C'est entendu.

jeudi 20 janvier 2011

[Extinction] Trish Keenan (et Broadcast)

C'est à la fois déprimant et très embêtant parce qu'il me semblait bien qu'on était d'accord : 2011 devait être une jolie année, sans toutes les crasses qu'on avait subies sans broncher en 2010 (ne serait-ce que les morts de Peter "Sleazy" Christopherson, Jay Reatard, Mark Linkous, Ari Up, Guru, Nujabes, Alex Chilton, Captain Beefheart, Solomon Burke et j'en passe, et pas que des musiciens). Je ne veux pas faire de prosélytisme posthume mais la mort prématurée (des suites d'une pneumonie) de Trish Keenan, c'est la goutte d'eau qui fait déborder un vase tout neuf qui risque de ne pas s'en contenter.



(Goodbye Girls, sur "Tender Buttons", 2005)


Je vous en parlais il y a à peine un mois puisque Broadcast venait de publier un nouvel EP en collaboration avec le Focus Group et bien sûr on attendait tous un prochain album du groupe de Trish, pour 2011 qui sait ?.. mais après une demi-journée passée à croire au canular (la sœur de Trish se chargeait d'alimenter le Facebook de Broadcast en informations), l'annonce officielle de Warp Records mit fin au suspense.

Je vais avoir l'air idiot mais j'ai rarement été aussi touché par le décès d'un ou d'une artiste dont le travail me parlait. Peut-être est-ce parce que Trish était encore jeune, ou parce que H1N1 (la cause probable de sa pneumonie) n'était jusque là qu'une sorte de blague pour moi, ou peut-être encore parce que je n'avais découvert le gros de la discographie de Broadcast que pendant l'été 2010, mais encaisser cette nouvelle fut rude. Avec la disparition de Trish et de sa jolie voix, c'est certainement tout le groupe qui nous a quittés, ce qui double le compteur des pertes...

Avec seulement une quinzaine d'années d'existence derrière eux, James (Cargill, l'autre moitié originale de Broadcast et un bassiste de grand talent) et Trish avaient encore tout à nous dire et ils étaient probablement le groupe le plus prometteur signé chez Warp, loin devant Grizzly Bear (malgré tout le respect que j'ai pour ces gens-là) et Hudson Mohawke. Leur musique avait déjà tant évolué en l'espace de cinq ans et trois albums, entre 2000 et 2005, partie d'une pop élégante et tournée vers les sixties pour se rapprocher d'une électronica psychédélique et parfois proche de Stereolab et du krautrock. Le virage expérimental entamé depuis 2009 en collaboration avec le Focus Group n'était qu'une avancée logique et l'originalité de la formule (un bouillon de culture pop, où sur une même piste de moins de trois minutes, deux ou trois chansons différentes entraient en collision, avec aisance et beauté) intensifiait l'espoir de nouveaux enregistrements, de nouvelles directions (dont nous aurons peut-être un aperçu, un jour, si des publications posthumes voient le jour).


(I see, so I see so, sur "Investigate with cults of the Radio Age", 2009)

Et puis ça n'est que la face émergée de l'iceberg car les disques sortis par Broadcast "sous le manteau" sont légion : des EP's, des compilations d'inédits (notamment "Work and non work", en 1997, qui rassemblait les premières chansons du groupe et que vous devriez très vite vous procurer), et de l'électronique pure ("Microtronics, Vol 01", en 2003) si vous étiez curieux, il y avait (et il y a toujours) un énorme corpus à décortiquer pour quiconque tombait amoureux et il en fallait si peu pour chavirer ! Qu'est-ce qui vous avait conquis ? Pour ma part, la chanson Corporeal, sur "Tender Buttons" fut une révélation telle que je n'en décrochais plus, si ce n'est le temps de son enchainement sur Bit 135 dont la rythmique kraut ne manquait jamais de me remuer. J'en connais pour qui les deux premiers albums et leur aspect plus direct (on y trouve tellement de ballades pop rêveuses qu'il est encore plus facile de s'en amouracher) furent le révélateur : Come on let's go lorgnant vers les sixties, Colour me in enregistrée vingt mille lieues sous les mers, ou bien, au contraire, les quelques preuves disséminées ici et là que Broadcast n'était pas groupe à se contenter de son lot (un groove fantomatique et des rêveries de mi-saison) : Pendulum, par exemple, bruyante et martiale, était un extrémisme en soi.

(Pendulum, sur "Ha Ha Sound", 2003)

S'il y en a parmi vous qui n'étiez pas encore convaincus ou "au courant", j'espère qu'au moins, je vous aurai donné envie d'en savoir plus. Broadcast était l'un des groupes les plus intéressants de ces dix ou quinze dernières années et il nous manqueront, ils me manqueront. Positivons et pensons à ceux qui grâce à Internet pourront découvrir une Trish Keenan en pleine forme et se laisseront eux aussi conquérir par la beauté de ses yeux... et de sa voix.


(Come on let's go, sur "The noise made by people", 2000)


Joe Gonzalez

8 commentaires:

  1. Oui, c'est super triste. Le seul truc qu'on peut espérer, c'est qu'un nouvel album était terminé.

    Duck.

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  2. Gros coup dur. Fan de ce groupe depuis la sortie de Tender Buttons (mon album préféré des années 2000, et je dis pas ça juste pour l'occasion...) j'espérais encore les voir en concert un jour.
    Y'a plus qu'à regarder la vidéo de "Papercuts" en boucle et pleurer.

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  3. Déjà en 2009 j'ai eu mal avec la mort de Baatin de SV (même s'il était complètement fou), en 2010 j'ai vraiment souffert de la mort de Nujabes qui est quand même le premier type à m'avoir fait aimé (très tardivement) le Hip Hop. Après un hommage (pas franchement touchant mais bon, l'intention y était) à Guru par Talib Kweli en live à Marsatac, j'espérais franchement un peu de répit..

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  4. Je suis tombée amoureuse de Broadcast en août 2010. Trish est devenue mon idole. Mon grand rêve était de les voir en concert. Dorénavant Broadcast n'est plus. Je suis en deuil. Oui, en effet c'est une bien triste nouvelle.

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  5. Je viens de lire l'article puis le dernier comz et "Dorénavant Broadcast", si tu regardes bien c'est l'anagramme de ce gros connard de "Devendra Banhart". On a beau dire on a beau faire on sort pas de la zique !

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  6. je n viens bien tardivement pour un commentaire mais c'est vrai c'est un choc. je me souviens de les avoir découverts fin des années 90, j'avais flashé et de là la découverte de deux albums WORK AND NON WORK & THE NOISE MADE BY PEOPLE. j'écoutais ces deux albums en boucle le samedi au réveil dans l'aprem aux lendemains de bitures et fêtes ça faisait un bien fou! je me souviens que lors d'une interview Keenan expliquait que sa musique était basée sur une recherche à travers des bruits assez rudimentaires comme le faisait Ennio Morricone(belle référence). la voix de Trish était incroyable et semblait dans sa hauteur ne pas vouloir atteindre une puissance exagérée mais plutôt une formidable maitrise qu'on peut définir comme envoutante

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