C'est entendu.

mercredi 25 août 2010

[Vise un peu] Tobacco - Maniac Meat

Ce type est cinglé. J'aurais bien du mal à décrire précisément sa musique mais imaginez une ensemble foutraque de beats boucaniers et un barouf bordélique quasi-instrumental (Beck est invité à chanter sur deux titres, mais j'y reviendrai), comme si des chauve-souris vampires voletaient en cercle et se cognaient contre les parois branlantes du crâne de ce mec en quête de viande rouge à bouloter.

Tobacco, de son véritable nom Tom Fec, est à l'origine l'un des membres du groupe américain Black Moth Super Rainbow, dont chaque musicien, le saviez-vous, est doté d'un pseudonyme (mon favori étant celui dont s'est affublée Maureen Boyle : The Seven Fields of Aphelion). Depuis 2002, ce quintette propose une sorte d'électro pop étrange et leur dernier album, "Eating us" (2009), était d'ailleurs produit par le très prisé Dave Fridmann. Mais là n'est pas la question puisque ce qui nous intéresse avant tout est la carrière solo de Fec qui, en 2008, sortait un premier album, "Fucked up Friends" dans un style somme toute assez proche de la musique de Black Moth Super Rainbow, même si les beats touchaient déjà du doigt à la morbide violence qui atteint son paroxysme cette année sur "Maniac Meat," alors que le psychédélisme des synthétiseurs de Black Moth croisait le fer avec un sérieux coup d'œil dans le rétroviseur en direction de la synth pop italodisquienne de la fin des années 80. La recette est la même sur ce deuxième essai, où la présence de Beck sur deux pistes (Aesop Rock avait été l'invité sur "Fucked up friends") n'empêche pas la folie furieuse de Tobacco de s'abattre sur seize invitations à la décharge nerveuse, toutes en synthétiseurs rétros et beats crados, sur lesquels Fec parvient néanmoins à faire naitre des... mélodies et susurre de temps à autre d'incompréhensibles mots que sa voix déformée pervertit jusqu'à la moelle.


(Grape Aerosmith, avec Beck)

Soniquement, ces brûlots auxquels j'associerais difficilement le mot "chanson" se situent à l'Ouest sur la Grande Mappemonde du Boucan, à où les hipsters en quête de chair fraiche se rendent pour danser frénétiquement au rythme des sons digitaux compulsés et trafiqués par l'un des leurs ; et l'on pourrait comparer le résultat à ce qu'aurait été un album de remixes des chansons de Nine Inch Nails circa "The Fragile" (1999) si les Beastie Boys s'en étaient chargé un soir de biture monumentale, après avoir beaucoup trop écouté le "White Light / White Heat" du Velvet Underground.



(Constellation dirtbike head, qui ouvre l'album comme on débouche les cabinets)

S'il s'agissait de dégager une méthode à partir de la structure des compositions de Tobacco, cela serait une preuve par trois, une méthode Dukan en trois étapes et on pourrait la résumer comme suit :
  1. Mettre à mal vos sens avec des beats ingénieusement débiles.
  2. Démolir votre volonté par d'inlassables répétitions synthétisées.
  3. Carboniser ce qu'il reste de votre ciboulot en saturant le tout sans oublier de monter le son.
Il y a peu de chances que vous aimiez ce disque si vous n'aimiez pas Black Moth Super Rainbow, tout comme il y a peu de chances que vous l'aimiez si vous n'avez aucune envie de paumer autant de cellules grises que de faculté auditive à chaque écoute (car cela s'écoute très fort, évidemment), mais je tiens tout de même à encourager les plus téméraires d'entre vous à passer ce ragoût de sons, cette mixtape regroupant les hurlements des machines de compagnie de Tom Fec, chaque fois que vous le pourrez. Le mieux étant de faire résonner les tympans de vos convives sans les prévenir, en prévoyant une réaction vive à votre encontre. M'enfin ne soyons pas si pessimistes, vos amis ont peut-être, eux aussi, très mauvais goût.


Joe Gonzalez

1 commentaire:

  1. J'avais pas kiffé Black Moth Super Rainbow d'après mes souvenirs, et je n'en ai même pas gardé la moindre trace sur mes disques durs ; mais ptetre que je vais réessayer pour voir...

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