C'est entendu.

samedi 27 août 2011

[Fallait que ça sorte] Psychobilly #4 (1989-2011)



(The Reverend Horton Heat - Wiggle Stick, sur "The Full-Custom Sounds of", 1993)

Dans la droite lignée d'Elvis Hitler, de nombreux groupes américains se mirent en tête d'arpenter les années 90 en ne conservant du psychobilly originel qu'une vague idée de mauvais goût et d'humour noir et une perversion bruitiste de la tradition américaine. Parmi eux, le texan Jim Heath, alias le Reverend Horton Heat, et son groupe se donnaient comme ambition de prêcher leur propre Gospel, cru et alcoolisé. Irrévérencieux sur le papier, le concept n'était qu'une actualisation musclée du rock du bayou inventé par Creedence Clearwater Revival à la fin des années 60. Leur meilleur album, "The full-custom Gospel sounds of the Reverend Horton Heat" parut en 1996 chez Sub Pop, LE label indépendant du grunge et s'il n'était en rien un mauvais album de rock'n roll énergique, il était aussi l'indicateur du déclin inévitable du style psychobilly et de sa mutation en un rock sudiste cradingue pendant les vingt années à venir.




(Tito & Tarantula - Angry Cockroaches, une autre chanson jouée pendant l'une des scènes d'Une nuit en Enfer)

Quelques années plus tard, cette forme nouvelle de classicisme très américain devait se voir adoubée par le grand Hollywood lorsque Tito & Tarantula, le groupe de Tito Larriva (qui avait joué de la guitare chez les Flesh Eaters), se vit offrir par Robert Rodriguez de jouer dans From Dusk till Dawn (Une Nuit en Enfer, de ce côte-ci de l'Atlantique), un road movie ultra-violent agrémenté de vampires. Les Tarantulas jouaient le rôle du groupe programmé cette fameuse nuit dans le rade fréquenté par George Clooney, Harvey Keitel et Quentin Tarantino, et se révélaient d'ailleurs être eux aussi des vampires. La scène la plus mémorable du film était une sorte de lapdance donné par la reine-vampire (Salma Hayek) à Tarantino, pendant que les Tarantulas jouaient After Dark, tirée de leur album "Tarantism" de 1997. Leur musique n'était pas vraiment du psychobilly mais elle découlait directement de cette standardisation d'un rock moite et sale, un rock des bars, que Jim Heath, Elvis Hitler et quelques autres avaient contribué à créer.




(Nashville Pussy - Go Motherfucker Go, au Trabendo en 1998)

L'année suivante, un coup de pied dans les côtes d'un psychobilly sur le déclin portait l'empreinte de Nashville Pussy, un groupe de très mauvais goût venu non pas de Nashville mais d'Athens, en Georgie. Ces gens-là n'étaient pas non plus des puristes : leur musique descendait certes du rockabilly et leur univers pouvait s'apparenter à une version white trash de ce que les Flesh Eaters avaient pu être dix ans plus tôt, mais l'énergie déployée et le son des guitares les rapprochaient davantage du hard rock d'un Mötörhead et la durée des chansons (la plupart ne dépassait pas les deux minutes) rappelait le garage punk dans l'esprit. Tout était dit avec leur premier album ("Let them eat pussy", 1998). Vulgarité, violence, filles grossières et guitares qui tâchent, tel était leur univers. Les pochettes de leurs disques ne devaient jamais faire dans la subtilité mais aucune ne pouvait rivaliser avec celle de ce premier album, et le pire c'est que les filles à l'image n'étaient pas des faire-valoir ou des groupies mais bien des membres du groupe.




