Le mythe des années 80 a eu la vie dure mais il faut désormais utiliser un temps du passé pour en parler. Pendant dix ou quinze ans, il semblait acquis que cette décennie avait abrité tout ce qui était depuis considéré comme esthétiquement "de mauvais goût". Pensez à Wham!, au visage éblouissant de Michel Drucker sur ses Champs Elysées, à Boy George et aux mullets, au kitsch vestimentaire et à la coupe de cheveux d'Annie Lennox et au générique du Club Dorothée, tous ces signes qui durant la période de dix ou quinze ans qui s'est achevée il y a deux ou trois ans (cerner avec exactitude le passage d'une mentalité dominante à une autre relève de l'impossible) portaient en eux une quasi-anonyme tare morale. Le "goût" commun était ailleurs... mais c'est du passé. Il est bien connu que l'influence des années 80 sur les musiciens s'est faite de plus en plus pressante au fil des mois entre 2007 et 2009 mais ce qui est désormais en mouvement (sous nos yeux) est plus inquiétant : l'esthétique dite "de mauvais goût" est de retour.
Il n'est pas tant question ici de musique que d'esthétique visuelle à proprement parler : looks, artworks et surtout, surtout, clips :
Zach Hill, batteur épileptique, fait venir Devendra Banhart, pape folk lo-fi de mes couilles, sur un morceau intitulé avec goût "Second Life". Et le clip, c'est la simulation d'une Nintendo 64 dans laquelle on aurait glissé une cartouche pleine d'acide. Trooooop frais.
Lazer Sword — rien que leur nom sarieux...— livre un manifeste chill trop posé (regardez donc le coin supérieur droit... le chill vous y dévisage) qui accumule les clichés de la pop indé actuelle au point qu'il ne sera pas nécessaire d'attendre une décennie pour se moquer de ces années-là, les nôtres. Vous êtes en 2010, ayez honte tout de suite.
Le clip de Round & Round, d'Ariel Pink, filmé sur l'iPhone de Wayne Coyne (leader des Flaming Lips), propose une vision trouble (forcément, un iPhone) de Pink faisant trempette (les pieds !) dans un bac de lait maternel gracieusement fourni par des donatrices anonymes. Où s'arrête le lo-fi et où commence le ridicule ?
Thelonius H. et Joe Gonzalez
Il n'est pas tant question ici de musique que d'esthétique visuelle à proprement parler : looks, artworks et surtout, surtout, clips :
Zach Hill, batteur épileptique, fait venir Devendra Banhart, pape folk lo-fi de mes couilles, sur un morceau intitulé avec goût "Second Life". Et le clip, c'est la simulation d'une Nintendo 64 dans laquelle on aurait glissé une cartouche pleine d'acide. Trooooop frais.
Lazer Sword — rien que leur nom sarieux...— livre un manifeste chill trop posé (regardez donc le coin supérieur droit... le chill vous y dévisage) qui accumule les clichés de la pop indé actuelle au point qu'il ne sera pas nécessaire d'attendre une décennie pour se moquer de ces années-là, les nôtres. Vous êtes en 2010, ayez honte tout de suite.
Comme sur la pochette de leur dernier disque, Ratatat ont mis dans le clip de Neckbrace... des oiseaux. Sauf que là, c'est plus Wolfgang Petersen qu'Alfred Hitchcock. Difficile de considérer ça comme du second degré (et quand bien même ça n'y changerait pas grand chose) quand de telles kitscheries sont désormais la norme.
Le clip de Round & Round, d'Ariel Pink, filmé sur l'iPhone de Wayne Coyne (leader des Flaming Lips), propose une vision trouble (forcément, un iPhone) de Pink faisant trempette (les pieds !) dans un bac de lait maternel gracieusement fourni par des donatrices anonymes. Où s'arrête le lo-fi et où commence le ridicule ?
Rassurez-vous, nous ne sommes pas dupes, nous savons bien que ce revival touche tous les secteurs et depuis des mois. Cela concerne aussi la musique (The Drums au sommet de la hype, tout de même), le cinéma (ils remakent Karate Kid, l'Agence Tout Risque et Wall Street) et la télévision (Champs Elysées va recommencer). Franchement, ça vous va vous ? Ça vous emmerde ou bien vous pensez que le mauvais goût s'infiltre de toute manière dans toutes les époques et que ce n'est pas bien grave ? Vous aussi vous avez pleuré à la mort de MJ ?
Thelonius H. et Joe Gonzalez
Moi je pense qu'il faut arrêter le cynisme, et commencer à rigoler un peu. Je pense pas que cet esthétique devienne la norme, elle est juste populaire parmi une frange assez circonscrite de la musique indépendante. Et puis bon, on s'en fout un peu, moi j'préfère ça que les gars qui se s'prennent au sérieux.
RépondreSupprimerCe qui vous agace, c'est que les groupes n'aient plus de réels parti pris dans la conception de leurs visuels. Ils ne se démarquent plus les uns les autres. Ils se collent bêtement à ce mouvement de mode kitsch en se prenant pour des gens décalés alors qu'ils sont comme tout le monde au final. c'est ça?
RépondreSupprimerpourquoi wolgang petersen et hitchcock??
RépondreSupprimersarieux>> sérieux?
Sarieux = sérieux, oui.
RépondreSupprimerHitchcock : vanne sur les oiseaux.
Petersen : vanne sur le mauvais goût 80's.
