Cher tout le monde, c'est l'heure du Grand Débat Bi-Hebdomadaire que vous attendez tous, à savoir l'occasion d'en découdre autour d'une question d'actualité non des moindres et à laquelle vous ne pourrez échapper. Pourquoi ? Parce qu'elle est comme d'habitude assez osée.
Alors qu'en pensez-vous ? Warp, ce label anglais qui se fit connaitre en propulsant les géants de l'électronique (LFO, Autechre, Aphex Twin, Boards of Canada....), mais aussi pour son identité visuelle prononcée, son prosélytisme avant-gardiste et qui s'est par la suite diversifié en signant des artistes novateurs dans leur genre, comme les MCs d'Antipop Consortium il y a quelques années ou les folkeux de Grizzly Bear plus récemment, se pare d'un slogan élégant bien qu'un peu crâneur : "20 ans d'avance."
Or, Warp fête ses 20 ans cette année, et si le slogan valait probablement au début des années 90, sera-t-il toujours valable au début des 2010's ? Il est évident que beaucoup d'artistes signés chez Warp y sont davantage pour leur style (électronique), leur élégance ou leur savoir-faire, que pour une quelconque touche d'avancée sonore ou musicale. Malgré tout le bien que je pense de types comme Bibio ou Gravenhurst pour n'en citer que deux, ils sont bons dans leurs domaines mais ne grimpent pas vraiment les branches de l'arbre généalogique de la Musique, ils ne font que sauter de branche en branche, à leur hauteur. C'est déjà ça, mais afin de faire perdurer la légende et le slogan, le label parie plutôt sur d'autres sorties, à vrai dire toutes très récentes.
I - Electro, hip hop, synthés chiadés des années 80 et breaks bizarres, le territoire d'Hudson Mohawke :
Le dernier arrivant de l'écurie, DJ jeunot venu de Glasgow, n'est pas un indien, ni un sosie italien de Bruce Willis, mais bien un nerd accroc au beat, inspiré par la dance anglaise des années 90 et par le dancefloor ensoleillé des Amériques de la décennie précédente. Hudson Mohawke est le plus flashy des artistes Warp et son premier LP, "Butter," vient tout juste de sortir, tout fluo dehors, les iguanes et autres aigles de la cover étant bien plus efficaces à mon avis pour prévenir l'auditeur éventuel qu'un quelconque Parental Advisory ou autre étiquette de prévention à l'adresse des oreilles sensibles : si vous avez peur de la pochette, n'écoutez pas la musique, vous y paumeriez une jambe !
Pour ceux qui malgré tout passeraient le mur du son, le défi n'est pas moindre et vous crierez probablement à l'écoute des premiers titres. Au génie ou à l'imposture, à vous de voir, mais le pot pourri mixé par Hudson va au delà de ce que vous avez déjà entendu ailleurs. Peut-on laisser ce jeune gars faire hurler à la mort ses synthés plus longtemps ? Y'a-t-il un prix spécial pour l'invention d'un nouveau son dancefloor ? A vous de me le dire.
II - Fantômes errants, pop froide et langueurs, les méandres enchantés de Broadcast and the Focus Group :
Broadcast, oui, eux qui avaient volé le cœur de pas mal d'amateurs d'électro pop rêveuse en trois albums, et que l'on avait plus revus depuis 2005, reviennent avec Julian House, Focus Group à lui tout seul, pour un mini album de courtes mélodies hantées. Ceux qui s'attendraient à des "chansons" seront étonnés ou déçus, tant l'expérimentation sonore est ici la seule bille dans la tête du Super-Groupe, vous feriez mieux de vous préparer à de drôles d'échos, à du bruit et à des entremêlements étranges de sons doux, un peu sales et lo-fi, au-dessus desquels flotte la voix démultipliée de Trish Keenan.
Maintenant, est-ce le psychédélisme qui nous attend dans les années à venir, empreint de lo fi (comme il est de bon ton, ces temps-ci), de collaborations et d'électronique ? Les amoureux de psychédélisme (sixties, notamment) parmi vous sont appelés à la barre.
