C'est entendu.

jeudi 19 mai 2011

[Vise un peu] Thrill Jockey, label d'après guerre et qui fleurit au Printemps, Première partie


S'il est loin de jouir d'une renommée aussi pimpante que son voisin Chicagoan Touch & Go ou que d'autres labels nés au début des années 90 (comme Kill Rock Stars), Thrill Jockey peut mettre à son actif le prestige d'avoir signé de grands petits noms, d'avoir conservé une identité sonore et de la faire perdurer sans radoter, vingt ans bientôt après sa création (en 1992). Né en plein post-tout, le label abritera longtemps des musiciens portés vers l'avant, du post-rock-chose de Tortoise à la post-pop des Fiery Furnaces en passant par le jazz-rock de The Sea and Cake, les bizarreries de Pit Er Pat ou la post-country de The Band of Blacky Ranchette. Comme je vous l'ai dit, la donne n'a pas changé et les dernières semaines ont vu fleurir quelques disques intéressants, attentes comme surprises, dans des genres assez différents pour offrir au profane un petit panorama de Thrill Jockey (littéralement "Animateur de frisson"), qu'il conviendra certes de compléter avec les classiques de la maison. Voici de quoi il s'agit :



Mountains - Air Museum

Un duo officiant à Brooklyn depuis une dizaine d'année est-il nécessairement part d'une quelconque hype ? Pas vraiment. Loin de Dirty Projectors, GrizBear, Gang Gang Dance, Chairlift et autres égéries, Mountains est inconnu au bataillon pour la bonne raison qu'il s'agit de drone.

Par là j'entends que Mountains joue sur la répétition chronique d'une note, d'un accord, d'un son, par le biais d'instruments électroniques, principalement, et ceci dans le but de créer une transe certes monotone mais aussi rêveuse et pourquoi pas psychédélique (si vous y mettez un peu du vôtre).


(Thousand Square)

La touche Thrill Jockey (ou en tout cas, c'est une appréciation très subjective de la chose) relève d'une certaine décontraction sonore. Loin d'être de la musique d’ascenseur ou une transe méditative prescrite par la secte new age du coin, les itérations synthétiques de ce duo ont une certaine dimension rétro-futuriste sous-cutanée rappelant les cabrioles de Steve Moore et Anthony Paterra (alias Zombi) mais en moins vertigineux (Sequel, Thousand Square). Jamais vraiment bruyant, jamais ennuyeux non plus, le déploiement de souplesse ici présenté n'a jamais l'allure d'une explosion révélatrice, mais on plane suffisamment pour s'en fiche.












Zomes - Earth Grid

Zomes c'est comme ça qu'Asa Osborne (guitariste chez Lungfish) s'appelle quand il sort des disques tout seul, celui-ci étant le second à paraitre depuis 2008.

Dès la première note, on sait pertinemment où Osborne veut en venir mais ça n'est pas très grave si l'on n'a rien contre un rock instrumental lent, lourd (forcément quand on a joué vingt ans dans Lungfish...), psychédélique et absolument lo-fi. Pour vous faire une idée, pensez à la musique de Parallel Pyres et vous ne serez pas bien loin de toucher du doigt au heavy minimalisme qui est joué ici.


(Pilgrim Traveler)

Vous savez ces gens qui vendent des jouets en bois, ou des lunettes de soleil en toc, sur le marché, et que l'on regarde avec compassion sans pour autant acheter leur bibelots, Osborne est un peu comme eux. Il n'y a qu'une poignée d'entre nous qui achèterons son disque, et dans le coeur, ceux-là auront un pincement de nostalgie consumée, un fétu de joie dispersé par la chaleur du bien acquis et payé auprès d'un artisan, un vrai. Et puis ça ne change pas grand chose mais c'est agréable.












The Sea and Cake - The Moonlight Butterfly

C'est un mini-album, comme certains aiment à appeler ce format (6 chansons mais trop long pour être un Extended Play) et il a pile la bonne longueur, en vérité. Depuis la fin de leur période faste (depuis "Oui", en 2000, disons), Prekop, Prewitt et les autres ont été assez difficiles à suivre, s'aventurant dans l'électronique et livrant des disques très inégaux. Celui-ci n'a pas le temps de lasser et sera une bonne porte d'entrée pour qui n'a pas encore écouté "Nassau" puisque son mélancool tout en finesse glisse comme sur du beurre.


(Covers)

Entre deux épiques ballades où des guitares lumineuses (Lyric) dansent avec de rondes et charmeuses basses (Covers), en plein centre d'un enregistrement délicat, le morceau-titre déploie une electronica qui n'apparait pas vaine (comme lorsqu'elle n'est exploitée que par bribes, que ce soit par The Sea and Cake ou même sur un album solo d'Archer Prewitt) et qui, par le naturel de son arrivée comme un cheveu sur la soupe, rappelle l'intervention de nature kraut impensable mais bien pensée sur "A ghost is born" de Wilco. Et de Kraftwerk en Prekop, il n'y a qu'un pas et le chanteur reprend ses droits et radine sa voix trainante sur la seconde moitié avec autant d'implication que de distance dans le souffle, façon 90's. Oublions la dernière chanson, inutile, réjouissons-nous d'un retour discret mais efficace et faisons tourner le disque aux copains en mal de relax rock.









La suite, très bientôt, dans la seconde partie du dossier Thrill Jockey, où vous découvrirez The Skull Defekts, Alexander Tucker et une ou deux autres surprises !


Joe Gonzalez

3 commentaires:

  1. Je suis tout à fait d'accord avec toi au sujet de l'album de Sea and Cake, qui marque un petit retour en forme du groupe.
    L'an passé, le groupe avait déjà sorti une très chouette chanson intitulée "Skies", que j'aurais bien vu figurer sur cet album.

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  2. La chanson "Inn Keeping" de Sea and Cake est la meilleure du groupe depuis près de 10 ans !

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