(commentaire court)
RépondreSupprimer· C'est quoi, au juste, le "mauvais goût" ?
(commentaire très long)
· Il y a quelques années, quelque chose de mauvais goût... ou tout simplement qui me déplaisait (dans une musique ou autre), ça avait tendance à me rebuter immédiatement et à me faire rejeter tout le bidule en bloc. Depuis, j'ai un peu appris à faire avec, et franchement, j'ai l'impression que j'y gagne.
Un bon exemple serait les voix caverneuses dans je ne sais combien de groupes de metal... j'ai toujours trouvé ça assez ridicule voire moche. N'empêche que quand j'ai entendu Blackwater Park d'Opeth il y a quelques années, je me suis rendu compte que c'était vraiment dommage de s'arrêter à ça et de laisser tomber le genre à cause de ça. Blackwater Park a été mon album préféré pendant un certain temps, et pourtant Opeth en fait un peu trop, non seulement avec les voix caverneuses mais aussi et surtout avec une production franchement trop léchée, notamment sur les parties "douces", mélodiques/folk/prog (c'est encore plus symptomatique sur leur album non-metal Damnation, qui est bon mais aurait été nettement meilleur s'il avait été produit autrement). Au final, ces "défauts" sont plus que pardonnables au vu du résultat final (et même justifiés dans le cas de la voix caverneuse, qui n'est finalement pas un défaut mais un choix esthétique auquel je n'adhérais pas au début).
(Un autre exemple un peu plus problématique serait le dernier album de Yeasayer, Odd Blood, qui (comme vous l'avez dit) pêche (et pas qu'un peu) par ses effets discutables, ses arrangements qui en font des caisses au point que ça devient gênant, par sa laideur de sa pochette, et par quelques autres faux pas encore. N'empêche qu'au milieu de tout ça il y a des chansons qui me plaisent vraiment, et je prends vraiment plaisir à écouter "Ambling Alp" par exemple.)
...
(Après, j'ai quand même mes limites... l'autotune me rebute, certains types de rap "brut" qui semblent crachés par des automates sans âme aussi, je n'arrive pas du tout à apprécier Gilbert & George et les pochettes des Residents depuis quelques années sont impardonnables.)
RépondreSupprimerEnfin... je dois l'avouer, il y a des sons et des esthétiques que certain(e)s taxent de mauvais goût sans hésiter et qui ne me dérangent pas du tout, voire me plaisent franchement. J'avoue que lire des réactions de rejet parfois total au sujet de certains groupes qui, pour moi, ont été des coups de foudre (The The, The Mars Volta), ça a pu me surprendre. Ça va faire mal à ma crédibilité mais oui, j'aime les synthés, les voix de fausset quand elles sont bien utilisées, les arc-en-ciel, le rose fluo !
(N.B. Il n'y a pas de voix de fausset ni d'arc-en-ciel rose fluo chez The The, hein. Mais ça m'a fait déjà autant d'obstacles en moins pour Yeasayer.)
Inversement, il y a des choses qui semblent acceptées par la majorité et qui pourtant me paraissent franchement laides, comme par exemple l'association du marron et de l'orange dans les habits… Et puis, il y a des tendances qui ne sont pas vraiment qualifiables de "mauvais goût" mais qui me dérangent presque autant : le fameux "disque de versions acoustiques" chez certains groupes par exemple, avec des imperfections, éventuellement avec des "okay" ou des "one-two-three-four" dans le fond qu'on garde "pour faire authentique". Pour s'éloigner autant que possible des synthés kitsch et pour donner dans une forme de "bon goût" accepté, consensuel, "qui fait bien". Mais Still de Nine Inch Nails, Knock on Wood des Young Gods, pour moi, à part deux ou trois pistes, c'est bidon ! Ça peut donner l'illusion de faire chaud et authentique, mais chez ces groupes qui ont un vrai son synthétique réussi à la base, ça sonne plat, artificiel, presque faux justement. Et ça ne m'étonnerait pas complètement que, d'ici quelques décennies, on taxe ce genre de choses de mauvais goût... Qui sait ?
emilie > Oui ! Mais pas seulement. C'est le fond de notre critique, mais nous attaquons aussi l'esthétique normalisée d'en ce moment, que nous trouvons proprement laide et fatigante.
RépondreSupprimerlamuya > Comme l'a fait remarquer emilie, ça n'est pas une question de mauvais gout en général. Nous ne disons pas "le mauvais gout alala c'est nul". Nous faisons remarquer (en demandant votre avis sur la question) que l'époque qui est la nôtre nous permet de voir le mauvais gout sans avoir besoin de recul. Nous disons aussi que le "mauvais gout" n'est pas seulement dans telle utilisation d'un effet sur la voix (l'autotune, qui, oui, peut être utilisé à bon escient) ou dans tel accoutrement scénique, mais bien dans l'accumulation de clichés jusqu'à une overdose d'esthétique normalisée si profondément calquée sur les signes d'une époque qu'elle en devient ridicule.
RépondreSupprimerNous (Thelonius et moi même) aussi avons mauvais goût. Je vous invite à relire l'article que j'avais écrit sur Black Bug pour vous en convaincre. Nous aimons parfois des choses totalement laides pour le commun des mortels. Au moins ce mauvais goût là est il un peu nôtre. Il nous est un minimum propre. Nous critiquons le suivisme avant tout.
c'est pourtant dans les 80 que Petersen a réalisé ses meilleurs films..
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