C'est entendu.

samedi 11 septembre 2010

[Vise un peu] Arcade Fire - The Suburbs

Il n'est pas nécessaire d'avoir écouté "Funeral," le premier album d'Arcade Fire pour découvrir, appréhender, voire juger "The Suburbs," leur troisième opus, non vraiment je vous ass... wow, stop. Y'a-t-il réellement quelqu'un ici que cette affirmation n'a pas choqué ? On peut, certes, dans l'absolu, utopiquement, penser qu'il est possible d'être exhaustivement et sérieusement préparé face à "The Suburbs" lorsque l'on n'a jamais entendu une seule note de "Funeral" mais cela reviendrait à envisager "Abbey Road" sans savoir l'existence de "Rubber Soul" (*1) ou encore à évaluer l'originalité potentielle d'un disque de Green Day en ignorant tout ce qu'il s'est passé entre, disons, 1975 et 1990 (*2) auquel cas beaucoup de gens reverraient les punk-rockers californiens à la hausse, c'est certain. En outre, cela reviendrait aussi à se passer d'un très bon disque de rock, l'un des meilleurs sortis depuis dix ans.


(Sprawl II)

On ne peut tout simplement pas ignorer le passé, et ça, Arcade Fire ne le sait que trop : comment en effet poursuivre après "Funeral" ? Comment donner suite à un best-seller indé aussi inattendu que celui-là, unanimement salué et empli d'une énergie telle que les sentiments puissants et sincères qui en débordaient se sont accumulés telle une large pâte à tartiner sur la tartine-beurrée-des-coeurs-fatigués d'une génération qui ne demandait que ça ? Avec "Neon Bible" (2007), la question se posait déjà (une question suffisamment prenante pour que chaque album du groupe mette trois années à arriver) et l'on sentait le groupe forcé d'y répondre avec force points d'exclamation, imposant à l'auditeur une émotion qui auparavant coulait de source, usant de gadgets émotionnels parfois patauds (la ré-enregistrée No cars go, poussive au possible, par exemple) tout en parvenant à conserver une sorte d'unité dans le propos (cette adaptation moderne de la critique de la société libéro-religieuse américaine lancée par John Kennedy Toole avec son roman du même nom), en harmonie avec le son (l'utilisation fréquente d'orgue comme pour rappeler aux auditeurs que boire les paroles de Win Butler à sa paroisse reviendrait à lui balancer une godasse au front).

"Les sauveurs du..." VRAIMENT ?!

