C'est entendu.

vendredi 16 juillet 2010

[Alors Quoi ?] C'est une bien jolie coupe de cheveux, ou La Mort du Shitgaze (pt. 2)

[Dans un épisode précédent : "Gna gna, le shitgaze - ce truc qui existe même pas et qui n'est qu'un mot nul - est mort, il est devenu propre, il est plus comme avant et l'album de Wavves, bah il est vraiment d'une inutilité terrifiante, WOW, j'aime vraiment que dalle !"]

En parlant de chats qui se mordent la queue, c'est drôle, il y en a un aussi sur la pochette de l'album de Best Coast. A croire que les gens un peu faignants qui font du rock de plage en 2010 ont tous voulu montrer qui ils seront dans 30 ans : des vieux ridés dans un appart pourri entourés de chats pour combler le vide de leur existence après que leur énième album chiant soit dézingué dans l'édition papier de Pitchfork, qui sera devenu d'ici là un truc aussi ringard que le NME aujourd'hui. J'exagère. Je vais d'ailleurs vraiment exagérer en parlant de ce "Crazy For You" étant donné que j'étais le premier à défendre la musique de Bethany Cosentino il y a de cela huit mois, mais peu importe, il faut vivre avec ses contradictions. Résumé rapide : une fille qui quitte son groupe expérimental (qui depuis est devenu vraiment wtf, faudra qu'on vous en parle un de ces jours...) pour se mettre à faire de la surf music toute seule chez elle en Californie, qui sort des premiers e.p. vraiment très sympathiques et funs, qui devient hype, très hype, dont on attend beaucoup trop l'album qui, lorsqu'il sort, fait l'effet d'un soufflé qui tombe, qui tombe, qui n'arrête plus de tomber. L'histoire classique, oui, mais aurait-elle pu être évitée ? J'en doute un peu, trop habitués que nous étions à des doses légères et thérapeutiques de surf moderne qu'ont été tous les petits vinyles que Bethany a sortis depuis l'année dernière. Quand arrive finalement la grosse rasade, 31 minutes non stop de sucreries fondues dopées à la mélanine, on est paumé dès le milieu de l'album et on se demande où sont passés les charmes d'autrefois, alors qu'ils sont là, juste dilués n'importe comment.

(Le clip vraiment très rigolo, oh ça oui, dites-donc, de When I'm With You, morceau qui n'est pas ironique hein, c'est vrai, c'est juste sur une fille qui s'amuse quand elle est avec un garçon, yahou)

L'ironie magnifique de ce commentaire tiré d'une interview : "Je crois profondément qu'un album ne devrait pas être une succession de chansons qui sont toutes les mêmes." Mais là encore, observez la différence magnifique entre ce que l'on croit et ce que l'on fait, étant donné que ce que nous avons ici est une répétition ad nauseam de la même recette trop de fois, exactement ce qu'on pouvait craindre d'un premier album. Ce qui avait toujours différencié Best Coast du reste de la masse, c'était l'absence chez elle, ou du moins l'utilisation un peu moins marquée et systématique, de ces tics post-modernes qui plagiaient sans vergogne les girls bands 60's et que l'on retrouvait à outrance chez des filles comme Dum Dum Girls ou encore les Vivian Girls : la réverbération étouffante certes, mais aussi une production assez plate, à la distorsion trop terne, trop enveloppante. Écouté au casque, l'album de Best Coast forme comme un cocon lourd qui s'étouffe lui-même, qui se noie dans un verre d'eau chaude au milieu duquel la voix évoque une espèce de Peggy Lee moderne complètement ennuyeuse. Où diable est passé le temps de The Sun Was High (And So Was I), où un simple mur du son home-made n'avait besoin de rien pour prendre l'auditeur, et surement pas de cette pseudo propreté surf complètement neutre ? Jadis, le crépitement naturel de guitares mal enregistrées créait une sorte d'infini sonore où il n'y avait pas d'espace, pas de creux, juste un imperméable océan de distorsion. Maintenant, tout est trop ample, trop large, la musique si simple et naïve de Best Coast n'arrivant pas à trouver ses marques dans cette production qui laisse trop de place à du rien du tout. Et de l'ennui un peu désespéré de chambre à coucher, on est passé à la simple surf music qui ne fait rien de spécial à part réciter sans talent ce qui a déjà été trop chanté. C'est un peu comme si Best Coast, qui semblait avoir si bien digéré ses influences venues à la fois des années 60 et 90, avait finalement tout régurgité n'importe comment pour le garder dans ses bajoues, façon hamster, avant de délivrer ces exemples flagrants de manque d'inspiration. Parce que ce n'est pas un problème de talent, certains morceaux ici ne sont vraiment pas mauvais (même si, ô ironie, le meilleur reste When I'm With You), mais ce qui ne peut que peiner ceux qui ont cru en elle, c'est à quel point tout cela semble profondément inutile, prêt-à-écouter, prêt-à-oublier, un peu comme les cartes postales portent déjà en elles le signe de la fin des vacances et de l'oubli sans fard qui les attendra inéluctablement. On rêvait d'une musique qui aurait su, comme d'autres avant elle, tenir en elle tout un absolu adolescent cherchant désespérément à ne pas mourir ni vieillir, et l'on a eu seulement la bande-son d'un été qui va crever, qui crève, qui est déjà fini.