III - Pierre et le Loup dans une Delorean dans le ciel, la lubie post-moderne de Tyondai Braxton :
Fils d'Anthony Braxton (jazzman au goût prononcé pour le challenge sonore) et leader de Battles, le groupe qui sublima le "Math Rock" il y a deux ans (quoi que l'on pense de ce genre musical), Tyondai vient de sortir son premier album solo.
S'y côtoient le fantôme de Sergeï Prokofiev, de drôles de sons métalliques déjà croisés chez Battles et une forte tendance à brouiller les pistes avec des breaks rythmiques, un jeu de guitare de vagabond free jazz, de l'ambient et des réminiscences post punk sur la fin. Avec tout ça, Tyondai a gagné le droit de figurer dans la liste des disques les plus originaux de l'année, c'est clair.
Mais sera-t-il une influence majeure de la décennie prochaine ? Son disque n'est-il pas trop fouillé, trop néo-classique ou trop violemment arrangé (les "Wing Wahhh") pour trouver son public ? A vous de me le dire.
Mais sera-t-il une influence majeure de la décennie prochaine ? Son disque n'est-il pas trop fouillé, trop néo-classique ou trop violemment arrangé (les "Wing Wahhh") pour trouver son public ? A vous de me le dire.
N'oubliez pas de voter, le sondage vous attend dans la barre latérale, et surtout, surtout, donnez nous votre avis sur ces trois groupes et artistes. Dites-nous tout, que vous ne puissiez les supporter ou que vous les trouviez über cools.
Broadcast gagne par défaut, Hudson Mohawke pourraît me faire rire si c'était catchy (mais ca ne l'est pas) et le gars Tyondai sonne comme un mec qui cherche à exprimer 400 choses en même temps et qui n'arrive pas à mettre l'ordre dans son expression.
RépondreSupprimerC'est pourtant le moins bon album de Broadcast jusque là.
SALUT JE SUIS SUPER POSITIF COMME GARS !
Je pensais que je supporterai pas, mais finalement si. C'est intéressant mais ça reste assez chaud à écouter, et je pense pas qu'un truc de ce genre ait "20 ans d'avance". Comme plein de gens j'imagine, j'ai envie d'écouter encore de la zik quand j'aurai 45 piges. Et ça, j'en suis même pas venu à bout...
RépondreSupprimerJe parlais de Toyota Baxton.
RépondreSupprimerJe trouve que l'album de Broadcast est un véritable exercice de style. J'aurais bien du mal à le considérer comme moderne, ou simplement original parce qu'il ne fait que ré-interpréter les délires de groupes sixties marginaux comme White Noise ou les United States Of America, en y ajoutant un peu d'absurdité façon Faust. Bien sûr, c'est un ravissement pour tout fan de psychédélisme foufou et d'expérimentations krautrock - ce que chacun devrait être, évidemment, mais le groupe se contente un peu trop de rendre hommage. La production est vraiment digne de ses modèles, si bien que l'album aurait pu sortir entre 1968 et 1972 que ça ne choquerait personne. C'est un bon disque, mais il manque aussi un peu de chansons, d'un travail d'aboutissement pour gagner en ampleur. Là, c'est un divertissement de genre. De qualité, mais pas du futur.
RépondreSupprimerAlors que Central Market de Tyondai Braxton, sans forcément être la musique du futur me paraît être réellement unique et maîtrisé. S'il va dans trente directions à la fois, je trouve qu'il s'en dégage une maîtrise totale et instinctive, aussi bien dans les compositions que dans les structures ambitieuses. C'est ce qui rend sa musique contemporaine math-orchestrale si vivante à mon avis. Zappa avait tenté une sorte de synthèse Stravinsky/électronique/rock/cartoon un peu similaire dans l'idée sur Läther mais avec un manque cruel de concision. Tyondai Braxton a vraiment enregistré un disque cohérent, assez complet. Et il se paie le luxe d'offrir une approche résolument ludique et amusante à sa musique pourtant difficile. Ce que je trouve particulièrement impressionnant, c'est que chaque son ou chaque effet est vieux comme le monde. Il n'y a pas vraiment de textures "années 2000", il y a des kazoos normaux, des onomatopées de bouche, des bruits industriels mais le mélange ne ressemble à rien d'autre - c'est peut-être ça, la musique du futur, héhé. Et puis il y a un sentiment de liberté presque naïf que je trouve particulièrement enthousiasmant. Mes deux chansons préférées sont les deux plus longues, Platinum Rows et Dead Strings. Elles résument bien tout le talent du disque à mon avis !
