C'est entendu.

jeudi 25 novembre 2010

[45 Tours] Oldies (The Merry Macs // Les Paul & Mary Ford)

Quand l’hiver arrive et que la morosité ambiante s'installe, la seule et unique solution, c'est notre lecteur mp3 ou notre dossier de plusieurs giga-octets de musique. Allez, personne ne fait exception à cette règle ou presque. Surtout le soir, après une éprouvante journée de travail. Mettons qu’il soit 20h, ça me semble bien. C’est à ce moment là que ce que l’on va écouter va nous faire du bien, un bien fou. C’est à ce moment là qu’on apprécie, au chaud chez soi, d’écouter parfois (souvent) jusqu’à des heures avancées de la nuit des choses toutes plus délicieuses les unes que les autres. Cela peut être le dernier Owen Pallett pour les plus lyriques, le dernier Flying Lotus pour les amateurs d’abstractions mouvantes ou le dernier LCD Soundsystem pour ceux qui se sentent de groover. Ensuite, on translate vers des vérités plus établies, plus anciennes, on va se délecter d’un Demon Days bien mérité, puis d’un disque des Avalanches tout à fait dans le propos, avec entretemps, en guise d'entracte, un saut en arrière, un petit coup de Tom Jobim millésimé, parce que la bossa nova nous fait du bien, assurément. Il est maintenant presque 23h, et une seule question rôde dans notre esprit régalé : "Qu'écoute-je ensuite ?". C’est le moment où l’on dégaine le Velvet, Bill Fay, et/ou Sixto Rodriguez, et c’est alors reparti pour d’intenses minutes de plaisir. Enfin, dans notre plongeon de plus en plus profond vers les oldies, sentant le sommeil approcher mais désirant terminer sur une note innocente, on décide de remonter encore plus loin, on se laisse tenter par Raymond Scott, allez, c’est décidé, on lance Reckless Nights & Turkish Twilights et puis ce sera l’occasion d’en célébrer la quarantième écoute selon Apple, alors ça ne se refuse certainement pas. Une fois rendu à ce stade, une fois ce point de non retour franchi, on se dit qu’on pourrait parfaitement aller dormir, il n’est pas loin d’une heure du matin, il reste tout au plus cinq ou six heures de sommeil, mais tout à coup, sans prévenir, notre âme guerrière (et mélomane) pousse un cri intérieur qui éloigne temporairement les signes préliminaires du sommeil, qui s’installaient paresseusement depuis quelques minutes, et on veut terminer sur autre chose, il nous manque ce petit détail qui peut clore à la perfection une soirée que l’on a passée dans sa chambre à écouter de la musique compressée. C’est ici, chers lecteurs et amis, que j’interviens, et que je vous propose deux petits bijoux dont l’âge ne se demande pas (de crainte de manquer de tact), deux perles à l’éclat un peu terni par le temps mais toujours parfaitement rondes de délicatesse et de bon goût. Procédons par ordre.

FACE A : The Merry Macs - Jingle Jangle Jingle




The Merry Macs est un quartet oublié qui était signé chez Decca Records. Laissez-vous gagner par la sensation d’atterrir sur une confortable montagne de coussins, de vous glisser sous une couverture chauffante, délicatement posée sur vos jambes fatiguées de vous soutenir dans cet effroyable embrouillamini d’obstacles et de pénibilité qui constitue votre quotidien.

Les trois frères McMichael (Judd, Joe et Ted, plus ricain tu meurs, deux ténors et un baryton) ont formé depuis les années 20 jusqu’aux sixties différents groupes, The Merry Macs étant le dernier et le plus durable. En 1942, ils enregistrent, accompagnés par Mary Lou Cook (et sa voix sublime) Jingle Jangle Jingle. Bien qu’ils reprennent le travail du compositeur Kay Kyser, ils parviennent grâce à leur approche exceptionnelle des harmonies vocales multiples à se réapproprier le morceau, avec cette voix féminine venant sublimer le tout par sa légèreté et sa justesse extrême. A travers ces trois petites minutes, c’est une grande partie de l’imagerie américaine rétro qui s’exprime. C’est le pavillon coquet, disposant du confort naissant, des premiers gros réfrigérateurs, des grilles pains imposants et même d’une pile de Saturday Evening Post illustrés par Norman Rockwell, avec la ménagère américaine type, son balai-brosse en main, ayant préparé une pleine carafe de jus d’orange maison qui attend, tout comme la tarte aux fraises en train de refroidir sur le bord de la fenêtre, le retour du mari passé après son travail faire les courses pour le repas du soir, et chercher les enfants à la sortie de leur entrainement de baseball. La chanson, tout comme le précédent cliché, dépeint relativement bien (loin de moi l’idée d'affirmer que The Merry Macs est un groupe machiste) la sérénité et l’insouciance habitant la classe moyenne aux USA, dans les années 40, dans ses codes alors établis et acceptés. Le travail sur le chant est impeccable (veuillez attentivement déguster le paresseux "Yeepee yeah" du début), et l'instrumentation, bien que simple, n'est laissée de côté, avec d'entrée de jeu ce xylophone parfait, et tout du long, des arrangements soignés. Dans un sens, "soigné" est l'un des qualificatifs indispensables pour décrire Jingle Jangle Jingle, qu'on se le dise.

Un petit bond temporel, le temps de lever le bras de la platine et de retourner le disque, hop, nous voilà neuf ans plus tard, en 1951. Changement de style, place au rock n' roll du bon vieux temps.

FACE B : Les Paul & Mary Ford - How High The Moon




Le couple, sur scène comme dans la vie, formé par Lester William Polfuss alias Les Paul (l'inventeur du magnétophone multipiste) et Colleen Summers, alias Mary Ford, connut un assez large succès sur le continent américain durant toute la décennie 50's, jusqu'à sa dissolution en 1963, une année avant leur divorce. Mais restons en 1951, quand la complicité était au beau fixe.

Gibson s'apprête à proposer un contrat à Les Paul pour la promotion de la nouvelle guitare de la marque, portant le nom de l'artiste, alors que le duo occupe très souvent la tête des classements de ventes US. Ce sera une fois de plus le cas cette année-là avec How High The Moon, single brillant, reluisant de classe et de fraîcheur. D'un côté ce chant efficace et distingué, de l'autre, cette folle guitare clean qui nous berce de ses sonorités arrondies et enivrantes. Le tout avec un sourire, séducteur pour l'une, et comme amusé par les évènements et le plaisir qu'il prend à jouer pour l'autre. Le genre de show du dimanche soir qui suffirait à redonner le sourire et du courage pour la semaine à venir à l'assureur du Minnesota comme au fermier du Texas.

(un couple, une passion)

Lester était un amoureux de la guitare, et lorsqu'un accident de la route l'obligea à se faire immobiliser le bras gauche avec des broches, il insista pour que son bras soit plié à 90°, de manière à pouvoir continuer de jouer. D'ailleurs, How High The Moon n'a pas été écrite par le couple Paul/Ford, mais par Morgan Lewis et Nancy Hamilton, deux compositeurs américains méconnus. Cette ballade fut reprise de nombreuses fois au XXième siècle, notamment par Ella Fitzgerald, et a inspiré, entre autres, des artistes comme John Coltrane et Miles Davis. C'est dire.

Le bras de la platine est relevé, allez, vous n'avez plus qu'à retirer le disque et à éteindre l'appareil. Ne comptez pas sur moi pour le faire à votre place !


Hugo Tessier

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