(Th' Legendary Shack Shakers - Pinetree Boogie, sur "Cockadoodledon't", 2003)

Mais ça n'était qu'une exception car la plupart des descendants du psychobilly l'avaient fait muter pour de bon. De fortes doses de country et de boogie aidant, les réminiscences de séries Z se dissipèrent et laissèrent place à des jeux de mots ruraux, une habitude pour Th' Legendary Shack Shakers, qui eux, venaient vraiment de Nashville, dans le Tennessee. 10 ans avant que la série True Blood ne rende "cool" l'ambiance chaude du Sud des Etats Unis (les Shack Shakers auront d'ailleurs droit à leur apparition sur la bande originale de la série), notamment à travers son générique (Bad Things, par Jace Everett, un guitariste country dont tout le monde se fout mais qui signa là un hit mondial que personne n'aura jamais acheté dans un autre format que digital - et encore...), les Shakers, les Tarantulas et bien d'autres jouaient un rock sudiste nouvelle façon, énergisé par le psychobilly mais dépourvu de ses particularités (le look destroy de vampires des bas fonds, les références au fantastique, etc). Les Shakers, tout comme le Reverend (*) avant eux, avaient démocratisé une approche en power trio : un chanteur/guitariste tatoué, un contrebassiste bourru et un batteur pas commode. Ils trimballaient (et continuent de trimballer) un certain charisme sur scène mais l'impression est à mille lieues de celles laissées par Lux Interior ou Jeffrey Lee Pierce. Sans danger. Comme de voir sur scène des ex-taulards un peu péquenots reconvertis en prêcheurs du "bon vieux rock".




(Dirty Beaches - A hundred highways, sur "Badlands")

Et puis il y a les cas particuliers, comme Alex Zhang Hungtai, alias Dirty Beaches, un canadien d'origine taïwanaise fanatique de Suicide fraichement débarqué sous les yeux du public dès la fin des 2000's. Rompant formellement avec la tradition psychobilly (pas de zombies chez lui), à des années lumière de toute ressemblance avec le rock sudiste contemporain et même en porte-à-faux avec son idole Alan Vega, Hungtai ne se contente pas de reproduire la formule de Suicide (soit une boite à rythme, un synthé minimaliste et un crooner des bas fonds pour tout bagage) mais ajoute à la recette une dose de DIY et d'expérimentation toutes neuves. Les chansons de son récent "Badlands" (2011) sont des brûlots lo-fi construits sur des samples (The Ronettes, Françoise Hardy, Les Rallizes Dénudés) sur lesquels sa voix se fait tantôt inquiétante (rappelant alors Lux Interior), tantôt lascive (on pense à Vega), et il chante parfois même comme un bellâtre post-moderne (True Blue) en ne quittant jamais la route hantée qu'il s'est tracée et qu'il suit, de nuit, de préférence, à travers les Etats Unis fantasmés des années 50, pas loin de rappeler en cela un certain David Lynch (Lord knows best). En apportant une dose de retromania forcément lo-fi à l'édifice branlant de l'après psychobilly, Hungtai n'aura certes pas ramené à la vie le genre (sa musique est de toute façon trop métissée) mais avec ce dernier sursaut néo-conservateur qui tente l'expérimentation sans s'y perdre, Dirty Beaches a le mérite de refermer le cercueil d'un psychobilly depuis longtemps condamné de façon intéressante, en nous filant la frousse juste ce qu'il faut.


Joe Gonzalez


(*) : Jim Heath a d'ailleurs joué de la guitare avec les Shack Shakers. Ce fut aussi le cas, et c'est plus étonnant, de Duane Denison, qui avait auparavant joué au sein de The Jesus Lizard, le groupe de noise rock de Chicago.

2 commentaires:

  1. ce ne sont pas un groupe psychobilly mais clairement des héritiers des Cramps (ils ont choisi le même producteur: Alex Chilton) mais tu as les Gories

    ce groupe mêle le coté brutal des cramps avec un garage primaire et du punk c'est le groupe de Mick Collins avant les Dirtbombs

    http://www.youtube.com/watch?v=6fY7CsE2nQk

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  2. Je ne les ai jamais écoutés ceux-là, merci. J'ai de toute façon volontairement laissé dans l'ombre un grand nombre d'artistes de près ou de loin liés au genre.

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