C'est entendu.

mercredi 26 octobre 2011

[Réveille-Matin] HTRK - Eat your heart

Je ne sais pas s'il faut le prendre comme un signe du profond malaise, de la douleur immense même, qui semble être à la mode ces temps-ci, évolution géopolitique et économique mondiale oblige (*), mais tandis que l'on se pavanait encore dans une exubérance sonore presque gênante, entre psychédélisme, hédonisme et expressionnisme new age pendant les premières années de la Crise, il semblerait que la prolongation inattendue des mauvaises nouvelles inspire de plus en plus de porteurs de mélancolie.

On a eu droit tour à tour à l'électropop glaciale de Fever Ray, aux miaulements désespérés de Grouper, aux atermoiements lancinants du label Pendu Sound (aTelecine et Chelsea Wolfe), aux plaintes de Carla Bozulich (Evangelista), aux cassettes lo-fi du duo Tearist, à la poésie adolescente d'EMA et bien entendu à la reprise en main par Zola Jesus du flambeau émotionnel qu'avait porté pendant des années le fidèle Jamie Stewart. La plupart de ces Cassandre étant des femmes (les hommes ne sont pas en reste mais leur façon d'exprimer le malaise est nettement moins plaintive et, disons, plus tendue, que ça soit à travers le saxophone de Colin Stetson, les machines de Oneohtrix Point Never, ou le dandysme industriel de Duck Feeling), il n'est pas très étonnant d'en retrouver une au micro du trio minimal wave HTRK.




Originaires de Melbourne en Australie, ces jeunes gens ont développé un goût prononcé pour une épure stylistique pas vraiment innocente. De leur pochette glaciale à leur fameuse photo promo dénudée en passant par l'absence de voyelles dans leur nom (HTRK pour HaTe RoCK, une exclusion qui semble être à la mode ces derniers mois puisqu'on l'a déjà vue chez plusieurs autres groupes et notamment du côté de chez SBTRKT), lequel s'affiche comme un manifeste en soi, tous les éléments semblent réunis pour faire de ces trois musiciens des esthètes un brin poseurs du synthétisme glacial que l'on nomme généralement minimal-wave. Leur premier album, "Work (work, work)" repose d'ailleurs entièrement sur cette idée esthétique, avant-même de reposer sur un quelconque travail structurel ou idéologique. On y trouve ainsi un son très particulier, une lenteur mécanique et une voix déshumanisée en guise de guide. Ce qui pourrait s'y apparenter à des raisons d'espérer s'y fait rare et ce qui prédomine sont les déclarations d'intention labellisées ou autres pavés austères dans la mare d'une drôle d'époque. Tandis que Coldplay tente de vous consoler avec un emballage attrayant, et pendant que les multinationales du genre de SuperHeavy (vous savez, ce "super-groupe" de reggae-pop-chose réunissant Mick Jagger, un des rejetons de Bob Marley et d'autres encore) se jouent de la crise, ils sont de plus en plus nombreux qui n'ont pas envie de sourire. Que cela soit par choix marketing ou par sincère mal-être, c'est une autre affaire.


Joe Gonzalez


(*) : Il y a quelques jours, j'ai rencontré un trentenaire belge qui m'a confessé ne pas avoir la moindre idée de ce qu'il pouvait bien se passer dans le Monde depuis des mois. Après l'avoir prévenu des risques encourus par quiconque souhaitant quitter la condition d'imbécile (je précise que ça n'a rien de dépréciatif, je rêve souvent de pouvoir me draper dans une innocente méconnaissance et si je le pouvais je le ferais aussitôt), de bienheureux, je répondis à sa demande et lui racontai tout. Printemps arabe, tensions au Moyen-Orient, crise financière et économique, et tout le reste. Après coup, le bougre semblait avoir du mal à digérer la somme des mauvaises nouvelles et regretter sa question.

9 commentaires:

  1. le "Printemps arabe" est une "mauvaise nouvelle" ?

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  2. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Mais ça n'est pas "gai" non plus. Ca reste des guerres, des révolutions, y'a des tonnes de morts, quoi. Et en Syrie, au Yémen, y'en a encore des tas et ça aussi je lui ai dit, et ça faisait partie du chapitre "Arab Spring".

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  3. Le printemps arabe était une très bonne nouvelle (à peu près la seule qui donnait de l'espoir cette année) jusqu'à récemment… Si ça débouche en de nouvelles "révolutions islamiques" comme en Iran en 1979, on peut se mettre à douter non ?

    (Si je dis une énormité, corrigez-moi !)

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  4. Ca sied bien à mon humeur du moment. J'aime beaucoup.
    Bon, on comprends qu'ils soient pas jouasses, apparemment le type qui boit un verre de pinard s'est suicidé l'an dernier. Maintenant que c'est un duo, ils peuvent rentrer gentiment dans la case "post-Suicide", si j'ose dire...
    La fille me fait penser à une jeune Chiara Mastroianni sur la photo. C'est un compliment.

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  5. Muammar back from the dead !26 octobre 2011 à 18:12

    Je suis pas méga gaga de la gonzesse, perso !

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  6. C'est le troisième album du groupe, pas le premier ...

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  7. Mea culpa. Cela dit c'est leur second, pas le troisième. Tant qu'à rectifier, autant le faire correctement :D

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  8. Hem , non, work (work work) est bien le 3 ieme , avant il y a Marry me tonight et Nostalgia.
    Enfin bon ce n'est pas très important. Bonne critique en tout cas.

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  9. Merci ! Je considérais "Nostalgia" comme un EP (il est assez court), d'où ma réponse :)

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