C'est entendu.

lundi 1 novembre 2010

Microcosme #2 - Novembre 2010

par Béatrice Corceiro et Joseph Karloff
art par Jarvis Glasses

Salut à tous ! Microcosme revient en force et secoue vigoureusement le shaker des groupes émergents de France et d'ailleurs : à vous de voir quel goût ça a. Au sommaire de ce mois-ci, un bon paquet de sorties lyonn... euh, françaises (Microdisques), un petit détour par le Danemark et les USA (Macrodisques), pour finir en beauté avec un "They Live !" (habilement rebaptisé They Microlive ! pour l'occasion) consacré à Tara King Th, groupe lyonnais en devenir.

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Microdisques

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  • Lonely Faction - "Quiet Choirs" (LP, 2009)
Cette œuvre solitaire d’un jeune Rennais salue Elliott Smith pour l’amour d’un folk en acoustique et la façon d’écrire ses états d’âme sur un mode le plus direct possible : des arpèges doux et des harmonies sans chichis (voix doublées, xylophone). Une économie de moyens dans cet enregistrement maison, sur un bon vieux 4-pistes, ne cache pas la force sensible des compositions. La guitare acoustique et la voix forment le corps de ces chansons agrémentées d’arrangements fragiles.


(Prophecies)

En toute simplicité, les titres des chansons sonnent juste : quelques pas de danse, sur la pointe des pieds, avec M.S. Waltz, Bluesy Tune se fait plus aride que la douceur un peu voilée de Prophecies ou d'Attraction, un soupçon d’électricité sur The Chaos Is Being Alone. Le côté attachant du folk intimiste sans effet superflu fonctionne bien sur ce premier album…


B.C.

  • Ödland - "Ottocento" (LP, 2010)
Du twee/folk/pop mâtiné de références à Alice au pays des merveilles : Ödland ne pouvait guère en rajouter pour être plus trendy. Mais les réduire à cette étiquette serait une erreur. Enfin, pas toujours, car il faut bien avouer que, par moments, Ödland se complait dans cette catégorie confortable où l'erreur devient effet de style, et la paresse gage de talent.




(The Queen Of Hearts)

Du talent pourtant, Lorenzo Papace, pianiste et leader de ce pretty girl group, n'en manque pas. Bien que furieusement influencé par les sœurs à moustache CocoRosie, comme l'atteste son projet précédent Cherchat, sorte de version instrumentale de "La maison de mon rêve", ce beau jeune homme a une patte bien à lui qui donne à "Ottocento" ses meilleurs moments, une patte avec les coussinets de la musique classique romantique et des griffes plus contemporaines qui poussent parfois le groupe dans ses derniers retranchements : les meilleurs (Train). On pense aussi à Serge Gainsbourg, qui aurait pu écrire La chanson du parasite rien que pour le plaisir de voir la frêle chanteuse du groupe, Alizée Bingollü, l'interpréter dans toute son ambiguïté. Ödland a tous les atouts pour réussir une vraie belle carrière ; personnellement, j'aimerais simplement un vrai bel album.


J.K.

  • Mensch - "Dance And Die" (EP, 2010)
Ce maxi propose deux titres, une reprise et un remix pour faire connaissance avec Mensch. Les deux chanteuses, Vale Poher et Carine Di Vita, ont joué ensemble dans le groupe de la première et décident de partir en duo dans les années 80, se rapprochant probablement de leurs amours adolescentes. Island démarre haut pour atterrir en toute volupté : les voix énergiques se muent sur un mode plus aérien et plus sensuel, la combinaison minimaliste basse/guitare et les paroles répétitives inspirent quelque chose d’hypnotique.


(This Charming Man)

On change de décor sur le deuxième titre, à faire résonner en sous-sol avec lumières stroboscopiques : c’est avec le rock électro plus abrasif et les claviers plus présents de Mystery Train qu’il faut danser. Bonne surprise de voir This Charming Man des Smiths revue par des filles qui le maquillent un peu, révèlent des ombres à la Joy Division. Le remix de Mystery Train n’apporte pas grand chose par rapport à l’originale. Un peu court pour deviner combien de temps Mensch tiendra la route, mais suffisant pour avoir envie de le savoir.


B.C.

