ou confier la mine à une entreprise, qu'il faudra surveiller. Négocier. Entreposer. Vendre. Gérer. Stocker. Négocier. Accumuler. Perdre ses amis. Négocier. Ne plus avoir confiance en personne. Négocier. Ne plus prendre le temps. Anticiper. Négocier. Ne plus perdre son temps. Se projeter dans le futur. Négocier. Ne plus écouter de musique.
Joseph Karloff
(*) Enfin c'est ce que je croyais avant que notre cher lecteur Mmarsupilami ne nous précise dans les commentaires combien je me suis fourvoyé sur la carrière de King Creosote.
Bordel, en lisant le dernier paragraphe avec la musique en bruit de fond, j'ai eu la vision subliminale d'une pub pour la Banque Populaire...
RépondreSupprimerPas faux ! :D
RépondreSupprimer"Négocier. Ne plus prendre le temps. Anticiper. Négocier."
L'affirmation sur l'absence de ponts entre folk et électro me laisse perplexe. Il me semble plutôt qu'au contraire et aussi en 2011, il y en a de plus en plus...
RépondreSupprimerM'étonne aussi de qualifier la carrière de Creosote de "pépère". Ceux qui le voient comme un "agité du bocal" sont plutôt nombreux. On aime ou pas, mais il a tout de même participé à de nombreux groupes et il a multiplié les collaborations, dont une partie dans le folktronica. De plus, il a créé un label pour encore élargir le champs d'action. Je suis étonné : ni son activité, ni même ses productions ne me semblent conventionnelles...
Question de point de vue?
;^-)
Je vois ce que tu veux dire sur l'association folk & electro. J'aurais dû préciser folk gnan gnan & IDM/downtempo. Après je ne considère pas le folktronica comme étant l'alliance du folk et de l'electro, mais plutôt comme un sous-genre d'une electro glitch qui n'est à mon sens à rapprocher du folk que par son coté DIY, et encore, on parle d'un certain folk là.
RépondreSupprimerEnsuite, sur l'ami Creosote, mes excuses, je me suis peut être fourvoyé, je n'ai écouté que deux de ses albums (après avoir écouté celui-là ; ma porte d'entrée vers "Diamond Mine" fut la bonne impression laissée par le "Insides" de Jon Hopkins) et les deux albums en question se trouvaient être des albums d'indie folk gentillet. Peut-être y'a t'il plus intéressant dans sa discographie ? Je te laisse me guider pour le coup !
King Creosote a une carrière qui est allée dans bien des sens, dont certains qui laissaient parfaitement présager l'avènement de cet album-ci. J'ai lu à plein d'endroits que c'était Hopkins, bien plus connu, qui faisait le son de cet album. Pour moi, c'est totalement faux, ce son-là se retrouve déjà sur des morceaux des albums de Creosote que je préfère, Rocket DIY (2005) et KC Rules OK (2006).
RépondreSupprimer(AMG http://www.allmusic.com/artist/king-creosote-p568522) Dès 2000, Creosote était un des accompagnateurs originels de Magnetophone, un groupe qu'on compare volontiers à Autechre. Il a travaillé aussi avec ADEM (incluant un ex-membre de Fridge).
Et puis, il a ouvert son label et collectif d'artiste Fence. C'est pas vraiment pépère ou Barbapapa. http://www.fencerecords.com/
Merci pour ces précisions qui niquent tout mon article ! :D
RépondreSupprimerJe dl ça deeeeeeeeee suite :)
RépondreSupprimerah j'aime pas du tout la voix... : /
RépondreSupprimerTank > Fonce, je ne crois pas me tromper en disant que tu vas beaucoup aimer :)
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