C'est entendu.

lundi 29 mars 2010

[Extinction] Hommage - Nujabes (Jun Seba)


Dans la nuit du 18 au 19 mars 2010, un coup de fil d’Émilien, sur le coup de minuit, m'apprit que Nujabes était mort, le 26 février 2010, dans un accident de la route. La nouvelle venait seulement d’être rendue publique. Sur l’instant, je ne réalisais pas encore. Quelques heures plus tôt, j'écoutais encore la musique du japonais, à dix mille lieues de pouvoir m'imaginer qu’en fait Jun Seba, allias Nujabes, s’était éteint vingt jours auparavant. Puis, par la force des choses, l’idée a commencé à se faire plus concrète, au gré des « Si, mec, il est mort, c’est pas une blague, accident de voiture » d’Émilien, que Nujabes n'enregistrerait plus de nouveau disque, qu'était fini le temps où j'épiais son myspace en quête de nouveauté, et qu’il laissait derrière lui un incroyable potentiel. A 36 ans, il avait encore de beaux jours devant lui et lancé comme il l’était, on pouvait escompter une carrière toujours plus haute en couleur…

Mais, malgré une tristesse qui mettra sans doute un certain temps à s'estomper (pour ma part, du moins), mieux vaut regarder par-dessus notre épaule, se figer un moment et observer son travail.

Propriétaire de labels tels que T Records, ou Guinness Records, Jun Seba officia en tant qu’artiste chez Hyde Out Productions, où il sortit plusieurs albums/mixtapes contenant quelques références en matière de hip-hop indépendant. À côté de cela, il était évidemment DJ, et exerçait dans l’univers des clubs, au gré de ses voyages. Il était également intéressé par l’animation.

Nujabes prônait la déconnexion, l’éloignement, le voyage, la quête de soi, l’errance et le vagabondage. Il suffit de regarder la pochette de "Metaphorical Music" (son premier album, plus bas), sorti en août 2003, pour comprendre toute l’envergure aérienne du nippon. Des perspectives d'ouvertures vers le monde du manga étaient alors à prévoir...
Remarquant sa propension créatrice, Shinichiro Watanabe (réalisateur de la série à succès Cowboy Bebop) chargea Jun Seba (ainsi que deux ou trois autres artistes cités plus bas, tous issus de la mouvance hip-hop indé) de composer la bande son de l’anime sur lequel il travaillait alors, un projet du nom de "Samurai Champloo." Le manga fut télévisé à partir de mai 2004, pour une totalité de 26 épisodes. Graphiquement riche, doté d'un scénario fouillé et de providentiels rebondissements, cette fiction rencontra un franc succès grâce, certes, aux coups de crayon maitrisés de Nakazawa et Maeda, les deux designers, et aux tempéraments uniques et recherchés des personnages, mais grâce aussi à la bande son, qui ancre le tout dans une sorte d’onirisme semi avoué.

Le travail de Nujabes est marqué par de nombreux featurings. On retrouve ainsi des visages connus du hip-hop indépendant, tels que ceux de Fat Jon, FORCE OF NATURE, ou encore, Shing02 (sur votre droite). Ce dernier, rappeur nippon, signe les paroles et le chant de Battlecry, générique d’ouverture emblématique de "Samurai Champloo," qui fut le sommet de la coopération entre les deux artistes. Parmi les cinq albums qui composent l’intégralité de la bande son, deux voient Nujabes crédité à la composition et aux arrangements:




(deux pochettes représentatives du travail sur le graphisme qui fait la particularité de la série)






(Battlecry)


Pour ce qui est de sa carrière plus "personnelle," sans être prolifique, Nujabes fut du moins régulier et constant, avec six albums en cinq ans. Le premier-né, "Hyde Out Productions: First Collection," sorti en 2003, regroupe de nombreux featurings, onze pour quatorze morceaux. Par ce biais, Nujabes se focalise sur la partie musicale des compositions, laissant le chant à ses invités/amis (Funky DL, Cise Starr, ou L-Universe, entre autres). Il y a là de très bonnes choses, comme le premier morceau, Moon Strut, ou le projet de morceau en trois parties, Luv (sic.), en collaboration avec Shing02. Nujabes entretient une relation, entre l'artiste et l'auditeur et glisse des clins d'œil qui nous sont destinés comme avec ce titre, "First Collection", qui laisse le champ libre à un deuxième opus, aiguisant ainsi la curiosité des aficionados...


(Moon Strut)


La même année, "Metaphorical Music" vint au monde. Les influences du blues et du jazz y sont conséquentes, et guident un hip-hop limpide et subtilement arrangé. Si certaines compositions peuvent sonner easy-listening (A Day by Atmosphere Supreme), d’autres penchent d’avantage vers le rap US (Think Different). Nujabes met de très bons beats au service de samples bien choisis et en nombre limité. On y trouve bien évidemment Summer Gipsy, dont je vous avais déjà touché deux mots, et l’album s’achève magistralement sur Peaceland, monument de relâchement et de cool.
D’une manière générale, les sons proposés n’agressent pas : c’est le règne du soft, et nombre de douces mélodies au piano (très présent) continuent de perdurer dans l’esprit de l’auditeur même une fois l’écoute achevée.
Nujabes, avec "Metaphorical Music," a précisé son style et a posé les bases d’un hip-hop indépendant qu’il allait développer par la suite, pour en faire sa marque de fabrique.


