C'est entendu.

mardi 1 décembre 2009

[Vise Un Peu] Best Coast - S/T + Make You Mine + Black Iris 7''

Oh non. Pas encore. Y'en a marre. Je vous entends crier de l'autre côté de votre écran, mais rien ne m'arrêtera chers lecteurs. D'ailleurs, c'est déjà trop tard. Je vais encore vous parler d'un groupe qui fait de la musique rock pas originale avec un son pourri. Je vous dirais bien que c'est la dernière fois, mais j'avais déjà un peu décrété ça quand j'avais causé du dernier Times New Viking. Et c'est raté. Mais que voulez-vous, il y a toujours cette espèce de magie niaise par moments, quand un morceau vous tombe dessus et qu'il vous illumine, vous voulez en parler à tout le monde, à tous ces gens qui ne l'aimeront pas autant que vous, mais ce n'est pas très grave parce que le fait même d'en parler est la preuve ultime de votre allégeance à une centaine de secondes de musique qui en valent dix mille autres. Et si j'exagère, là, tout de suite, alors jetez moi la première pierre, balancez moi des parpaings via les commentaires si vous n'avez jamais ressenti ça, oui, occupez vos mains histoire d'oublier le fait que vous n'avez pas vécu un des meilleurs trucs possibles à vivre, pour peu que la musique ait ruiné votre vie et que vous l'assumiez parfaitement.


(In My Room - ceci n'est pas une reprise des Beach Boys)

Le mieux, c'est quand ça vous tombe dessus par surprise, mais pas totalement. Vous avez un vague historique dans votre tête : ces derniers temps, le duo américain et féminin Pocahaunted faisait de la musique improvisée expérimentale à base de drones, de voix qui psalmodient avec une réverbération qu'on qualifiera d'outrée, et sortaient au moins une cassette tous les deux mois. C'était la plupart du temps très chiant, mais par moment, miraculeusement, ça sonnait très bien. Et puis à un moment, une des deux filles, appelons là Bethany Cosentino (c'est son nom) décide de quitter le groupe qui était devenu un quintet (!) pour retourner chez elle, en Californie, et de faire de la pop music toute seule, avec des morceaux qui semblent être inspirés par la bonne vieille époque des girls bands tels que les Ronettes. Vous en savez pas plus, vous oubliez tout ça très vite même si la chose va s'enfouir quelque part dans votre mémoire branlante. Et puis, par hasard, un jour, vous tombez sur ce groupe Best Coast dans un blog américain que personne ne lit – vous vous rendrez compte, mais un peu tard, qu'en fait beaucoup de gens en parlent sur internet, mais c'est dur d'avouer qu'on est à la ramasse – et tout vous revient en mémoire, vous vous rendez compte que ça a avancé pour Bethany, alors vous cliquez au hasard sur des choses illégales sans en attendre rien, et quand la musique commence, vous vous stoppez dans vos activités, parce que, oh! C'est bien!


Sauf que là, c'est vous lecteurs malins qui me stoppez dans mon argumentation parce que vous êtes en train d'écouter le morceau que j'ai mis dans le player au dessus et vous tirez sur ma manche en me demandant avec un rictus qui ne vous va pas du tout "mais, heu, c'est du shitgaze ça un peu non? On dirait du Vivian Girls... et plus personne n'écoute les Vivian Girls depuis au moins QUATRE MOIS". Vous avez raison (même si Best Coast a eu la bonne idée de vendre sa pédale de réverbération). Mais écoutez mieux ce morceau, "In My Room" extrait de l'e.p. "Make You Mine", sorti y'a un peu plus d'un mois. Certes, c'est deux accords au son dégoutant et à la Jesus & Mary Chains qui tournent en boucle, eux qui voulaient déjà refaire le Wall of Sound de Phil Spector mais avec des pédales de distortion. Mais ne sous-estimez jamais le pouvoir de certaines suites d'accords utilisées par à peu près tout le monde : si c'est le cas, c'est parce qu'il y a une raison. Et quand dessus, une fille lance des "Whaaaaaaaaaa" surpuissants en vous racontant qu'elle a un petit monde à elle où tous ses soucis s'en vont et où elle peut raconter ses secrets, et que ce monde, ce n'est rien d'autre que sa chambre, c'est un peu comme chez Girls il y a quelques mois, il y a un sentiment adolescent ultime, la sublimation de sentiments minables dans une musique aussi naïve que le sourire d'un pubère avec un appareil dentaire. Et si à vivre soi-même, c'était absolument affreux, à écouter, ça semble magnifique et déchirant. Peut-être que la musique dite garage de notre époque n'est finalement qu'une grande bande-son faite par des post-ados fatigués pour des post-ados fatigués et rien de plus. Quoiqu'il en soit, la musique de Best Coast, c'est celle de l'été qui ne finit jamais, mais de l'hiver qui n'est jamais vraiment loin non plus, et sur la petite discographie en constante construction de ce one-man-band à géométrie variable, il y a déjà des petites perles qui n'annoncent rien, pas même un hypothétique premier album qu'on attendrait comme le messie, non, qui n'annoncent rien d'autre qu'elles-mêmes et des écoutes en boucle.