Plus généralement sur Warp, je trouve qu'ils retrouvent une nouvelle fraicheur après quelques errances qui ont suivi l'âge d'or IDM/electronica. Le style est plus large mais entre Veckatimest et Central Market, je trouve qu'ils produisent certains des meilleurs disques actuels !
Duck.
Fameux commentaires, chers amis. Je dois dire que si je suis complètement d'accord avec Duck sur le Broadcast and the Focus Group, je suis plus mitigé concernant le Braxton, que je trouve extrêmement ambitieux (parfois un peu trop) et à moitié réussi. Certaines choses m'y semblent fameuses (la dernière chanson, ou l'ambiance Prokofiev sur The Duck and the Butcher, mais des trucs comme Platinum Rows me paraissent too much.
RépondreSupprimerConcernant Hudson Mohawke, j'attends d'autres avis, je veux savoir qui aime et qui déteste !
Hudson Mo Rules!!! entre jazz fusion, abstract hip hop ou r'n'b du futur, Hudson propose ici un disque inclassifiable, et en même temps tout à fait unique (et bourré d'humour en plus). ce type a des couilles, et son label aussi. vive hudson, vive warp!!
RépondreSupprimerJe pense qu'on ne risque pas d'écouter de sitôt un album aussi puissant et maitrisé que Central Market, dans le genre "musique classique du 21ème siècle", car il faut aussi se dire que Tyondai a un lourd bagage musical derrière lui (son père, ses études de musicologie, ses 10 ans d'expériences électroniques en solo, Battles). Cela reste d'un niveau (rien que technique) trop elevé pour que ça fédère un quelconque nouveau groupe de musiciens. Plutôt que d'annoncer la musique du futur, je pense que cet album ouvrira des portes, de nouvelles perspectives, et que de jeunes et ambitieux artistes iront puiser dans ce grand réservoir à idées qu'est Central Market (rien que le dernier morceau en est un gigantesque).
RépondreSupprimerHudson Mohawke, honnetement je n'arrive pas à écouter plus de 30 secondes de cette musique. Et au risque de paraitre fermé, je n'ai aucune envie d'essayer son album. Warp n'a pas toujours fait de bons choix, entre les branleurs rock (Maximo Park) et les experimentateurs foireux (Pivot). Et j'ai l'impression que Hudson Mohawke se classe dans la deuxième catégorie. Je me trompe peut être!
Sur le Broadcast, duckfeeling a déjà tout dit. Pour moi c'est une mysterieuse bande son/hommages pour ambiances fantomatiques réussie, qui s'écoute avec plaisir, mais pas plus d'une fois par an pour son côté trop éclaté.
De vos messages, j'en déduis que c'est de la musique de musicologue pour musicologue, et je le dis sans animosité aucune.
RépondreSupprimerJe crois que François n'a aucune connaissance théorique, donc c'est raté.
RépondreSupprimerÇa dépends si tu entends le terme comme "personne qui aime bien analyser et argumenter dans le cadre d'un débat musical". Dans ce cas-là, je suis d'accord avec la définition. Philippe Manoeuvre est un musicologue !
RépondreSupprimerPar contre étant donné que j'ai quasiment la même approche envers toutes les musiques, je ne crois pas qu'on puisse en déduire qu'il s'agit de musique de musicologue. Un débat sur la modernité d'une musique, ça me paraît difficile de l'aborder sans faire preuve d'une sorte d'analyse, même très modeste.
Après on peut trouver ça relou/pompeux/branlette/inutile. Mais je déteste les discussions qui servent à quelque chose, héhé.
Enfin j'ai regardé l'interview de Tyondai Braxton et il a une approche vraiment simple de sa musique, je trouve ça cool. Du coup je ne vois pas trop en quoi sa musique serait une musique de musicologue parce qu'elle fait référénce à Stravinsky. Faire référence aux Ramones, c'est une démarche aussi musicologique.
Duck.