(Think Different (Ft. Substantial))


En 2005 sortit "Modal Soul" qui s’inscrit dans la lignée de son prédécesseur, offrant toujours un panel d’atmosphères différentes. Du bon gros hip-hop des familles (Luv (sic.) pt3 (Ft Shing02), qui vient conclure avec brio le concept initié sur "First Collection" ou encore Eclipse. Des chansons plus décontractées, telles qu'Horizon, ou Flowers, et même de la lounge savamment confiée au chant de Pase Rock, dans The Sign. D'autre part, les featurings ne sont pas uniquement masculins, on trouve une fameuse collaboration pleine de bonne humeur entre Nujabes et Apani B-Fly Emcee, Thank You, et l'on ne pourra passer à côté de la merveilleuse voix féminine (et anonyme) scandant "flowers" dans le morceau du même titre.
Sur "Modal Soul," Jun Seba reste assez fidèle à lui-même, et livre une fois de plus des compositions chaleureuses et colorées, insufflant ainsi une grande authenticité à son hip-hop.


(Thank You (Ft. Apani B))



Deux ans plus tard, Nujabes produisit "Hyde Out Productions: 2nd Collection," une autre compilation de featurings, à quatre ans d'intervalle avec la première, mais avec cette fois des artistes de son label, tels que Uyama Hiroto, ou Emmancipator. Sur cette seconde collection on trouve de très bons morceaux, sonnant parfois comme son travail sur "Samurai Champloo," (Voice of Autumn, Counting Stars), mais aussi, et comme d'habitude, me direz-vous, des compositions plus classiques dans une veine hip-hop US, comme Fly by Night, ou encore l'excellent Winter Lane.
La "2nd Collection" donne un aperçu plutôt juste et bien mené des horizons d'Hyde Out Productions, que l'on est heureux de retrouver et dans lesquels on se trouve fort à son aise.


(Winter Lane (Nujabes Remix))



Le dernier rejeton de Nujabes fut "Modal Soul Classics" en 2008, qui fit office de la compilation des références et des sources d'inspiration propres à Seba, et qu'il mit (majoritairement) à profit sur "Modal Soul" précédemment cité. Il y recense les morceaux desquels il a extrait un ou plusieurs éléments, dans le but toujours de promouvoir ce courant indépendant du hip-hop. On en apprend pas mal sur le background musical du japonais, ce qui rend l'entreprise franchement sympathique et très enrichissante.


(Atoll Moao)


Toujours en collaboration avec différents artistes, on est en droit de penser que Nujabes laisse derrière lui des enregistrements et des projets inachevés. Sous ce visage détendu et enfantin se cache une productivité monstre. Possédant une imagination débordante, peut-être aurait-il pu s'exprimer encore longtemps, et la simple idée que des morceaux aussi puissants que Battlecry, aussi aériens que Summer Gipsy, soient morts dans l'œuf suffit à me désespérer. Nujabes aura tout de même posé une pierre fondamentale de l'édifice du hip-hop indé. Alors si vous trouvez un quelconque intérêt au hip-hop, au downtempo planant, procurez vous ses albums. N'hésitez pas non plus à allez fureter du côté des amis de Jun Seba, à l'image de Shing02, qui a rendu hommage à Nujabes avec ces lignes.


Hugo


(Luv (sic.) part 1-2-3, hommage de Shing02 à Nujabes, un aboutissement du travail commun des deux hommes)

10 commentaires:

  1. Je viens tout juste de piger d'où vient son pseudo :o

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  2. il faut prononcer "nouyabèsse".

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  3. ou "Nyoudjèïbiz", c'est selon :)

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  4. RIP Nujabes, j'm'en vais remater les shamploo pour la peine.

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  5. @Hugo : de l'anacyclique dans ce cas particulier (puisque la convention veut qu'on commence par le nom propre au Japon si je dis pas de bêtises).

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  6. Pas de suite, jamais de nouveaux albums. Nous sommes condamnés à écoutés à jamais les mêmes rythmes tristes, profonds et ceux joyeux, qui nous mettent de bonnes humeure le matin, lorsque l'on marche dans la rue. "La déconnexion, l'éloignement" ne sont peut-être pas toujours de bonnes choses, mais si tout le monde était déconnecté en écoutant cela, alors je pense que la vision du monde qu'on les gens changerait. Enfin, il ne faut pas trop rêver non plus. Bref, on nous bassine pendant des mois avec la mort de certaines "grandes icônes" de la musique alors que des gens talentueux s'en vont sans que l'on en parle trop de notre côté du monde. C'est malheureusement dommage, mais c'est comme ça.

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  7. Très bel hommage, j'apprécie. :-)

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  8. Je suis danseur et je Kiff ses Beats,
    Respect for the Life Nujabes...
    Peace

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  9. Je connaissais pas cet artiste et la je dis chapeau bas parce que a la base j'aime pas le hip hop et la le mec ma envouté

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