C'est entendu.

vendredi 3 juin 2011

[Vise un peu] EMA - Past life martyred saints, séjour parisien et reprises notoires

C'est lorsque Gowns a splitté, que la plupart d'entre nous avons découvert l'existence d'Erika M. Anderson et de son petit ami d'alors, Ezra Buchla. En offrant un dernier enregistrement, le fantastique et cathartique Stand and Encounter, le duo arrêtait les frais après un seul véritable album ("Red State", 2007), arrivés au bout d'une relation amoureuse et artistique beaucoup trop chaotique et tendue pour perdurer.

Un an plus tard, le premier album solo d'EMA s'est bâti sur les cendres de Gowns (à la fin de Stand and Encounter, il ne reste véritablement plus grand chose) et sur celles de la vie passée d'Erika, Sainte Martyrisée de son État, non pas la Californie qu'elle envoie se faire foutre avec son premier single mais le Dakota du Sud, surplombant le Nebraska ayant inspiré de si tremblantes chansons à Bruce Springsteen et Connor Oberst. Sans surprise, depuis le folk droné bruyant et à fleur de peau de Gowns, du chemin a été parcouru, mais la constante émotionnelle n'a pas faibli.


(Marked)

Erika n'est pas une dépressive chronique, elle n'est pas une chouineuse invétérée et elle n'a certes pas l'air désespéré sur scène. Pourtant sa musique se nourrit d'un passé difficile, celui d'une adolescente probablement battue, marquée par les épreuves et c'est à travers les mots et les sons, des sons parfois plus proches du cri que de la mélodie, qu'elle tente tant bien que mal de faire sortir ce mal hors de son crâne ("I wish I had another hole to get it out" dans Marked et dans Coda). Son monde est un clair-obscur délimité par des motifs que l'on peut entendre se répéter au fil des chansons. L'usage coupable de drogues anxiogènes ("These drugs they are making me so sad and i can't stop taking them" dans Marked et Coda), les bras ressentis non comme des vecteurs d'action mais comme de translucides traitres inaptes à laisser transparaitre la marque de l'outrage, les bleus laissés par les coups donnés ("My arms they are see-through plastic / ... / I wish that every time he touched me he left a mark" dans Marked), et tout un parterre d'expériences pas jouasses, de l'ado gothique tailladée de Butterfly Knife à la rupture difficile de Red Star en passant par Breakfast, le petit-déjeuner dont je vous laisse imaginer ce qui peut être au menu ("You can be there when it comes right off / Big fat breakfast / Big fat bluebird"). Les sujets abordés sont certes plombants mais Erika ne les traite pas avec une solennité qui rendrait l'écoute insupportable. C'est plutôt avec un recul mature et une poésie nécessaire qu'elle se détache le plus possible de l'horreur des instants relatés, voguant au-dessus de ses souvenirs et les couvrant d'insouciance et de jolies images pour se convaincre elle-même de leur fin, transformant ses cicatrices en étoiles ("Like a red star / Like a blue scar" dans Red Star), ne ressentant le gros et gras petit-déjeuner forcé que comme une brise sur sa peau ("You feel just like a breeze to me" dans Breakfast)...


(Red Star)

Comme ils font pâle figure les représentants de l'emofolkcorechose face à la subtilité avec laquelle Erika étale son passé de Martyre sans en rajouter, sans aller trop loin, parvenant pourtant à faire transparaitre son malêtre, lequel explose à intervalles réguliers en des furies sonores ou se laisse aller tranquillement, sur fond d'apocalypse tranquille, comme avec le single California, une sorte de semi spoken-word très lent donnant l'occasion à Erika de se décharger un peu de poids de ces années passées et de narguer la mort ("I'm just 22 / I don't mind dying").


(California)

Dans la droite lignée des riot grrrls des années 90, dont elle dit se sentir l'héritière guitare-en-main, sa musique prend ses racines dans le rock de ces années-là, mais forte de l'apport du folk droné d'Amps for Christ ou de Gowns et représentante de la sensibilité d'une jeune femme ayant traversé les années 00 au son du hip hop des charts, du post rock underground et des crises sociétales, elle enchaine de longues et lentes symphonies en deux ou trois actes, émotionnellement chargées (ouvrir l'album avec les 7 minutes de The Grey Ship est d'ailleurs une preuve de confiance en soi), avec des tubes qui ne s'ignorent pas. Malgré son contenu, California ne ressemble à rien d'autre et s'impose comme un single évident. Quant à Milkman, il ne lui manquait qu'un clip à la mesure de son immédiateté pop (toutes proportions gardées) pour éclater au grand jour, et maintenant que c'est chose faite, il participe d'une mise en avant de la personnalité de la jeune Erika, promise à une starification underground prochaine, au même titre qu'un Tyler, the Creator. Elle en a l'étoffe.


