C'est entendu.

mercredi 17 mars 2010

[Vise Un Peu] Gorillaz - Plastic Beach

Pfff. Il y a tellement de choses qui ne vont pas avec cet album que l'on ne sait par où commencer, qu'il faut faire attention de ne rien laisser de côté lorsqu'il s'agit de faire la triste liste des erreurs. Au préalable, rappelons les faits brièvement : Damon Albarn, ce héros, avait débuté le projet Gorillaz en 1998 avec le dessinateur Jamie Hewlett en charge du look de ce groupe imaginaire. Profitant de la mise en sourdine de Blur, ils avaient sorti à l'orée du millénaire un premier essai curieux, mystérieux, mais d'une efficacité redoutable, mêlant dub, hip-hop et rock et sur lequel on trouvait des tubes interplanétaires auxquels des clips brillants ajoutaient un pouvoir d'hypnotisme supplémentaire. 4 ans plus tard, doublé avec "Demon Days", sorte de monument de musique populaire moderne fatigué où des synthés régressifs croisaient avec un naturel désarmant des violons et chœurs gospels. A la clé, encore des singles cultes, des séries de concerts acclamés qui consacraient définitivement Gorillaz en tant que projet musical aussi passionnant que grand public. D'une certaine façon, Gorillaz élevait le niveau de la pop, avec des tubes qu'on pourrait presque qualifier d'alternatifs. Il faut bien voir que c'était pour Albarn une espèce de grande machine à faire de la pop avec invités dans laquelle il mettait ses influences variées, les imbriquait avec plus ou moins de désinvolture pour en faire quelque chose d'autre qui gardait de la cohérence. Si aujourd'hui nous subissons ce "Plastic Beach," ce n'est pas parce que la machine est cassée. Non, la pop est là, et c'est comme l'a dit Damon la chose "la plus pop qu'il ait jamais faite." Le problème, c'est surtout qu'il a accumulé beaucoup de choses très laides lorsqu'il a produit ses chansons, toutes plus ratées les unes que les autres, mélanges mal fichus et sans cohérence d'ambiances vulgaires, et tout ce qui fonctionnait auparavant semble avoir décidé d'échouer.

Premier constat alarmant : "quid des tubes?" Quel étrange album vraiment. A l'issue de ces 16 morceaux, aucun ne ressort de manière franche, tout à l'air vague, quelconque, à l'image de Stylo, non-single bizarre à la basse plus agaçante qu'entêtante et où la participation de Bobby Womack est à la limite du supportable, entrecoupé par un Mos Def inutile. C'est à l'image des participations de la quasi-totalité des invités d'ailleurs : c'est terrible de rassembler tant de monde et de si mal les utiliser. Paul Simonon et Mick Jones sur le morceau-titre ? Génial ! Pour faire quoi ? Une ligne de basse simpliste à la fin et quelques notes de guitare qu'ils ont enregistrées en une journée. C'est tout ? Eh bien oui, le reste (des synthés plutôt cool) est ruiné par un final bâclé avec des voix pitchées. Et Mark E. Smith, ça risque d'être fameux sa participation non ? Non, Damon veut simplement un alcoolique pour chaque album maintenant, et c'est donc une tentative pour refaire comme Shaun Ryder sur DARE, sauf qu'il ne fait que beugler deux-trois fois dans le fond d'un instrumental encore moins passionnant que le dernier Daft Punk. Rendez-vous compte, il y a tellement d'invités mal employés partout qu'il faut attendre le quatrième morceau pour enfin entendre Damon chanter sur Rhinestone Eyes, et l'on serait presque prêts à oublier que sa voix fatiguée passée sous pré-ampli fait redite tant on est content de l'entendre enfin. Ça n'empêche pas ses couplets d'être fades ceci dit.

(On Melancholy Hill)

L'autre énorme problème, ce sont les parties hip-hop. Alors qu'on peut encore se souvenir par cœur de la participation de Del Tha Funky Homosapien sur Clint Eastwood, les featurings rap ici sont corrects au mieux (à l'exemple de Mos Def sur le trop long mais un peu cool Sweeptakes, en écoute à gauche) et affligeants au pire comme ce morceau introductif sur lequel un Snoop Dogg erre en pilote automatique sur un vieux beat moisi et ose sortir quand même en guise d'entrée "The Revolution will be televised" (bien vu mec, un vieux trait d'esprit déjà fait 300 fois !). Tout sombre dans la médiocrité, comme ce Superfast Jellyfish qui fait de son mieux pour jouer le jeu d'un peu hip-hop alternatif avec ses samples, ses flows rigolards (De La Soul, vous savez faire mieux que ça) et son refrain pourri qui sonne comme un jingle, mais échoue complètement pour donner 3 minutes de non-sens vaguement chiant.