  • Les Marquises - "Lost Lost Lost" (LP, 2010)
Les Marquises est le dernier projet en date de Jean-Sébastien Nouveau, Lyonnais amoureux de Sparklehorse et de post-rock. Le moins que l'on puisse dire est que ses influences transpirent par toutes les pores de "Lost Lost Lost". Ce qui n'a rien d'une tare à la base : Dominique A lui-même en fait l'éloge, dans le dernier article de son blog trimestriel. Cependant, la première impression est celle d'un certain gâchis : Jean-Sébastien est allé chercher un chanteur jusqu'aux États-Unis en la personne de Jordan Geiger, soit un bonhomme qui a exactement la même voix que lui, peu assurée, pas très juste, avec les mêmes tics. A quoi bon ?


(Only Ghosts)

C'est l'aspect le moins engageant de cet album, car le reste est remarquable, et le troisième larron du groupe, le batteur Jonathan Grandcollot, habite littéralement les morceaux où les fûts sont mis en avant (Comme nous brûlons, et surtout le titre Only Ghosts qui ouvre l'album, soutenu par une batterie implacable). Le disque peine à maintenir le standard de qualité fixé par ce premier morceau - si mettre sa meilleure chanson en premier est indispensable pour un disque de pop, pour un album qui joue sur la mélancolie et la lourdeur, il vaut mieux y aller en douceur - mais témoigne d'une marge de progression qui donne envie d'en entendre plus.


J.K.

  • Reveille – "Time And Death" (LP, 2010)

Le très actif et débonnaire François Virot a testé solo, trio avec Clara Clara, et désormais duo avec la batteuse Lisa Duroux et ça donne Reveille. Toujours le sourire largement ouvert sur le visage, prompt à délivrer un indie rock finalement assez limpide dans ses accents pop. Sur Hourglass s’impriment plusieurs couches de guitares électriques sans que ne soit créé un mur du son. Le morceau reste frais, d’autant que la batterie pétille, et la voix nasillarde de Virot apporte une certaine vivacité. Le morceau Time And Death est plus sombre et varie entre la voix désenchantée de la demoiselle, avec un côté un peu shoegaze, et des assauts plus vifs.


(Mirrors)

Très entraînante à l’image de Mirrors, cette musique a aussi quelque chose de très teenage, que l’on perçoit bien sur I’m Yours, le morceau un peu "love". Et dans les clins d’œil à Pavement et aux Pixies, le duo montre bien d’où vient l’inspiration. "Time And Death" découle de la noisy pop des 90’s avec de multiples facettes et une énergie résolument naïve.


B.C.



  • My Ant - "Not Special Except in a Normal Way" (LP, 2010)

Une guitare, un baluchon, quelques potes, et en route pour l’aventure. De la côte Atlantique à l’Australie, de ses voyages, de ses expériences, et des rencontres occasionnées, Vincent ramène des cartes postales sur lesquelles ses amis musiciens ont aussi laissé quelques traces. Ces chansons réunies forment un premier disque de pop vagabonde. Drift Again se lève avec le soleil, indiquant une pop folk enthousiaste qui donne le ton souriant de l’album.



(Drift Again)

En apparence, de doux rêveurs dans leur démarche plutôt spontanée, mais il y a une profondeur qui transparaît. Les chansons sont construites principalement autour de guitares acoustiques, basse et batterie, mais mélodica, violon, trompette et saxophone finissent de décorer l’ensemble avec beaucoup de soin. Le groupe partage sa belle joie de vivre. Sur quelques titres ou quelques passages, l’électricité prend le dessus, ajoutant une énergie rock bienvenue. Un DVD accompagne ce premier album auto-produit, patchwork vidéo de l’histoire naissante du groupe.


B.C.


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Macrodisques
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  • Zach Miskin - "For Your Safety" (LP, 2010)

The Books, Bryce Dessner et The Clogs sur un disque chroniqué dans Microcosme : on se foutrait pas un peu de vous ? Peut-être bien. Il n'empêche que "For Your Safety", premier album de Zach Miskin, Américain exilé à Paris, n'a pas vraiment bénéficié de la pub qu'aurait dû lui offrir ce casting indie de rêve. Centré sur le violoncelle, l'instrument de prédilection de Zachary, l'album est présenté comme une exploration des différences facettes de cet instrument.