"The Suburbs" ne force pas le sentiment. Il ne force plus et se laisse couler sur seize longues pistes. [A cet instant précis, je me sens décidé à publier tel quel cet article, dont la rédaction a débuté il y a un mois, sans rien ajouter d'autre. Je crois que j'avais vraiment envie - je cherche au plus profond de moi les raisons pour lesquelles j'ai commencé à écrire ce papier et surtout les raisons qui m'ont poussé à ne pas l'abandonner totalement avant l'instant présent - je crois que j'avais vraiment envie de dire à quel point j'étais déçu qu'Arcade Fire ne puisse pas être un tout petit peu plus longtemps le meilleur groupe de pop du Monde - déception stupide de l'avis général puisque fondée sur un espoir digne du paranormal - et que j'avais envie de démontrer pourquoi il était triste qu'autant, sinon plus, de gens aiment ce groupe aujourd'hui qu'à l'époque de "Funeral," alors que "The Suburbs" n'est pas un très bon album. Je pense que je voulais dire que "The Suburbs" n'est pas un mauvais disque, même pas, ça n'est qu'un autre album de pop. Juste ça. Moyen, médiocre. Dont les meilleures chansons sont les deux-mêmes extraits qu'il nous avait été donné d'écouter en avant-première et qu'à l'époque j'avais trouvés repoussants (The Suburbs, Month of May). Où à de trop rares occasions l'on se réjouit vraiment d'entendre une idée (les violons au début d'Empty room et... c'est tout ?). Où l'on sourit en une peu fière grimace la première fois (Sprawl II) en pensant avoir sous la main une version pirate de l'album, comme il y a dix ou quinze ans, quand nos copains - ceux qui avaient un graveur CD-Rom à la maison, les veinards - nous gravaient des disques en échange de monnaie sonnante et trébuchante et que, voulant bien faire, ils glissaient en bonus après l'album qu'on leur avait demandé n'importe quel single trainant dans leur chambre, histoire de ne pas gâcher d'espace disque, et où l'on regrette qu'Arcade Fire ait choisi d'insérer la reprise de l'Enola gay d'OMD joué par U2 et chanté par Mylène à la fin de son album. Dont on se lasse vite, malgré un single pas si mal (We used to wait), à cause d'une rythmique insupportable (Modern man), de mélodies ridicules (Rococo), de copier/coller évidents, trop évidents (Ready to start commence exactement comme Keep the car running, Month of May n'est qu'un ersatz un brin plus braillard et un max moins intense de (Antichrist television blues)) et d'un propos bien moins passionnant. Je crois que j'avais envie de dire que je suis le genre de type qui écoute les paroles quand il écoute de la pop, et qui les lit. Je sais que tout le monde ne fonctionne pas comme ça, et d'autant moins lorsque les mecs chantent en angliche, mais je peux pas m'en empêcher. Il s'ensuit forcément que Win Butler (ou Régine Chassagne pour ce que ça change) ne me parle pas avec "The Suburbs." Il ne s'adresse pas à moi lorsqu'il raconte que le Monde sombre et qu'il veut, lui, avoir une fille tant qu'il est jeune, lui montrer de la beauté avant qu'il n'y ait plus rien à voir. Je ne vais pas brandir mon tract "NON A LA CRISE DE LA TRENTAINE CHEZ LES PAROLIERS" mais plutôt froncer un sourcil : si ce mec est un pessimiste et qu'il ne voit aucun espoir pour nous, qu'il assume son sentiment et ne mette pas au monde une fillette dont la vie ne sera jamais aussi belle que la sienne, voire aussi longue. Et s'il veut vraiment élever sa fille dans un Monde dégénéré (et notre époque l'est, je lui concède volontiers), alors il fait montre d'un optimisme débordant, et son rôle de chantre du désarroi, de la critique sociale par la pop, de Cassandre montréalaise (un rôle qui sied bien mieux à d'autres) choit à ses petons sous le poids du fardeau trop lourd à porter et il ferait mieux de changer de disque parce qu'il donne d'air à un politicien et ferait mieux de mettre dans sa musique la crainte qu'il (sous-)entend parce que sans un coup de fouet immédiat, la machine Arcade Fire ne pourra que dégringoler une à une les marches de mon estime et de celle de ceux qui ne se contentent pas de la musique comme d'un bien de consommation mais y recherchent un Art, un mode de vie, une flamme, autre chose qu'une séquence de slogans publicitaires pseudo-contre-culturels scandés sans conviction par-dessus des blues habillés de violons (et ceci malgré tout le bien que je pense des talents d'arrangeur d'Owen Pallett). Spécialement lorsqu'il s'agit d'Arcade Fire.]


Joe Gonzalez








(*1) Il s'agit de disques des Beatles. Si vous lisez ceci, sortez de chez vous un peu plus souvent.
(*2) 1990 : date de parution du premier LP de Green Day, "39/Smooth."

13 commentaires:

  1. "Face à son feuillet A4 immaculé..."
    il aurait peut-être dû rester immaculé pour une fois...

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  2. je kiffe la chro, je kiffe la note, je kiffe l'allusion a Green Day parce que j'adore Green Day. Ceci dit je kiffe quand même "the suburbs" ! J'ai bien le droit non ? Mais je signale aussi que c'est grâce à ce disque que je kiffe encore + celui d'Owen Pallett !

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  3. Jérôme résume PARFAITEMENT ma pensée.

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  4. Djeep > Tu as le droit de kiffer. Le disque ne ME parle pas mais je sais qu'il plait beaucoup.

    Les autres > Sérieusement, vous êtes de ces gens idiots qui, lorsqu'autrui n'est pas de leur avis préfèrent le silence ? On en est encore là en 2010 ?

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  5. J'avais écrit un commentaire constructif, mais ce ¨£µ%¨$@# de Blogspot m'a balancé un sadique error 503. Le petit bâtard. Je le réécrirai quand je serai calmé.

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  6. " "The Suburbs" n'est pas un mauvais disque, même pas, ça n'est qu'un autre album de pop. Juste ça. Moyen, médiocre."

    Voilà mon opinion sur les deux premiers albums d'Arcade Fire (Je n'ai pas écouté le suivant, cette critique ne fait pas envie vraiment). Comme les albums de Coldplay ou les derniers de U2. Ca ne change pas ma face du monde, vraiment pas. Et du coup je n'arrive pas à piger la hype qui entoure ce groupe.

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  7. Pas grave Vincent, le dernier Linkin Park devrait te plaire aussi je pense !

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  8. Tu es de ces personnes qui n'acceptent pas qu'un texte mal écrit soit mal-aimé ? On peut avoir son avis, mais tout de même, n'importe qui peut cracher son venin sans mettre de ponctuation.
    Et puis comparer month of may à (antichrist), quelle idée...

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  9. Je le trouve tip top cet album mais je ne suis peut être pas objectif tant il est difficile de l'être après l'avoir vu être joué en live.

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