En se plongeant dans une espèce de délire les-80's-revues-par-les-00's, c'est comme si les morceaux étaient devenus creux pour coller à notre époque où la pop devient de plus en plus pauvre, tout ça pour faire à tout prix du tube FM circa 2010. Soudain, l'incompréhension désagréable qui peut vous envahir à l'écoute de n'importe quelle horreur lobotomisante régurgitée par les radios s'applique à Gorillaz. C'est toujours pop. Juste de la mauvaise pop. Broken sonne comme un essai r'n'b ringard et On Melancholy Hill est complètement à la ramasse avec ces claviers sautillants dont OMD n'auraient pas voulus et surtout ces suites d'accords téléphonées qui n'appellent aucune mélancolie, à part celles du temps où Damon faisait mieux. Il ne semble pas trop savoir où aller ni comment regrouper ses idées : on passe de cordes libanaises à une boite à rythme sans que la transition ne soit pertinente ou réussie. Entendre Empire Ants muter de ballade mignonne en un énième essai de groove 80's sur lequel vocalise une fille lambda, c'est triste. Et c'est là que l'absence d'un producteur comme Danger Mouse se fait cruellement ressentir. "Plastic Beach" est un gros bordel qui ne sait pas où il va et qui y va n'importe comment. Seule espèce de continuité, ce vague thème sur la défense de l'environnement, déjà présent dans "Demon Days." Mais d'une certaine manière, avec ses paroles écologistes qu'accompagnent des synthés plastiques qui mettront sans doute eux aussi un millénaire avant de se désintégrer enfin, "Plastic Beach" est un album très ironique, participant à une espèce de pollution musicale qu'elle dénonce indirectement, un peu comme faire de la prévention environnementale avec un hélicoptère. Tout est figé, bourré de pétrole traité, aussi beau qu'une zone industrielle en proche banlieue. Peut être était-ce le concept ? Il est tenu sur toute la longueur, en effet.

(Some Kind Of Nature avec l'ami Lou)

Oh, tout n'est pas à jeter non plus. Il y a quelques petits éclairs de raison comme le formidable Some Kind Of Nature Lou Reed, venu de nul part, est absolument impérial. Et puis il y a l'épilogue (enfin, le dernier morceau officiel, parce que dans certaines des 5 versions différentes de l'album qui sont sorties, il y a aussi des bonus tracks qui servent principalement à prendre votre argent), Pirate Jet, avec son beat un peu crasseux à la Nightclubbing, son synthé infecté et sa nonchalance cool, consolation un peu dérisoire, où Damon chante, désabusé, "It's all good news now", et fait soudain mouche, en dernier recours, comme si à la fin, il avait pigé comment utiliser tout ce qu'il avait à disposition, montrant que son talent est toujours là, juste gâché, et le tout de s'éteindre doucement dans un long fade out qui laisse place à un silence de mort et l'envie presque physique d'écouter autre chose pour oublier ce grand trop-plein de vide. En fait, ce n'est pas tant que "Plastic Beach" est affreux. C'est surtout un album profondément déplaisant que l'on a pas envie de réécouter.




Emilien.

17 commentaires:

  1. Et bim. Tant pis pour lui.

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  2. qu'est-ce que "Some Kind of Nature" a de mieux que les autres ?!

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  3. C'est simple : un Lou Reed au top niveau (quand il lache "and proooteectt the giirrlss", c'est assez parfait) une composition plutôt réussie avec une mélodie dans le couplet qui dépote, des sons synthétiques enfin utilisés à autre chose que ruiner les morceaux, en bref un certain sens de la pop qu'on aurait voulu entendre sur tout les morceaux.

    D'une certaine manière, ce morceau, c'est ce qu'aurait dû être Plastic Beach.

    La déprime.

