C'est entendu.

vendredi 17 décembre 2010

[Vise un peu] Laetitia Sadier - The Trip

Il n'était pas besoin d'attendre le hiatus de son groupe d'attache (Stereolab) pour que Lætitia vagabonde en solo. Que ce soit ponctuellement par le biais de tonnes de collaborations (avec Blur sur le single To the End, Luna sur la reprise de Bonnie & Clyde, mais aussi avec Atlas Sound, les High Llamas et le rappeur Common) ou via son projet parallèle, Monade, mené en collaboration avec Rosie Cuckston, ex-membre de la formation psychédélique Pram. Cependant, "The Trip" se démarque de toutes ces aventures par l'affirmation personnelle qu'il représente : ni partage de pouvoir ni prêt de cordes vocales, ce premier album sous son propre nom est la carte d'identité de Lætitia.

(Ceci est le coeur)

C'est d'une façon très saine et très humble que Lætitia se livre, sans chichis, sans fioritures et cela s'entend dès que retentit le son de sa guitare, qui semble enregistrée sans aucun travail sur le son, simplement branchée sur un pré-ampli et laissée tranquille, du début à la fin de l'album, vierge de toute expérimentation sonore ("laissons cela au Lab'" semble-t-elle dire). Cette constance dans la simplicité se retrouve dans des arrangements sobres (quelques chœurs, parfois un clavier, une basse et une batterie, quand guitare et voix ne sont pas laissées entre elles) qui pourrait en faire fuir plus d'un, surtout parmi les fanatiques des arrangements de Sean O'Hagan pour Stereolab, alors qu'ils sont essentiels au message délivré par l'album : "vous croyiez me connaitre... me voici vraiment". Il est alors tout naturel de trouver là trois reprises. On ne peut pas oublier que, même avec vingt ans de carrière derrière elle, Lætitia ne délivre ici que son tout premier album personnel, et quoi de plus normal, de plus naturel pour un premier LP que d'enregistrer des reprises ? Cela participe des présentations : je suis Lætitia Sadier, je sonne comme ceci, je pense comme cela, je ressens ceci et j'écoute cela. L'évidence d'enregistrer des reprises n'excluant pas le bon sens de ne pas donner dans le cliché, ce ne sont pas des chansons de Neu!, Françoise Hardy ou Antonio Carlos Jobim qui sont jouées, mais de façon plus étonnante, le Summertime de Gershwin, By the sea par Wendy & Bonnie et surtout une amusante ré-interprétation d'un titre peu connu des Rita Mitsouko, Un soir, un chien.

(One million year trip)


Ceux qui ont écouté les paroles des chansons de Stereolab se souviennent que Lætitia sait écrire et émouvoir et c'est avec plaisir qu'ils entendront ce disque s'ouvrir sur l'un de ses plus beaux textes : One million year trip, au rythme d'un kraut rock rêveur, est une réflexion très juste sur la perte d'un être cher (en l'occurrence, sa petite sœur) et si elle n'est pas anxiogène, c'est parce que cette chanson prévoit de vous faire chanter avec un doux entrain des mots catharsiques (She has a long way to travel, so I will open my heart/And let the pain run along as there is no point in holding on. soit Elle a un long chemin à parcourir alors je vais ouvrir mon cœur et laisser la douleur s'évanouir puisqu'il ne sert à rien de s'y accrocher.) et cela fonctionne un million de fois mieux que n'importe quelle ballade folk en accords mineurs, croyez-moi. Pas que Lætitia ne sache écrire une bonne vieille déprime imagée quand il le faut (Statues can bend) mais lorsqu'il s'agit d'exprimer son deuil, c'est avec un sourire encourageant qu'elle le fait (Natural Child et son groove sud américain).

On a pu voir Lætitia lors de sa tournée française il y a quelques semaines, et toute annoncée entourée d'un groupe comprenant notamment April March qu'elle était, c'est bel et bien seule, toute seule, qu'elle a joué ses chansons. Encore plus décharnées que sur "The Trip", celles-ci tenaient néanmoins debout et Lætitia existait. Sans Tim Gane (ex-partenaire privé et co-leader de Stereolab), sans April March, sans sa sœur et sans groupe, mais avec un public acquis à ses sourires enjôleurs, à ses chansons touchantes et à ses remarques contestataires (contre Nicolas Sarkozy, notamment) tapées du pied et ponctuées d'un "ça n'est pas parce qu'on joue de la pop que l'on n'a pas le droit de se plaindre !".

Ceci est le cœur de Lætitia et dans son cœur il y a les mots et la poésie d'une femme qui depuis plus de vingt ans s'exprime par le biais de la musique et on espère que ça n'est que le début.


Joe Gonzalez

3 commentaires:

  1. très bon album en effet, tout comme le dernier Stereolab que certains ont trouvé bof, mais qui, pour ma part, m'a convaincu.

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  2. premier album personnel, c'est vrai évidemment, mais le 1er Monade elle l'a fait seule, et les 2 suivants elle était clairement le leader et la principale compositrice et auteure même si elle a aimé en faire un projet collectif.

    si je dis ça, c'est pas pour critiquer, c'est juste que je trouve qu'elle tient elle-même un discours un peu trop modeste et sévère sur son rôle dans Monade, d'autant que si on compare fab four suture et le dernier Monade, le stereolab ne soutient pas la comparaison (not music est bien, en revanche, j'ai poussé un ouf de soulagement)

    enfin bon, je suis fan de sadier, et notamment de cet album solo, mais ça tu le sais déjà ^^

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  3. Cela dit, je te rejoins entièrement pour la comparaison entre le dernier Monade et FFS. Y'a pas photo.

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