C'est entendu.
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mercredi 4 janvier 2012

[Vise un peu] Réflexes et Réflexions, une cartographie de la musique électronique et électroacoustique en 2011, Troisième Partie

James Ferraro - Far Side Virtual

Le moins étonnant de la part de cet ex-membre du duo The Skaters (spécialiste des drones et bruits en tous genres), c'est qu'il ait aisément déniché un public de niche (*) pour sa musique, parce qu'en dehors de ça, il eut été balaise d'anticiper le style qui serait le sien avec ce nouvel album. "Far Side Virtual" repose sur l'idée selon laquelle il est possible de créer une musique viable à partir de samples exclusivement tirés de bandes sonores de logiciels d'usage commun (Skype, Windows, etc) et surtout de la franchise vidéoludique The Sims. Le résultat est un objet kitsch à la limite du tangible, une pièce pour laquelle le metteur en scène n'aurait pas dirigé des acteurs mais des cartes Panini, des idées, des sons imaginaires, un objet virtuel post-moderne.




(Écoutez l'intégralité de "Far Side Virtual")

Outre l'évidence de la critique (ou plutôt constatation) du tout-digital/tout-virtuel, on hésite entre interpréter la musique résultante (une chaine de collages plus ou moins réussis) comme une bonne blague ou plutôt comme une sérieuse tentative de dépasser le concept et d'atteindre une respectabilité new-new-age. Tout bisounours que soient les morceaux, il leur arrive de toucher à quelque chose d'étonnamment palpable, compréhensible, voire de vivant. Une invraisemblable chimie concrétisée à partir de trois fois rien, et qui à elle seule vaut que l'on ne traite pas Ferraro comme un simple publicitaire en quête de reconnaissance. Raisonnablement, cet élan compositionnel ne déchainera pourtant aucune foule, même une foule de niche, tant on a l'impression passées quelques pistes de tourner en rond (ce qui fait probablement partie du dessein conceptuel de Ferraro). On se prend alors à repenser aux compositions d'il y a quelques semaines de Daniel Lopatin (Oneohtrix Point Never), dont la visée était analogue mais qui se révélaient bien plus émouvantes, complexes et travaillées. De la différence entre un compositeur et un petit malin.


Joe Gonzalez










Rustie - Glass Swords

Une chose est sûre, Warp ne se laisse pas vieillir. Le label anglais ne manque jamais de nous servir de belles sorties mais cette année, il aura proposé, avec Rustie, un étalon de la musique électronique à tendance populaire. Oubliez le concept d'intelligent dance music (ou "idm", un terme qui a plus ou moins été défini par les premières sorties du label, il y a plus de vingt ans), il n'y a rien d'intelligent dans la dance électronique de Rustie, c'est un amas de couches plutôt grasses de sons plutôt gras, un bouillon de culture dont la recette barbare avait déjà été testée par d'autres (Hudson Mohawke, en 2009 sur le même label, par exemple) et que certains critiques (Simon Reynolds le premier) ont définie comme du "maximalisme digital". Le terme est approprié pour décrire cette tambouille sonore faite de bric et de broc synthétiques empilés jusqu'à plus soif comme dans une bataille sans relâche contre le silence.


(Ultra Thizz)

Saluer le mouvement (quelle que soit sa direction) n'exclut pas d'en critiquer les atours et force m'est de constater que le maximalisme (en général) fait rarement bon ménage avec l'idée de violence qui me semble nécessaire pour qu'un mouvement ne soit pas qu'une mode. La critique par la surenchère du monde digital nous entourant (telle que peut la proposer James Ferraro) ne semble pas être ce qui sous-tend "Glass Swords" et le premier degré de cette avalanche de sons tous plus écoeurants les uns que les autres, toute tournée vers l'avant qu'elle soit, m'apparait davantage comme un exercice de style intéressant que comme une passionnante direction à suivre. Une fois l'intérêt clinique dissipé, il ne reste malheureusement plus qu'un monstre sonique en perpétuelle mutation, dont la durée de vie ne dépassera pas le stade de l'éphémère curiosité.


Joe Gonzalez








Tenkah - Feddy EP

Tout a commencé avec le duo The Noizy Kids (deux jeunes du Sud de la France) qui s’est finalement séparé fin 2009 pour donner naissance à Tenkah, autour du membre restant Joan Laudric. Cela fait quelque temps déjà que Tenkah a commencé à faire parler de lui sur la toile, en particulier grâce à des remixes de Radiohead ou Mondkopf. Après "Stalingrad" et "The Walk", il démontre à nouveau son talent avec "Freddy", un nouvel EP dont le bel artwork est signé LeBureau92.

Disons-le tout de suite, Nocturne est le morceau essentiel de l’EP. Violons et piano offrent un préambule orchestral du plus bel effet, avant que les beats ne viennent frapper avec force et explosent en éclats de verre. Tenkah cisèle et martèle une électronica puissante et céleste, glitchée, flirtant souvent avec l’IDM.


(Nocturne (Original Mix))

Vient ensuite Freddy avec le chanteur Loris, un morceau abouti, qui ajoute une tonalité hip-hop à l’ensemble. Après une version instrumentale de Freddy ce sont cinq remixes bien ficelés qui achèvent l’EP. L’un sort clairement du lot, le dernier, par le bordelais Mindthings, qui s’empare du morceau éponyme pour le transporter vers une electronica profondément onirique. Tenkah offre ses morceaux en téléchargement libre, qui plus est. Allez jeter une oreille sur son Soundcloud, et arrêtez-vous par exemple sur Harmonie, petit bijou urgent et bouillonnant taillé pour la piste de danse.


Aurélie Scouarnec







BONUS : Le sixième et dernier volet des compilations Origami Sound est en téléchargement libre depuis novembre dernier. Le premier morceau de Borealis (Jesse Somfay) est un diamant d’électronica glacée et rythmée par les résonances d’un électrocardiogramme. Magie.



(*) : nommément les amateurs de neuf à tout prix, et par exemple la rédaction de The Wire.