C'est entendu.

lundi 7 mars 2011

Microcosme #6 - Mars 2011

par Arthur Graffard, Hugo Tessier et Joseph Karloff
art par Jarvis Glasses


Que des français dans la sélection de ce mois-ci : la rédac' de C'est Entendu jouerait-elle la carte de la préférence nationale, en ces temps troubles où les Français placent en tête des sondages une grosse barrique de Fink Bräu ? N'en croyez rien. Nous sommes blancs certes, mais nous n'en restons pas moins cools, quoique légèrement ridicules en maillots de bain.

En lieu et place de la rubrique Macrodisques consacrée aux estrangers donc, Arthur Graffard inaugure le Microscope, la rubrique des artistes tellement émergents qu'ils n'ont même pas le moindre skeud à leur actif.

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Microscope

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Partant de l’excellent principe qu’il vaut mieux s’y mettre soi-même pour écouter de la bonne musique, Eyes Behind donne une bonne indication de ce que pourrait être aujourd’hui un rock teigneux ET intelligent, dans une période où l’on ne nous propose encore que de pâles ersatz des gloires passées. A l’instar des éternels parangons de C'est Entendu que sont les Snobs, Eyes Behind a décidé d'aller trouver du côté du krautrock et du post-punk de quoi ranimer la flamme. Alors que les dinosaures du rock 00’s tirent leurs dernières cartouches (RIP The White Stripes) il ne serait pas déplaisant de voir des groupes comme celui-ci jouer des coudes jusqu’aux unes de la presse spécialisée, voire – audace – les pages intérieures de quelques journaux gratuits. Ou même Télérama et Marie-Claire. Évidement ces jeunes gens ont le défaut d’être français, mais parisiens, ce qui augmente considérablement leurs chances.


(Storm)

Et puisque c’est la seule chose qui permette de faire écouter les "petits groupes" en devenir, terminons par un beau namedropping d’influences/ressemblances/artistes sans rapport aucun mais qui vous feront cliquer sur le lien ci-dessous: Liars, Can, White Denim, Wetdog, néo-post-punk Slits. Et j’allais oublier qu’un des membres du groupe figure également dans l’excellent combo Cheveu dont on reparlera très bientôt. A écouter .


A.G.


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Microdisques

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La Femme vient de sortir un EP flanqué d’une reproduction de la Naissance du Monde de Courbet, raison pour laquelle vous allez l’acheter en bons pervers anachroniques que vous êtes. L'EP regorge de tubes en puissance comme Sur la Planche (avec son break excellent à 2:38) et Télégraphe. Dans un monde meilleur, ces deux morceaux seraient le fond de commerce de la FM. Écoutez-les, faites-vous votre opinion tant il est clair à la première écoute que ce groupe fait partie de ceux que l’on aime ou que l'on déteste instantanément, fait suffisant pour justifier ces quelques lignes. En tout état de cause ces gamins parviennent étonnement bien à marier le français avec un style néo-new wave, ou surf-cold wave, disons *wave à rapprocher plutôt des tentatives de réhabilitation anglo-saxonnes actuelles que des trucs gentillets tels que le "Hot Wave" normand (j’ai vu ces types dans Tracks et ça m’a vraiment peiné). Les fans non-intégristes de Siouxie And The Banshees sont donc autorisés à aimer La Femme, qui remonte en passant le niveau du rock français d’un ou deux crans sur l’échelle du cool.


(Sur la planche)



A.G.




Voilà de quoi vous détendre un bon coup. Le leitmotiv d'Alexandre Navarro, musicien et producteur parisien signé sur le label SEM, était à coup sûr de vous faire planer à grand renfort d’ambient. Pari tenu, avec cette mixtape expérimentale sur les bords de quarante minutes et quelque, très haute en couleurs et en dépaysement. Bien que musicalement épurée (c'est partie intégrante de la beauté de la chose), on décèle une réelle propension à maintenir une ligne de conduite cohérente de bout en bout. Écoutez plutôt:

Navarro nous embarque dans un improbable voyage. Les uns à la suite des autres, différents concepts de paysages défilent sous nos yeux. Ici un désert de sable blanc, silencieux, sous un ciel ocre, là une impénétrable forêt qui semble n'accepter que nous en son sein. On survole un monde dont la géographie n'a de sens que pour nous-mêmes, et on s'y sent bien. Ce mix est une oasis imaginaire, forte en émotions et en images. Écoute vivement recommandée !