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  4. c'est vrai "Some Kind of Nature" est tellement fin et intelligent que tout le reste à coté : bah c'est fade quoi !!! Bien vu Émilien.

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  5. Je la trouve vraiment laide Some Kind of Nature, surtout juste avant le refrain là.. baaaaaaaaaaaaaaaaah !!! C'est sans doute le moment le plus hideux de l'album. La boîte à rythme au début, c'est aussi quelque chose que je m'attendais pas à retrouver dans un morceau de gorillaz ou de n'importe quel groupe en 2010. C'est laid laid laid...

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  6. djeep : Ahahah.

    anonyme : et tu aimes autre chose dans cet album cher anonyme ou c'est juste un gros rejet massif? pas que je sois pas d'accord hein, juste pour savoir.

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  7. Oui parce que ce genre de batteries, y'en a toujours eu dans gorillaz de toute manière. Ensuite y'a des trucs avec lesquels il est difficile d'être en désaccord : Some Kind of Nature est beaucoup plus sobre dans son utilisation des synthés que tout le reste de l'album et sa composition est quand même plus fine que le refrain goofy pas possible de Superfast Jellyfish ou que la ballade affreuse On a Melancholy Hill, non ?
    Ensuite qu'on aime ou non la prestation de Lou Reed, au moins ça change de Damon Albarn en auto-parodie de Demon Days ou les featurings grotesques (Bobby Womack, wuut ?). Moi je trouve ça dégoulinant de cool.

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  8. je trouve juste ça effroyablement laid, je saurai pas l'expliquer. Le passage avant le refrain là, quand le chant de Reed est coupé, haché, c'est l'un des trucs les plus ignobles que j'ai écoutés dernièrement (faut dire qu'en général j'évite d'écouter des trucs susceptibles de me faire cet effet là.... quoique je sois parfois étonné dans mes découvertes, évidemment, ça reste rare !).
    Je connais pas super bien l'album, après ; comme tu le soulignes, il n'y a pas de "tubes", et je l'ai tout de suite remarqué. Or, c'est ce que je recherche bêtement dans un album de Gorillaz. Là y'en a pas, donc j'écoute pas bcp, voilà tout, y'a rien qui accroche mon oreille. :)
    Et c'est pas un "rejet massif" car j'attendais pas grand chose de ce disque (je suis pas fan number one de Damon Albarn, très loin de là ; et comme je l'ai déjà un peu dit, j'aime bien les disques précédents de Gorillaz juste par leur "potentiel tubesque" -c'est pas suffisamment un genre de musique qui me plaît pour que j'aille voir si y'a quelque chose au-delà de ça-). Je dirai plutôt que c'est une petite déception, et en tout cas une mauvaise surprise, car je me disais qu'une chose était sûre : y'aurait au moins quelques tubes dans cet album, des trucs qu'on écoute connement en boucle parce qu'ils sont redoutablement efficaces. Là il y en a visiblement pas... Mauvaise surprise, donc, mais rien de plus. Si je devais noter l'album sur 5 je lui mettrai surement une note supérieur à celle de la chronique, justement parce que je n'ai pas cet amour à la base pour Albarn et cie, et donc ma déception n'est pas à la hauteur de celui-ci. C'est un album assez quelconque, tristement banal, où rien ne ressort spécialement. J'y mettrai 2/5. Voir 2.5/5. Mais 2.5/5 n'est-elle pas la pire note possible pour un album ? C'est ni révoltant de nullité, ni un peu bon, c'est complètement médiocre, dans le véritable sens de ce terme. Je peux le mettre il me dérangera pas (encore que, faudrait pas que je l'écoute avec trop d'attention ! en faisant autre chose quoi...), mais je finirai surement par me dire "ptain pourquoi t'écoutes ça ?".

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  9. À première écoute, j'ai arrêté au milieu de 'Rhinestone Eyes' - trop de rap, pas convaincant, manque d'identité (comme tu dis, ça sonne cher et anonyme), et même cette première chanson avec 2Damon m'a paru naze.

    Ma deuxième écoute était plus cool. J'aime 'Plastic Beach', 'Stylo' et 'Pirate Jet', et j'ai même trouvé un truc cool à 'Rhinestone Eyes'... ceci dit c'est toujours pas assez pour me faire aimer l'album.

