C'est entendu.

lundi 15 novembre 2010

[Vise un peu] Chief - Modern Rituals

Tout commença par un message de Joe, notre rédac' chef, me demandant d'écouter un groupe appelé "Chief" dans les plus brefs délais. Je répondis par l'affirmative, en remettant cependant cela à l'après-midi du lendemain. Insatisfait, il décida alors de me dresser un bref aperçu du groupe : "Bon tu fais chier, c'est une sorte de groupe de hippies folkeux de LA, t'es doomed tu devras le chroniquer !".

Cela n'est pas sans poser certaines questions, n'est-ce pas ? Pourquoi tant d'arbitraire ? Dès le moment qu'une barbe est impliquée et qu'elle a le malheur de choir sur la guitare sèche de son propriétaire occupé à harmoniser sur des chœurs envolés, c'est donc moi qui devrait m'en farcir la taille ? Ne suis-je qu'un foutu folkeux dans l'âme, resté coincé au temps des Youngbloods, des Lovin' Spoonful et autres Byrds, America et Crosby, Stills and Nash ? Non, et j'ai décidé de m'insurger, de me révolter contre cette étiquette qu'on s'amuse à me coller, car pour moi c'est un cauchemar qui n'en finit plus de durer. Jour après jour à la rédaction, ces vannes sur les hippies me ruinent un peu plus. Thelonius H, dans son bureau ravagé par des décibels de kraut rock et des affiches de Can, Émilien Villeroy, reclus dans le sien, noyé dans la noise nippone et les moustaches de Frank Zappa, Julien Masure, muré derrière ses opéras silencieux et ses playlists de Gramatik, et Joe, Joe Gonzalez, qui tire les ficelles, et dont l'arrivée au poste de rédac' chef s'est faite au prix d'actes flous et perfides. Joe Gonzalez, cloîtré dans ses luxueux quartiers verrouillés à triple tour, surfant en plein délire chillwave en compagnie de Washed Out, de Toro Y Moi et du reste ! Tous me lancent des sourires narquois à mon passage dans les couloirs, et entretiennent des calembours plus que douteux à mon égard. Je n'avais alors pas le choix, il fallait frapper fort, frapper un grand coup. Je décidai sciemment de détruire "Modern Rituals", l'album de Chief. Enfin, détruire... dans la mesure de mes possibilités, vous me connaissez un peu, je ne suis pas si méchant.

(Breaking Walls, jouée en studio)

Avant tout, partons d'un constat simple : les gars de Chief se veulent à la cool, incontestablement. Ainsi, tout l'album est enregistré avec un son clair, on y trouve une multitude de guitares cleans toutes mignonnes, d'arrangements luminescents, et, en clair, plein de bonnes idées tant dans les mélodies vocales que dans l'écriture musicale. L'imagerie de Chief se transmet plutôt bien, tout au long des onze morceaux, on a dans la tête la photo d'une bande de copains souriants et avenants. Du côté de la narration donc, aucun problème.

Ce qui pêche sur "Modern Rituals", outre l'abominable pochette (photo ci-contre), c'est l'absence de relief, c'est cette linéarité dont on ne voit pas la fin, et qui ne rend pas l'écoute aussi agréable qu'elle pourrait l'être. Cela provient en grande partie du travail sur la voix d'Evan Koga, aiguë et pincée, qui ne parvient pas à vraiment venir dénicher la sensibilité de l'auditeur, à trouver l'endroit qui va déclencher chez ce dernier ce sentiment tant espéré, lors de l'écoute d'un nouvel album, de plénitude, de plaisir, qui fait perdre le fil du nombre de morceaux écoutés, et qui fait naître l'envie d'une seconde écoute alors que la première n'est pas encore achevée.

J'ai également l'impression que "Modern Rituals" n'arrive pas franchement à laisser de traces, à marquer l'esprit de celui ou celle qui l'écoute. C'est plutôt dommage car il y a d'assez bons morceaux, comme Breaking Walls, ou Summer's Day, mais ils paraissent comme étouffés, diminués par le manque d'entrain qu'amène l'ensemble. C'est assez frustrant, d'ailleurs, car c'est le contexte général d'un album se voulant délectable qui nuit aux bons éléments. Ajoutez à cela le manque relativement criant d'un tube clair et affirmé, bien que Night & Day semble tenter de remplir ce rôle, et vous aurez une petite idée de l'écoute hasardeuse qui laisse nos oreilles tâtonner à la recherche de repères francs. Ce n'est pas qu'un album sans tube soit nécessairement fragile, bien au contraire, mais dans le cas présent ce ne serait vraiment pas de refus.

(Night & Day)


Pour imager, "Modern Rituals" est un pèlerinage échoué vers l'ouest de quatre intrépides new-yorkais, qui ont tenté la traversée mais qui, face à d'insurmontables obstacles, n'ont pu faire aboutir leur expédition. N'ayant effleuré que du bout des yeux l'Ouest providentiel et son ambiance si particulière, ils ont plus ou moins vainement tenté de créer, de travailler à partir du peu qu'ils avaient, ne voulant pas donner l'impression d'être revenus bredouilles. Toutefois, les coups d'œil lancés à la dérobade avant de rebrousser chemin furent suffisants pour offrir quelques pistes intéressantes à exploiter, quelques éléments qui font que "Modern Rituals" n'est pas totalement dénué d'intérêt.

Hugo Tessier

4 commentaires:

  1. Putain ces ganaches ! J'ai très envie de leur mettre un skeud de Slayer pour les faire fuir.

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  2. ahah génial le nouveau header ! et cette police qui semble provenir tout droit des feux de l'enfer <3

    Même si concrètement, je sais que ça annonce une semaine inintéressante au possible pour moi, ce header me met en joie.

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  3. Tu n'as pas du mettre les pieds dans mon bureau depuis un moment, Hugo, parce qu'il n'y passe plus beaucoup de chillwave !

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  4. On dirait qu'il a une teucha le bonhomme vert de la bannière. :D

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