H.T.





Quelle est la vocation de Microcosme, déjà ? Mettre en avant des artistes qui n'en sont qu'au début de leur carrière, et en qui on place beaucoup d'espoir. Donc je vous parle de RiEN dans cette rubrique. Ahem. j'en suis le premier embêté. Pour rappel, RiEN est un supergroupe grenoblois qui a déjà à son actif le très bon "Requiem pour des baroqueux" en 2003, et l'encore meilleur "Il ne peut y avoir de prédiction sans avenir" en 2007. Malgré ces deux coups de maître et le soutien de la presse nationale, le groupe n'a rencontré tout au long de sa carrière qu'un "succès d'estime" comme on dit poliment, abonné aux salles modestes, sélectionnés aux Eurockéennes 2010 comme de vulgaires petits nouveaux pour jouer dans l'aprèm' avant de vraies têtes d'affiche comme Mika ou The xx. Dur.



Fort de ce non-succès, le groupe a décidé de se dissoudre au terme d'une ultime série de trois EP (le premier étant intitulé "3", je vous laisse deviner les titres des deux EP à venir). On y retrouve la patte du groupe, ce post-rock morriconien tellement bien calculé qu'on dirait du math-rock, mais malheureusement RiEN ne fonctionne pas aussi bien sur le format EP que sur le format LP : à peine a-t-on eu le temps de s'imprégner de l'univers du disque que paf, yenaplu. Pour se consoler, on retiendra surtout l'excellent Masterkraft, sorte de synthèse de la carrière du groupe, à la manière de This is our Grunge sur le précédent LP. Semi-déception donc, mais c'est surtout à cause des standards de qualité préétablis par le groupe : ultime paradoxe de ces faux débutants.


J.K.




On finit par un morceau aérien et léger, un truc qui annonce la volupté du Printemps, lorsque l’on se roule innocemment dans les prés fleuris de Bourgogne ou dans le vomi et les canettes explosées qui jonchent les abords du canal Saint-Martin. Nos fans hardcore reconnaîtront Jeans Wilder que nous évoquions en janvier en compagnie de Best Coast dans le cadre d’un Réveille-Matin. Jeans Wilder c’est des morceaux souvent lents et mélancoliques au milieu desquels se balade une voix légèrement voilée. C’est un son un peu lo-fi, des chansons qui s’appellent In My Dreams ou Sparkler. Best Coast. Lo-fi. Des mots capables d’élever contre eux des montagnes de haine. Mais qui aura le cœur assez froid pour cracher sur ces chansons ? Surement pas moi.






A.G.

4 commentaires:

  1. Flick the Switch7 mars 2011 à 21:13

    Une belle sélection ma foi ! Rien à jeter en vérité. Les deux premiers extraits m'ont fait remuer sur ma chaise, la mixtape m'a fait rêver et les deux suivants, s'ils m'ont moins convaincu, sont aussi très chouettes. Le meilleur numéro de Microcosme jusqu'ici !

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  2. Merde je me suis trompé, en fait c'est l'"Origine du monde". Enfin on s'en fout mais quand même.

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  3. D'ailleurs cette pochette d'album m'énerve passablement. Sans parler du fait que "censured" n'existe pas.

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  4. pour info, alexandre navarro n'est pas vraiment "signé" chez SEM, enfin si, mais c'est en fait tout simplement son label et celui d'un pote à lui.
    des gens très chouettes, ravi que vous en parliez et qu'il y ait du neuf à écouter de sa part. il m'avait filé son album "arcane" qui est plus que sympathique à l'écoute, sous la lune ou ce genre de situation, n'hésitez pas à y délaisser une oreille en perdition.

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