C'est entendu.
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jeudi 5 mai 2011

[Vise un peu] The Feeling of Love - Dissolve me

Pour une célébration des tout-droit qui s'envolent

Célébrons ensemble la nouvelle sortie du label Born Bad (Cheveu, Frustration, etc), célébrons-la parce qu'elle réunit tous les ingrédients qui en font un super disque des premières chaleurs.

D'abord, il y a la pochette vraiment cracra qui fait le job : la première impression est la bonne, on sait ce que l'on s'apprête à écouter avant de poser le disque sur la platine et ça tombe bien parce qu'on n'avait absolument pas envie d'être surpris. Le serpent que l'on voit double, les fleurs en tous sens et les gamins kiffant la vibz sont mis pour le psychédélisme auditif et le montage craspec, la monochromie et la laideur implicite sont la caution du garage rock terre-à-terre, celui qu'on aime, aussi.


(I am the road)

Dégainons ensuite notre colt-à-bravos pour flinguer gaiement Guillaume Marietta, le cerveau de l'affaire, qui s'échine depuis plus de cinq ans à faire vivre The Feeling of Love (un patronyme lourdingue mais naturellement choisi), d'un label à l'autre, et qui en s'entourant de Seb Normal (batterie) et Seb Joly (aux claviers, ex de A.H. Kraken, comme Marietta) et en signant chez Born Bad, est parvenu, enfin, à atteindre, si ce n'est "le grand public", tout du moi nous autres passionnés. Enfin, moi en tout cas puisque j'ai dégoté l'album... chez Born Bad la semaine dernière, et donc vous puisque le moment est venu de vous envoyer les meilleures chansons du lot, qui devraient vous convaincre si vous avez tant soit peu d'affinité avec ce genre de son de vous vautrer les uns sur les autres au niveau du comptoir de vos disquaires.


(Numboy)

Pas fastoche non plus d'enregistrer du garage en 2011 sans sonner ringard, à côté de ses pompes ou dépassé, mais le plus dur est d'aller encore plus loin et d'en profiter pour faire un bon disque et la solution n'a jamais changé. Elle était déjà la même quand les 13th Floor Elevators beuglaient, elle n'avait pas varié 30 ans plus tard alors que le Brian Jonestown Massacre ressuscitait les morts et jusqu'à l'an dernier, les Black Angels suivaient encore la même règle : il faut de bonnes chansons. Et ça, Marietta sait faire. Il y a d'abord un hit, un tube, un hymne absolu, un de ceux de ma génération et peut-être de la votre aussi, de ceux qui chantent à tue-tête les "I need to sleep" de Stephen Malkmus depuis 1994 comme s'il s'agissait d'un chant de guerre, de ceux qui hurlent comme si ça servait encore à quelque chose les "Too too too too too too too too laaaaate" de Colin Newman piqués à nos parents qui n'en voulaient pas et préféraient le disco. La chanson s'appelle We're out of tune ("on est désaccordés") et elle n'est pas que du garage rock. Loin de là. C'est plutôt une nouvelle leçon de ré-interprétation du passé (en l'occurrence du son des 13th Floor Elevators) en le métissant (avec l'indie rock ricain des 90's) et en le ramenant à l'essentiel pour plus d'efficacité : un refrain fédérateur, amené comme il faut par des choeurs légers et des guitares arides et sales : WE'RE OUT OF TUNE et on y croit. C'est un peu faux, pas trop mais un peu. Ne serait-ce que le concept de créer un hymne (mais Marietta sait-il seulement à quel point il a planté un clou mythologique ?) sur du garage rock en 2011, c'est "faux", ça ne sonne pas juste. Et pourtant qui n'aurait pas envie de crier, un peu à côté pour que ça soit un peu faux, ces quelques mots si forts de sens ? Car on rétorquera probablement que chercher du sens là-dedans relève du Quichottisme et je devrai alors rappeler que tout au long du disque, Marietta (dont l'accent anglais est particulièrement incritiquable, et c'est une plus-value certaine) ne fait pas que chanter pour animer son rock, non, il a deux ou trois idées et notamment celle de convaincre ses auditeurs de l'écouter, parce qu'il a raison et eux tort, parce qu'il est LA ROUTE (I am the road est d'ailleurs une merveille de bruit psychédélique avec ses trémolos virevoltants) et qu'il a beau être vieux et avoir le spleen, il chante du sixties garage rock'n roll (Empty trash bag) et eux, les auditeurs, ne font rien. Je craque toujours facilement quand un mec encourage les autres à se bouger le cul et à faire au moins autant que lui, c'est à dire pas grand chose mais pas rien. Je fonds pour ces gars-là, qu'ils le fassent avec grandiloquence et expérimentation comme Duck Feeling, avec flemme et orfèvrerie comme Girls ou avec fougue et hargne comme The Feeling of Love.

Depuis 2006, The Feeling of Love a aussi sorti deux autres albums, des singles, des EPs, de quoi fouiller pour les plus curieux. Je n'ai pour ma part rien écouté de tout ça au moment où j'écris ces lignes mais d'un autre côté, j'ai découvert l'existence du groupe la semaine dernière, foutez-moi tranquille !

