En 2011 il est sans doute futile que de continuer à suivre des groupes que l'on savait mineurs et voués à s'essouffler stylistiquement à grande vitesse dès leurs débuts. Cependant, appelez-ça de l'attachement sentimental, ou bien un manque de courage mais je ne suis pas parvenu à totalement me désintéresser de Sons & Daughters. Pourtant il y a eu de quoi. Lorsque ces anglais se sont fait connaitre en 2004 alors qu'ils tournaient avec Franz Ferdinand, ils avaient déjà enregistré leur meilleur disque, le mini-LP "Love the Cup" (2003) et probablement leur meilleure chanson (Johnny Cash). Adele Bethel, la chanteuse, avait quitté l'une des incarnations d'Arab Strap avec le batteur David Gow pour former un quatuor ne surfant sur aucune vague en particulier et batissant ses chansons sur la tension des voix chargées de phéromones de Bethel et du chanteur Scott Paterson. La formule n'a d'ailleurs jamais varié d'un pouce. Avec ce genre de groupe ce qui compte avant tout ce sont les chansons. Si les chansons vont tout va. Le premier véritable album chez Domino, "Repulsion Box" (2005) n'allait pas bien loin et bâtissait sur la même recette mais il contenait de bonnes chansons et le travail était fait. A l'inverse, le suivant, "This gift", était médiocre, tout en conservant les mêmes caractéristiques. Alors quoi de neuf sur ce quatrième album ?
(Breaking Fun)
Oh rien de spécial. Quelques effets de style intéressants, oui, qui lorgnent vers le début des années 80. On croirait entendre une version tous publics de Siouxsie & the Banshees sur certains titres. L'introduction, Silver Spell, est limite un rip off de John Carpenter, avec pour tout habillage une boite à rythme inquiétante et un synthé insistant. Adele et Scott étant moins nerveux qu'auparavant, il arrive que leur chant combiné rappelle vivement celui des Kills (Rose Red), le minimalisme d'une partie des morceaux aidant (Ink free). Ces velléités post-punk (voire gothiques) encore plus affirmées qu'auparavant poussent le groupe sur un terrain où ils n'ont jusque là pas excellé puisque leurs meilleures chansons étaient des popsongs remontées et efficaces, mais c'est pourtant lorsque les gimmicks empruntés au passé (la guitare crissant au début de Rose Red rappelle Eno, voire Bauhaus, celle de The Model rappelle The Cure) que le groupe est le plus convaincant. Comme la révélation que les timbres vocaux (un minimum) ténébreux de ses chanteurs destinaient depuis longtemps Sons & Daughters à suivre cette voie. Comment alors conjuguer ces éléments, relevant d'une certaine ambition (de recyclage, apparemment), avec la formule usitée depuis des lustres ? Même habillées de répliques des bijoux que l'on portait il y a déjà trente ans, les chansons continuent de suivre le même genre de ligne directrice très simple, le couplet/refrain avec accroches, sans apporter rien de neuf. On finit par conséquent par ne plus savoir sur quel pied danser. Les popsongs les plus réussies (Breaking fun en tête, menée par la voix de Scott Paterson, laquelle est probablement la raison pour laquelle j'écoute encore ce groupe) ne semblent pas coller totalement à l'univers ambitionné et le métissage étant ici rarement heureux (le fiasco Axed actor), ce sont réellement les morceaux les plus jusqu'au-boutistes, les plus minimaux, qui sont les plus intéressants, soit Ink free et Silver spell.
Que cela soit un effet secondaire post-The XX ou simplement l'ordre naturel des choses, "Mirror Mirror" est un disque pas vraiment déplaisant, plutôt confortable, et ces musiciens ont probablement les albums qu'il faut dans leur discothèque, mais à moins de vainement espérer qu'un jour les qualités du quatuor (la voix de Scott Paterson) ne soient exploitées à meilleur escient, il n'y a pas grand intérêt à croire en Sons & Daughters, ni aujourd'hui, ni probablement la prochaine fois.
Joe Gonzalez
On en parle ici aussi: http://vocododo.blogspot.com/2011/09/sons-and-daughters-mirror-mirror.html
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