C'est entendu.

vendredi 19 août 2011

[Fallait que ça sorte] Psychobilly #3 (1981 - 1988)


(The Meteors - Rockabilly Psychosis)

Si les Cramps et le Gun Club étaient les plus charismatiques représentants du psychobilly, ils n'en étaient pas les inventeurs reconnus, ce rôle étant attribué aux Meteors par à peu près tout le monde. Il peut paraitre étonnant à posteriori de voir un groupe anglais engendrer la genèse d'un sous-genre musical majoritairement américain (le rockabilly descendait de toute façon des racines country et blues mais il suffit simplement de jeter un oeil à la liste des groupes psychobilly : une écrasante majorité est née sur la Côte Ouest et dans le Sud des Etats Unis) mais les Meteors lorgnaient sans vergogne vers les années 50 (comme énormément de musiciens, de stylistes, de cinéastes, etc durant la première moitié des années 80) et c'est certainement à cause de la chanson Rockabilly Psychosis que le mot est né. Bien que moins dangereux que ses homologues californiens, les Meteors baignaient déjà dans la même ambiance de zombies, de mutants et de vampires de séries B ou Z qui devaient illustrer les premiers disques du genre, et après un premier album plutôt réussi ("In Heaven", en 1981), leur son devait s'alourdir quelque peu et pendant quelques albums encore (et notamment "Wreckin' Crew" en 1983), les Meteors continuèrent de faire vivre le rock'n roll ténébreux du côté de Londres avec une énergie et une foi plus qu'honorables tandis que d'autres britanniques suivaient le mouvement (le groupe Guana Batz, en 1985, par exemple).

C'est aussi en 1981 que les Cramps et le Gun Club se firent les dents sur le public américain et au même moment, trois autres formations californiennes cousines se faisaient remarquer. Les Blasters n'étaient... pas un groupe de psychobilly. Ils n'en arboraient aucun des signes (pochettes, looks, paroles) distinctifs, ne donnaient pas l'impression de sortir d'une mauvaise BD fantastique et si leur nom évoquait une certaine violence, l'attitude des frères Phil et Dave Alvin et de leurs acolytes n'était nullement aussi provocatrice que celle de Jeffrey Lee Pierce ou de Lux Interior. Pourtant, leur musique descendait elle aussi du rockabilly et ils tournaient régulièrement avec Black Flag. Leur influence sur le psychobilly viendrait de différents métissages et apporterait quelque chose de plus sage, de plus rétro, de plus adulte à un genre musical d'ados attardés. Toujours en 1981, Dave Alvin, le guitariste du groupe, enregistra avec d'autres musiciens le deuxième album des Flesh Eaters, le groupe de Chris D., un adepte du punk blues à la Blasters qui cette année-là s'entoura fort bien pour produire l'un des albums les plus intéressants et variés du genre.



(The Flesh Eaters - River of Fever)

"A minute to pray, a second to die" ralentissait la cadence imposée par ses prédécesseurs mais se complaisait dans une imagerie de mauvais goût vaguement morbide, avec en prime du saxophone, le chant foutraque de Chris D. et la basse de John Doe, le leader de X. Avec son groupe principal, Doe, un beau brun charismatique, flirtait avec le punk hardcore sans jamais véritablement se risquer à abandonner mélodies, soli et un amour discernable pour le rockabilly. Mêlant sa voix à celle d'Xene Cervenka en une charmante dissonance pendant que Billy Zoom se prenait pour Chuck Berry, ils avaient publié en 1980 un premier album ("Los Angeles") de punk rock reflétant à merveille l'évolution du style, trois ans après les Pistols et un continent plus loin. En 1981, leur deuxième album, "Wild Gift" se voulait beaucoup plus ouvert à la tradition américaine et l'influence des Blasters devait les entrainer de plus en vers le traditionalisme jusqu'à fonder The Knitters (avec Dave Alvin, des Blasters) des années plus tard, un groupe parallèle de country alternative. Les Flesh Eaters ne seraient jamais aussi passionnants qu'en 81 avec Alvin et Doe aux postes clés et avec quelques excentricités assez originales pour un groupe du genre lors de l'enregistrement du disque, ils enregistrèrent ce qui ressemblait le plus à un concurrent éventuel aux intouchables Cramps et Gun Club.

(Les Flesh Eaters, en 1981. A gauche, John Doe, à droite Chris D. et au fond, Dave Alvin)




(Elvis Hitler - Live fast, Die young)


De nombreux autres groupes fleurirent un peu partout qui adoptaient l'esthétique psychobilly. Batmobile en Hollande (vers 1983), Demented are Go's en Angleterre (circa 1986), les allemands de Mad Sin (en 1987) ou les danois de Nekromantix (en 89), et tous connurent leur petit succès local (le psychobilly n'a jamais été une musique pour le grand public, vous en conviendrez) mais c'est un groupe de Detroit qui selon moi symbolise le mieux la tournure qu'avait pris le psychobilly après une décennie d'activité.

Elvis Hitler était un quatuor mené par Jim Leedy, un punk grassouillet qui se faisait appeler Elvis Hitler et qui donnait vaguement d'air à P. Paul Fenech, le chanteur des Meteors. Imaginant des zombies à Memphis, Tennessee, Elvis avait la particularité d'être moins mesuré encore que les pionniers américains. Son groupe jouait plus vite, plus fort et voulait choquer davantage. En reprenant le Live fast, Die young des Circle Jerks, un groupe hardcore, ils ne faisaient pas de mystère de leur philosophie et de leur goût pour les chansons coup-de-poing. "Disgraceland" parut en 1988 et malgré l'imagerie Priestleyienne, c'était véritablement Detroit (la ville d'Iggy, du MC5, etc) que l'on entendait prendre possession du psychobilly et en faire une machine de guerre sonore à vocation infernale (certains en vinrent d'ailleurs à appeler leur musique du hellbilly). L'album s'embourbait parfois (une reprise inutile du Purple Haze d'Hendrix) mais avec une telle pochette accolant les mots Elvis et Hitler, il FALLAIT l'écouter, et je ne doute pas une seconde qu'un certain Jimmy Lee Lindsey Jr., A.K.A. Jay, alors âgé de huit ans, soit un jour tombé sur cette pochette et qu'il ait été convaincu instantanément.

Les années 80 marquèrent l'Age d'Or du psychobilly mais après sa mutation vers quelque chose de toujours plus violent, gras et... américain, en quelque sorte, d'autres allaient lui offrir quelques derniers coups d'éclat pendant les années 90. Vous en saurez plus la semaine prochaine avec la quatrième et dernière partie de ce dossier !


Joe Gonzalez

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