Et oui, je sais très bien que j'en ai attendu trop de ces deux albums et que toute la bile tiède que je déverse devant vos yeux ennuyés est annulée par ce qui a toujours été le propos de ces albums : la futilité, l'insouciance, un je-m'en--foutisme qui excuse tout. Qu'on se proclame "roi de la plage" ou qu'on répète "I don't care, I am happy" plein de fois, c'est la même chose, voilà des albums dont la seule ambition est de ne pas en avoir, et l'on passe forcément pour un idiot à y chercher plus que ça. Mais que voulez-vous, il y a toujours en moi ce secret espoir que je vois pâlir au fil des ans, dont les contours deviennent troubles, dont je ne distingue plus vraiment les traits : celui d'un véritable album insouciant, qui décrirait un sentiment adolescent et branleur en parfaite adéquation avec la musique, un album pour notre époque qui sentirait l'ennui mais aurait une durée de vie plus longue qu'un été. Un album qui parlerait lui aussi d'histoires d'amour pourries au bord de la mer, mais sur lequel on aimerait revenir, oubliant un instant qu'on connait ces histoires par cœur et que le temps a passé. Je ne sais pas si un album pareil à déjà existé. Je ne sais pas s'il existera un jour. Je ne sais même pas si je l'attend d'ailleurs. Mais j'avais espéré pendant un instant que c'est au sein du shitgaze qu'il aurait pu éclore. C'est un échec. Encore un. D'ici là, vous pourrez pourrir vos tympans avec ces saloperies circa 2010, mais un peu moins qu'avant, Dieu merci, car ça a du bon de prendre soin de soi et de s'autoriser de jolies productions. Ça fatigue moins l'oreille. On peut être encore plus confortable en écoutant sa soupe indie. L'été s'annonce merveilleux, vraiment.

Et puis, de toute façon, j'en ai rien à foutre.


Emilien Villeroy

8 commentaires:

  1. Bon cool, je vais quand même l'écouter quand même, histoire de ... ¨¨

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  2. Bon article pour un album tellement prévisible dans sa nullité totale que c'en est consternant. Je serai en effet encore plus négatif pour décrire cet album où, personnellement, je ne sens pas poindre un quelconque talent. Mais des gens continuent à trouver ça trop chouette, notamment parce que le chaton sur la pochette et les paroles sont "trop mignonnes". Flinguez-moi par pitié svp...

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  3. le go-between ur' fresh & juicy legs16 juillet 2010 à 15:46

    Elle a tout de gros et banal cette meuf : de gros seins pourris, un gros cul hideux, de grosses jambes dégueus, une grosse gueule de conne et des gros bras qui lui servent à tenir ses gros verres de pisse. Et son album, c'est logiquement une grosse merde.

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  4. Du shitgaze et de Best Coast en particulier, j'escompte à peu près la même chose qu'Emilien. C'est le seul courant musical à pouvoir, aujourd'hui, créer un de ces albums rêveurs qui diffusent des ambiances indescriptibles et vagues, qui rafraichissent le pouvoir et le charme des clichés, confèrent un sens nouveau, plus personnel, à ce qui est déjà connu. When I'm With You y parvient parce qu'il ajuste l'insouciance fantasmée de la Californie avec la gravité de la musique indé des nineties et permet donc la fusion de deux sentiments qui cohabitaient déjà en nous sans oser, faute d'avoir la musique qui convient, se mélanger. C'est délicieux pendant quelques précieuses minutes, à condition, comme Emilien, Djeepthejedi ou moi-même d'avoir les pré-requis émotionnels pour comprendre ce qui, de toute façon, ne s'explique pas.
    Sur un disque entier malheureusement il faut introduire beaucoup de variations pour ne pas "gaver". J'espère me tromper mais je ne crois pas que Best Coast soit capable de diversité.

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  5. Je me demande si le "Album" de Girls, paru il y un an, n'est pas le disque qui se rapproche le plus de cette sorte d'idéal contemporain du disque adolescent sans complexe, fait de chansons simples et vers lesquelles on peut/veut revenir. Mais en fait je n'en sais rien.

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  6. Wai bah "Girls" c'était pas si mal que ça en fin de compte !

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  7. condo fucks c'est mieux que cette daube..

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  8. Le son lo-fi est tellement mort que Ty Segall est un des meilleurs disques de l'année.

    Pour Best Coast compte tenue de ce qu'on m'en avait dit, un peu déçu par l'album, mais il est pas mal, un bon disque, effectivement un peu répétitif, mais assez mignon tout de même!

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