
En 2002, un grand album sortait de chez Matador Records, enregistré par un groupe alors inconnu. La pochette aux couleurs rouge et noir annonçait un disque à l'ambiance unique : "Turn On The Bright Lights." Il n'aura fallu que ces onze chansons pour déjà rendre Interpol culte (*1) et en faire une séquelle depuis si longtemps ardemment désirée de feu Ian Curtis et de sa Division de la Joie. Malheureusement, trois albums ont suivi et à chaque fois, ce fut une nouvelle déception et un rendez-vous supplémentaire pris chez l'oto-rhino. "Our Love To Admire" (2007), le troisième LP, sonnait le glas d'un groupe duquel on n'attendrait plus rien (*2), auquel on ne croirait plus, qui n'était plus qu'un magnifique souvenir, révolu.
"The new record falls back towards the first. [...] There was an effort in Daniel's guitar tone ; he rediscovered it playing in his loft space for a year without anybody.[...] It's back." (*3)
(Sam Fogarino, batteur d'Interpol, en 2009)

Malgré les airs flagrants de marketing publicitaire que peut laisser entrevoir cette déclaration, on osait redonner du crédit à ce groupe, une chance, une ultime chance ! C'est qu'il est difficile de les oublier et de les renier, de se dire que "Turn On the Bright Lights" n'était qu'un coup de chance. Cependant, une très mauvaise nouvelle est tombée quelques temps plus tard : Carlos Dengler, le génial bassiste junkie à qui l'on doit le riff de basse d'Evil ou encore celui d'Obstacle 1, quittait le groupe. Même si l'on peut lui reprocher une imagination de moins en moins fertile au fil des albums, il restait le membre le plus intéressant du groupe... si l'on oublie bien sûr qu'il est censé avoir eu le temps de signer (toutes ?) les lignes de basse de ce futur opus avant de partir.

Ce truc horrible est la pochette de l'album.
L'une des forces du groupe est qu'il a toujours su ouvrir ses albums de belle façon. Untitled, Next Exit et Pioneer To The Fall (seule chanson intéressante de "OLTA" ?) tapaient toutes juste. Success, la première track de ce nouvel opus n'a d'intéressant que l'ironie de son nom. Voilà une chanson qui ressemble à une parodie de ce qu'Interpol a fait de moins bon ; rien ne se dégage, aucune couleur ne s'installe. Peu après, Lights (premier single promo de ce LP) fait son apparition ; ses guitares lui permettent de sortir du lot, sa montée vers un climax jamais atteint lui offre une odeur particulière. Elle ne parvient pourtant pas à s'imposer au sein d'un album trop chaotique où, si l'on ose poursuivre son chemin, on tombe sur des inaudibles (Always Malaise, Safe Without) et on enjambe le cadavre qu'est All Of The Ways. Où Paul Banks et ses comparses veulent en venir avec cette pièce sans âme, je n'en ai aucune idée.
Lights, la seule chanson valable de cet album
Cet album vient confirmer une idée que j'avais depuis longtemps sur ce groupe. "Turn On the Bright Lights" était un album empli d'incertitude, de jeunesse, de craintes et d'une authenticité palpable. Voilà peut-être la raison pour laquelle on les a tant comparés à Joy Division : cet oubli de l'artifice, cette qualité dans la simplicité, cette pudeur qui se met à nu. Plus les années ont passé et plus Paul Banks donnait l'impression d'assumer sa voix (ce qui paradoxalement la rendait moins belle), Daniel (le guitariste), quant à lui, semblait prendre des cours chez Coldplay. Le groupe laissait derrière lui l'influence post punk qu'on lui supposait à ses débuts pour offrir une presque-pop indie digne des bacs de supermarché.
Barricade, une chanson (et un clip) à l'image de l'album
"Interpol" est un mauvais album. Les New Yorkais sont, en effet, retournés vers leur débuts mais en s'auto-caricaturant grossièrement. Voilà un album que n'importe quel fanatique de l'Interpol original aurait pu enregistrer dans son garage après quelques bitures. Voilà un album qui aurait du rester dans le garage du groupe. Voilà un groupe qui est définitivement mort et qui
n'est plus qu'un agréable souvenir.

Julien Masure
(*1) Entre autre bonne presse, à travers l'internet et la presse papier, et pour donner un exemple précis, Pitchfork, qui a donné un 9,5/10 à "Turn On The Bight Lights" l'a également choisi comme meilleur album 2002 et 20ème meilleur album des années 2000.
(*2) Le groupe lui-même a déclaré avoir légèrement renié OLTA, reconnaissant sa faible qualité.
(*3) Traduction : Le nouvel album retombe dans la direction du premier. Il y a eu une avancée dans la tonalité du jeu de guitare de Daniel ; il l'a redécouverte en jouant dans son loft, pendant un an, sans personne. C'est de retour.
(*3) Traduction : Le nouvel album retombe dans la direction du premier. Il y a eu une avancée dans la tonalité du jeu de guitare de Daniel ; il l'a redécouverte en jouant dans son loft, pendant un an, sans personne. C'est de retour.