The Sun Was High (So Was I)

Rien que sur le tout premier single éponyme déjà sold out, il y avait ce morceau The Sun Was High (And So Was I) (plus qu'un titre : un programme) qui était une petite perle de lo-fi qui pourrait durer des heures. Évidemment, les influences sixties abondent, mais paradoxalement, ce morceau ferait presque penser à du Pocahaunted dans sa répétition extrême, sa composition qui sent le soleil de la Côte Ouest et ses guitares électriques molles, et le point fort de Best Coast est là : ses morceaux ne sont pas seulement des pastiches, ils ont cet aspect de transe douce et moite qui fait qu'on a envie d'y revenir, de plonger dedans, encore et encore. Forcément, quand on tombe ensuite sur une reprise un peu plan-plan de Lesley Gore et de son terrifiant morceau That's the way boys are (circa 1964) dont les paroles donnent envie de relire Le Deuxième Sexe, ça marche moins bien, on s'ennuie même un peu. Mais les morceaux enthousiasmants le sont assez pour ne ressentir aucune déception ou lassitude. On en viendrait à se demander si les meilleures compositions ne sont pas des essais ratés de pop 60's qui auraient justement gagnés en originalité grâce à cet échec. Sur le petit e.p. au son plus propre (enfin bon...) qui a suivi, "Make You Mine", c'est les voix des Shangri-Las qui sont convoquées sur le morceau-titre, accompagnées par des petites guitares complètement rétrogrades et une profusion de "ohhh baby" qui en agacera certains mais réjouira ceux qui cherchent des petits tubes instantanés, ce que les 4 morceaux de cet e.p. - un des meilleurs de l'année - sont, assurément.

Où va Best Coast? Tout cela ne serait-il pas une hype honteuse et absurde? Aucune idée. Ce n'est pas le dernier single sorti chez Black Iris il y a un peu plus d'une semaine qui pourra nous renseigner clairement : When I'm With You en face A est une charmante chanson retro qui joue beaucoup plus sur le terrain des néo girls-band garage, mais avec non seulement plus de talent et moins de reverbération (dieu merci), mais avec un côté faussement shoegaze qui nous rappelle que finalement toute la pop se mélange, et que désormais, les musiciens pompent partout, réunissent n'importe quoi. C'est peut être un peu moins convaincant, il est encore trop tôt pour se prononcer, Best Coast n'ayant même pas un an d'existence. Best Coast, juste un énième pastiche qui ne mène vers rien ? Ce n'est pas tout de suite que l'on pourra trancher la question. En attendant une réponse dans une profusion de singles inégaux ou un probable premier album, il nous reste une bonne poignée de chansons pop et ensoleillées qui offrent à notre saison éternuante de beaux moments de bruits blancs qui réchauffent.





Emilien

5 commentaires:

  1. Le moins qu'on puisse dire est que c'est laaaargement mieux que Pocahaunted. Je trouve ça pas mal, mais je demande à voir sur la longueur d'un album, comme toi en fait.
    Cela dit ça reste très proche de la vague shitgaze et qui l'eut crû, tu as fait un bout de chemin depuis l'article sur le genre qui le démontait pas mal :D

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  2. Ahah, oui, et pourtant l'avis sur l'ensemble du mouvement est assez similaire. Mais l'important, c'est d'assumer ses contradictions hé!

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  3. "Quoiqu'il en soit, la musique de Best Coast, c'est celle de l'été qui ne finit jamais, mais de l'hiver qui n'est jamais vraiment loin non plus, et sur la petite discographie en constante construction de ce one-man-band à géométrie variable, il y a déjà des petites perles qui n'annoncent rien, pas même un hypothétique premier album qu'on attendrait comme le messie, non, qui n'annoncent rien d'autre qu'elles-mêmes et des écoutes en boucle." oh la phrase..... -_-'

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  4. Je crois qu'il y a peut être d'autres phrases plus longues dans l'article. N'hésitez pas à les relever qu'on puisse faire un genre de concours!

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  5. Longue, ça me dérange pas, mais en l'occurrence celle-ci est un peu difficile à comprendre. Sans ça l'article est super!

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