(Wasn't That Lucky)

Résultat : c'est un bordel monstre. On a à la fois des compositions naïves qui rappellent Sufjan Stevens (pour les morceaux chantés) et Joanna Newsom (pour les moments plus acoustiques et l'obsession d'un seul instrument), mais aussi des passages lorgnant plutôt du coté de la musique contemporaine ; et chaque collage sonore nous rappelle la présence en filigrane des deux Books (notamment sur Seatbelt Assembly). Mais de ce bordel émane tant de spontanéité qu'il est difficile de rester de marbre à l'écoute de cet album curieusement chaleureux. Et si la musique vous laisse indifférent, consolez-vous avec cette somptueuse pochette.


J.K.


  • Mimas - "Lifejackets" (LP, 2010)

Deuxième album des Danois qui murmuraient GTFO à l'oreille de Sigur Rós, "Lifejackets" a le défaut de passer après un "The Worries" qui, s'il est resté injustement confidentiel, n'est rien de moins que l'un des meilleurs disques de ces dernières années. Concrètement, ce nouvel album reste dans la lignée du précédent, un post-rock vivifiant et complètement décomplexé, quelque part entre Sum 41 et A Silver Mt Zion. Mimas est bien loin des atmosphères prise-de-tête de leurs grands frères islandais ou canadiens : ils n'en font qu'à leur tête et se contentent d'emmener le genre dans une autre direction, celle de la PLAGE, des FILLES et du FUN.


(Relationship)

Malheureusement, Mimas a justement bien du mal à renouveler sa formule, et "Lifejackets" donne trop souvent l'impression de n'être qu'une compilation de morceaux non retenus pour leur premier album. Ces cris juvéniles, ces longues montées, ces longs flottements, on les a déjà entendus sur "The Worries", et en mieux : comparez Touring The Riot Scene avec Why In The World Not ?, il n'y a pas photo. Ce n'est en tout cas pas avec cet album-là que le groupe rencontrera le succès qu'il devrait déjà savourer. Le seul morceau vraiment différent et intéressant, Relationship, qui clôt l'album, fait furieusement penser à... Sigur Rós. Flûte. Pour le renouveau du post-rock, on repassera.


J.K.


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They Microlive
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  • Tara King Th au Toï Toï
Juste avant la sortie de son nouvel album (qui fera l'objet d'une chronique dans un prochain numéro de Microcosme), Tara King Th venait sur la modeste scène du Toï Toï en présenter l'essentiel. Le groupe s'est récemment pourvu d'un guitariste supplémentaire en la personne d'Alexis Morel, frère de la (sublime) chanteuse et figure du petit monde tentaculaire de l'underground lyonnais (entre ses projets, ceux de François Virot et de Jean-Sébastien Nouveau, il y a de quoi monter un festival sur trois jours), présent notamment dans l'excellente révélation des Transmusicales 2009, Slow Joe & The Ginger Accident, dont le batteur n'est autre que celui de... Tara King Th. Tentaculaire, je vous dis.

Pourtant, si sur le papier le groupe affiche une maturité nouvelle pouvant laisser présager un avenir radieux, dans les faits il reste quelques réglages à effectuer : le chant est noyé dans le mix (volontairement, semble-t-il) alors qu'il est l'élément central de ces chansons par ailleurs bien ficelées, entre l'ambient pop des premiers EPs et le pop/rock la main sur les fesses d'Ennio Morricone qui semble constituer la majeure partie de leur nouvel LP. De plus, Tara King Th semble oublier qu'un concert, c'est avant tout un spectacle ; en témoignent ces faux départs avant le vrai rappel, légèrement embarrassants. Comme un symbole de leur lacune dans ce domaine, le membre du groupe qui parlera le plus au public est... le dernier arrivé.



(Extravagant, Grotesque & Nonchalant)


Heureusement, derrière ces bémols il y a une exécution parfaite, avec une mention spéciale pour le batteur, exceptionnel, dans la droite lignée d'un Simone Pace. Certes, l'omniprésence agaçante de synthés kitsch empêche les chansons de prendre véritablement corps, mais les incursions salutaires à grands coups de guitare électrique apportent à l'auditeur suffisamment d'air pour tenir et apprécier le concert.


J.K.

(et après calcul, alors que la bière est plus chère que le champagne au Cabaret Sauvage, un cornichon vaut 1 dollar au Toï Toï. Les salles de concert c'est un peu le triangle des Bermudes des marchés économiques mondiaux)

3 commentaires:

  1. C'est un préfixe utilisé pour signifier "grand" non ? Utiliser "macro" pour parler de disques internationaux (mondiaux) par opposition aux disques du microcosme français n'est-il pas alors une évidence linguistique ?

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