(Milkman)

Le 9 Mai dernier, EMA faisait la première partie de Scout Niblett au Café de la Danse, et la mèche sur les yeux, elle affichait une confiance toute relative. Entourée de trois musiciens (dont, il me semble, Ezra Buchla, qui reste malgré tout un proche et qui ne jure que par "Past life martyred saints" sur lequel il a d'ailleurs joué et chanté), Erika semblait se donner des airs de rock star en invitant le public à faire du bruit, en récompense de quoi elle inviterait le plus bruyant à la rejoindre backstage. Malheureusement, la plupart des auditeurs la découvraient alors et l'accueil ne fut qu'enthousiaste, tout comme le show ne fut pas très long, empêchant une véritable décharge d'énergie ou une explosion d'émotion(s). Rien d'étonnant pour une courte première mais on a déjà pu se rendre compte de la crédibilité de cette jeune femme et s'émerveiller devant sa chorégraphie foireuse et touchante à la fois (celle de California, la même que dans la vidéo) et on sera certainement beaucoup plus nombreux à son prochain passage.



(En marge de l'album, un premier single, celui de The Grey Ship, comporte une reprise du Kind Heart de Robert Johnson en Face B - dont vous pouvez visionner l'enregistrement d'une partie de guitare ci-dessus - et un second rend hommage à Glenn Danzig avec une reprise de Soul on Fire)

D'EMA espérons de nombreux enregistrements et qu'Erika se révèle un bourreau de travail, ce que ses débuts laissent déjà entrevoir (Marked, le cœur de l'album, a été composée lors de la première prise d'enregistrement, et conservée en l'état). Écoutez les reprises ornant ses singles et procurez-vous les enregistrements de Gowns s'il vous en faut plus en attendant, déjà, la suite de ce premier chef d'œuvre adolescent, bouillonnant et brillamment orchestré. Erika a 22 ans, elle n'a pas peur de mourir. Autrement dit, elle n'a peur de rien, sinon peut-être de vivre. Espérons qu'elle ne nous fasse pas une "Cobain" (*).


Joe Gonzalez


P.S. : ALlez faire un tour sur le site d'Erika si vous êtes curieux.

(*) : Ceci vaut aussi pour Tyler.

9 commentaires:

  1. vous tombez vraiment bas là...

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  2. Si tu ne précises pas ta pensée, elle restera lettre morte, à coup sûr.

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  3. ouais tais toi anonyme

    ça n'a presque rien à voir mais j aimerais lire une réévaluation de xiu xiu de votre part. tt le monde déteste ce groupe aujourd'hui mais leurs premiers albums sont toujours de difficiles bijoux

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  4. J'essaierai de m'y atteler alors, tant il est vrai que Xiu Xiu est l'emblème-même du genre de groupe qui quelques années après son climax mérite une réévaluation sérieuse.

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  5. Dingue comme la pochette digne d'un David Guetta ou d'un Ting Tings m'empêche d'écouter cet album.

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  6. WTF :

    http://static.rateyourmusic.com/album_images/5350b84326585f5629fb47dfb185e80b/2276236.jpg

    http://static.rateyourmusic.com/album_images/6d59c84d1b9bedcd8d3e85817f17c957/1443521.jpg

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  7. Ton premier lien n'est pas si loin !

    Non mais sérieux les couleurs sont hideuses. Je vois bien l'idée "image religieuse" mais franchement c'est raté, on dirait qu'elle est en te-boi, ambiance glossy, en semi coma, le nez plein d'coke pendant que Bob Sinclar s’apprête à la serrer DSK style.

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  8. Merci d'avoir causé de cet album en tout cas, parce qu'avec la pochette et le nom, ptêtre que je ne me serais jamais penché dessus. Là je l'ai de côté depuis un moment, je l'écoutais de temps en temps, et ce n'est que depuis quelques jours qu'il m'a entièrement conquis. Maintenant c'est un de mes albums préférés de l'année. La chanson "California" est particulièrement terrible.

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