Les bonnes chansons, c'est une chose, la diversité c'est quand même un minimum et à côté des exemples pré-cités, vous avez du bruit plus simple, du bruit tout-droit, quasiment du stoner rock selon la définition du dico des rock critics, avec un truc comme Numboy, qui déroule sans presque jamais s'arrêter. Et puis des passages noisy très réussis (le début de 666 blank girls), du psychédélisme fastoche (Cellophane face), et toujours ce juste milieu entre la tension, la rage et la sueur d'un côté et le talent de Marietta pour le songwriting (les refrains, les mélodies et le choix des pédales d'effet ne souffrent d'aucun faux pas, AUCUN). La cerise sur le gateau, inattendue d'ailleurs, c'est cette mise en musique d'un texte de Gainsbourg (Là-bas c'est naturel) que le trio se réapproprie façon New Delhi avec la même naïveté qu'Anton Newcombe lorsqu'il enregistrait "Give it Back".


(Là-bas c'est naturel, le cool façon Bollyrock)

Je vais être clair avec vous. Ça n'est peut-être pas aussi novateur que Cheveu, mais c'est encore plus savoureux, mieux écrit et facile à assimiler. Il n'y a d'ailleurs pas à comparer, il vous faut les deux LPs et c'est en outre la principale raison pour laquelle je ne vous ai pas proposé d'écouter We're out of tune (que vous DEVEZ écouter au plus vite, je le rappelle) : achetez-vous le disque ! On a la chance d'avoir ce genre de talent près de chez nous (ils viennent de Metz) et que leur (troisième) album soit relayé par l'un des plus chouettes labels indés français en CD ou LP (à 13 euros !) et vous vous en priveriez ? Achetez ce disque d'ici la fin de la semaine ou bien allez vous faire foutre, plus personne ne peut rien pour vous.



Joe Gonzalez

lundi 11 avril 2011

[Vise un peu] Cheveu - 1000

Le Rock n’est pas mort et ce constat n’en finit pas de me stupéfier. On pense que c’est fini, qu’il est peut-être temps de passer à autre chose, que le reggae et le jazz c’est bien aussi, pourquoi ne pas mettre des cravates finalement et regarder l’athlétisme le dimanche à la télé, puis heureusement une poignée de groupes émergent du néant pour nous ramener à la raison. Il faut cependant nous rendre à l’évidence sur un point : après plus de soixante ans d’évolutions, bifurcations, revivals de plus ou moins bon goût et régressions jouissives, la liste des noms à disposition s’amenuise dangereusement. D’où Cheveu. Après la vague des "The" en début de décennie dernière et la saturation sur-consommée de l’adjectif "Black" peut-être entrons-nous dans l’ère des dénominations capillaires. Une situation à méditer.


(Like A Deer In The Headlights
)

Par chance Cheveu a pour lui autre chose que son nom, à la différence de glorieux ancêtres tels que les cultes Question Mark And The Mysterians. Le groupe évoque énormément Liars dans sa façon particulière de marier l’apocalypse à une certaine légèreté. Signés chez Born Bad Records, ces mecs nous ont pondu un album qui présente d’étranges similitudes avec un carton d’invitation gaiement serti de dessins d’enfants dans l’intention de promouvoir un suicide collectif. Le tout avec une nonchalance absolue. On navigue à vue entre chansons à hurler en concert, hymnes à la gloire de Charlie Sheen et morceaux lourds psalmodiant des diatribes incompréhensibles. La meilleure illustration de cette ambiance ironique et désespérée est entièrement contenue dans un morceau issu d’un enregistrement isolé, C'est ça L’amour, pour lequel je ne parviens toujours pas à affirmer si David Lemoine nous fait part de sa félicité ou de sa désillusion la plus totale devant ce truc dont ils parlent tous là, l’amour. Où l'on hésite constamment entre joie et abattement devant cette ode déçue aux grands sentiments, cette blague.



Et l’album en lui-même ? Des tubes imparables (Quattro Stagioni), des morceaux à sauter contre les murs (The Return Game), de l’indus dans le propos (Ice Ice Baby) et parfois les trois mêlés (Like A Deer In The Headlights). Cheveu ose tout, enchainant les parties de basse grasses aux phrasés hip-hop avec une inventivité jubilatoire. Et autant vous prévenir dès maintenant : on entend parfois des cordes. Mais même avec cet ajout à priori particulièrement casse-gueule Cheveu s’en sort avec les honneurs, car ici on fait parfois dans le second degré mais jamais dans l’ornemental.


(No Birds
)

Si ce groupe est encore loin d’avoir sorti son "Sisterworld" malgré un potentiel répulsif semblable auprès de mes amis (bien qu'il fasse appel à cette perversité qui consiste à placer les morceaux les plus pop en début d'album pour mieux leurrer les oreilles chastes), Cheveu a l’immense mérite de faire sortir une frange du rock français de ses complexes avec ce disque protéiforme et jamais chiant.





Arthur