    Mais je retenterai le coup à l'occasion. Il paraît que c'est vraiment un album qui s'améliore avec les écoutes.

    Donc j'ai pas encore d'avis définitif.

    En fait ça m'a surtout donné envie de réécouter les albums précédents de Gorillaz! - le premier est brouillon (je zappe pas mal de pistes... y compris les singles, 'Rock the House' ne rocke pas du tout); Demon Days par contre est vraiment bien. <3

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  10. Jlui mets 2/5 aussi, mais j'aime beaucoup la critique d'Emilien qui est bien marrante (ce paragraphe sur l'écologie !).

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  11. C'est tellement dommage de passer à côté d'un disque si radical et sublime... "Plastic Beach" n'est pas un album qu'on met en fond sonore le nez dans son verre et les oreilles à moitié occupées par des banalités mondaines. C'est un disque qui s'écoute (au casque c'est encore mieux, tant il fourmille de bruits étranges) : "Rhinestone Eyes" a une classe folle, sa nonchalance est prodigieuse. Le biface "Empire Ants" est un putain de monument : oraison funèbre puis dance-floor poisseux, vous n'avez jamais entendu ça. La fragilité de "Broken" est bouleversante, la romance hawaïenne "To Binge" réussit à émouvoir tout en étant incongrue, "Plastic Beach" invente la bande-originale d'un western psychédélique et venimeux... Il n'y a rien à jeter dans l'album, simplement il demande de l'auditeur un certain effort. C'est de la pure pop dans son cadre (les chansons tournent autour de 3min) mais de l'anti-pop dans son contenu (constructions bizarres, influences plus souterraines tu meurs, arrangements singuliers). Les crossovers sont particulièrement audacieux et intéressants : électro minimale et musique moyen-orientale sur "White Flag", hip-hop et jazz de carnaval sur "Sweepstakes", soul et musique classique sur "Cloud Of Unknowing". Si vous voulez des tubes jetables, écoutez Two Door Cinema Club ou je ne sais quoi... "Plastic Beach" est comme le "White Album" des Beatles : foisonnant, déroutant mais finalement génial. C'est un disque qui se mérite, qui s'apprivoise, qui se révèle un peu plus prodigieux à chaque écoute. On en reparle à la fin de l'année... ou dans dix ans.

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  12. Belle contre-critique anonyme, avec des arguments oui, j'aime beaucoup ça. Je ne suis vraiment d'accord avec pas grand chose, tant Plastic Beach est pour moi vraiment un très mauvais album qui se saborde avec des idées horribles (le "dance-floor poisseux" de empire ants est pour moi un véritable supplice) et qui n'apparait vraiment pas comme radical, au contraire à la rigueur des premiers albums de gorillaz, mais je dois dire que sur certaines choses (le côté audacieux de certains mélanges, le côté très pop) je ne peux qu'approuver.

    Sinon, en reparler dans 10 ans, je dois dire qu'on m'avait déjà dit ça à propos du dernier album de julian casablancas, et ce n'est pas vraiment quelque chose auquel je crois ahah.

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  13. Un album de bsides de merde!!! pfffffffff quelle déception!!

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  14. Bon, n'oublions pas que la critique reste subjective, et que chacun ne reçoit pas la musique de la même façon...
    Pour ma part, histoire de rehausser un peu l'album qui se fait bien "pourrir" à souhaits, j'aimerais quand même manifester mon enchantement à l'écoute de cet opus.
    J'ai retrouvé le truc magique des albums de gorillaz: ce truc qui fait qu'à chaque titre, j'me demande si j'ai affaire au même groupe qu'au titre précédent. Je m'emmerde jamais , et sa m'arrive pas souvent quand j'écoute un album en entier. Je suis toujours surprise, par ces sonorités différentes, Gorillaz ne trahis pas l'univers qu'il a construit ces dernières années avec celui de Plastic Beach, mais il le nourrit d'une manière enrichissante et inédite!
    Ca n'est que mon avis, et peut importe si on en reparle dans 10 ans ou pas, aujourd'hui cet album me transporte, comme les autres, et pour moi c'est tout ce qui compte .

    yowyow

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  15. Je retire tout ce que je viens de dire. Je n'étais évidemment pas sérieux .

    yowyow

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  16. et j'étais absolument sérieuse

    la vraie yowyow

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